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     Date: 19990812

     Dossier: IMM-4195-98

BETWEEN :

     KAMEL DADI;

     APPLICANT

     - and -

     THE MINISTER;

     RESPONDENT

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 14 juillet 1998 par la Section du statut de réfugié statuant que le requérant n'est pas un réfugié au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration.

[2]      La Section du statut a rejeté la demande du requérant en raison de son manque de crédibilité, notamment en ce qui a trait:

-      à ses allégations à l'effet que le Groupe islamique armé (le "GIA") aurait menacé de le tuer et de brûler sa boutique s'il ne payait pas; questionné par le tribunal à savoir pourquoi sa boutique n'était toujours pas brûlée en Algérie, le requérant a précisé que les gens de la GIA ne veulent pas se venger sur une boutique; toutefois, la Section du statut a précisé dans sa décision que justement selon la preuve documentaire, les membres du GIA brûlent les maisons et les boutiques de gens qui ne se conforment pas à leurs exigences;
-      au certificat médical déposé en preuve par le requérant, vu l'inconsistance de ses réponses à cet égard;
-      à la photo se trouvant sur son certificat médical, vu le rajustement de son témoignage tout au long de l'audition;
-      aux motifs réels de son départ de l'Algérie: de l'avis du tribunal, le requérant a voulu quitter son pays en raison des discussions qu'il aurait eues avec son ami navigateur, plutôt que pour les motifs allégués;
-      au défaut par le requérant de profiter de l'opportunité de demander le statut de réfugié aux États-Unis.

[3]      On sait qu'en matière de crédibilité et d'appréciation des faits, il n'appartient pas à cette Cour de se substituer à la Section du statut lorsque le revendicateur fait défaut de prouver que ce tribunal a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose.

[4]      Or, dans le présent cas, une révision de la preuve ne me permet pas de conclure que la décision du tribunal spécialisé que constitue la Section du statut est entachée de semblable erreur ou manquement.

[5]      Par ailleurs, le requérant reproche à la Section du statut d'avoir enfreint les règles de justice naturelle pour l'avoir entendu sans son avocat. À ce sujet, il importe de noter que l'audition devant la Section du statut avait été originalement prévue pour le 17 avril 1998; cependant, le tribunal a alors accordé un ajournement, vu le changement d'avocat du requérant. Pour accommoder ce nouvel avocat, une nouvelle audition a donc été fixée au 6 mai 1998. À cette date, le requérant s'est cependant présenté seul. Le tribunal lui accorda alors une demi-heure pour qu'il puisse tenter de contacter son avocat. Le requérant aurait alors téléphoné au bureau de celui-ci pour se faire dire par la secrétaire de procéder seul si son avocat ne se présentait pas devant le tribunal dans les 15 minutes. Quelque 40 minutes plus tard, le requérant acceptait de procéder sans son avocat.

[6]      Le droit à l'avocat est confirmé à l'article 30 et au paragraphe 69(1) de la Loi sur l'immigration:

30. Every person with respect to whom an inquiry is to be held shall be informed of the person's right to obtain the services of a barrister or solicitor or other counsel and to be represented by any such counsel at the inquiry and shall be given a reasonable opportunity, if the person so desires, to obtain such counsel at the person's own expense.

69. (1) In any proceedings before the Refugee Division, the Minister may be represented at the proceedings by counsel or an agent and the person who is the subject of the proceedings may, at that person's own expense, be represented by a barrister or solicitor or other counsel.

30. L'intéressé doit être informé qu'il a le droit de se faire représenter par un avocat ou autre conseiller et se voir accorder la possibilité de le choisir, à ses frais.

69. (1) Dans le cadre de toute affaire dont connaît la section du statut, le ministre peut se faire représenter par un avocat ou un mandataire et l'intéressé, à ses frais, par un avocat ou autre conseil.


[7]      La jurisprudence, cependant, précise que de façon générale, ce droit à un avocat n'est pas absolu. Monsieur le juge Rothstein, dans Afrane c. M.E.I. (1993), 64 F.T.R. 1, a écrit, à la page 6:

             I will take this opportunity to observe that the right to be represented by counsel is not an absolute right. It is predicated on parties and counsel acting reasonably in all circumstances. . . .                 

[8]      Dans Pilnitz c. M.C.I. (1997), 130 F.T.R. 105, madame le juge Tremblay-Lamer écrit également, à la page 107:

             La jurisprudence reconnaît bien sûr qu'une personne a le droit de choisir son avocat. Cependant, ce choix n'est pas illimité. Une personne doit choisir un procureur qui est en mesure de comparaître dans les délais fixés par le tribunal compétent [Pierre c. Minister of Manpower & Immigration and Pickwell, [1978] 2 F.C. 849; 21 N.R. 91 (C.A.F.)].                 
             Le requérant ainsi que la procureure connaissaient la date de l'audience et ne pouvaient présumer que la Section du statut accorderait l'ajournement. Dans les circonstances, je ne peux conclure à un manquement au droit à l'avocat.                 

[9]      Monsieur le juge Evans, dans son livre intitulé Judicial Review of Administrative Action in Canada1, s'exprime ainsi, au sujet du droit à un avocat:

             Although representation by counsel of a person's choice is an important aspect of the right to procedural fairness in many administrative proceedings, . . . it will not entitle a party to unlimited adjournments in order to retain counsel . . . or to accommodate counsel's schedule. . . . Nonetheless, in many instances the refusal of an adjournment to enable counsel to be retained, and to be given adequate time to prepare for the hearing, has been held to be a breach of the duty of fairness. . . .                 

[10]      Dans les circonstances du présent cas, le tribunal a, le 17 avril 1998, accordé au requérant un ajournement de sa cause jusqu'au 6 mai 1998, afin de permettre à son nouvel avocat de se préparer; le tribunal a en outre retardé le début de l'audition du 6 mai 1998 pour permettre au requérant de contacter son avocat qui ne se présentait pas; après 40 minutes d'attente, au cours desquelles le requérant a pu parler à la secrétaire de son avocat pour se faire dire de procéder sans lui s'il ne se présentait pas dans les 15 minutes, le tribunal lui a finalement demandé s'il acceptait que sa cause procède en l'absence de son avocat, ce qu'il a accepté sans réticence. Dans tout ce contexte, compte tenu des dispositions statutaires, de la jurisprudence et de la doctrine ci-dessus, je ne considère pas que le requérant, par ailleurs jugé non crédible, ait été victime d'un déni de justice naturelle ou d'iniquité procédurale. Je ne vois donc rien, sur le plan de la procédure, dans cette affaire où le requérant a eu droit à une audition complète et où il n'a établi aucun préjudice, qui justifie l'intervention de cette Cour.


[11]      Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 12 août 1999


__________________

1      D.J.M. Brown et J.M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada, Toronto, Canvasback Publishing, 1998 à la page 9-84, alinéa 9:9340.

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