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     IMM-3380-96

     OTTAWA, LE VENDREDI 29 AOÛT 1997

     EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE EN CHEF ADJOINT

Entre :

     LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     requérante,

     - et -

     HAWA IBRAHIM ADAM,

     intimée.

     ORDONNANCE

     LA COUR,

     VU le recours en contrôle judiciaire exercé contre la décision en date du 16 août 1996 de la Section d'appel de l'immigration (SAI), vu les pièces versées au dossier, après avoir entendu l'avocat représentant la requérante lors de l'audience tenue à Toronto (Ontario) le 6 mai 1997, et pour les motifs prononcés aujourd'hui,

     ORDONNE le rejet en partie du recours et le renvoi de l'affaire à Immigration Canada pour nouvelle instruction dans le sens des présents motifs.

     Signé : James A. Jerome

     ________________________________

     Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme      ________________________________

     F. Blais, LL. L.

     IMM-3380-96

Entre :

     LA MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     requérante,

     - et -

     HAWA IBRAHIM ADAM,

     intimée.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge en chef adjoint JEROME

     Il s'agit en l'espèce d'un recours en contrôle judiciaire contre la décision en date du 16 août 1996 par laquelle la Section d'appel de l'immigration (SAI) a conclu que l'alinéa 19(1)l) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, portait présomption simple et que le cas du mari de l'intimée était couvert par l'exception prévue par la même disposition. Après avoir entendu les parties à l'audience tenue à Toronto (Ontario) le 6 mai 1997, j'ai pris l'affaire en délibéré en annonçant que ma décision et les motifs écrits y afférents suivraient.

     Dans sa décision, la formation de la SAI, qui consistait en la personne de E.W.A. Townshend, a conclu que l'alinéa 19(1)l) portait présomption simple qu'a réfutée M. Adam (Jawari), le mari de l'intimée. En conséquence, elle a fait droit à l'appel par ce motif que le refus du droit d'établissement n'était pas légalement valide. Cette décision s'appuyait principalement sur une lettre de Trusten Frank Crigler, ancien ambassadeur des États-Unis en Somalie, qui y affirme qu'il connaît M. Adam et que c'est quelqu'un de bien. M. Crigler affirme encore que le demandeur était bien un membre du gouvernement de Siyad Barre, mais qu'il n'avait guère aucune influence sur les politiques touchant les droits de la personne, et qu'il prônait ouvertement les changements pacifiques. En bref, la lettre est hautement élogieuse pour M. Jawari et pour ses collègues réformistes.

     À l'audience, la requérante ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration soutenait qu'il n'était pas question de présomption simple à l'alinéa 19(1)l) de la Loi sur l'immigration, et que le mari de l'intimée faisait indiscutablement d'une catégorie visée au paragraphe 19(1.1).

     Aux termes de l'alinéa 19(1)l), sont personnes non admissibles :

     l) celles qui, à un rang élevé, font ou ont fait partie ou sont ou ont été au service d'un gouvernement qui, de l'avis du ministre, se livre ou s'est livré au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou à des crimes de guerre ou contre l'humanité, au sens du paragraphe 7(3.36) du Code criminel, sauf si elles convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national.         

L'intéressé est réputé occuper un rang élevé s'il relève de l'une des catégories visées à la définition du paragraphe 19(1.1), alinéas a) à g) :

         (1.1) Les personnes visées par l'alinéa (1)l) sont celles qui, du fait de leurs présentes ou anciennes fonctions, sont ou étaient en mesure d'influencer sensiblement l'exercice du pouvoir par leur gouvernement, notamment :         
         a) le chef de l'État ou le chef du gouvernement;         
         b) les membres du cabinet ou du conseil exécutif;         
         c) les principaux conseillers des personnes visées aux alinéas a) et b);         
         d) les hauts fonctionnaires;         
         e) les responsables des forces armées, des services de renseignements ou de la sécurité intérieure;         
         f) les ambassadeurs et les membres du service diplomatique de haut rang;         
         g) les juges.

Il ressort des preuves produites que le mari de l'intimée était un membre du gouvernement Barre et que de ce fait, il tombe sous le coup de l'alinéa 19(1)l).

     L'intimée n'était pas représentée à l'audience; elle n'a donc pas soumis de conclusions en la matière.

     Bien que je convienne avec la requérante que l'alinéa 19(1)l) de la Loi sur l'immigration ne porte pas présomption simple, je ne suis pas convaincu que la SAI ait tiré la mauvaise conclusion. Le membre de phrase " sauf si elles convainquent le ministre que leur admission ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national " ne crée pas une " présomption simple " comme l'a conclu la SAI. Cette disposition prévoit une exception discrétionnaire et ne crée pas un droit absolu pour l'individu qui a produit des preuves pour combattre la présomption de participation à un régime visé à l'alinéa 19(1)l ). Seule la ministre a le pouvoir discrétionnaire d'appliquer ou non l'exception au vu des preuves produites et il appert qu'elle a décidé de ne pas l'appliquer en l'espèce. Cependant, dans les matières où la ministre peut exercer son pouvoir discrétionnaire, elle pourra être tenue de motiver sa décision si celle-ci paraît absurde.

     Dans Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), A-855-96, 11 avril 1997 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale s'est prononcée en ces termes :

     Il s'agit en l'espèce de savoir s'il est possible d'affirmer avec certitude que le délégué du ministre a agi de mauvaise foi, en tenant compte de facteurs ou d'éléments de preuve dénués de pertinence, ou sans égard au dossier. Il n'y a absolument rien qui permette de conclure que l'un ou l'autre de ces faits s'est produit, et je ne vois pas comment on peut considérer que le résultat est absurde"         

Si dans la cause susmentionnée, la Cour d'appel fédérale n'a trouvé aucune preuve de mauvaise foi ou de décision au mépris des preuves de la part du délégué du ministre, on ne peut en dire autant en l'espèce. La lettre écrite par l'ancien ambassadeur des États-Unis en Somalie en faveur du mari de l'intimée est fort probante, peut-être décisive. Étant donné que le seul facteur d'inclusion du mari de l'intimée dans la catégorie visée à l'alinéa 19(1)l) est le poste ministériel qu'il détenait, la lettre produite en preuve en sa faveur aurait dû être prise en compte dans la décision de la ministre. Cette décision revient à conclure dans les faits que son admission " serait préjudiciable à l'intérêt national ". Le fait de passer sous silence une preuve aussi concluante fait de cette décision non motivée, une décision absurde. Ce manquement n'enlève à la ministre aucun de ses pouvoirs discrétionnaires mais lui impose l'obligation supplémentaire de motiver les décisions discrétionnaires dans les cas où une preuve concluante de ce genre justifie une décision différente. La décision n'était pas motivée en l'espèce. Il se peut que la ministre eût quand même tiré la même conclusion, mais elle aurait dû prononcer des motifs dans un cas comme celui-ci où la décision est visiblement absurde ou l'absence de motifs fait craindre qu'elle n'a pas du tout exercé son pouvoir discrétionnaire en la matière.

     Pour ces motifs, le recours en contrôle judiciaire est rejeté en partie. Par application du paragraphe 77(5) de la Loi sur l'immigration, il y a lieu de renvoyer l'affaire à Immigration canadienne pour nouvelle instruction dans le sens des présents motifs.

OTTAWA,

le 29 août 1997

     Signé : James A. Jerome

     ________________________________

     Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme      ________________________________

     F. Blais, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-3380-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      M.C.I. c. Hawa Ibrahim Adam

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      6 mai 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE EN CHEF ADJOINT

LE :                          29 août 1997

ONT COMPARU :

Mme Marissa B. Bielski              pour la requérante

Mme Ann Margaret Oberst

PROCUREUR INSCRIT AU DOSSIER :

M. George Thomson                  pour la requérante

Sous-procureur général du Canada

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