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Date : 20060428

Dossier : IMM-4943-05

Référence : 2006 CF 535

Toronto (Ontario), le 28 avril 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE STRAYER

 

 

ENTRE :

M. UNTEL

demandeur

 

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE DU CANADA

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de mandamus visant à obliger les défendeurs à accorder au demandeur la résidence permanente au Canada.

 

[2]               Le demandeur est né en Iran en 1959. Il est allé en Inde en 1981 pour étudier. De 1981 à 1983, il a été membre de la société des étudiants iraniens musulmans (SEIM). En 1984, il est arrivé au Canada et il a fait une demande d’asile qui a été accueillie en 1986. Il a alors fait une demande de résidence permanente. Il y a eu ensuite de nombreuses entrevues, vérifications de sécurité, etc., mais aucune décision n’a été prise au sujet de sa demande. En 1998, les agents des défendeurs ont soulevé certaines questions de sécurité. Il a alors demandé au Ministre une dispense en vertu d’un texte correspondant à l’actuel paragraphe 34(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ayant pour effet d’écarter un éventuel constat d’interdiction de territoire qui aurait pu par ailleurs faire obstacle à l’obtention de la résidence permanente. Cela s’est passé il y a presque huit ans et cette demande de dispense est aussi toujours sans réponse. M. Untel a demandé à la Cour d’ordonner aux défendeurs de lui accorder la résidence permanente, ce qu’ils auraient dû faire. Je conclus que je ne peux pas me prononcer en ce sens parce que le pouvoir d’accorder la résidence permanente est conféré à un agent par le paragraphe 21(1). La seule chose que je peux faire est d’obliger les défendeurs de prendre enfin une décision, parce qu’il est clair, selon la Loi, que les demandes de ce genre ne doivent pas rester sans réponse. Comme le demandeur a fait valoir que la Cour pouvait statuer sur le fond de sa demande de résidence permanente, il a logiquement soutenu que le tribunal n’a pas respecté l’article 17 des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et qu’il n’a pas produit un dossier complet. En effet, il était manifeste que le dossier produit n’était pas complet, ce qu’ont concédé les défendeurs. Dans certains documents produits, il y avait beaucoup de passages supprimés. M. Untel, dans d’autres observations déposées peu avant la date d’audience, a demandé à la Cour de rendre une ordonnance de justifier contre le tribunal parce qu’il n’a pas produit de dossier complet. Je n’ai pas examiné cette question; j’ai clairement dit que j’étais d’avis que je ne pouvais pas me prononcer sur le fond de la demande de résidence permanente, mais que je pouvais uniquement exiger, au moyen d’un bref de mandamus, qu’une décision soit prise, qu’elle soit positive ou négative. Par conséquent, je me suis borné à exiger la production de preuves indiquant, le cas échéant, qu’il y a eu des retards excessifs sans que des explications raisonnables aient été produites.

 

[3]               Je suis d’avis que cela a été clairement démontré. Les défendeurs n’ont pas produit de preuves expliquant les retards et, dans leurs observations écrites, ils ont vaguement mentionné qu’ils avaient deux motifs de préoccupation. Le premier était que le demandeur avait été membre de la SEIM de 1981 à 1983 en Inde. On a laissé entendre que la SEIM avait des liens avec une organisation terroriste, mais on n’a pas indiqué que le demandeur ait été mêlé à des activités terroristes, ni qu’il ait eu des liens avec la SEIM depuis qu’il a quitté l’Inde il y a vingt-trois ans. En outre, il a été dit qu’il y avait [TRADUCTION] « certains éléments de preuve indiquant que le demandeur était sorti du Canada pour se rendre en Iraq à la fin 1986/début 1987 ». Il a été dit que le demandeur n’avait pas pu produire des preuves indépendantes relatives à ses allées et venues à l’époque. Cependant, les défendeurs n’ont produit ni à moi ni au demandeur des preuves tangibles à ce sujet; apparemment, leurs renseignements avaient pour source un informateur anonyme. Je ne suis pas en mesure de me former une opinion à ce sujet; cependant, j’estime que je suis en droit de conclure que, après toutes ces années, les défendeurs ont eu largement le temps d’enquêter et de faire des évaluations, et que leur mutisme a donné lieu à des retards excessifs qui constituent un refus d’agir. Pour ce motif, la Cour peut à bon droit exiger qu’une décision soit prise.

 

[4]               C’est in extremis, la veille de l’audience, que les défendeurs ont proposé une transaction. Ils se sont dit disposés à ne pas contester la demande de bref de mandamus, mais de convenir d’une ordonnance prévoyant un échéancier comportant plusieurs étapes et devant aboutir à la prise d’une décision définitive. Aux termes de leur proposition, ils envisageaient un processus devant durer au total quelque deux cent et quarante jours et le Ministre de la sécurité publique et de la protection civile du Canada ne s’engageait pas à prendre sa décision quant à la demande de dispense – celle qui avait d’abord été présentée au Ministre en 1998, dans un certain délai. Le demandeur a trouvé cette proposition inacceptable, et j’abonde dans son sens. Le demandeur a plutôt demandé à la Cour d’ordonner qu’une décision définitive soit prise quant à sa demande de résidence permanente dans les 30 jours ; cependant, je reconnais que, à tort ou à raison, différents organismes doivent accomplir plusieurs démarches auparavant. Je ne vais pas établir des échéanciers pour chacun d’entre eux, mais je vais simplement ordonner qu’une décision soit prise relativement à la demande de résidence permanente de M. Untel au plus tard le 1er août 2006. Les défendeurs et leurs agents et les organismes qui doivent les appuyer devront tout simplement faire ce qui est nécessaire pour respecter l’ordonnance de la Cour et donc prendre une décision concernant la demande de résidence permanente de M. Untel au plus tard le 1er août 2006.

 

[5]                M. Untel a demandé à la Cour de lui accorder 7 500 $ au titre des dépens. Selon l’article 22 de la Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, il est bien entendu que, « sauf ordonnance contraire rendue par un juge pour des raisons spéciales », il n’y pas lieu d’accorder les dépens. Je conclus que, en l’occurrence, il y a des raisons spéciales. En l’espèce, voilà presque vingt ans que la décision des défendeurs se fait attendre. L’argument le plus récent qu’ils ont fait valoir est qu’ils ne peuvent pas prendre cette décision tant que la demande de dispense n’aura pas abouti, et celle-ci a été présentée au Ministre il y a presque huit ans. Le demandeur a subi entrevue après entrevue et il lui a fallu un bon nombre de consultations juridiques. Il a été obligé de traduire devant la justice les défendeurs. Alors même qu’il était clair que la présente cause devait être entendue, ce n’est que l’après-midi du jour précédent l’audience que les défendeurs ont proposé une transaction. J’accorde 4 000 $ au titre des dépens.

 

[6]               M. Untel a demandé que, dans son ordonnance, la Cour déclare toujours « conserver la saisine » de l’affaire; la raison principale était que s’il y devait y avoir ultérieurement litige quant à la plénitude du dossier produit, il pourrait s’adresser à la Cour pour lui demander de prononcer ses directives sans avoir à engager une nouvelle instance. Après réflexion, je ne pense pas que cela soit indiqué. Selon l’article 17 de la Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, le tribunal est tenu de produire « tous les documents pertinents » quant à la demande de contrôle judiciaire qui a été autorisée. Aux fins de la présente instance, vu le dossier, je peux conclure qu’il y a eu des retards excessifs et je vais rendre mon jugement en conséquence. Le contenu du dossier qui doit être produit n’est plus une question sur laquelle la Cour doit se prononcer dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

 

 


JUGEMENT

           

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

 

1.         L’intitulé de la cause est modifié par l’ajout du Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada comme défendeur;

 

2.         Les défendeurs prendront impérativement leur décision au plus tard le 1er août 2006 concernant la demande de résidence permanente que M. Untel a présentée à l’origine en 1986;

 

3.         Les défendeurs verseront au demandeur 4000 $ au titre des dépens.

                                                                                                                 

« Barry Strayer »

Juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4943-05

 

 

INTITULÉ :                                            M. UNTEL

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L’IMMIGRATION et

        LE Ministre de la Sécurité publique et de LA                                                         Protection civile du Canada

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 LE 26 AVRIL 2006

 

DATE DE L'AUDIENCE :               TORONTO (ONTARIO)                   

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 ET JUGEMENT :                             LE JUGE SUPPLÉANT STRAYER

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 28 AVRIL 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Raoul Boulakia                         POUR le demandeur

 

Michael Butterfield

Marianne Zoric                                     POUR les défendeurs

                                                                                                   AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

 

Raoul Boulakia

Toronto (Ontario)                                 POUR le demandeur

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada       POUR les défendeurs

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