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Date : 20050830

Dossier : IMM-717-05

Référence : 2005 CF 1181

Ottawa (Ontario), le 30 août 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

ENTRE :

JIHAD EZZEDDINE

Partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

Partie défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]     « La conclusion de la Commission que la preuve de l'appelant ntait pas digne de foi est fondée sur le comportement de ce dernier, l'incompatibilitéentre le Formulaire de renseignements personnels et le témoignage de l 'appelant et un ensemble d'inconsistances et d'invraisemblances dans son témoignage. Cette Cour n'a pas le pouvoir de contrôler de telles conclusions relatives à la crédibilité. » Mostajelin c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration).[1]


NATURE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]    La présente demande de contrôle judiciaire, introduite en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés[2] (Loi), porte sur une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (Commission), rendue le 11 janvier 2005. Dans cette décision, la Commission a conclu que le demandeur ne satisfait pas à la définition de « réfugié au sens de la Convention » à l'article 96 ni à celle de    personne à protéger » au paragraphe 97(1) de la Loi.

FAITS

[3]    Citoyen du Liban, le demandeur, M. Jihad Ezzeddine, allègue avoir une crainte fondée de persécution en raison de ses opinons politiques imputées.

[4]    Voici les faits allégués, tels que décrits dans le Formulaire de renseignements personnels (FRP) de M. Ezzeddine. En 1992, ce dernier habitait Yater, un quartier de Bint Jbeil, dans le sud du Liban et a été forcé de joindre les rangs de l'Armée du Liban du Sud (ALS). Il devait utiliser son

autobus scolaire pour transporter des militaires de l'ALS et agir comme concierge et garde de sécurité d'une maison de repos de l'ALS.


[5]    En novembre 1999, M. Ezzeddine a été arrêté par des membres du Hezbollah, qui l'ont accusé d'être un agent des Israéliens et de l'ALS. M. Ezzeddine a été interrogé et menacé. Après quatre jours de détention, il a été libéré et a recommencé sa vie à Beyrouth, où il est devenu boulanger. Un jour, deux hommes sont descendus d'une voiture fantôme et lui ont dit qu'il avait 48 heures pour quitter la région car il s'agissait d'une zone contrôlée par Hezbollah. M. Ezzeddine s'est donc trouvé un emploi ailleurs, comme conducteur pour une agence de location de voitures. En juin 2001, il s'est fait battre et menacer par des membres de Hezbollah, et s'est fait briser le poignet.

[6]    M. Ezzeddine a donc quitté son pays en août 2001 pour le Mexique. Il s'est ensuite rendu aux États-Unis. Il est entré au Canada le 13 mai 2003 et y a demandé l'asile.    

DÉCISION CONTESTÉE

[7]    La Commission a rejeté la demande d'asile en raison du manque de crédibilité de M. Ezzeddine, démontré par de maints exemples dans la décision.

QUESTION EN LITIGE

[8]    Était-il manifestement déraisonnable que la Commission conclue au manque de crédibilité du demandeur?


ANALYSE

[9]    Il est bien établi qu'en ce qui a trait à des questions de crédibilité, comme en l'espèce, l'erreur de la Commission doit être manifestement déraisonnable pour que la Cour intervienne (Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (C.A.F.)[3], Pissareva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[4], Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[5]).


[10]                        La Commission a relevé de nombreux éléments qui minaient la crédibilité de M. Ezzeddine. Premièrement, le témoignage de ce dernier était ardu, M. Ezzeddine ne répondant pas aux questions ou les esquivant dans ses réponses. Deuxièmement, M. Ezzeddine affirme avoir été contraint de travailler pour l'ALS et ne pas avoir été rémunéré pour ce travail, mais il indique plus tard dans l'audience qu'il était payé environ 150 $ US par mois pour le transport des militaires de l'ALS. Troisièmement, M. Ezzeddine écrit dans son FRP et affirme à l'audience avoir été arrêté par le Hezbollah en novembre 1999 et avoir ainsi dû quitter pour s'installer à Beyrouth, alors qu'il indique dans son FRP avoir cessé de travailler dans son village comme chauffeur d'autobus en mai 2000. Quatrièmement, M. Ezzeddine aurait été menacé par deux membres d'Hezbollah descendus d'une voiture fantôme, la voiture "fantôme" portant le signe d'Hezbollah. Cinquièmement, la Commission a relevé des contradictions importantes dans l'emploi du temps de M. Ezzeddine entre 1998 et 1999 : son FRP indique qu'il a travaillé comme chauffeur d'autobus à Yater entre septembre 1991 et juin 1998 et qu'entre décembre 1999 et mars 2002, il était boulanger à Beyrouth, alors que son formulaire IMM-5474 indique que d'avril 1996 à avril 1998, il travaillait comme boulanger à Beyrouth et comme conducteur toujours à Beyrouth d'avril 1998 à juillet 2001. Enfin, la Commission a jugé que M. Ezzeddine a omis de mentionner dans son FRP les nombreux voyages qu'il a faits en Syrie entre 1993 et 2001 et qu'il aurait pu profiter de ces opportunités pour s'enfuir du Liban s'il était réellement tracassé et poursuivi par les membres de Hezbollah.

[11]                        Il appartenait à la Commission, à titre de tribunal spécialisé, d'évaluer le témoignage de M. Ezzeddine ainsi que sa crédibilité dans le contexte de l'ensemble de la preuve. C'est ce que la Commission a fait et la Cour ne saurait conclure qu'une erreur manifestement déraisonnable a été commise dans le cadre de cette évaluation.

CONCLUSION

[12]                        Pour ces motifs, la Cour répond par la négative à la question en litige. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que

1.         La demande de contrôle soit rejetée;

2.         Aucune question soit certifiée.

« Michel M.J. Shore »

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    IMM-717-05

INTITULÉ:                                                     JIHAD EZZEDDINE

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                             MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 24 AOÛT 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE          

ET ORDONNANCE :                                   MONSIEUR LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS DE

L'ORDONNANCE                     

ET ORDONNANCE :                                   LE 30 AOÛT 2005

COMPARUTIONS:

Me Jacques Beauchemin                             POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Caroline Cloutier                                     POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me ALAIN JOFFE                                          POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

JOHN H. SIMS C.R.                                       POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada




[1] A-122-90, le 15 janvier 1993.

[2] L.C. 2001, c. 27.

[3] (1993) 160 N.R. 315, [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.) (QL).

[4] (2001) 11 Imm. L.R. (3e) 233, [2000] A.C.F. no 2001 (1ère inst.) (QL).

[5] (2000) 173 F.T.R. 280, [1999] A.C.F. no 1283 (1ère inst.) (QL).

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