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     Date : 19980209

     Dossier : IMM-4810-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 9 FÉVRIER 1998

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE JOYAL

ENTRE

     YOUSEF NIKNAZAR,

     YASAMAN YASDAN SHARIF,

     GHAZAL NIKNAZAR,

     AMEER DAVID NIKNAZAR,

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         intimé.

     ORDONNANCE

         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                             L. Marcel Joyal

                                     JUGE

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     Date : 19980209

     Dossier : IMM-4810-96

ENTRE

     YOUSEF NIKNAZAR,

     YASAMAN YASDAN SHARIF,

     GHAZAL NIKNAZAR,

     AMEER DAVID NIKNAZAR,

     requérants,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE JOYAL

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 5 décembre 1996 par laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a refusé le statut de réfugié au sens de la Convention à Yousef Niknazar et à Yasaman Yasdan Sharif (les requérants), ainsi qu'à leurs enfants mineurs, Ghazal Niknazar et Ameer David Niknazar.

Les faits

[2]      Les requérants et leurs deux enfants mineurs prétendent être des citoyens iraniens, mais ils sont venus au Canada à l'aide de passeports israéliens.

[3]      Leurs démêlés avec les autorités iraniennes ont commencé en avril 1994, lorsque les requérants ont loué leur studio-image à des gens recommandés par un ami. Ces gens étaient des cinéastes qui venaient au studio une ou deux fois par semaine pour développer des films. Les requérants ne se sont jamais préoccupés de la teneur des films, puisque les cinéastes avaient été recommandés par leur ami. Ils n'ont vu non plus aucun des films développés.

[4]      Les cinéastes venaient régulièrement au studio pendant environ deux mois et demi et puis, brusquement, ils ont cessé de venir, mettant fin à leur contact avec les requérants. L'ami de ceux-ci a fait savoir que les cinéastes étaient occupés, mais qu'ils retourneraient au studio plus tard.

[5]      Dix jours plus tard, les requérants ont appris de leur ami que les deux cinéastes avaient été arrêtés, sans en apprendre les motifs. Les requérants ont par la suite appris que l'arrestation était due à la reproduction de films politiques.

[6]      Les requérants ne se sont pas rendu compte à l'époque qu'ils pourraient être en danger. Ils ont décidé de visiter la Turquie pour prendre des vacances. Pendant qu'ils s'y trouvaient, le mari a appelé sa belle-mère, qui lui a dit que des gens étaient venus à la maison pour les rechercher. À ce moment-là, ils ont eu peur quelque peu.

[7]      Quelques jours plus tard, le mari a parlé de nouveau à sa mère, qui lui a dit que le Posdaran avait fouillé la maison des requérants et s'était renseigné sur les endroits où ils se trouvaient. Les requérants se sont alors rendu compte qu'ils avaient été impliqués dans les activités illégales des cinéastes et ne pourraient plus retourner sans danger en Iran. Ils ont rencontré un agent en Turquie, qui a pris des dispositions pour qu'ils s'enfuient. L'agent leur a dit que, pour venir au Canada, ils devaient passer par Israël.

[8]      La famille du mari est juive et s'était enfuie de l'Iran pour se réfugier en Israël en 1979. Il avait choisi de ne pas suivre sa famille, et il s'est plutôt converti à la religion musulmane. Ses parents l'ont désavoué après cette conversion.

[9]      Après l'arrivée des requérants en Israël, l'agent a, à plusieurs reprises et avec de nombreuses excuses, retardé leur départ pour le Canada. Il avait leurs passeports, et les requérants ne pouvaient faire autrement que de demeurer en Israël jusqu'à ce que les dispositions nécessaires aient été prises. Ils sont finalement partis pour le Canada le 29 septembre 1995, et ils ont revendiqué le statut de réfugié dès leur arrivée.

La décision de la Commission

[10]      La Commission a conclu que les requérants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention, invoquant le motif que leur témoignage n'était pas digne de foi, et qu'ils n'avaient pas raison de craindre d'être persécutés en Iran.

Les points litigieux

[11] La Commission a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu'elle a tiré des conclusions de crédibilité qui n'étaient pas étayées par les éléments de preuve et/ou qu'elle les tirées sans tenir compte de la totalité des éléments de preuve dont elle disposait?

Analyse

[12]      La détermination de la crédibilité est une question de fait et relève de la compétence de la Commission. Un tribunal est en meilleure position pour jauger la crédibilité d'un revendicateur, et les contradictions ou les divergences dans la preuve sont reconnues comme étant le fondement d'une conclusion de non-crédibilité. La Cour ne devrait pas toucher à la conclusion d'un tribunal à moins que celle-ci ne soit manifestement déraisonnable.

[13]      Pour sa part, un tribunal, en rendant une décision, doit respecter certaines conditions afin d'"être à l'abri" du contrôle judiciaire. Pour conclure à la non-crédibilité, il doit le dire en termes clairs et explicites, compte tenu de la totalité des éléments de preuve. Il doit donner à un revendicateur amplement la possibilité d'expliquer toutes les contradictions. Et en appréciant les éléments de preuve, il ne doit pas appliquer les normes de rationalité occidentales à la situation particulière d'un requérant.

[14]      Il faudrait aussi se rappeler qu'il incombe au requérant de démontrer que les conclusions tirées par un tribunal sont déraisonnables compte tenu des documents dont ce dernier dispose.

Conclusion

[15]      En l'espèce, la décision de la Commission a clairement exposé les raisons pour lesquelles les requérants avaient été jugés non crédibles. Malgré l'impressionnante argumentation contraire de la part de l'avocat des requérants, je ne trouve dans la décision aucun motif qui permette que j'intervienne. Particulièrement, la Commission a eu raison d'attaquer la crédibilité du témoignage des requérants sur la présence continue des films clandestins dans leur studio.

[16]      Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la Commission est en meilleure position pour trancher les questions de la crédibilité et de la vraisemblance, et la Cour devrait s'en remettre à la décision de la Commission à cet égard. La demande de contrôle judiciaire est en conséquence rejetée.

                                 L. Marcel Joyal

                                         Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 9 février 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                      IMM-4810-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Yousef Niknazar et al c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 5 janvier 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE JOYAL

EN DATE DU                      9 février 1998

ONT COMPARU :

    Pheroze Jeejeebhoy                  pour le requérant
    David Tyndale                      pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Catherine M. Kerr                  pour le requérant
    Toronto (Ontario)
    George Thomson
    Sous-procureur général
    du Canada                      pour l'intimé
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