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Date : 20060728

Dossier : IMM-3690-06

Référence : 2006 CF 934

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 28 juillet 2006

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

ENTRE :

FEDERICO GIJON CORTES

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] La cour est saisie d’une requête en sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi présentée par Federico Cortes (le demandeur), citoyen du Mexique, en attendant une décision quant à la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision rendue le 23 juin 2006 par l’agent des renvois, M. Desmarais (l’agent des renvois), qui a rejeté la demande du demandeur de surseoir à son renvoi jusqu’à ce que la décision portant sur sa demande de résidence permanente parrainée au Canada soit rendue.

 

[2]  Les faits substantiels entourant la présente demande sont les suivants :

·  le demandeur est arrivé au Canada le 24 octobre 1999 comme visiteur;

  • il a présenté une demande d’asile le 1er novembre 1999 qui a été rejetée le 1er septembre 2000;

 

  • il a déposé une demande d’examen des risques avant renvoi le 28 juillet 2005, laquelle a été rejetée le 16 mai 2006;

 

  • le 23 juin 2003, le demandeur a rencontré sa conjointe de fait, résidente permanente au Canada; leur relation s’est renforcée en janvier 2004, et se poursuit depuis lors;

 

 

·  le 18 octobre 2005, une fille, Luz, est née de leur union;

  • le 16 mai 2006, la famille s’est présentée à une entrevue avec l’agent des renvois; au cours de cette entrevue, le demandeur a été informé qu’une demande fondée sur des considérations humanitaires (demande CH) avait été déposée à Montréal le 12 mai 2006, avec une lettre de l’ancien avocat du couple expliquant que cette demande devait être examinée avant le renvoi;

 

  • pendant cette même entrevue, le couple a réitéré verbalement cette demande à l’agent des renvois, qui l’a refusée parce qu’il considérait que la demande CH avait été présentée à la dernière minute;

 

  • les services de l’avocat actuel ont été retenus le 30 mai 2006, date où ce dernier a acheminé à Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), à Vegreville, en Alberta, une demande de parrainage de conjoint au Canada;

 

  • le 5 juin 2006, l’avocat du couple a écrit à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) lui demandant d’exercer son pouvoir discrétionnaire de reporter le renvoi pour permettre à CIC de traiter la demande de parrainage de conjoint au Canada; il a invoqué l’intérêt supérieur de l’enfant, Luz;

 

  • le 19 juin 2006, il a écrit à l’agent des renvois expliquant qu’il n’avait pas encore reçu une réponse à sa demande de report;

 

  • le 23 juin 2006, l’agent des renvois a répondu qu’après examen du dossier, il a conclu que les circonstances de l’affaire ne justifiaient pas le report du renvoi. Les notes de l’agent des renvois figurent dans le dossier de requête du défendeur.

 

 

  • [3] Je suis d’avis que la présente demande de sursis doit être rejetée en raison du fait que l’avocat du demandeur ne m’a pas convaincu de l’existence de l’un quelconque des critères en trois volets qui doivent s’appliquer pour qu’un sursis soit accordé. Le demandeur n’a pas démontré l’existence d’une question sérieuse à trancher ou d’un préjudice irréparable et n’a pas non plus démontré que la prépondérance des inconvénients penche en sa faveur.

 

  • [4] L’avocat du demandeur a concédé que son client ne bénéficiait pas d’un report administratif fondé sur la politique d’intérêt public du ministre en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) établissant les critères en vertu desquels les époux et les conjoints de fait de citoyens canadiens et de résidents permanents au Canada qui n’ont pas le statut juridique d’immigrant seront évalués en vue de l’octroi de la résidence permanente.

 

  • [5] Il a également concédé que l’intérêt supérieur de l’enfant ne l’emporte pas nécessairement sur une mesure de renvoi valide, mais a fait valoir que ce facteur doit être pris en compte. Il a également convenu qu’un agent des renvois à qui le report est demandé pour cette raison n’est pas tenu de se soumettre à un exercice approfondi dans le cadre d’une demande CH.

 

  • [6] L’avocat du demandeur a également convenu que le critère servant à établir le caractère sérieux d’une question est énoncé dans l’arrêt RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311. Le critère n’est pas de savoir si la question sérieuse à trancher n’était ni futile ni vexatoire, mais plutôt de savoir si la question est bien fondée, parce que l’octroi d’un sursis est la réparation qu’il recherche dans sa demande de contrôle judiciaire.

 

  • [7] L’avocat du demandeur a proposé un certain nombre de questions sérieuses liées au bien-fondé, et plus particulièrement l’omission de l’agent des renvois de tenir compte des besoins émotionnels du bébé. Il a cité de la jurisprudence qui se distingue par l’âge des enfants impliqués, soit l’un des facteurs à prendre en considération (voir la décision Munar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1180, au paragraphe 39).

 

  • [8] Il a insisté sur les obligations du Canada en vertu de la Convention des Nations Unies relative aux droits des enfants (la Convention), mais comme l’a déclaré le juge Nadon, tel était alors son titre, dans la décision Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] FCJ no 936, le paragraphe 9(4) de la Convention prévoit la possibilité que des enfants soient séparés de leurs parents dans le contexte d’une expulsion.

 

  • [9] Les notes de l’agent des renvois indiquent qu’il a pris en considération les intérêts du bébé et qu’il a conclu que la mère, une travailleuse indépendante, pouvait subvenir aux besoins financiers de son bébé. Il a souligné que le bébé n’avait pas l’âge de fréquenter l’école et que si M. Cortes présentait une demande à l’extérieur du Canada, il pourrait s’écouler entre huit mois et un an et demi avant qu’une décision soit rendue et qu’à son retour au Canada, l’enfant n’aurait toujours pas l’âge de fréquenter l’école.

 

  • [10] L’avocat conteste ces conclusions parce qu’elles relèvent de l’hypothèse. Il affirme que les années les plus importantes du développement d’un enfant se situent entre un et cinq ans, mais ne présente aucun élément de preuve établissant que le bébé Lux a certains besoins spéciaux.

 

  • [11] Il reconnaît que la demande CH a été déposée tardivement, mais soutient que la procédure ne doit pas l’emporter sur la justice. Je suis d’avis que la jurisprudence de la Cour reconnaît que le dépôt tardif d’une demande CH est un facteur pertinent.

 

  • [12] Sur la question du préjudice irréparable, il fait valoir la séparation de la famille, sans plus. Dans l’arrêt Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 261, la Cour d’appel fédérale a affirmé que la preuve doit renfermer davantage d’éléments pour établir le préjudice irréparable.

 

  • [13] Dans les circonstances, la prépondérance des inconvénients joue en faveur du ministre.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la présente requête en sursis soit rejetée.

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  IMM-3690-06

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :  FEDERICO GIJON CORTES c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  LE 24 JUILLET 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS :  LE 28 JUILLET 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mitchell Goldberg

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

Alexandre Tavadian

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mitchell Goldberg

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

Justice Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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