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                                                                                                                                            Date: 20010125

                                                                                                                              Dossier: IMM-1775-99

Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2001

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

PRITPAL SINGH AHLUWALIA

                                                                                                                                                     demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE PELLETIER

[1]         Le demandeur veut immigrer au Canada, mais l'agente des visas a refusé sa demande de résidence permanente. Les circonstances dans lesquelles le visa a été refusé sont contestées. Le demandeur affirme que le visa a été refusé parce que l'agente des visas était partiale. De son côté, l'agente des visas affirme que la demande a été rejetée parce que le demandeur ne satisfaisait pas aux exigences de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi) et du Règlement sur l'immigration de 1978. Il s'agit de savoir qui a raison.


[2]         Le 15 octobre 1998, le demandeur a été convoqué à une entrevue avec l'agente des visas, celle-ci devant avoir lieu le 3 décembre 1998. Or, le demandeur ne s'est pas présenté à l'entrevue. En effet, l'agente des visas a reçu une lettre en date du 30 novembre 1998 du conseiller du demandeur, Worlwide Immigration Consultancy Services Ltd., laquelle se lit comme suit : [TRADUCTION] « À cause de circonstances indépendantes de sa volonté, notre client ne pourra pas se présenter à l'entrevue, le 3 décembre 1998, à New Delhi. Nous vous prions de REPORTER L'ENTREVUE et nous nous excusons de tout inconvénient que la chose peut vous occasionner.

[3]         L'entrevue a été reportée au 3 février 1999.

[4]         Le 3 février 1999, l'agente des visas a demandé au demandeur de lui expliquer quelles étaient les [TRADUCTION] « circonstances indépendantes de [sa] volonté » qui l'avaient amené à ne pas assister à la première entrevue. Le demandeur a soutenu qu'il avait une raison valable, mais il a hésité à la révéler. Il a finalement donné un certain nombre d'explications évasives et contradictoires pour justifier son absence.

[5]         Afin d'éliminer tout problème de langue ou la possibilité que le demandeur n'ait pas voulu révéler la raison à un agent de sexe féminin, l'agente des visas a demandé à son collègue, M. Y.D. Malhotra, agent principal désigné, de parler au demandeur au sujet de son omission de se présenter à la première entrevue.


[6]         M. Malhotra a rencontré le demandeur dans son propre bureau. À la suite de cette conversation, il a dit à l'agente des visas qu'il n'avait pas pu obtenir une réponse sincère du demandeur.

[7]         L'agente des visas et M. Malhotra ont alors parlé au demandeur au sujet des réponses non satisfaisantes que celui-ci avait données à une question apparemment simple.

[8]         Enfin, le demandeur a déclaré qu'il avait prêté de l'argent à un membre de sa famille et qu'il avait de la difficulté à recouvrer la somme prêtée. La situation l'avait tellement indisposé qu'il n'avait pas pu se présenter à l'entrevue à laquelle il avait été convoqué.

[9]         Le demandeur avait désigné la profession de « Mécanicien de moteur diesel » (no 8584-382 de la CCDP et no 7312 de la CNP). L'agente des visas a eu une entrevue avec le demandeur en vue de déterminer s'il pouvait être admis à ce titre.


[10]       Le demandeur a expliqué que, même si, selon le formulaire IMM8 qu'il avait rempli, il était titulaire d'un certificat ou d'un diplôme d' « ajusteur outilleur » , il n'avait pas achevé ce cours parce que cela [TRADUCTION] « ne [l]'intéressait pas » . Le demandeur a également suivi un cours de mécanicien de moteur diesel qui avait duré un an, cours qu'il a achevé au mois de juillet 1978. C'est la dernière fois qu'il a reçu une formation technique. Le demandeur a également achevé un cours d' « entretien productif général » , qu'il a décrit comme visant à améliorer l'efficacité au lieu de travail et à encourager les travailleurs à assumer la responsabilité de leur travail et de leur lieu de travail. L'agente des visas a attribué au demandeur 10 points d'appréciation à l'égard des études puisque celui-ci avait achevé un programme d'un an menant à l'obtention d'un certificat postsecondaire.

[11]       L'agente des visas a demandé des renseignements au demandeur au sujet de son expérience professionnelle. Elle a demandé au demandeur de lui expliquer comment il enlèverait une culasse de cylindre. Le demandeur a répondu qu'il utiliserait une clé dynamométrique. Selon l'agente des visas, il n'était pas logique de se servir d'une clé dynamométrique pour enlever une culasse de cylindre (par opposition à son installation). L'agente des visas ayant poursuivi la question, le demandeur n'a pas pu expliquer pourquoi il aurait besoin d'une clé dynamométrique précise pour enlever une culasse de cylindre, et il n'a pas pu démontrer qu'il comprenait d'une façon satisfaisante la notion de couple de serrage.

[12]       L'agente des visas a conclu que le demandeur était capable de lire, d'écrire et de parler l'anglais « correctement » ; elle a attribué six points d'appréciation.

[13]       L'agente des visas a alors posé des questions au demandeur au sujet de sa connaissance du Canada, des recherches qu'il avait effectuées au sujet du marché de l'emploi et des préparatifs qu'il avait faits pour immigrer au Canada. L'agente des visas estimait que les réponses du demandeur n'étaient pas satisfaisantes, de sorte qu'elle lui a attribué trois points pour le facteur « Personnalité » .


[14]       À la suite de l'entrevue, l'agente des visas a examiné la demande. En ce qui concerne la première appréciation, l'agente des visas a attribué au demandeur tous les points prévus pour son expérience à titre de mécanicien de moteur diesel. Malgré tout, le demandeur n'a obtenu que 68 points, soit un nombre inférieur aux 70 points nécessaires aux fins de la délivrance d'un visa.

[15]       L'agente des visas a ensuite examiné la demande au point de vue des autres professions possibles pour lesquelles le demandeur avait peut-être les compétences nécessaires pour résider en permanence au Canada. L'agente des visas a essayé d'apprécier le demandeur à titre de mécanicien d'automobiles (no 8581-110 de la CCDP]/mécaniciens/mécaniciennes, techniciens/techniciennes de véhicules automobiles (no 7321.1 de la CNP), mais le demandeur n'a pas obtenu un nombre suffisant de points pour être admissible à ces professions.

[16]       Le 11 février 1999, l'agente des visas a écrit au demandeur pour l'informer que sa demande était refusée. Dans cette lettre, l'agente des visas a modifié son appréciation de l'expérience acquise par le demandeur à titre de mécanicien de moteur diesel de façon à ne lui attribuer aucun point. Le demandeur n'a donc obtenu que 62 points.

[17]       L'agente des visas déclare que même si la teneur générale de l'affidavit du demandeur correspond à ce qui s'était passé à l'entrevue, il y avait des différences importantes.


[18]       L'agente des visas nie l'allégation du demandeur selon laquelle elle aurait dit ce qui suit : [TRADUCTION] « Je n'ouvrirai pas votre dossier si vous ne me dites pas pourquoi vous ne vous êtes pas présenté » (par. 13 de l'affidavit du demandeur). Toutefois, l'agente des visas convient qu'elle n'était pas prête à poursuivre l'entrevue tant que le demandeur ne lui dirait pas pourquoi il ne s'était pas présenté à l'entrevue antérieure. Au début, l'agente des visas voulait simplement savoir pourquoi le demandeur n'avait pas assisté à la première entrevue. Elle s'attendait à une réponse simple, mais au fur et à mesure que le demandeur donnait une nouvelle réponse contradictoire, elle a commencé à se poser de plus en plus de questions. La version que le demandeur a donnée au sujet de ce qu'il avait dit à l'agente des visas n'est pas exacte. Le demandeur était évasif, non convaincant, et il donnait souvent des réponses décousues. Le demandeur n'a pas répondu d'une façon aussi concise qu'il affirme l'avoir fait.

[19]       Le demandeur affirme que l'agente des visas s'est concentrée sur la question de la raison pour laquelle il n'avait pas assisté à la première entrevue et qu'elle a donc commencé à se montrer partiale envers lui, de sorte que sa demande n'a pas été examinée d'une façon équitable.

[20]       Il semble suffisamment clair que l'omission de se présenter à une entrevue devant l'agent des visas peut amener celui-ci à examiner la demande sans avoir eu l'avantage d'entendre le demandeur. Voir Su c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1091 (juge McDonald), (1998), 152 F.T.R. 136; Voskanova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 449 (juge Nadon), (1999), 167 F.T.R. 258. En l'espèce, l'entrevue a été reportée à la demande du demandeur, mais lorsqu'on lui a demandé pourquoi il fallait reporter l'entrevue, le demandeur n'a pas pu donner de réponse satisfaisante. Son manque de sincérité a suscité l'intérêt de l'agente des visas, et ce, avec raison.


[21]       Toutefois, c'est la façon dont l'agente des visas a apprécié l'expérience du demandeur à titre de mécanicien de moteur diesel qui est particulièrement troublante. L'agente des visas, qui avait initialement attribué des points au demandeur pour l'expérience acquise dans sa profession, ne lui a en fin de compte pas attribué de points pour l'expérience. C'est curieux, et cela serait compréhensible si l'agente des visas n'avait pas témoigné qu'elle ne remettait pas en question la crédibilité du demandeur. Si c'est le cas, les deux positions que l'agente des visas a prises sont incompatibles. Si l'agente des visas croyait le demandeur, celui-ci pouvait à bon droit en bénéficier. D'autre part, l'agente des visas pouvait à bon droit ne pas croire le demandeur, mais elle aurait alors dû dire qu'elle ne le croyait pas avant d'agir comme elle l'a fait. L'agente des visas ne peut pas dire qu'elle croyait le demandeur, puis agir comme si elle ne le croyait pas.

[22]       Toutefois, même si le demandeur avait obtenu le nombre de points qui lui a été attribué au moment de l'appréciation initiale, il n'aurait malgré tout pas suffisamment de points pour pouvoir obtenir un visa. Compte tenu des six points attribués pour l'expérience acquise à titre de mécanicien de moteur diesel, le demandeur aurait obtenu en tout 68 points, soit deux points de moins que les 70 points nécessaires. La position incohérente de l'agente des visas ne change donc rien au résultat final.

[23]       Dans la décision Syed c. Canada (Procureur général), [1999] A.C.F. no 451, mon collègue, le juge Nadon, a conclu qu'une erreur commise pas un agent des visas qui n'influait pas sur le résultat final ne constituait pas un motif d'intervention :


Cela étant, force m'est de conclure que même si l'agente des visas s'était, comme l'affirme le demandeur, trompée dans son appréciation, les erreurs dont il est fait état ne sont pas de nature à fonder une intervention de la Cour étant donné qu'en tout état de cause le demandeur n'aurait pas obtenu plus de 69 points, c'est-à-dire un point de moins que le minimum requis.

[24]       Voir également Barua c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1571 par. 21-23, juge Evans, (1998), 157 F.T.R. 65 et Roopani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 564 par. 9 et 12, juge Evans, (1999), 168 F.T.R. 309.

[25]       Dans ces conditions, je conclus que la position apparemment incohérente de l'agente des visas n'a pas influé sur le résultat final de sorte qu'il n'est pas justifié d'intervenir. Je le dis en sachant que cela semble donner à entendre que si l'appréciation initiale s'était appliquée, elle n'aurait pas pu être contestée. Or, ce n'est clairement pas le cas en ce sens que, même si l'agente des visas avait maintenu l'appréciation initiale de 68 points, le demandeur aurait eu le droit de contester cette appréciation pour le motif qu'elle ne correspondait pas à la situation. Il a été statué que la norme de contrôle qui s'applique à la décision d'un agent des visas est celle de la décision raisonnable (Hao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 296. Si le nombre initial de points était rétabli, je ne modifierais pas le résultat. Les allégations de partialité ne sont pas fondées. Le reste de l'appréciation ne renferme aucune erreur. Je ne substituerais pas mon jugement à celui de l'agente des visas en ce qui concerne des questions telles que la question de la personnalité.


Pour ces motifs, je conclus que même si l'agente des visas a commis une erreur dans son appréciation de l'expérience du demandeur, cela n'a rien changé au résultat. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

ORDONNANCE

Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

             « J.D. Denis Pelletier »         

   Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                               IMM-1775-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Pritpal Singh Ahluwalia

et

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 6 juillet 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Pelletier en date du 25 janvier 2001

ONT COMPARU :

Max Chaudhary                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Kevin Lunney                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet Chaudhary                                                            POUR LE DEMANDEUR

North York (Ontario)

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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