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     IMM-1508-96


OTTAWA, LE MERCREDI 15 OCTOBRE 1997


EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT

Entre :

     HUANG YING et GAO BAI NIAN,

     requérants,

     - et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     O R D O N N A N C E

     SUR PRÉSENTATION d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'une agente des visas, qui a été communiquée aux requérants par lettre en date du 15 février 1996, après avoir lu les pièces déposées, avoir entendu les avocats de toutes les parties à Toronto (Ontario), le 10 juin 1997, et pour les motifs de l'ordonnance rendus ce jour,

     LA COUR ORDONNE que la demande soit rejetée. Il n'y a pas d'ordonnance adjugeant les dépens.

                             "James A. Jerome"

                                                    

                             Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme         

                             Laurier Parenteau

     IMM-1508-96

Entre :

     HUANG YING et GAO BAI NIAN,

     requérants,

     - et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME

     La présente demande de contrôle judiciaire d'une décision d'une agente des visas, qui a été communiquée aux requérants dans une lettre en date du 15 février 1996, a été entendue à Toronto (Ontario) le 10 juin 1997. À la fin des plaidoyers, j'ai réservé ma décision et indiqué que des motifs écrits suivraient.

     Mme Huang est musicienne. Elle joue de la pipa et du zhong ruan, deux instruments traditionnels, et elle est membre de la troupe de danse, de musique et de chant de Nanjing, elle a participé à des tournées internationales, et elle a plusieurs enregistrements à son crédit. M. Gao est artiste de même que professeur et administrateur à l'École normale de Nanjing. En 1995, ils ont demandé la résidence permanente au Canada pour eux-mêmes et leur fille.

     Ils ont demandé d'être admis au Canada en tant que membres de la catégorie des "travailleurs autonomes". Ils ont été convoqués à une entrevue par une agente des visas à Beijing le 25 janvier 1996. L'agente les a interrogés sur leurs plans d'affaires au Canada, mais elle a conclu qu'ils ne respectaient pas les critères établis par le Règlement sur l'immigration de 1978 (le Règlement). Les requérants ont été informés de cette décision au cours de l'entrevue et on leur a donné la possibilité de la réfuter. À la mi-février, une lettre confirmant la conclusion de l'agente des visas a été préparée et envoyée aux requérants, mais rien n'indique que cette lettre a été reçue avant le mois de mars 1996.

     Les requérants demandent le contrôle judiciaire de cette décision au motif que l'agente des visas a manqué aux principes d'équité procédurale, a ignoré ou mal interprété la preuve dont elle était saisie, et a mal interprété la définition de "travailleur autonome" qui est donnée au paragraphe 2(1) du Règlement. Je ne suis pas convaincu que les deux premiers motifs sont justifiés. Comme il a été indiqué, au cours de l'entrevue, l'agente des visas a donné aux requérants la possibilité de lui fournir des renseignements supplémentaires qui l'amènerait à changer d'idée sur le fait que leur demande ne pouvait être étudiée dans la catégorie des "travailleurs autonomes", et elle a fondé sa décision sur la preuve qui se trouve au dossier. Je ne peux donc conclure que l'agente des visas s'est écartée des principes d'équité procédurale ou qu'elle a mal interprété ou ignoré la preuve dans elle était saisie.

     Je ne suis pas non plus convaincu qu'elle a mal interprété la définition de "travailleur autonome". Le paragraphe 2(1) du Règlement dispose comme suit :

     "travailleur autonome" s'entend d'un immigrant qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, de façon à créer un emploi pour lui-même et à contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada.         

La jurisprudence a établi que la définition de "travailleur autonome" est double : l'intention et la capacité d'établir une entreprise, et la probabilité que cette entreprise contribue de manière significative à la vie économique du Canada. Pour ce qui a trait à la première partie du critère, la Cour a statué dans Yang c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) , une affaire dans laquelle une musicienne demandait à s'établir au Canada en tant que professeur de musique autonome, de la façon suivante :

     Une analyse de la question me semble exiger l'examen de trois points. Premièrement, la requérante est-elle une musicienne accomplie (une réputation internationale serait à cet égard un atout précieux)? Deuxièmement, peut-elle enseigner? Troisièmement, peut-elle s'établir comme professeur autonome? Il est évident que la requérante s'est mérité une réponse affirmative aux deux premières questions, et implicitement tout au moins, une réponse partiellement affirmative à la troisième question. La seule lacune en ce qui concerne la troisième question a trait à son manque d'expérience pratique comme professeur autonome. En insistant indûment sur l'inexpérience de la requérante comme professeur autonome, l'agent des visas a permis à cette lacune partielle à l'égard de la troisième question d'avoir plus de poids que les réponses affirmatives aux deux autres questions, cette interprétation enlevant à la requérante à peu près toute possibilité de réussite. En conséquence, il y a eu violation fondamentale de l'obligation d'équité envers la requérante, ce qui suffit à justifier la réparation recherchée (T-624-88, p. 8-9).         

Donc, l'équité procédurale exige que l'agent des visas se pose chacune des trois questions et qu'il leur accorde une importance égale pour déterminer si la requérante réunit les qualités d'un "travailleur autonome".

     Le "plan de développement au Canada" des requérants, qui se trouve à la page 26 du dossier soumis par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration le 30 mai 1996, indique qu'ils ont l'intention [TRADUCTION] "de donner des spectacles et des concerts de musique, de façon à pouvoir enrichir la culture de la communauté". En rejetant leurs demandes, l'agente des visas a expliqué ce qui suit :

     [TRADUCTION]         
     Vous êtes une musicienne, et votre mari est un artiste. Vous avez exprimé l'intention de subvenir vous-mêmes à vos besoins de deux façons - la vente des toiles de votre mari et les concerts de musique chinoise traditionnelle que vous avez l'intention de donner. Toutefois, votre source principale d'emploi a toujours été reliée à l'orchestre dont vous faites partie. Bien que vous ayez à l'occasion donné des spectacles en solo, ceux-ci ont toujours été organisés par votre orchestre ou appuyés par lui. À l'exception de quelques leçons de musique, vous n'avez pas d'expérience comme travailleur autonome. De même, la principale source d'emploi de votre mari a été le poste de professeur qu'il occupe à l'École normale de Nanjing. Au cours de l'entrevue, il a déclaré que son travail était subventionné par l'État. Il n'a pas d'expérience comme travailleur autonome. (Lettre du 15 février 1996)         

Je ne suis pas convaincu que l'agente des visas a commis des erreurs susceptibles de contrôle en arrivant à cette conclusion.

     Les trois questions posées dans la décision Yang peuvent être reformulées dans le contexte de la situation en l'espèce de la façon suivante :


     (1)      M me Huang est-elle une musicienne accomplie? M. Gao est-il un artiste accompli?
     (2)      M me Huang a-t-elle monté et dirige-t-elle une troupe musicale? M. Gao a-t-il établi une présence au Canada qui lui permette de vendre ses toiles?
     (3)      M me Huang peut-elle travailler à son compte comme directrice d'une troupe musicale et M. Gao comme artiste et commerçant d'oeuvres d'art?

Bien qu'une réponse positive puisse être donnée à la première question, il n'est pas clair que l'un ou l'autre a une expérience ou une formation suffisantes pour qu'une réponse positive puisse être donnée à la deuxième question. Par conséquent, il est impossible d'évaluer leur capacité de travailler à leur compte, et il faut répondre par la négative à la troisième question. Il ressort clairement de mon examen du dossier et des pièces déposées par les deux parties que l'agente des visas a examiné ces questions quand elle a analysé la demande de résidence permanente en l'espèce et qu'elle n'a pas mal interprété la définition de "travailleur autonome".

     Il est également difficile de déterminer si les requérants pourraient contribuer à la vie culturelle ou artistique du Canada de manière "significative". Étant donné que nous ne pouvons établir avec certitude si les requérants pourraient s'établir et exploiter leur entreprise comme prévu, nous ne pouvons évaluer l'importance de leur contribution.

     Pour les motifs indiqués ci-dessus, cette demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n'y a pas d'ordonnance adjugeant les dépens.

O T T A W A

le 15 octobre 1997                      "James A. Jerome"

                                                    

                             Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme         

                             Laurier Parenteau

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NE DU GREFFE :              IMM-1508-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      HUANG YING et GAO BAI NIAN
                     c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 10 juin 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge en chef adjoint Jerome

DATE :                  le 15 octobre 1997

ONT COMPARU :

Barbara Jackman                      POUR LES REQUÉRANTS

Stephen H. Gold                      POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman & Associates              POUR LES REQUÉRANTS

Toronto (Ontario)

George Thomson                      POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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