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     1998.01.07

     IMM-4138-96

E n t r e :

     BING QIAN LI,

     requérant,

     et

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]      Le requérant sollicite une ordonnance annulant la mesure d'exclusion qui a été prise contre lui le 15 novembre 1994. Cette mesure faisait suite à une enquête menée par un arbitre le 31 octobre 1994. Le requérant demande également l'annulation de la décision en date du 15 octobre 1996 dans laquelle la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a examiné la mesure d'exclusion.

[2]      Le requérant a présenté le 9 décembre 1989 une demande en vue d'obtenir le statut de résident permanent en tant que membre de la catégorie de la famille, à titre de personne à charge de sa mère. Il a précisé dans cette demande qu'il n'était pas marié. Quelqu'un d'autre a rempli la demande pour lui et il se peut qu'il n'ait pas été mis au courant de ses modalités. Il n'a pas été interrogé par un agent des visas avant qu'un visa lui soit délivré le 1er novembre 1990.

[3]      En mars 1989, le requérant avait créé des liens d'intimité avec Kun Hung Li. En juin 1989, après avoir appris que celle-ci était enceinte, le requérant et Kun Hung Li se sont échangé des alliances et ont convenu de s'épouser. La question de savoir s'il l'a par la suite épousée est en litige.

[4]      En tout état de cause, le 14 février 1990, la petite amie (la femme?) du requérant a donné naissance à un enfant. Le requérant subvenait aux besoins de la mère et du fils. Ils ont habité ensemble comme mari et femme et elle vit maintenant avec leur fils dans la maison familiale, avec la mère du requérant, en Chine.

[5]      Lorsque le requérant est arrivé au point d'entrée au Canada le 27 mars 1991, il a, en réponse aux questions qui lui ont été posées, déclaré qu'il était marié et qu'il avait un fils. Cette déclaration a amené le préposé à l'entrevue à conserver les documents relatifs au droit d'établissement du requérant et à rédiger le rapport visé à l'alinéa 20(1)a) de la Loi sur l'immigration. Ce rapport porte la date du 4 juillet 1991. Une enquête a par la suite eu lieu le 31 octobre 1994 et la mesure d'exclusion qui fait l'objet de la présente demande a été prise.

[6]      Le requérant affirme que la procédure régulière n'a pas été suivie lors de l'enquête du 31 octobre 1994 et que, par conséquent, la section d'arbitrage n'avait pas compétence pour mener l'enquête qui s'est soldée par la prise de la mesure d'exclusion. Ainsi qu'il a déjà été souligné, un rapport fondé sur l'article 20 avait été rédigé le 4 juillet 1991. L'avis d'enquête qui a été envoyé au requérant relativement à l'enquête du 31 octobre 1994 désignait toutefois celle-ci comme une enquête fondée sur le paragraphe 27(6). L'avocat du requérant soutient que la section d'arbitrage n'avait pas compétence pour mener l'enquête du 31 octobre 1994 étant donné qu'aucun rapport n'avait été établi conformément à l'article 27.

[7]      Je ne suis pas persuadée que l'irrégularité reprochée entraîne une telle conséquence. Le rapport du 4 juillet 1991 a été établi en vertu de l'alinéa 20(1)a) de la Loi. On y alléguait que le requérant était une personne visée à l'alinéa 19(2)d) de la Loi. Le requérant a reçu à la fois l'avis d'enquête, dans lequel était mentionné le paragraphe 27(6) de la Loi, et le rapport établi en vertu de l'alinéa 20(1)a), qui renferme les allégations qui ont fait l'objet de l'enquête. L'arbitre ne s'est nullement mépris sur la nature de l'enquête qu'il menait. Il a tenu pour acquis qu'il s'agissait d'une enquête fondée sur l'article 20. Le requérant a été avisé des motifs pour lesquels une mesure d'exclusion pouvait être prise, c'est-à-dire les motifs contenus dans le rapport établi en vertu de l'article 20. Il a eu l'occasion de répondre aux motifs invoqués.

[8]      Il semble que la mention du paragraphe 27(6) de la Loi dans l'avis d'enquête soit une erreur typographique. Le requérant n'a subi aucun préjudice en raison de cette erreur. Par ailleurs, le requérant n'a pas soulevé devant l'arbitre l'irrégularité qui viciait l'avis. Je ne suis pas persuadée que l'irrégularité dont l'avis était entaché puisse justifier l'annulation de la mesure d'exclusion.

[9]      La mesure d'exclusion a été portée en appel devant la section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission). La Commission a précisé que les points litigieux qu'elle devait trancher étaient les suivants :

     [TRADUCTION]         
     a)      Le requérant était-il marié au moment où le visa d'immigrant lui a été délivré?         
     b)      Dans l'affirmative, l'appelant avait-il un visa d'immigrant en cours de validité au moment où il a demandé le droit d'établissement au point d'entrée?         
     c)      S'il était muni d'un visa en cours de validité, la mesure d'exclusion est-elle valide?         
     d)      Existe-t-il des raisons d'ordre humanitaires au sens de l'alinéa 70(3)b) de la Loi qui justifient de ne pas renvoyer l'appelant du Canada?         

[10]      La Commission a conclu que le requérant était marié au moment de son arrivée au Canada. Elle s'est fondée sur plusieurs déclarations en ce sens plutôt que sur l'[TRADUCTION] " attestation de célibat " chinoise qui avait été produite en preuve :

     [TRADUCTION]         
     Au cours de l'interrogatoire qu'il a subi au point d'entrée le 4 juillet 1991, l'appelant a déclaré sous serment à l'agent d'immigration qu'avant son arrivée au Canada le 27 mars 1991, il s'était marié à l'été 1989 et qu'il avait un fils âgé d'un an. L'appelant bénéficiait des services d'un interprète lorsqu'il a signé sa déclaration solennelle. Ses déclarations ultérieures sont des déclarations intéressées et elles ont moins de poids. Dans sa demande de résidence permanente au Canada, l'appelant a déclaré qu'il n'était pas marié. Au cours de son audience, il a témoigné que lui et Mme Li avaient convenu de se marier, qu'ils avaient échangé des alliances et que, n'eût été la mort de son père et ses difficultés financières, ils se seraient mariés. L'appelant n'a cependant pas précisé à la case neuf de sa demande de résidence permanente relative à son état matrimonial qu'il était fiancé.         

[11]      Ainsi, la Commission a jugé que le requérant avait obtenu un visa grâce à la non-divulgation d'un fait essentiel (le fait qu'il était fiancé) et elle a en conséquence invalidé le visa. Qui plus est, le formulaire de demande que le requérant avait signé précisait qu'il devait signaler tout changement relatif à son état matrimonial ou aux personnes à sa charge (par ex., la naissance d'un fils) qui pouvait survenir après le dépôt de sa demande mais avant son départ de la Chine. Or, le requérant ne l'a pas fait.

[12]      Deux attestations de " célibat " ont été déposées. La première concerne la période antérieure au 11 octobre 1989. Le requérant n'a quitté la Chine qu'en 1991. Cette attestation permet donc pas de conclure qu'il n'était pas marié avant de quitter la Chine. La seconde attestation couvre la période se terminant en mars 1991. La Commission n'a pas accordé de poids à cette attestation, parce qu'elle a conclu que la seule chose qu'elle démontrait, c'était que le mariage n'avait pas été enregistré, et non qu'il n'avait pas eu lieu :

     [TRADUCTION]         
     L'extrait de la " Loi sur le mariage de la RPC " vise les années 1979 à 1982. Il n'y a aucune preuve d'expert au sujet de l'état des lois sur le mariage en Chine à l'époque où l'appelant se serait marié, et il n'y a aucun élément de preuve qui permette de savoir si le défaut d'enregistrer un mariage en Chine est un simple vice de forme ou s'il touche la forme du mariage et en entraîne l'invalidité. L'appelant présentait Mme Li aux gens de son village comme étant sa femme. Ils vivaient ensemble comme mari et femme et avaient un fils. Dans son témoignage, l'appelant appelait Mme Li sa femme.         

[13]      La Commission a conclu que le requérant n'était pas muni d'un visa en cours de validité lorsqu'il est arrivé au Canada et qu'en conséquence, la Commission n'avait pas compétence pour entendre l'appel. Elle a toutefois poursuivi en disant que, si elle avait compétence, elle jugerait le visa invalide étant donné que des renseignements essentiels n'avaient pas été divulgués et que cette omission avait empêché les fonctionnaires de l'immigration de faire enquête sur l'admissibilité des personnes à sa charge. De surcroît, il n'y avait pas de raison d'ordre humanitaire qui justifiaient de permettre au requérant de demeurer au Canada.

[14]      Le principal moyen de l'avocat du requérant est que la Commission a mal interprété la preuve parce qu'elle n'a pas tenu compte des " attestations de célibat ". Il soutient que le requérant ne comprenait pas pleinement, lorsqu'il a déclaré qu'il était marié, qu'il n'était pas légalement marié. Le requérant a terminé sa sixième année et répondait aux questions par le truchement d'un interprète.

[15]      La Commission a tenu compte de tous les éléments de preuve qui avaient été portés à sa connaissance. Elle a apprécié ces éléments de preuve. Elle a tenu compte des " attestations de célibat ". Elle a tout simplement conclu que les déclarations que le requérant a faites aux agents au point d'entrée, à l'arbitre et à l'avocat de l'aide juridique en août 1991 en affirmant qu'il était marié avaient plus de poids, compte tenu spécialement de l'insuffisance des renseignements relatifs aux lois sur le mariage en Chine qui lui avaient été soumis.


[16]      Par ces motifs, il n'y a aucune raison qui justifie d'annuler la mesure d'exclusion ou la décision de la Commission. Les ordonnances demandées dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire ne seront donc pas prononcées.

     " B. Reed "

                                         Juge

Edmonton (Alberta)

Le 8 janvier 1998.

Traduction certifiée conforme

C. Delon, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              IMM-4138-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Bing Qian Li c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE :          Edmonton (Alberta)
DATE DE L'AUDIENCE :      7 janvier 1998

MOTIFS ET DISPOSITIF DE L'ORDONNANCE du juge Reed en date du 8 janvier 1998

ONT COMPARU :

     Me Robert W. Lee                  pour le requérant
     Me Douglas Titosky                  pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

     Me Robert W. Lee                  pour le requérant
     Duncan & Craig
     Edmonton (Alberta)
     Me George Thomson                  pour l'intimé
     Sous-procureur général
     du Canada
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