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Date : 20060707

Dossier : IMM-2014-06

Référence : 2006 CF 860

Ottawa (Ontario), le 7 juillet 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE de Montigny

 

ENTRE :

OMAR AL ASALI, MANAL DAFASH, NAMZEH AL ASALI,

 HEBA AL ASALI, OBADA AL ASALI ET TUQA AL ASALI

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Les demandeurs sollicitent une ordonnance interdisant au ministre de les renvoyer du Canada vers les États-Unis le 7 juillet 2006. La demande principale est une décision défavorable d’examen des risques avant renvoi (ERAR) prise le 28 février 2006 et transmise aux demandeurs le 4 mai 2006.

 

[2]               Les demandeurs sont des apatrides palestiniens de la Cisjordanie. Ils sont entrés au Canada le 29 novembre 2004 et ils y ont présenté une demande d’asile. Le 25 juillet 2005, la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a décidé que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention, ni des personnes à protéger. La SPR a mis en doute la crédibilité des faits importants allégués à l’appui de la demande d’asile.

 

[3]               Le 4 mai 2006, un agent d’exécution de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a avisé les demandeurs qu’une décision défavorable avait été rendue sur leur demande d’examen des risques avant renvoi et il leur a donné une convocation en vue de leur renvoi prévu le 7 juillet 2006. L’agent a accepté de reporter le renvoi à cette date pour permettre aux demandeurs mineurs de terminer leur année scolaire au Canada.

 

[4]               Normalement, j’hésiterais à faire droit à la présente requête, étant donné que les demandeurs ont tardé à la présenter. Ils n’ont pas cherché à déposer de requête en sursis pour contester leur renvoi avant le 30 juin 2006, soit presque deux mois après avoir été informés de leur mesure de renvoi. En fait, les demandeurs ont manqué de diligence en ne demandant un autre report de leur renvoi que le 24 juin 2006; cette demande de report a été refusée le 26 juin 2006. La seule raison fournie par les demandeurs pour expliquer leur façon inconvenante de procéder, c’est qu’ils s’attendaient à ce que l’agent d’exécution leur accorde un autre report étant donné la situation actuelle à Gaza et en Cisjordanie, en raison de l’incursion des forces israéliennes.

 

[5]               Ce genre de comportement doit être découragé car il nuit au bon fonctionnement du système judiciaire et porte préjudice au défendeur. La demande de sursis est une voie de recours exceptionnelle et elle peut être refusée aux personnes qui préfèrent attendre la dernière minute pour présenter leur cause s’ils ne fournissent pas d’explication acceptable justifiant leur retard. C’est donc avec réticence que j’ai néanmoins accepté d’entendre les parties, au vu des circonstances très particulières de la présente affaire.

 

[6]               Le critère en trois volets à appliquer à une demande de sursis à un renvoi est bien connu et il a été exposé dans l’arrêt Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.).

 

[7]               J’ai examiné attentivement la documentation présentée et j’ai entendu les avocats des parties par téléconférence. Les demandeurs ont invoqué trois questions sérieuses relativement à la décision défavorable d’ERAR. En premier lieu, ils ont soutenu que l’agent avait omis d’expliquer la raison pour laquelle le risque de harcèlement et de discrimination auquel ils auraient été soumis ne suffisait pas à établir un risque de persécution, de mort ou de traitement cruel et inusité. En deuxième lieu, ils ont prétendu que l’appréciation de la preuve, en ce qui avait trait aux conditions dans le pays, était extrêmement sélective et témoignait d’une indifférence flagrante à l’égard des preuves substantielles présentées à l’agent. Enfin, ils ont soutenu que l’agent les avait traités en tant que groupe et qu’il n’avait pas accordé d’attention à la situation particulièrement désastreuse des enfants de condition semblable dans les territoires occupés.

 

[8]               Le critère pour admettre l’existence d’une question sérieuse est facile à satisfaire. Sans me prononcer sur le bien-fondé des allégations des demandeurs, je suis prêt à admettre que les demandeurs ont soulevé des questions sérieuses, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas futiles, mais au contraire, qu’elles peuvent être débattues en cour.

 

[9]               Les parties ont longuement débattu devant moi de la question de savoir si le préjudice irréparable devrait être évalué eu égard au fait que les demandeurs devaient être renvoyés aux États‑Unis plutôt qu’en Cisjordanie. Bien que je sois d’avis que les demandeurs ne subiraient pas de préjudice irréparable s’ils étaient renvoyés aux États-Unis, il serait juste de supposer qu’ils seront vraisemblablement renvoyés dans leur pays d’origine puisqu’ils n’ont pas de statut aux États-Unis. Le préjudice irréparable doit donc être évalué au regard de la situation à laquelle ils devraient faire face en Cisjordanie.

 

[10]           Pendant les meilleures périodes, comme l’a remarqué l’agent d’ERAR, [traduction] « les conditions de vie sont misérables pour les Palestiniens de la Cisjordanie. Les antécédents de l’Autorité palestinienne sur les droits de la personne sont lamentables et la police n’a pas les ressources nécessaires pour être efficace ». Si telle était la situation le 28 février 2006, on n’exagère pas beaucoup en supposant que les choses n’ont pu que se détériorer depuis. L’agitation suscitée par la récente élection du gouvernement du Hamas, la division entre les diverses factions politiques à la suite des élections et maintenant les opérations militaires de l’armée israélienne ont toutes contribué à l’escalade de la violence à laquelle les enfants sont particulièrement vulnérables. Dans ces circonstances très particulières, je suis convaincu que le préjudice envisagé est plus que désagréable et qu’il va au-delà des conséquences habituelles de l’expulsion.

 

[11]           Bien entendu, je reconnais que le ministre a intérêt à faire respecter la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés en appliquant les mesures d’expulsion dès que les circonstances le permettent. Toutefois, dans le cas particulier qui nous intéresse et à ce moment précis, je conclus également que le préjudice éventuel qui pourrait être causé aux demandeurs, et en particulier aux enfants, l’emporte largement sur l’intérêt du public à ce que la Loi soit appliquée.

 

 

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de sursis au renvoi des demandeurs soit accueillie, en attendant la décision définitive sur la demande de contrôle judiciaire de l’examen des risques avant renvoi.

 

 

                                                                                                            « Yves de Montigny »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                          IMM-2014-06

 

INTITULÉ :                                                         OMAR AL ASALI ET AL.

                                                                              c.

                                                                              MSPPC

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 LE 5 JUILLET 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                    LE JUGE DE MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                                         LE 7 JUILLET 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert I. Blanshay

 

POUR LES DEMANDEURS

A. Leena Jaakkimainen

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert I. Blanshay

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

 

Morris Rosenberg

 

POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

 

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