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Date : 19980507


Dossier : IMM-1265-97

ENTRE :

     KWAN SUK BUN,

     demanderesse,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL


[1]      Il s"agit de la demande de contrôle judiciaire d"une décision de Robert McLeman (l"agent des visas) datée du 21 février 1997. La demande de résidence permanente, présentée par Law Kwok Keung (M. Law) et les membres de sa famille l"accompagnant dans le cadre de la catégorie applicable aux entrepreneurs, a été rejetée au motif que l"épouse de M. Law, soit Kwan Suk Bun (la demanderesse), appartenait à une catégorie non admissible parce qu"elle avait été reconnue coupable d"infractions relatives aux droits d"auteurs à Hong Kong.

A. Historique

[2]      Le 4 février 1997, la demanderesse, M. Law et leurs deux enfants ont eu une entrevue à Seattle (Washington), avec l"agent des visas relativement à la demande qui avait été produite. Dans sa demande de résidence permanente, la demanderesse avait mentionné qu"elle n"avait jamais été déclarée coupable d"une infraction criminelle. Toutefois, à l"entrevue, elle a remis à l"agent des visas un certificat, daté du 4 décembre 1996, émanant de la police royale de Hong Kong, qui indiquait qu"elle avait comparu à la Cour criminelle de Hong Kong le 7 décembre 1994 et qu"elle avait été reconnue coupable des infractions suivantes :


Infraction

Peine

Possession pour fins de commerce de biens auxquels une marque de commerce contrefaite a été apposée

Amende : 500 $

Possession pour fins de commerce de biens auxquels une fausse désignation de fabrique a été apposée

Amende : 500 $

Possession d"instrument aux fins de contrefaire une marque de commerce

Amende : 1200$

         
[3]      Lorsque l"agent des visas lui a demandé pourquoi elle n"avait pas mentionné ces déclarations de culpabilité sur le formulaire de demande, la demanderesse a affirmé qu"elle ne savait pas que les infractions susmentionnées constituaient des infractions criminelles, étant donné qu"elle avait seulement fait l"objet d"une amende.          
[4]      Les faits ayant donné lieu aux infractions sont les suivants : la demanderesse exploitait un magasin de jeux électroniques; elle y a vendu des jeux vidéos et de l"équipement lié à ces derniers; l"un des articles qu"elle vendait était une pièce d"équipement appelée un " Game Doctor "; le Game Doctor pouvait servir tant à jouer avec les jeux électroniques qu"à les copier; lorsqu"il copiait les jeux électroniques, le Game Doctor pouvait seulement copier le programme informatique du jeu électronique, sans pouvoir en copier la marque de commerce; les jeux n"ont pas été vendus en tant que jeux de marque originale, et ils ne portaient pas de marquages de marque originale; enfin, les clients qui achetaient les jeux savaient qu"il s"agissait de copies à prix réduit de programmes informatiques de jeux.          
[5]      Il existe une divergence entre la preuve fournie par l"agent des visas et celle fournie par la demanderesse quant au contenu de l"entrevue en ce qui a trait aux questions posées à la demanderesse relativement à ses déclarations de culpabilité afin de déterminer l"équivalence canadienne de ces dernières.          
[6]      L"agent des visas déclare, au paragraphe 8 de son affidavit :          
     [TRADUCTION]               
             ...Donc, en l"absence de toute autre information démontrant qu"elle n"avait pas l"intention de tromper, j"ai déterminé que les infractions étaient équivalentes et que, sur ce fondement, elle était non admissible. À cette étape de l"entrevue, j"ai exposé aux demandeurs les grandes lignes de cette détermination, et je leur ai donné la possibilité de répondre. Je les ai informés que je n"avais aucun exemplaire du Code criminel canadien dans mon bureau, de sorte que je ne pouvais pas renvoyer aux numéros précis des articles avec lesquels je faisais correspondre les infractions de Mme Kwan, mais qu"il s"agissait des articles relatifs à la substitution de biens portant de fausses marques de commerce et à la possession d"instrument pour contrefaire une marque de commerce.             
[7]      Il ajoute, au paragraphe 9 de son affidavit :          
     [TRADUCTION]          
             Lors de l"entrevue, j"ai informé Mme Kwan et sa famille que, compte tenu des renseignements qu"elle m"avait fournis, je faisais correspondre ces infractions de la façon exposée au paragraphe 8 susmentionné. J"ai donné aux demandeurs la possibilité de répondre. Cela n"a pas donné lieu à quelque autre souvenir ou renseignement que ce soit au sujet des infractions commises à Hong Kong. Elle ne m"a pas offert de me faire parvenir des documents supplémentaires ou de dissiper mes doutes.             
[8]      La demanderesse, par contre, prétend que l"agent des visas ne l"a jamais informée, ni n"a informé sa famille qu"il faisait correspondre les infractions commises à Hong Kong aux infractions similaires existant au Canada. Au paragraphe 4 de son affidavit, elle déclare :          
     [TRADUCTION]                   
             Pendant l"entrevue, il m"a été demandé de décrire les faits ayant mené à l"infraction. J"ai décrit notre pratique commerciale habituelle d"acheter auprès de grossistes. Ces achats comprenaient des jeux qui étaient manifestement des imitations. Lors de l"entrevue, j"ignorais que M. McLeman enquêtait sur les caractéristiques du Game Doctor.             
[9]      L"affidavit de Peter Chung, agent de la demanderesse et de sa famille et interprète de ces derniers pendant l"entrevue, mentionne, au paragraphe 11 :          

     [TRADUCTION]

             ...J"ai assisté à l"entrevue. Après un interrogatoire minutieux, il nous a avisé que la demande de la demanderesse serait probablement refusée en raison de ses déclarations de culpabilité. Il ne nous a pas donné la possibilité de soumettre de la documentation additionnelle, ni ne nous a informé du critère juridique " d"équivalence " entre une déclaration de culpabilité de Hong Kong et une déclaration de culpabilité canadienne.    

[10]      Et, au paragraphe 14 :

[TRADUCTION]

             Je crois que l"agent des visas n"a pas donné à la demanderesse d"avis suffisant du fait que les infractions pourraient être équivalentes à des infractions prévues au Code criminel du Canada, et qu"elle n"a pas eu non plus la possibilité de répondre. Il aurait dû transmettre à la demanderesse les renseignements qui lui avaient été fournis lors de ses recherches personnelles et lui donner la possibilité de répondre. Au lieu de cela, le seul avis qu"elle a reçu a été la lettre de refus de Robert McLeman.    

[11]      Peter Chung a envoyé à l"agent des visas une lettre, datée du 17 février 1997, qui faisait état de diverses questions soulevées pendant l"entrevue. En particulier, il a comparé l"infraction de Hong Kong à l"infraction canadienne de la façon suivante :

     [TRADUCTION]

             Nous comprenons qu"en vertu du droit canadien en matière de droits d"auteur, il s"agit d"une infraction sommaire punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Il s"agirait d"une infraction criminelle si l"intention était frauduleuse....    
             La situation dans laquelle se trouvait Mme Law était qu"elle exploitait une autre boutique de jeux vidéos. C"est par le biais de cette boutique qu"elle a vendu des jeux Supernintendo et de l"équipement lié à ceux-ci. Elle avait aussi un Game Doctor , qui était disponible sur le marché, et avec lequel il était possible, tant de jouer à des jeux que de copier des jeux. C"est avec ce Game Doctor que Mme Law a été accusée de vente de jeux copiés et d"équipement lié à ceux-ci. Il ressort du montant des amendes imposées (500 $HK pour la contravention aux droits d"auteur et 2 000 $HK pour la possession et l"utilisation de l"équipement) que cela était considéré comme une infraction mineure à Hong Kong....    

Cependant, aucune preuve n"indique que cette lettre a été prise en considération par l"agent des visas avant que la décision ne soit prise.

[12]      La demanderesse et les membres de sa famille ont été avisées du rejet de leur demande de résidence permanente, par une lettre datée du 21 février 1997.

B. Décision faisant l"objet de la demande de contrôle

[13]      Voici les parties pertinentes de la décision de l"agent des visas :

     [TRADUCTION]

             J"ai maintenant terminé l"évaluation de votre demande et j"ai le regret de vous informer que votre demande est refusée pour les raisons suivantes.    
             Votre épouse, Kwan Suk Bun, appartient à la catégorie des personnes non admissibles prévues au sous-alinéa 19(2)a.1)(i) de la Loi sur l"immigration de 1976, parce qu"elle a été reconnue coupable, à Hong Kong, en 1994, des infractions suivantes :    
             a)      Possession de biens commerciaux auxquels une marque de commerce contrefaite a été apposée;    
             b)      Possession pour fins de commerce de biens auxquels une fausse désignation de fabrique a été apposée;    
             c)      Possession d"instrument aux fins de contrefaire une marque de commerce.    
             Si elles avaient été commises au Canada, ces infractions auraient été punissables en vertu des articles 408 et 409 du Code criminel du Canada et passibles d"un emprisonnement maximal de deux ans en vertu de l"article 412 du Code criminel.    
             L"alinéa 19(2)a.1) de la Loi sur l"immigration exempte de cette catégorie non admissible quiconque peut justifier auprès du ministre de sa réadaptation et du fait qu"au moins cinq ans se sont écoulés depuis l"expiration de la peine infligée pour l"infraction. Votre épouse n"est pas admissible à cette exemption avant décembre 1999.    
             L"alinéa 9(1)(a) du Règlement sur l"immigration de 1978 permet à un agent des visas de délivrer des visas d"immigrant à un demandeur et aux personnes à charge l"accompagnant seulement si lui et les personnes à charge, qu"elles l"accompagnent ou non, n"appartiennent pas à une catégorie de personnes non admissibles et satisfont aux exigences de la Loi sur l"immigration et de ses règlements. Étant donné que votre épouse appartient à la catégorie des personnes non admissibles déjà décrites, je ne peux délivrer de visas d"immigrant à vous ou à vos personnes à charge.    
             Étant donné que vous n"avez pas satisfait à toutes les exigences de la Loi sur l"immigration et de ses règlements, conformément au paragraphe 9(4) de la Loi sur l"immigration, votre demande a été refusée...    

C.Dispositions législatives pertinentes

     1. Loi sur l"immigration

             9(4) Délivrance de visas - Sous réserve du paragraphe (5), l"agent des visas qui est convaincu que l"établissement ou le séjour au Canada du demandeur et des personnes à sa charge ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements peut délivrer à ce dernier et aux personnes à charge qui l"accompagnent un visa précisant leur qualité d"immigrant ou de visiteur et attestant qu"à son avis, ils satisfont aux exigences de la présente loi et de ses règlements.    
             19(2) Autorisation de séjour à des personnes non admissibles - Appartiennent à une catégorie non admissible les immigrants et, sous réserve du paragraphe (3), les visiteurs qui :    

...

             (a.1) sont des personnes dont il y a des motifs raisonnables de croire qu"elles ont, à l"étranger :    
             (i) soit été déclarées coupables d"une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction qui pourrait être punissable, aux termes d"une loi fédérale, par mise en accusation, d"un emprisonnement maximal de moins de dix ans, ...    
             27(2) Rapports défavorables : autres cas - L"agent d"immigration ou l"agent de la paix doit, sauf si la personne en cause a été arrêtée en vertu du paragraphe 103(2), faire un rapport écrit et circonstancié au sous-ministre de renseignements concernant une personne se trouvant au Canada autrement qu"à titre de citoyen canadien ou de résident permanent et indiquant que celle-ci, selon le cas :    
             a) appartient à une catégorie non admissible, autre que celles visées aux alinéas 19(1)h) ou 19(2)c); ...    
             27(3) Sous réserve du paragraphe (3.1) et des arrêtés ou instructions du ministre, le sous-ministre, s"il l"estime justifié dans les circonstances, transmet à un agent principal un exemplaire du rapport visé aux paragraphes (1) or (2) et :    
             (a) dans le cas où l"intéressé est visé soit à l"alinéa (2)a), pour le motif prévu à l"alinéa 19(2)d), soit à l"alinéa (2)e), pour le motif prévu à l"alinéa 26(1)c), soit à l"un des alinéas (2)h) ou k), il peut ordonner à l"agent principal de prendre une décision sur tel fait allégué dans le rapport;    
             (b) dans tous les cas, le sous-ministre peut ordonner à l"agent principal de faire tenir une enquête.    

     2. Loi sur l"immigration - Règlement

             9(1) Sous réserve du paragraphe (1.01) et de l"article 11, lorsqu"un immigrant, autre qu"une personne appartenant à la catégorie de la famille, qu"un parent aidé ou qu"un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réétablir, présente une demande de visa d"immigrant, l"agent des visas peut lui en délivrer un ainsi qu"à toute personne à charge qui l"accompagne si :    
             (a) l"immigrant et les personnes à sa charge, qu"elles l"accompagnent ou non, ne font pas partie d"une catégorie de personnes non admissibles et satisfont aux exigences de la Loi et du présent règlement.    

     3. Code criminel du Canada

             408. Substitution - Commet une infraction quiconque, avec l"intention de tromper ou de frauder le public ou toute personne, déterminée ou non, selon le cas :    
             a) passe d"autres marchandises ou services pour et contre les marchandises ou services qui ont été commandés ou requis;    
             b) utilise, à l"égard de marchandises ou services, une désignation qui est fausse sous un rapport essentiel en ce qui concerne :    
                  (i) soit la nature, la qualité, la quantité ou la composition,    
                  (ii) soit l"origine géographique,    
                  (iii) soit le mode de fabrication, de production ou de réalisation,    
             de ces marchandises ou services.    
             409. (1) Instruments pour contrefaire une marque de commerce - Commet une infraction quiconque fait, a en sa possession ou aliène tout poinçon, matrice, machine ou autre instrument destiné à être employé pour contrefaire une marque de commerce, ou conçu à cette fin.    
             (2) Réserve - Nul ne peut être déclaré coupable d"une infraction visée au présent article s"il prouve qu"il a agi de bonne foi dans le cours ordinaire de son commerce ou emploi.    
             412. (1) Peine - Quiconque commet une infraction visée à l"article 407, 408, 409, 410 or 411 est coupable :    
             (a) soit d"un acte criminel et passible d"un emprisonnement maximal de deux ans;    
             (b) soit d"une infraction punisssable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.    
             (2) Confiscation - Lorsqu"une personne est déclarée coupable d"une infraction visée à l"article 407, 408, 409, 410 ou 411, toute chose au moyen ou à l"égard de laquelle l"infraction a été commise est confisquée, à moins que le tribunal n"en ordonne autrement.    

     4. Hong Kong - Ordonnance sur les désignations de fabrique

     [TRADUCTION]     

             7.      Infractions relatives aux désignations de fabrique    
                      (1)      Sous réserve des dispositions de la présente ordonnance, commet une infraction toute personne qui,    
                              a)      dans le cours de tout commerce ou de toute entreprise    
                                      (i)      appose une fausse désignation de fabrique à tout bien,    
                                      (ii)      fournit ou offre de fournir tout bien auxquels une fausse désignation de fabrique a été apposée; ou    
                              b)      a en sa possession, pour la vente ou pour toute autre fin de commerce ou de fabrication, tout bien auquel une fausse désignation de fabrique a été apposée.    
                      (2)      Quiconque expose des biens pour fourniture ou a en sa possession des biens pour fourniture est présumé offrir de les fournir.    
                      (3)      Sous réserve des dispositions de la présente ordonnance, commet une infraction toute personne qui dispose ou a en sa possession tout poinçon, matrice, machine ou autre instrument aux fins de faire, ou d"apposer à tout bien, une fausse désignation de fabrique, sauf si elle prouve qu"elle a agi sans intention de frauder.    
             9.      Infractions relatives aux marques de commerce    
                      (1)      Sous réserve des dispositions de la présente ordonnance, commet une infraction toute personne, qui    
                              a)      contrefait toute marque de commerce;    
                              b)      faussement appose à tout bien une marque de commerce ou toute marque lui ressemblant au point d"être conçue de manière à induire en erreur;    
                              c)      fait tout poinçon, matrice, machine ou autre instrument aux fins de contrefaire ou d"être utilisé dans la contrefaçon d"une marque de commerce;    
                              d)      dispose ou a en sa possession tout poinçon, matrice, machine ou autre instrument aux fins de contrefaire une marque de commerce; ou    
                              e)      fait en sorte que soit commis tout acte mentionné aux alinéas a), b), c) ou d),    
             sauf si elle prouve qu"elle a agi sans intention de frauder.    
                      (2)      Sous réserve des dispositions de la présente ordonnance, commet une infraction toute personne, qui vend, expose ou a en sa possession, pour la vente ou pour toutes fins de commerce ou fabrication, tout bien auquel toute marque de commerce contrefaite est apposée, ou auquel toute marque de commerce ou marque lui ressemblant au point d"être conçue de manière à induire en erreur est faussement apposée.    
                      (3)      Aux fins du présent article, est présumé    
                              a)      contrefaire une marque de commerce quiconque    
                                      (i)      sans le consentement du propriétaire de la marque de commerce fait cette marque de commerce ou une marque lui ressemblant au point d"être conçue de manière à induire en erreur; ou    
                                      (ii)      falsifie toute marque de commerce authentique, que ce soit par altération, ajout, effacement ou de quelque autre façon;    
                              b)      faussement apposer à tout bien une marque commerce qui, sans le consentement du propriétaire de cette marque de commerce, appose cette marque de commerce à tout bien,    
             sauf s"il prouve qu"il a agi sans contrevenir au droit du propriétaire de la marque de commerce, tel que conféré par l"article 27 de l"Ordonnance sur les marques de commerce, (Cap. 43), et " marque de commerce contrefaite " doit être interprété en conséquence.    
                      (4)      Dans le cadre de toute accusation portée relativement à une infraction visée par l"alinéa (1)a) ou b), il incombe au défendeur de prouver le consentement du propriétaire.    

D. Questions en litige

     1. L"agent des visas a-t-il commis une erreur de droit en concluant que le non-respect, par la demanderesse, des dispositions portant sur la possession de biens faisant l"objet de contrefaçons de marques de commerce constituerait une infraction punissable en vertu des articles 408 et 409 du Code criminel?

[14]      Dans sa plaidoirie, le procureur de la demanderesse, M. Wong, a prétendu que le Code criminel ne contient manifestement aucune disposition équivalant aux déclarations de culpabilité de Hong Kong figurant aux alinéas a) et b) de la décision de l"agent des visas. La Couronne n"ayant pas contredit cet énoncé, j"accepte donc la prétention. En conséquence, seule la décision de l"agent des visas relative à la déclaration de culpabilité " c) possession d"un instrument aux fins de contrefaire une marque de commerce " nécessite que la conclusion quant à l"équivalence fasse l"objet d"un contrôle.

[15]      Le processus de détermination de l"équivalence, lequel est bien établi, a été décrit de la façon suivante par le juge Urie dans l"arrêt Hill c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration) :
             Cette Cour, dans l"arrêt Brannson , n"a pas restreint l"appréciation de la soi-disant " équivalence " du paragraphe de notre Code , contestée dans cette espèce, aux éléments essentiels de quelque infraction expressément définie dans la loi qui lui était comparée. Une telle démarche n"est pas non plus nécessaire en l"espèce. Il me semble que, étant donné la présence des termes " qui constitue ... une infraction ... au Canada ", l"équivalence peut être établie de trois manières : tout d"abord, en comparant le libellé précis des dispositions de chacune des lois par un examen documentaire et, s"il s"en trouve de disponible, par le témoignage d"un expert ou d"experts du droit étranger pour dégager, à partir de cette preuve, les éléments essentiels des infractions respectives; en second lieu, par l"examen de la    

preuve présentée devant l"arbitre, aussi bien orale que documentaire, afin d"établir si elle démontrait de façon suffisante que les éléments essentiels de l"infraction au Canada avaient été établis dans le cadre des procédures étrangères, que les mêmes termes soient ou non utilisés pour énoncer ces éléments dans les actes introductifs d"instance ou dans les dispositions légales; en troisième lieu, au moyen d"une combinaison de cette première et de cette seconde démarches.

[16]      En l"espèce, l"agent des visas a correctement procédé au genre d"analyse prévu dans l"arrêt Hill . La seule question en litige consiste à savoir si l"agent des visas a commis une erreur susceptible de contrôle en comparant l"art. 409 du Code criminel et l"al. 9d) de l"Ordonnance de Hong Kong.

[17]      M. Wong prétend qu"il y a un élément de distinction subtil mais important entre les deux textes de loi et, qu"en conséquence, ils ne sont pas équivalents. Son argument est que, vu son libellé, l"art. 409 du Code criminel requiert la possession d"une machine précise destinée à être employée ou conçue pour contrefaire une marque de commerce, en plus de l"intention criminelle, pour qu"il y ait infraction, alors qu"en vertu de l"al. 9d) de l"Ordonnance de Hong Kong, il y a infraction dès que se trouvent réunies la possession de toute machine et l"intention de contrefaire une marque de commerce.

[18]      Je n"interprète pas l"art. 409 de la façon dont M. Wong l"a suggéré, et je ne peux donc pas conclure à l"existence d"une distinction entre ces dispositions. J"arrive à la conclusion que les deux dispositions interdisent la possession d"une machine aux fins de contrefaire une marque de commerce, et qu"elles sont donc équivalentes.

[19]      J"arrive aussi à la conclusion que la différence de fardeau de preuve entre le droit canadien et le droit de Hong Kong quant aux infractions visées n"a aucune incidence sur leur équivalence. À cet égard, je suis d"accord avec l"opinion que le juge Strayer a exprimée dans l"arrêt Li c. Canada (M.C.I.) (1996), 200 N.R., 307, à la p. 315, où il dit :

             Je ne pense pas non plus qu"une interprétation correcte du sous-alinéa 19(2)a.1)(i) de la Loi sur l"immigration nécessite une dissection aussi méticuleuse de l"infraction punissable au Canada et de celle punissable dans le pays étranger en " éléments constitutifs " et en " moyens de défense ". Il faut tenir compte du contexte institutionnel. La décision sur l"équivalence est le fait d"un arbitre dans une procédure quasi-judiciaire. On ne peut guère s"attendre que l"arbitre fasse des distinctions aussi subtiles dans le droit pénal canadien, et encore moins dans le droit pénal étranger. Cette disposition a de toute évidence pour objet d"exclure du Canada des personnes qui ont commis à l"étranger des infractions pour lesquelles elles ont été condamnées et que la loi canadienne considère comme des transgressions graves. Ce serait là faire échec à ce but que de poser pour règle que deux infractions ne sont pas équivalentes parce qu"un facteur est considéré comme un élément constitutif dans la loi étrangère, mais comme un moyen de défense dans la loi canadienne.    

[20]      Je conclus donc que l"agent des visas n"a commis aucune erreur de droit susceptible de contrôle judiciaire lorsqu"il a rendu sa décision sur l"équivalence.

     2. L"agent des visas a-t-il commis une erreur en omettant de fournir un avis suffisant du problème d"équivalence ou une possibilité d"y répondre?

[21]      La preuve par affidavit m"a convaincu que l"agent des visas a donné à la demanderesse l"occasion de fournir des explications concernant les déclarations de culpabilité, ce qu"elle a d"ailleurs fait. Vu l"apparente équivalence entre les dispositions du Code criminel et celles de l"Ordonnance de Hong Kong, j"arrive à la conclusion que l"équité procédurale envers la demanderesse n"exigeait rien de plus. Je conclus donc que l"agent des visas n"a commis aucune erreur en ce qui a trait à l"équité procédurale.

[22]      En conséquence, la demande est rejetée.

                         " Douglas R. Campbell "

     juge

OTTAWA (ONTARIO)

Traduction certifiée conforme

Pierre St-Laurent, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              IMM-1265-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      KWAN SUK BUN C. MINISTRE DE LA

                     CITOYENNETÉ ET DE         

                     L"IMMIGRATION

LIEU DE L"AUDIENCE :          CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L"AUDIENCE :          LE 23 MARS 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

EN DATE DU :              7 MAI 1998

COMPARUTIONS

PETER W. WONG

RISHMA SHARIFF                  POUR LA DEMANDERESSE

W. BRAD HARDSTAFF              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

MAJOR CARON                  POUR LA DEMANDERESSE

CALGARY (ALBERTA)

M. GEORGE THOMSON              POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

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