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Date : 19990630


Dossier : IMM-794-98


OTTAWA (Ontario), le 30 juin 1999

EN PRÉSENCE du juge Rouleau

ENTRE :

     HOSSAIN ATAPOUR, MASTOUREH ELVAN KOUHY

     ET

     HAMID ATAPOUR ET DELARAM ATAPOUR

     (REPRÉSENTÉS PAR LEUR TUTEUR À L"INSTANCE),

     demandeurs,

ET :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     intimé.



     ORDONNANCE


[1]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


                                     " P. ROULEAU "

                                     JUGE

Traduction certifiée conforme



Suzanne Bolduc, LL.B.




Date : 19990630


Dossier : IMM-794-98


ENTRE :

     HOSSAIN ATAPOUR, MASTOUREH ELVAN KOUHY

     ET

     HAMID ATAPOUR ET DELARAM ATAPOUR

     (REPRÉSENTÉS PAR LEUR TUTEUR À L"INSTANCE),

     demandeurs,

ET :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     intimé.



     MOTIFS DE L"ORDONNANCE



LE JUGE ROULEAU


[1]      Il s"agit en l"espèce d"une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle une agente de révision des revendicateurs refusés (ARRR) a déterminé, le 5 février 1998, que les demandeurs n"appartenaient pas à la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada suivant le paragraphe 2(1) de la Loi sur l"immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.


[2]      Les demandeurs sollicitent une ordonnance annulant la décision de l"ARRR et renvoyant leur cas à un autre agent.

[3]      Le demandeur principal est Hossain Atapour. Il est accompagné de son épouse, Mastoureh Elvan Kouhy, et de leurs deux enfants, Hamid Atapour et Delaram Atapour. Ils sont tous citoyens iraniens. Ils sont arrivés au Canada où ils ont revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. Les demandeurs craignaient de retourner en Iran, en raison principalement des démêlés qu"avait eus Hossain Atapour avec les autorités iraniennes. Son épouse a aussi prétendu qu"elle avait perdu son poste d"enseignante en raison de ses opinions antigouvernementales. La Section du statut de réfugié de la Commission de l"immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté leur revendication le 3 septembre 1996 pour le motif que les demandeurs n"étaient pas dignes de foi. Les demandeurs ont alors demandé à être considérés comme des membres de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC).

[4]      Le demandeur a admis devant la Commission qu"il était devenu membre de l"Organisation iranienne des moudjahidin du peuple (OIMP) au début de la révolution islamique en 1979. Il appartenait à un groupe de voisins formé de trente membres et constituant dix cellules de trois membres. Le chef de sa cellule était Masoud Amirpanahee. Le troisième membre de sa cellule était le frère de Masoud, Ali Amirpanahee. Ils distribuaient des brochures et des cassettes audio et vidéo, ils assistaient à des réunions secrètes et ils recueillaient de l"argent pour aider les familles de l"OIMP.

[5]      Ils ont poursuivi leurs activités jusqu"en février 1987, Masoud s"enfuyant après 1987. Ali et le demandeur ont cessé leurs activités, se contentant de partager entre eux des renseignements de l"OIMP. Plus tard au cours de la même année, le demandeur a rompu tous ses liens avec l"OIMP parce qu"il n"était pas d"accord avec son recours récent à la violence.

[6]      En décembre 1987, le frère du demandeur, Ali Atapour, qui faisait partie de l"armée iranienne a déserté parce qu"il refusait de tuer des civils. En septembre 1991, le demandeur a été arrêté par les autorités iraniennes et jeté en prison à cause de la désertion de son frère. Les autorités ont cherché à lui soutirer des renseignements sur les allées et venues de son frère et l"ont interrogé sur ses convictions politiques. Elles l"ont accusé d"avoir participé à des activités armées et d"avoir tué des gardiens de la révolution. Le demandeur a été torturé et battu. Il a finalement été libéré trois mois plus tard, le 12 décembre 1991, après le paiement d"un important pot-de-vin.

[7]      En janvier 1994, la soeur d"Ali Amirpanahee a été arrêtée. En mars 1994, le demandeur a appris qu"Ali avait été arrêté en février. Le demandeur croit que ces personnes ont été arrêtées en raison de leurs activités au sein de l"OIMP. Craignant d"être dénoncé et arrêté, le demandeur s"est installé dans la maison de sa belle-mère. Le 27 mars 1994, les forces de sécurité ont fait une descente à son domicile, cassant tout sur leur passage et volant les objets de valeur.

[8]      Le demandeur et sa famille se sont cachés pendant 14 jours. Leurs comptes de banque ont été saisis et on leur a interdit de quitter le pays. Avec l"aide de membres de la famille et d"amis, ils ont obtenu de faux documents et se sont enfuis de l"Iran. Ils ont franchi la frontière du Bazargan pour passer en Turquie le 9 avril 1994. Après leur départ, la maison du demandeur et son contenu ont été confisqués par le gouvernement. Le 25 avril 1994, une assignation enjoignant au demandeur de se présenter au bureau du procureur du ministère public le 16 mai 1994 a été signifiée au père du demandeur.

[9]      La famille du demandeur est arrivée au Canada en mars 1995. Le demandeur l"a rejointe en mai 1995.

[10]      La Commission de l"immigration et du statut de réfugié a entendu la revendication des demandeurs les 22 mars et 21 mai 1996. Elle a rendu sa décision le 3 septembre 1996.

[11]      La Commission a reconnu que les demandeurs étaient citoyens iraniens et que le frère du demandeur avait déserté l"armée. Elle n"était toutefois pas convaincue, suivant la prépondérance des probabilités, que les demandeurs étaient dignes de foi ou sincères lorsqu"ils prétendaient craindre d"être persécutés, et elle n"a pas retenu l"allégation suivant laquelle le demandeur avait des liens avec l"OIMP, qu"il avait été détenu et torturé à cause de la désertion de son frère, que sa femme avait eu des problèmes à son travail et que la famille s"était enfuie illégalement de l"Iran. La Commission a en outre conclu que le témoignage de l"épouse n"était pas fiable.

[12]      En raison de ses doutes quant à leur crédibilité, la Commission a conclu que les demandeurs ne craignaient pas avec raison d"être persécutés s"ils devaient retourner en Iran.

[13]      Une fois que la Commission a rendu sa décision défavorable, les demandeurs avaient droit à une évaluation des risques pour déterminer s"ils appartenaient à la catégorie des DNRSRC. Les éléments pertinents de la définition de cette catégorie se trouvent à l"article 2 du Règlement sur l"immigration de 1978 :


"member of the post-determination refugee claimants in Canada class" means an immigrant in Canada

a) who the Refugee Division has determined on or after February 1, 1993 is not a Convention refugee, (...)



c) who if removed to a country to which the immigrant could be removed would be subjected to an objectively identifiable risk, which risk would apply in every part of that country and would not be faced generally by other individuals in or from that country,

i) to the immigrant's life, other than a risk to the immigrant's life that is caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care,

ii) of extreme sanctions against the immigrant, or

iii) of inhumane treatment of the immigrant.

" demandeur non reconnu du statut de réfugié au Canada " Immigrant au Canada:


a) à l'égard duquel la section du statut a décidé, le 1er février 1993 ou après cette date de ne pas reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention, (...)

c) dont le renvoi vers un pays dans lequel il peut être renvoyé l'expose personnellement, en tout lieu de ce pays, à l'un des risques suivants, objectivement identifiable, auquel ne sont pas généralement exposés d'autres individus provenant de ce pays ou s'y trouvant:

(i) sa vie est menacée pour des raisons autres que l'incapacité de ce pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats,

(ii) des sanctions excessives peuvent être exercées contre lui,

(iii) un traitement inhumain peut lui être infligé.

[14]      La détermination de l"appartenance à la catégorie des DNRSRC est un quasi-appel donnant le droit à un revendicateur de prouver qu"il s"exposerait à un risque objectivement identifiable ou à un traitement inhumain s"il était renvoyé du Canada (Mathiyabaranam c. Canada (M.C.I.) , (5 décembre 1997, A-223-95 (C.A.F.)). L"ARRR doit effectuer une évaluation distincte des questions telles que la crédibilité du requérant, et examiner tous les documents, y compris les observations faites par le requérant (Pakar Singh c. M.C.I. (24 mars 1996, IMM-2764-95 (C.F. 1re inst.)).

[15]      La norme à laquelle il faut satisfaire pour obtenir gain de cause dans une demande de contrôle judiciaire est très élevée. La Cour n"interviendra dans la décision de l"agent que si celui-ci a exercé son pouvoir discrétionnaire à des fins inappropriées, en tenant compte de considérations non pertinentes, en faisant preuve de mauvaise foi ou de toute autre façon manifestement déraisonnable (Garcia c. Canada (M.C.I.) (1996), 3 Imm.L.R. (2d) 114 (C.F. 1re inst.)).

[16]      L"agente a informé les demandeurs par une lettre datée du 5 février 1998 qu"il avait été jugé que leur vie ne serait pas en danger à leur retour en Iran.

[17]      Les demandeurs soutiennent que l"ARRR a commis une erreur de droit en concluant qu"ils n"appartiennent pas à la catégorie des DNRSRC. Elle a entravé l"exercice de son pouvoir discrétionnaire en n"effectuant pas une évaluation distincte et en ne tenant pas compte de l"ensemble des éléments de preuve qui, selon les demandeurs, exigeaient manifestement une conclusion différente.

[18]      Outre la décision de la Commission et les observations du conseil, les affidavits du demandeur principal, de son frère Ali et de Joanne Hawk, épouse d"Ali, ont été remis à l"ARRR. Ces documents ont été produits pour corriger les différences qu"avait constatées la Commission en examinant leur revendication du statut de réfugié, et plus particulièrement pour tenter de remédier aux lacunes dans leurs FRP. Le demandeur a en outre fourni une traduction de ses notes manuscrites, qu"il avait l"intention d"utiliser dans son FRP. De plus, une copie de l"assignation, un rapport médical et des photographies qui étaient censées montrer le demandeur en compagnie de membres de l"OIMP ont été remis à l"ARRR.

[19]      Les affidavits révèlent ce qui suit. Peu après son arrivée au Canada en mars 1995, l"épouse du demandeur a été présentée au conseil J.P. Evans par un interprète. On lui a dit de remplir le FRP et de relater par écrit son histoire, mais non celle de son mari puisqu"il n"était pas au Canada. Ce n"était donc pas de sa faute si, comme l"a constaté la SSR, il n"était pas question des problèmes de son mari dans son FRP.

[20]      L"épouse du demandeur soutient qu"elle a rédigé sa version des faits en farsi et que celle-ci a été traduite en anglais par un ami. Le 28 avril 1995, elle a été reçue en entrevue par M. Evans. Plus tard, M. Evans lui a posté une copie de son FRP. Elle a alors communiqué avec M. Evans parce qu"elle avait constaté qu"il manquait des détails dans son exposé des faits. M. Evans lui a recommandé de ne pas fournir trop de détails. Rien d"autre n"a été ajouté dans son FRP; néanmoins, elle n"avait pas les moyens de retenir les services d"un interprète pour ajouter quoi que ce soit à son exposé des faits.

[21]      Le 5 mai 1995, l"épouse du demandeur est allée voir M. Evans pour signer son FRP. Elle était accompagnée de Mme Joanne Hawk (épouse d"Ali Atapour). Mme Hawk est Américaine et ne parle pas très bien le farsi. La secrétaire de M. Evans les a informées que le FRP n"était pas prêt. Elle a ensuite demandé à Mme Hawk de signer la déclaration de l"interprète. Lorsque Mme Hawk lui a expliqué qu"elle ne parlait pas le farsi, la secrétaire lui a répondu qu"il s"agissait d"une simple formalité. Mme Hawk a signé la déclaration. Elles ont ensuite rencontré brièvement M. Evans qui leur a dit que le FRP serait posté à Mastoureh dès qu"il serait prêt.

[22]      Le demandeur est arrivé au Canada le 1er mai 1995. ll a lui aussi rempli son FRP et rédigé son exposé en farsi. Un ami l"a aidé à préparer la version anglaise de son FRP. En août 1995, le demandeur a rencontré M. Evans en compagnie de son épouse et de son frère Ali. Ils ont discuté de sa revendication, Ali servant d"interprète. M. Evans a recommandé au demandeur de ne pas fournir trop de détails dans son affidavit, sinon il [TRADUCTION] " se pendrait " lui-même. Il a ensuite dit au demandeur et à Ali de signer la dernière page en blanc du FRP. Ali a demandé pourquoi il devrait signer puisqu"il n"avait pas traduit le formulaire au demandeur. M. Evans lui a répondu de ne pas s"inquiéter. Ali a alors signé la déclaration de l"interprète à la fin du FRP. Le demandeur a plus tard reçu par la poste une copie de son FRP. Celui-ci ne lui a jamais été traduit.

[23]      Les demandeurs ont rencontré M. Evans une fois avant la tenue de l"audience sur leur revendication du statut de réfugié en mars 1996. S"inquiétant du manque de préparation de M. Evans, ils ont tenté de communiquer avec un autre avocat qui leur a indiqué que le préavis était trop court et qu"ils prendraient un risque en demandant une remise vu que M. Evans avait déjà demandé des ajournements. Les demandeurs ont donc continué d"être représentés par M. Evans. Le demandeur était très nerveux à l"audience. Il était particulièrement difficile pour lui de parler de sa détention en 1991.

[24]      Le demandeur souligne que ses notes manuscrites confirment sa déclaration initiale selon laquelle il a été détenu jusqu"en décembre 1991 et il était présent à l"anniversaire de sa fille. Par conséquent, il y avait une erreur dans son FRP officiel. Il a aussi écrit dans ses notes : [TRADUCTION] " J"ai passé des moments très durs en prison ". Il est allégué que ce n"était pas de sa faute si ses notes n"avaient pas été correctement transcrites dans son FRP.

[25]      Les demandeurs ont reçu une copie de leurs FRP plusieurs mois avant l"audience. Il est invraisemblable qu"ils n"aient jamais examiné ceux-ci avec l"aide d"Ali qui parle anglais et farsi. Cela n"explique pas non plus comment les demandeurs pouvaient modifier leurs FRP avant le début de l"audience sur la revendication du statut de réfugié s"ils ignoraient ce qu"ils contenaient. Quoi qu"il en soit, même si la Cour accepte que la demanderesse a été induite en erreur par son conseil, cela ne constitue que l"une de ses nombreuses lacunes aux audiences sur le statut de réfugié. C"est donc sans conséquence.

[26]      L"assignation montre qu"il est probable que le gouvernement a lancé un mandat d"arrestation contre le demandeur pour avoir omis de comparaître devant le procureur du ministère public. Rien n"indique toutefois que la vie du demandeur est en danger parce qu"il n"a pas comparu devant le procureur.

[27]      À mon avis, après avoir examiné la preuve dont avait été saisie l"ARRR, il n"est pas nécessaire que la Cour intervienne. Il était loisible à l"ARRR de conclure qu"il n"y avait aucun élément objectif permettant de craindre que la vie des demandeurs soit en danger ou qu"ils seraient soumis à un traitement inhumain. Le fait que l"ARRR n"ait pas exercé son pouvoir discrétionnaire en faveur des requérants ne signifie pas qu"elle n"a pas tenu compte de leurs observations.

[28]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


                                     " P. ROULEAU "

                                     JUGE

OTTAWA (Ontario)

30 juin 1999




Traduction certifiée conforme



Suzanne Bolduc, LL.B.

     COUR FÉDÉRALE

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DU GREFFE :                  IMM-794-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Hossain Atapour et autres c. M.C.I.


LIEU DE L"AUDIENCE :              Toronto (Ontario)


DATE DE L"AUDIENCE :          7 juin 1999


MOTIFS DE L"ORDONNANCE du juge Rouleau en date du 30 juin 1999



ONT COMPARU :

Marie Chen                      pour les demandeurs
Toby Hoffman                  pour l"intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman and Associates

Toronto (Ontario)                  pour les demandeurs

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada          pour l"intimé
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