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                                                     T-519-96

 

 

OTTAWA (ONTARIO), LE 30 JANVIER 1997

 

 

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE DUBÉ

 

 

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

                  L.R.C. (1985), ch. C-29,

 

            ET un appel interjeté de la décision

                d'un juge de la citoyenneté,

 

                     ET CHING-HO HUANG,

 

 

                                                    appelant,

 

 

 

                          JUGEMENT

 

 

          L'appel est accueilli.

 

 

 

                                                        

                                                Juge

 

 

Traduction certifiée conforme                          

                                 Tan Trinh-viet


 

 

 

 

 

                                                     T-519-96

 

 

 

 

 

 

AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

                  L.R.C. (1985), ch. C-29,

 

            ET un appel interjeté de la décision

                d'un juge de la citoyenneté,

 

                     ET CHING-HO HUANG,

 

 

                                                    appelant,

 

 

 

                     MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

 

LE JUGE DUBÉ

 

 

 

          L'appelant à l'instance a rempli toutes les conditions d'obtention de la citoyenneté posées dans la Loi sur la citoyenneté[1] (la Loi), excepté la condition de résidence.  En application de l'alinéa 5(1)c) de la Loi, un requérant doit, dans les quatre ans qui ont précédé sa demande, avoir résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout.

 

          En l'espèce, l'appelant a été absent du Canada pendant 517 jours en tout, dans les quatre ans qui ont précédé sa demande.  Toutefois, la présence physique à temps plein au Canada n'est pas une condition résidentielle essentielle. Ce principe a clairement été établi par le juge en chef adjoint de la Cour, tel était alors son titre, dans l'affaire bien connue Papadogiorgakis[2], où il s'est prononcé en ces termes à la page 214 :


 

Une personne ayant son propre foyer établi, où elle habite, ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études.  Le fait que sa famille continue à y habiter durant son absence peut appuyer la conclusion qu'elle n'a pas cessé d'y résider.  On peut aboutir à cette conclusion même si l'absence a été plus ou moins longue.  Cette conclusion est d'autant mieux établie si la personne y revient fréquemment lorsque l'occasion se présente.  Ainsi que l'a dit le juge Rand dans l'extrait que j'ai lu, cela dépend [TRADUCTION] «essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question».

 

 

 

          Cette décision qui a fait date a duré plus de 18 ans, et le législateur n'a pas jugé bon de modifier la Loi de manière à circonscrire son impact.  Ainsi donc, une interprétation libérale de la Loi reflète vraiment les valeurs familiales généreuses de nos citoyens.

 

          En l'espèce, l'appelant a été admis au Canada en tant que résident permanent, dans la catégorie des entrepreneurs, et, le 23 juin 1992, il a été avisé par un conseiller en immigration de Vancouver qu'il avait rempli toutes les conditions d'investissement.

 

          L'appelant est né à Pingtung (Taiwan) en 1949, et il s'est établi avec sa femme et ses deux filles à Vancouver le 20 août 1991.  Une fille aînée était arrivée auparavant et s'était inscrite dans un collège local.  La famille s'est tout d'abord installée dans un appartement de location de Burnaby (C.-B.) et, l'année suivante, l'appelant a acheté une maison de 350 000 $ dans North Vancouver, (C.-B.).

 

          Tous les trois enfants se sont inscrits dans des écoles de Colombie-Britannique, et l'appelant a transféré tous ses comptes d'épargne personnels à des banques de Vancouver.  Il a acheté une voiture pour le transport quotidien de la famille, il est membre de la Taiwan Entrepreneur and Investor Association in British Columbia.  Il a constitué des sociétés, Cansun Forest Products Inc. le 19 janvier 1991, et Sky Forest Enterprise Ltd. le 2 juin 1993.

 

          L'appelant est un négociant international s'occupant surtout de l'exportation des produits de bois, de pâte à papier et de papier vers l'Orient, en tant que représentant des deux sociétés canadiennes susmentionnées, pour lesquelles il agit également à titre de consultant.  Ses voyages à l'étranger ont donné lieu à des ventes annuelles d'environ 1 000 000 $.  Afin d'assurer la pénétration des produits canadiens en Orient, il doit se rendre à cette région très souvent.  Entre-temps, sa famille s'établit solidement et de façon permanente dans North Vancouver, et il tente de passer autant de temps que possible avec sa famille.  À l'évidence, il préférerait rester à la maison et ne pas voyager si souvent, mais telle est la nature de ses affaires.

 

         

          Ainsi que l'a mentionné le juge en chef adjoint Jerome dans l'affaire Papadogiorgakis précitée, une personne ayant son propre foyer établi au Canada ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études.  Dans cette affaire, l'étudiant candidat à la citoyenneté a été absent pour fréquenter une université américaine alors qu'en l'espèce, l'appelant est souvent absent pour faire des voyages d'affaires en Orient.

 

          Comme j'ai eu l'occasion de me prononcer dans l'affaire Siu Chung Hung[3], qui ressemble beaucoup à l'espèce, «le lieu où réside une personne n'est pas celui où elle travaille , mais celui où elle retourne après avoir travaillé».  Lorsqu'un candidat à la citoyenneté a clairement et indubitablement établi un foyer au Canada, avec l'intention transparente de maintenir des racines permanentes dans ce pays, on ne devrait pas le priver de la citoyenneté simplement parce qu'il doit gagner sa vie et celle de sa famille en faisant affaires à l'étranger. Certains résidents canadiens peuvent travailler à partir de leur propre maison, d'autres retournent à la maison après le travail quotidien, d'autres y retournent chaque semaine et d'autres après de longues périodes à l'étranger.

 

          Les autres membres de la famille de l'appelant sont déjà citoyens canadiens, et il serait manifestement injuste de priver l'appelant du privilège de la citoyenneté canadienne simplement parce que la nature de son emploi fait qu'il voyage à l'étranger et est absent de sa famille pendant de longues périodes.  L'indice le plus éloquent de résidence est l'établissement d'une personne et de sa famille dans ce pays, en plus de la manifeste intention de faire de l'établissement leur foyer permanent.

 

          Par ces motifs, l'appel est accueilli.

 

OTTAWA

Le 30 janvier 1997

 

                                                               

                                                Juge

 

 

Traduction certifiée conforme                          

                                 Tan Trinh-viet


                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

          AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

No DU GREFFE :T-519-96

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :LOI SUR LA CITOYENNETÉ c. CHING-HO HUANG

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :Le 22 janvier 1997

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE DUBÉ

 

 

EN DATE DU30 janvier 1997

 

 

 

ONT COMPARU :

 

Donald M. Tennant                 pour l'appelant

 

Bruce Harwood                     amicus curiae

                                

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Donald M. Tennant                 pour l'appelant

Burnaby (C.-B.)

 

Watson, Goepel, Maledy            amicus curiae

Vancouver (C.-B.)

 

 

 

 

 

 



    [1]L.R.C. (1985), ch. C-29.

    [2][1978] 2 C.F. 208.

    [3]T-384-95, 26 janvier 1996, non publié.

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