Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20050914

Dossier : IMM-7518-04

Référence : 2005 CF 1261

Ottawa (Ontario), le 14 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE RUSSELL

ENTRE :

MOHAMMAD MOHSEN HOLWAY

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LA DEMANDE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision (la décision) rendue le 9 août 2004 par la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la SAI), présentée en vertu de l'article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). La SAI a rejeté l'appel du refus de la demande de parrainage du demandeur interjeté en vertu du paragraphe 64(1), au motif qu'elle n'avait pas compétence.

LE CONTEXTE

[2]                Le demandeur est citoyen canadien; il demande à parrainer ses parents pour qu'ils puissent venir au Canada à titre de résidents permanents. Ceux-ci sont citoyens de l'Afghanistan, mais ils résident en Inde à l'heure actuelle.

[3]                Le 18 novembre 2002, l'agent des visas a refusé la demande de parrainage au motif que le père du demandeur tombait sous le coup de l'alinéa 35(1)b) de la LIPR :

35. (1) Emportent interdiction de territoire pour atteinte aux droits humains ou internationaux les faits suivants :

35. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of violating human or international rights for

b) occuper un poste de rang supérieur - au sens du règlement - au sein d'un gouvernement qui, de l'avis du ministre, se livre ou s'est livré au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou commet ou a commis un génocide, un crime contre l'humanité ou un crime de guerre au sens des paragraphes 6(3) à (5) de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre;

(b) being a prescribed senior official in the service of a government that, in the opinion of the Minister, engages or has engaged in terrorism, systematic or gross human rights violations, or genocide, a war crime or a crime against humanity within the meaning of subsections 6(3) to (5) of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act; or

[4]                Le père du demandeur a été officier dans l'armée afghane de 1959 à 1985 (dans l'armée de l'air); il avait obtenu le grade de lieutenant-colonel lorsqu'il a quitté l'Afghanistan avec sa famille pour se réfugier en Inde en 1986. Il était officier d'approvisionnement de carrière et ses fonctions consistaient généralement à administrer la documentation et à tenir les comptes de dépenses. Le père et la mère du demandeur sont en Inde depuis 1986 à titre de réfugiés.

[5]                Après la décision de refus de l'agent des visas, le demandeur a présenté une demande d'autorisation de contrôle judiciaire et il a concurremment interjeté appel de cette même décision devant la SAI. Le ministre a contesté la demande d'autorisation au motif qu'elle était prématurée puisque le demandeur n'avait pas épuisé tous ses droits d'appel prévus par la LIPR, c'est-à-dire l'appel à la SAI. La Cour fédérale a rejeté la demande d'autorisation sans donner de motifs. Puis, se fondant sur le paragraphe 64(1) de la LIPR, la SAI a conclu qu'elle n'avait pas compétence pour connaître de l'appel du demandeur :

64. (1) L'appel ne peut être interjeté par le résident permanent ou l'étranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée, ni par dans le cas de l'étranger, son répondant.

64. (1) No appeal may be made to the Immigration Appeal Division by a foreign national or their sponsor or by a permanent resident if the foreign national or permanent resident has been found to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality.

LA DÉCISION FAISANT L'OBJET DE LA DEMANDE DE CONTRÔLE

[6]                C'est la décision de la SAI concernant la compétence qui fait l'objet de la présente demande.

[7]                La décision de l'agent des visas, selon laquelle le père du demandeur est une personne tombant sous le coup du paragraphe 35(1) de la LIPR, n'est pas contestée dans le cadre de la présente demande. L'autorisation a déjà été refusée relativement à cette décision.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[8]                Le demandeur soulève quatre questions dans le cadre de la présente demande :   

(1)         La SAI avait-elle compétence pour connaître de l'appel?

(2)         La Cour a-t-elle compétence pour connaître de la présente demande, alors que la SAI a rendu sa décision?

(3)         Si la Cour peut connaître de la présente demande, peut-elle se prononcer sur la question de savoir si la décision de l'agent des visas d'exclure le demandeur était raisonnable au fond?

(4)         Si la Cour peut être saisie de la décision de l'agent des visas, celui-ci a-t-il commis une erreur susceptible de contrôle?


L'ARGUMENTATION

[9]                Le demandeur soutient que la SAI avait bien compétence pour connaître de son appel. Il signale que, vu le refus de la Cour fédérale de lui accorder son autorisation relativement à la décision de l'agent des visas, et la conclusion de la SAI selon laquelle elle n'avait pas compétence pour connaître de son appel, il n'a plus aucune voie de recours contre la décision de l'agent des visas de ne pas autoriser ses parents à le rejoindre au Canada.

[10]            Le demandeur signale aussi que la question de compétence n'a pas été soulevée par le défendeur à l'audience devant la SAI. Le demandeur signale que l'argument du défendeur relatif à la compétence est en contradiction avec sa position relative au caractère prématuré de la demande d'autorisation de contrôle judiciaire de la décision rendue par l'agent des visas présentée par le demandeur.

[11]            Le demandeur ajoute que le paragraphe 64(1) de la LIPR n'est pas applicable aux faits de la présente cause parce que la décision de l'agent des visas ne constituait pas une conclusion relevant de ce texte. Il soutient que l'expression [TRADUCTION] « motif de croire » figurant dans la lettre de l'agent des visas constitue une opinion et non pas une conclusion.

[12]            Le défendeur concède que la position défendue par l'avocat du ministre relativement à la demande d'autorisation était erronée et qu'elle a été soutenue à tort. Le défendeur signale que la loi ne donne pas au demandeur un droit d'appel à la SAI. Le défendeur soutient que, puisque la Cour a rejeté la demande d'autorisation au motif qu'elle était prématurée, elle n'a pas examiné au fond la décision de l'agent des visas afin de décider si l'autorisation devait être accordée. Le défendeur fait valoir que le demandeur peut présenter une requête en réexamen du refus de la Cour d'accorder l'autorisation, et il dit qu'il ne s'y opposera pas.

ANALYSE

La question relative à la compétence

[13]            Le paragraphe 11(1) de la LIPR prévoit que l'étranger qui veut entrer au Canada doit, au préalable, demander à l'agent les visas et les autres documents requis, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d'un contrôle, qu'il n'est pas interdit de territoire et se conforme à la LIPR :

11. (1) L'étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l'agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d'un contrôle, qu'il n'est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document shall be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

[14]            L'article 33 de la LIPR expose la manière dont l'interdiction de territoire doit être évaluée :

33. Les faits - actes ou omissions - mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu'ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir.

33. The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.

[15]            L'alinéa 35(1)b) expose le motif d'interdiction de territoire pertinent en l'espèce :

35. (1) Emportent interdiction de territoire pour atteinte aux droits humains ou internationaux les faits suivants :

35. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of violating human or international rights for

...

...

b) occuper un poste de rang supérieur - au sens du règlement - au sein d'un gouvernement qui, de l'avis du ministre, se livre ou s'est livré au terrorisme, à des violations graves ou répétées des droits de la personne ou commet ou a commis un génocide, un crime contre l'humanité ou un crime de guerre au sens des paragraphes 6(3) à (5) de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre;

(b) being a prescribed senior official in the service of a government that, in the opinion of the Minister, engages or has engaged in terrorism, systematic or gross human rights violations, or genocide, a war crime or a crime against humanity within the meaning of subsections 6(3) to (5) of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act; or

...

...

Exception

(2) Les faits visés aux alinéas (1)b) et c) n'emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l'étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l'intérêt national.

Exception

(2) Paragraphs (1)(b) and (c) do not apply in the case of a permanent resident or a foreign national who satisfies the Minister that their presence in Canada would not be detrimental to the national interest.

[16]            L'agent d'immigration doit non seulement décider si l'étranger est interdit de territoire pour atteinte aux droits de la personne, il doit aussi évidemment décider s'il y a interdiction pour d'autres motifs énumérés.

[17]            Lorsqu'il est conclu qu'il y a interdiction de territoire, il y a un droit d'appel devant la SAI dans certains cas :

DROIT D'APPEL

Jurisdiction compétente

62. La Section d'appel de l'immigration est la section de la Commission qui connaît de l'appel visé à la présente section.

RIGHT OF APPEAL

Competent jurisdiction

62. The Immigration Appeal Division is the competent Division of the Board with respect to appeals under this Division.

[18]            Je suis d'avis que, de manière générale, la jurisprudence de la Cour conforte la décision de la SAI : en l'espèce, elle n'était pas compétente pour connaître de l'appel du demandeur.

[19]            La jurisprudence confortant la position de la SAI et du défendeur relativement à la présente demande est la suivante :

Thevasagayampillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 725; 2005 CF 596

Kang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 367; 2005 CF 297

Touita c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 668; 2005 CF 543

Alleg c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 443; 2005 CF 348

Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] A.C.F. no 814; 2004 CF 662

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Bhalrhu, [2004] A.C.F. no 1498; 2004 CF 1236

[20]            L'avocate du demandeur, Mme Jackman, a fait valoir devant la Cour des arguments très intéressants et elle a soutenu que cette jurisprudence n'était pas persuasive vu les faits de l'espèce. Elle dit aussi que si le paragraphe 64(1) de la LIPR est correctement interprété, il ne doit pas exclure le droit d'appel devant la SAI.

[21]            Faisant preuve de subtilité et d'érudition, Mme Jackman soutient que, avec l'adoption de l'article 64 de la LIPR, le législateur fédéral n'avait pour seule intention que de supprimer les droits d'appel lorsqu'un tribunal judiciaire ou quasi judiciaire avait conclu que l'intéressé était interdit de territoire pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour criminalité organisée. En l'espèce, les parents visés par le parrainage ont fait l'objet d'une décision administrative rendue à la va-vite par l'agent des visas sans qu'ils aient bénéficié ni de l'assistance d'un avocat, ni d'une audience en bonne et due forme. Il y a plus : les intéressés ne sont pas au Canada et ils ne posent aucune menace à la société canadienne. Le demandeur soutient donc que l'article 64 ne doit pas être interprété de manière à supprimer un droit d'appel devant la SAI.

[22]            Le demandeur étaye cet argument de base par une analyse technique des termes « conclusion » et « interdit » , qui sont, selon lui, des termes juridiques consacrés. Son avocate dit que ces termes connotent une décision judiciaire ou quasi judiciaire et vont dans le sens de son argument, selon lequel le législateur fédéral n'avait pas l'intention de supprimer un droit d'appel relatif au genre de décision administrative rendue par l'agent des visas en l'espèce.

[23]            L'avocate du demandeur signale que personne n'avait fait valoir ces arguments devant la Cour auparavant, de sorte que la jurisprudence invoquée plus haut n'est pas déterminante.

[24]            Il est possible que les arguments particuliers que l'avocate du demandeur a fait valoir n'aient pas été soulevés devant les tribunaux par le passé; néanmoins, je suis d'avis que la position soutenue par le demandeur n'est pas conforme aux considérations générales qu'a données la Cour dans la jurisprudence pertinente concernant l'objet et l'effet de l'article 64 et, plus précisément, à la position prise par la juge Mactavish dans la décision Kang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 367, et par le juge Martineau dans la décision Thevasagayampillai c. (Canada) Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2005] A.C.F. no 725.

[25]            En fin de compte, la Cour doit interpréter un texte de loi conformément aux principes bien établis et exposés dans Sullivan, Sullivan, & Drieger On the Construction of Statutes, 4e édition, Toronto, Butterworths, 2002 :

[TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

[26]            Le demandeur soutient que le législateur fédéral a certainement laissé intact le droit d'appel devant la SAI dans les cas du genre; cependant, je ne trouve aucune indication nette susceptible de me convaincre que telle était son intention. La formulation de l'article 64, examinée en regard de l'ensemble de la LIPR et de concert avec le document de fond publié avant l'adoption de la LIPR, et en regard de l'étude article par article préparée par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et remise au Comité permanent de la Chambre des communes sur la citoyenneté et l'immigration et au Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie afin de faciliter l'étude du projet de loi C-11 (LIPR), m'indique que, en adoptant cette disposition, l'intention du législateur fédéral était de supprimer tout droit d'appel dont aurait disposé le demandeur en l'occurrence.

[27]            En l'espèce, les faits tombent sans ambiguïté sous le coup du paragraphe 64(1) de la LIPR. Le père, un étranger, et son parrain, le demandeur, n'ont aucun droit d'appel en vertu de la LIPR parce que le père a été interdit de territoire pour atteinte aux droits de la personne ou internationaux. Si le législateur fédéral avait eu l'intention de donner un droit d'appel aux personnes interdites de territoire aux termes des articles 34 à 37 de la LIPR, il aurait expressément prévu un tel droit. Permettre au demandeur d'interjeter appel de la décision de l'agent des visas reviendrait à créer un droit qui a été, selon moi, expressément écarté.

[28]            La position du défendeur est que les décisions des agents des visas concernant l'interdiction de territoire sont des « conclusions » en matière d'interdiction de territoire. Lorsque l'agent décide qu'il y a des motifs raisonnables de croire que l'intéressé est une personne visée par l'alinéa 35(1)b), il tire une conclusion.

[29]            Contrairement à ce que soutient le demandeur, la LIPR ne fait aucune distinction entre les décisions d'interdiction de territoire rendues par les agents d'immigration et celles rendues par les commissaires de la CISR; on ne peut donc pas dire que le droit d'appel n'est supprimé que dans les cas où c'est la CISR qui a rendu la décision d'interdiction de territoire.

[30]            Comme cela est précisé dans l'article 45 de la LIPR, la Section de l'immigration de la CISR peut aussi décider que des personnes sont interdites de territoire au Canada. Ce texte ne dit pas que la Section de l'immigration « conclut » que l'intéressé est interdit de territoire mais, comme pour les agents des visas, il est manifeste que c'est ce qu'elle fait lorsqu'elle prononce une ordonnance de renvoi contre la personne qu'elle déclare interdite de territoire. L'article 45 se lit comme suit :

45. Après avoir procédé à une enquête, la Section de l'immigration rend telle des décisions suivantes :

45. The Immigration Division, at the conclusion of an admissibility hearing, shall make one of the following decisions:

a) reconnaître le droit d'entrer au Canada au citoyen canadien au sens de la Loi sur la citoyenneté, à la personne inscrite comme Indien au sens de la Loi sur les Indiens et au résident permanent;

(a) recognize the right to enter Canada of a Canadian citizen within the meaning of the Citizenship Act, a person registered as an Indian under the Indian Act or a permanent resident;

b) octroyer à l'étranger le statut de résident permanent ou temporaire sur preuve qu'il se conforme à la présente loi;

(b) grant permanent resident status or temporary resident status to a foreign national if it is satisfied that the foreign national meets the requirements of this Act;

c) autoriser le résident permanent ou l'étranger à entrer, avec ou sans conditions, au Canada pour contrôle complémentaire;

(c) authorize a permanent resident or a foreign national, with or without conditions, to enter Canada for further examination; or

d) prendre la mesure de renvoi applicable contre l'étranger non autorisé à entrer au Canada et dont il n'est pas prouvé qu'il n'est pas interdit de territoire, ou contre l'étranger autorisé à y entrer ou le résident permanent sur preuve qu'il est interdit de territoire.

(d) make the applicable removal order against a foreign national who has not been authorized to enter Canada, if it is not satisfied that the foreign national is not inadmissible, or against a foreign national who has been authorized to enter Canada or a permanent resident, if it is satisfied that the foreign national or the permanent resident is inadmissible.

[31]            Il n'est indiqué nulle part dans l'article 45 que la Commission tire une « conclusion » .

[32]            En outre, l'objet de la LIPR en général, et de l'article 64 en particulier, n'est respecté que si l'on suit l'interprétation du défendeur. Si les agents des visas ne tirent pas de « conclusions » en ce qui a trait à l'interdiction de territoire, il en va alors de même avec la Section de l'immigration vu la formulation de l'article 45. Si on suivait la position du demandeur, personne ne serait « déclaré interdit de territoire » et l'article 64 ne serait jamais appliqué et ne supprimerait pas de droits d'appel.

[33]            Je suis d'avis que le demandeur fait erreur lorsqu'il dit à la page 214 de son dossier que la SAI doit réexaminer la décision de l'agent des visas et décider elle-même si l'intéressé a été déclaré interdit de territoire à juste titre, afin de décider si elle a compétence pour connaître de l'appel. Ce n'est pas le cas.

[34]            Le demandeur invoque la décision Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Selby, [1981] 1 C.F. 273 (C.A.F.), à l'appui de ses prétentions. Cependant, il y a une distinction claire à faire d'avec l'affaire Selby, dans laquelle nul ne contestait que l'intéressé avait le droit de faire appel devant la Commission d'appel de l'immigration (la CAI). La loi prévoyait que l'arbitre pouvait décider si l'intéressé avait perdu sa résidence permanente au motif qu'il n'avait pas respecté les exigences de résidence, et il avait alors le droit de porter cette décision en appel devant la Commission. M. Selby avait le droit de faire appel et la CAI n'aurait eu aucun champ de compétence si elle n'avait pas eu le droit de décider si l'arbitre avait, à juste titre, décidé si l'intéressé avait perdu son statut de résident permanent.

[35]            En l'espèce, contrairement à ce qui s'est produit dans l'affaire Selby, il est clair qu'il n'y a pas de droit d'appel. Je suis d'avis que c'est ce que dit l'article 64. La SAI n'est donc pas compétente pour réexaminer la décision de l'agent des visas concernant l'interdiction de territoire et pour statuer à nouveau sur cette question.

[36]            Si la SAI avait examiné le bien-fondé de la conclusion de l'agent des visas relative à l'interdiction de territoire, elle aurait à toutes fins pratiques accordé au demandeur un droit d'appel qui est expressément refusé par la LIPR.

L'erreur

[37]            Le défendeur a reconnu que son avocat a commis une erreur lorsqu'il s'est opposé à la demande d'autorisation présentée par le demandeur qui voulait contester la décision de l'agent des visas. L'erreur commise est la suivante : l'avocat du défendeur a pris pour position que la demande de contrôle judiciaire de la décision de l'agent des visas était prématurée parce que le demandeur n'avait pas épuisé ses droits d'appel devant la SAI.

[38]            Le défendeur reconnaît maintenant cette erreur et dit qu'il a, et a toujours eu, pour position que l'article 64 de la LIPR n'accorde aucune possibilité d'appel devant la SAI et que le contrôle judiciaire de la décision de l'agent des visas constitue la voie de recours appropriée du demandeur.

[39]            Le seul motif pour lequel le défendeur s'est opposé à la demande d'autorisation concernant la décision de l'agent des visas était que le demandeur n'avait pas épuisé son droit d'appel.

[40]            Rien ne prouve ni n'indique que le défendeur a commis cette erreur en agissant de mauvaise foi. Néanmoins, vu que le demandeur veut parrainer ses parents âgés, l'équité veut que l'on tente, d'une manière ou d'une autre, de remédier au retard causé par la possibilité que la demande d'autorisation n'ait été refusée qu'en raison de l'argument du défendeur fondé sur la prématurité. Sauf si les avocats peuvent s'entendre sur une meilleure formule, je suis d'avis que le mieux serait, pour le demandeur, de présenter devant la Cour une requête en réexamen de l'ordonnance de refus d'autoriser le contrôle judiciaire de la décision de l'agent des visas. Le défendeur a déjà signalé qu'il consentirait à une requête de ce genre. Le juge Russell devrait pouvoir instruire toute requête en réexamen de ce genre et, le cas échéant, la demande de contrôle qui suivra; l'idée est d'assurer la rapidité du processus si possible, sous réserve des autres ordonnances que pourra prononcer la Cour et des observations des avocats. Ces questions devront aussi être portées à l'attention de l'administration judiciaire.

[41]            Les avocats devront signifier et déposer toute observation relative à la certification d'une question grave de portée générale dans les sept jours suivant la réception des motifs de la présente ordonnance. Chaque partie disposera d'une autre période de trois jours pour signifier et déposer toute réponse aux observations de la partie adverse. Par la suite, une ordonnance sera rendue.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-7518-04

INTITULÉ :                                           MOHAMMAD MOHSEN HOLWAY

                                                               c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

            L'IMMIGRATION

                                                                       

LIEU DE L'AUDIENCE :                      TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                     LE 5 JUILLET 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :       LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                           LE 14 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS:

Barbara Jackman                                       POUR LE DEMANDEUR

Catherine Vasilaros                                    POUR LE DÉFENDEUR   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Barbara Jackman                                                                 POUR LE DEMANDEUR

Avocate

Toronto (Ontario)                         

John H. Sims, c.r.                                                                POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.