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Date : 19980827


Dossier : IMM-3457-97

ENTRE :

     DING Baoqi (Michael),

     demandeur,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS ET ORDONNANCE

LE JUGE DENAULT :

[1]      Il s'agit de la demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté l'appel relatif au refus d'un agent des visas de faire droit à la demande d'établissement au Canada d'un enfant chinois.

[2]      L'agent des visas et la Commission sont arrivés à la conclusion que l'enfant n'était pas "adopté" au sens de la définition prévue au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'Immigration (1978) , qui prévoit ce qui suit :

"adopted" means a person who is adopted in accordance with the laws of a province or of a country other than Canada or any political subdivision thereof, where the adoption creates a genuine relationship of parent and child, but does not include a person who is adopted for the purpose of gaining admission to Canada or gaining the admission to Canada of any of the person's relatives;

(my emphasis)

"adopté" Personne adoptée conformément aux lois d'une province ou d'un pays étranger ou de toute subdivision politique de celui-ci, dont l'adoption crée avec l'adoptant un véritable lien de filiation. La présente définition exclut la personne adoptée dans le but d'obtenir son admission au Canada ou celle d'une personne apparentée.

(Non souligné dans l'original)

[3]      À la lumière de la preuve, il semble que le demandeur a décidé d'adopter Ding Yinjie, la fille de son frère aîné, née en République populaire de Chine au mois de décembre 1992, lorsque la mère biologique de l'enfant est devenue enceinte d'un deuxième enfant, un garçon né au mois d'août 1994, contrairement à la politique de l'enfant unique.

[4]      La procédure d'adoption de Ding Yinjie a été approuvée par les autorités chinoises (1995-12-27) et par les autorités québécoises (1995-2-14). Alléguant que sa nièce, devenue sa fille adoptive, relevait de la catégorie des parents, le demandeur à fait à son égard une demande d'établissement (1996-6-6) qui a été rejetée. L'appel interjeté par le demandeur auprès de la Commission a aussi été rejeté. À l'appui de sa conclusion, cette dernière affirme : (p. 12 du dossier de la Cour du demandeur)

     [TRADUCTION] La preuve montre l'absence d'intention de transférer les liens de filiation des parents biologiques aux parents adoptifs, de manière à créer un véritable lien de filiation entre l'appelant, son épouse et la demanderesse. En conséquence, la demanderesse ne satisfait pas à la définition d'"adopté" et, à ce titre, elle ne relève pas de la catégorie des parents.         

[5]      Le demandeur soutient que la Commission a commis une erreur de fait et de droit pour deux motifs. Premièrement, elle a conclu erronément que l'adoption n'avait pas créé un véritable lien de filiation et, deuxièmement, elle a attribué une importance indue au rapport d'entrevue du travailleur social préparé dans le contexte des procédures d'adoption au Québec, tout en ne tenant pas compte d'autres éléments de preuve, tels que les témoignages respectifs du demandeur et de sa femme.

[6]      Bien que la présente affaire suscite beaucoup de sympathie et qu'elle soit susceptible de créer une situation délicate dans l'hypothèse où la demande d'établissement de Ding Yinjie serait refusée, il n'appartient pas à la Cour de procéder à une nouvelle audition. Lors d'une telle demande de contrôle judiciaire, la Cour ne peut intervenir que dans les cas prévus au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale, c'est-à-dire dans le cas où la décision contestée est entachée d'une erreur de droit ou fondée sur une conclusion de fait tirée de façon abusive ou arbitraire de l'ensemble de la preuve.1

[7]      Pour déterminer si une personne est "adopté(e)" conformément au libellé actuel du paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration (1978) , l'agent des visas ou la Section d'appel de l'immigration doit examiner trois questions2 : 1) la demanderesse parrainée qui cherche à s'établir en qualité de membre de la catégorie des parents

a-t-elle été adoptée conformément aux exigences juridiques du pays où l'adoption a eu lieu; 2) les faits indiquent-ils que l'adoption a créé un véritable3 lien de filiation; et 3) la personne a-t-elle été adoptée dans le but d'obtenir son admission au Canada ou celle d'une personne apparentée, c'est-à-dire s'agit-il d'une "adoption de convenance", selon la terminologie actuelle.

[8]      Nul ne consteste que les conditions 1) et 3) sont respectées. Il convient uniquement de se demander si l'adoption a créé un véritable lien de filiation.

[9]      À l'audience, l'avocat du demandeur a reconnu que si l'adoption légale de l'enfant en cause, effectuée conformément à la législation chinoise et québécoise, ne faisait pas naître la présomption qu'un véritable lien de filiation existait, elle créait néanmoins un lien de droit. Je ne suis pas d'accord. Bien que la production des documents relatifs à l'adoption constitue une condition essentielle à la réussite d'une demande d'établissement en qualité de parent, ces documents ne constituent qu'un facteur parmi d'autres à prendre en considération pour déterminer si un véritable lien de filiation a été créé.

[10]      En l'espèce, la principale question en litige en est une de faits et, à mon avis, le dossier comporte nombre d'éléments de preuve au soutien de la décision de la Section d'appel de l'immigration, selon laquelle aucun véritable lien de filiation n'a été créé entre le demandeur et sa nièce Ding Yinjie. J'estime que la conclusion de la Section d'appel de l'immigration était raisonnable, compte tenu des faits suivants : a) le désir du demandeur et son épouse de tirer son frère et l'épouse de ce dernier d'une situation difficile causée par la naissance d'un deuxième enfant; b) les éléments de preuve contradictoires relativement à l'entretien de Ding Yinjie; c) les visites peu fréquentes en Chine pour voir l'enfant; d) le maintien des relations entre l'enfant et ses parents biologiques.

[11]      À mon avis, il était loisible à la Section d'appel de l'immigration d'examiner, tel qu'il ressort de sa décision, non seulement le rapport d'entrevue du travailleur social mais également les témoignages du demandeur et de son épouse.

[12]      Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[13]      Conformément à l'article 83 de la Loi sur l'immigration, l'avocat du demandeur a proposé la certification de la question suivante :

     Le contexte culturel de l'adoption doit-il être pris en considération pour déterminer s'il s'agit d'une adoption véritable, compte tenu du caractère multiculturel du Canada consacré dans la Loi constitutionnelle ?         


J'estime, tout comme l'avocat de l'intimé, que la question proposée est une question de fait qui vise uniquement la situation personnelle du demandeur. Conséquemment, aucune question ne sera certifiée.

                             PIERRE DENAULT                ---------------

                              Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                      IMM-3457-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :              DING BAOQI (MICHAEL) c.              MINISTRE DE LA                      CITOYENNETÉ ET DE                  L'IMMIGRATION                             

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                  Le 12 août 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          MONSIEUR LE JUGE DENAULT

EN DATE DU :                      27 août 1998

ONT COMPARU :

            

M. Michael Bergman                  POUR LE DEMANDEUR

Mme Michèle Joubert                  POUR LE DÉFENDEUR

    

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :         

Bergman Robins & Associates              POUR LE DEMANDEUR

Westmount (Québec)

M. Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      Tawfik c. Canada (M.C.I.), 93-A-311 (C.F., 1re inst.)

2      Voir M.C.I. c. Kai Hang Shi , IMM-3603-96, 16 mai 1997, juge Pinard.

3      Ce qualificatif est issu de la modification du 1er février 1993 au Règlement sur l'immigration (1978). Avant cette modification, cette définition prévoyait ceci :"... lorsque l'adoption a créé entre l'adoptant et l'enfant un lien fictif de filiation."

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