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Date : 20041028

Dossier : IMM-10095-03

Référence : 2004 CF 1527

Toronto (Ontario), le 28 octobre 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

                            KATIKA CLEOPARTIER (AUSSI CONNUE SOUS LE NOM

DE KATIKA CLEOPART BROWNE)

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                            défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                La décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR) faisant l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire rejette la demande d'asile présentée par la demanderesse. Ce n'est pas le fond de la décision qui est en litige dans la présente demande. La question en litige est l'omission de la CISR d'avoir accordé à la demanderesse une remise de la date d'audience.


[2]                Il est admis que la demanderesse a reçu à peine trois semaines d'avis à l'égard de la date d'audience de sa demande d'asile. Il est de plus admis que le lendemain même de la réception de l'avis, la demanderesse a fait appel à un avocat qui a fourni les dates auxquelles il était disponible. Les dates fournies étaient environ quatre mois après la date d'audience établie par la CISR. La CISR a refusé ces dates parce qu'elles étaient trop éloignées. Néanmoins, la demanderesse a comparu à la date d'audience et elle a demandé une remise pour une même période que celle déclarée inacceptable par la CISR.

[3]                À la date d'audience prévue, lorsqu'elle a refusé la demande de remise à une autre date présentée par la demanderesse, la CISR a donné à cette dernière le choix entre se désister de la demande ou poursuivre l'audience sans être représentée. Compte tenu des choix à sa disposition, la demanderesse a choisi que l'audience se poursuive sans qu'elle soit représentée. La demande d'asile présentée par la demanderesse a été rejetée et des motifs de refus ont été énoncés de vive voix lors de l'audience.

[4]                La demanderesse prétend que le refus de la demande de remise était injuste. Il est admis que la norme de contrôle de la décision de la CISR de ne pas accorder une remise est celle de la décision raisonnable.


[5]                La CISR peut, suivant l'article 48 des Règles de la Section de la protection des réfugiés (DORS/2002-228) (les Règles), exercer un pouvoir discrétionnaire d'accorder des remises de dates d'audience qui ont été fixées. Il est admis que, suivant la pratique de la CISR, une nouvelle date d'audience devrait être fixée dans les trois mois. Cependant, il est également admis que la CISR conserve le pouvoir d'accorder une plus longue période.

[6]                Suivant le paragraphe 48(4) des Règles, onze éléments doivent être pris en considération lorsqu'une décision est rendue à l'égard d'une remise. Le paragraphe est rédigé comme suit :

CHANGEMENT DE LA DATE OU DE L'HEURE D'UNE PROCÉDURE

Demande de changement de la date ou de l'heure d'une procédure

[...]

CHANGING THE DATE OR TIME OF A PROCEEDING

Application to change the date or time of a proceeding

...

Éléments à considérer

48.(4) Pour statuer sur la demande, la Section prend en considération tout élément pertinent. Elle examine notamment :

Factors

48.(4) In deciding the application, the Division must consider any relevant factors, including

a) dans le cas où elle a fixé la date et l'heure de la procédure après avoir consulté ou tenté de consulter la partie, toute circonstance exceptionnelle qui justifie le changement;

(a) in the case of a date and time that was fixed after the Division consulted or tried to consult the party, any exceptional circumstances for allowing the application;

b) le moment auquel la demande a été faite;

(b) when the party made the application;

c) le temps dont la partie a disposé pour se préparer;

(c) the time the party has had to prepare for the proceeding;

d) les efforts qu'elle a faits pour être prête à commencer ou à poursuivre la procédure;

(d) the efforts made by the party to be ready to start or continue the proceeding;

e) dans le cas où la partie a besoin d'un délai supplémentaire pour obtenir des renseignements appuyant ses arguments, la possibilité d'aller de l'avant en l'absence de ces renseignements sans causer une injustice;

(e) in the case of a party who wants more time to obtain information in support of the party's arguments, the ability of the Division to proceed in the absence of that information without causing an injustice;

f) si la partie est représentée;

(f) whether the party has counsel;

g) dans le cas où la partie est représentée, les connaissances et l'expérience de son conseil;

(g) the knowledge and experience of any counsel who represents the party;

h) tout report antérieur et sa justification;

(h) any previous delays and the reasons for them;

i) si la date et l'heure qui avaient été fixées étaient péremptoires;

(i) whether the date and time fixed were peremptory;

j) si le fait d'accueillir la demande ralentirait l'affaire de manière déraisonnable ou causerait vraisemblablement une injustice;

(j) whether allowing the application would unreasonably delay the proceedings or likely cause an injustice; and

k) la nature et la complexité de l'affaire.

(k) the nature and complexity of the matter to be heard.

[7]                Il est admis qu'un élément pertinent pour la CISR lorsqu'elle a refusé la remise était le fait que la demanderesse n'avait fait appel à un avocat qu'après avoir reçu l'avis à l'égard de la date d'audience. Ce fait ressort de l'extrait suivant de la transcription :

[TRADUCTION]


PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE : -                    demander une remise de notre audience. Cette demande a évidemment été envoyée par télécopieur à notre bureau par votre avocat le 30 octobre et le commissaire qui coordonne les audiences a refusé la demande de remise. Notre politique dans les Règles établit que vous devriez être - vous ne devriez pas dépasser 16 semaines et cela va loin dans la prochaine année, d'accord? Alors, la demande de remise a été refusée. Vous avez le droit d'être représentée, mais ce n'est pas un droit absolu et je veux vous expliquer cela.

Vous êtes dans ce pays depuis 1999 et à la toute dernière minute vous avez décidé de chercher un avocat. Sur ce fondement très précis, vous n'êtes pas visée par la règle des circonstances exceptionnelles. Je vais refuser votre demande de remise. Êtes-vous prête à poursuive aujourd'hui sans votre avocat?

Demanderesse d'asile :                        Non.

(Dossier du tribunal, à la page 214.)

[8]                D'autres éléments pris en considération par la CISR lorsqu'elle a refusé la demande de remise se retrouvent dans l'extrait suivant :

[TRADUCTION]

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :                         Vous voyez, lorsque vous - une des conditions lorsque vous engagez un avocat est que vous devriez engager un avocat qui est disposé à accepter la date d'audience que vous avez reçue.

DEMANDERESSE D'ASILE :     D'accord.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :                         On ne peut pas s'adapter à son horaire de vacances et tout le reste parce que l'un des mandats de cette Commission est de tenir cette audience rapidement, simplement et de façon expéditive [...]


DEMANDERESSE D'ASILE :     D'accord.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :                         [...] parce que vous n'êtes pas la seule qui est entendue devant la Commission. Il y a beaucoup d'autres gens.

DEMANDERESSE D'ASILE :     D'accord.

PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :                         De plus, si je remets l'audience, la Commission est responsable et imputable envers le gouvernement. Ses employés, tout comme moi, ont perdu leur temps, d'accord? Cette salle a été réservée ce matin pour traiter de votre demande. Alors, il y a un grand nombre de facteurs qui entrent en jeu dans cette situation. Compte tenu de cela, je vais refuser votre demande de remise.

Vous avez le choix entre aller de l'avant aujourd'hui ou je peux déclarer le désistement de votre demande. Voulez-vous dix minutes pour y penser?

(Dossier du tribunal, aux pages 215 à 216.)

[9]                Il est admis que, à l'égard des éléments qui doivent être pris en considération pour trancher la demande de remise, la demanderesse n'avait pas demandé antérieurement des remises et qu'aucune date péremptoire n'avait été fixée.


[10]            L'avocate du défendeur prétend que l'importance accordée par la CISR au fait que la demanderesse a attendu au lendemain du jour où elle a reçu un avis pour faire appel à un avocat est grande et que ce fait devrait être accepté comme entraînant que soit tirée une conclusion raisonnable de ne pas accorder une remise. Au cours de l'audition de la présente demande, j'ai déclaré que, à mon avis, le fait que la demanderesse n'ait pas fait appel à un avocat avant qu'elle ait reçu un avis n'était pas pertinent. Il est évident que cela n'aurait pas eu d'importance qu'elle ait fait appel à un avocat des mois avant d'avoir reçu l'avis. Les faits demeurent que l'avis n'a été donné que trois semaines avant la date d'audience et que, au moment de l'avis, l'avocat n'était pas disponible.

[11]            Indépendamment du fait que les dates proposées à deux reprises par l'avocat de la demanderesse ne convenaient pas, il est important de mentionner qu'aucune tentative n'a été faite par la CISR pour forcer la demanderesse à se plier à une nouvelle date d'audience péremptoire. Il est très important de mentionner que, à l'égard de l'alinéa 48(4)j) des Règles, absolument aucune attention n'a été accordée à une possible injustice qui serait causée par le fait d'accorder ou non la remise. En effet, l'injustice causée à la demanderesse par le fait de l'avoir forcée à choisir entre se désister de sa demande ou poursuivre l'audience sans être représentée n'a pas été prise en considération.

[12]            À mon avis, la décision du commissaire de la CISR omet si manifestement de prendre correctement en considération les éléments énumérés au paragraphe 48(4) des Règles que cela en est déraisonnable.


                                                                ORDONNANCE

Par conséquent, j'annule la décision rendue à l'égard de la remise qui fait l'objet du contrôle et je renvoie l'affaire à un tribunal différemment constitué afin qu'il statue à nouveau sur le bien-fondé de la demande d'asile présentée par la demanderesse.

                                                                                                                      _ Douglas R. Campbell _            

                                                                                                                                                     Juge                             

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-10095-03

INTITULÉ :                                        KATIKA CLEOPARTIER (AUSSI CONNUE SOUS LE NOM DE KATIKA CLEOPART BROWNE)

                                                                                                                                       demanderesse

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 26 OCTOBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :                       LE 28 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Ronald Shacter                                      POUR LA DEMANDERESSE

Alison Engel                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ronald Shacter

Avocat

Toronto (Ontario)                                              POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)                                              POUR LE DÉFENDEUR


                         COUR FÉDÉRALE

Date : 20041028

Dossier :    IMM-10095-03

ENTRE :

KATIKA CLEOPARTIER (AUSSI

CONNUE SOUS LE NOM DE KATIKA CLEOPART BROWNE)

                                                            demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

                                                                                                                            

              MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                                                           


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