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Date : 20041001

Dossier :T-2350-03

Référence : 2004 CF 1353

ENTRE :

                                                 BRYON MOREY ARMSTRONG

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                              LE MINISTRE DU

                                                           REVENU NATIONAL

                                                                                                                                           défendeur

                                                   MOTIF DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]                Par avis de requête déposé le 10 décembre 2003, le demandeur sollicite la délivrance d'un bref de mandamus pour obliger le défendeur à déterminer une perte conformément au paragraphe 152(1.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu[1] [traduction] « [¼] à l'égard de la déclaration de revenus modifiée du demandeur pour l'année 1993 » . Les motifs pour lesquels le demandeur sollicite cette mesure de redressement sont exposés dans sa demande comme suit :


[traduction] Le 20 décembre 1997, le demandeur a produit une déclaration de revenus modifiée pour l'année d'imposition 1993 qui informait le ministre d'une perte autre qu'une perte en capital se chiffrant à 49 375,32 $ pour l'année d'imposition en question. En vertu du paragraphe 152(1.1), le ministre était tenu de déterminer le montant de la perte et d'envoyer un avis de détermination au contribuable. Le ministre du Revenu national n'a délivré aucun avis de détermination relativement à la déclaration modifiée et, le 10 novembre 2003, l'avocat du ministre du Revenu national a avisé le demandeur qu'il ne serait pas tenu compte des modifications apportées le 20 décembre 1997.

[2]                Le contexte factuel de la présente demande se résume brièvement ainsi :

1.     Le demandeur a contesté les nouvelles cotisations établies le 5 décembre 1994 à l'égard des années d'imposition 1991, 1992 et 1993. Le refus d'une déduction au titre des pertes d'entreprise était la question en litige pour l'année d'imposition 1993.

2.     Le 24 février 1997, la Cour canadienne de l'impôt (la Cour de l'impôt) a rejeté l'appel du demandeur visant l'année d'imposition 1993.

3.     Le 11 avril 1997, le demandeur a interjeté appel devant la Cour d'appel fédérale à l'encontre de la décision de la Cour de l'impôt concernant l'année d'imposition 1993.

4.     Le 30 décembre 1997, soit quelque dix mois après le rejet par la Cour de l'impôt de l'appel concernant l'année d'imposition 1993, le demandeur a déposé auprès de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) une déclaration modifiée à l'égard de l'année d'imposition 1993, tel qu'il a été mentionné précédemment. Les montants inscrits dans la déclaration modifiée n'avaient pas été antérieurement rapportés au défendeur ou ne faisaient pas l'objet des questions examinées dans l'appel devant la Cour de l'impôt.

5.     Le 28 septembre 1999, la Cour d'appel fédérale a confirmé la décision rendue le 24 février 1997 par la Cour de l'impôt qui refusait la déduction au titre des pertes d'entreprise à l'égard de l'année d'imposition 1993.


6.     Un long échange de correspondance s'en est suivi entre, d'une part, l'ADRC et son avocat et, d'autre part, le demandeur et son avocat.

7.     Le 9 avril 2002, le demandeur a déposé auprès de l'ADRC un avis d'opposition à l'égard de l'année d'imposition 1993, en rapport avec la déclaration modifiée déposée le 30 décembre 1997.

8.     Le 21 décembre 2002, le demandeur a de nouveau interjeté appel devant la Cour de l'impôt relativement à l'année d'imposition 1993, pour demander que la déclaration modifiée qu'il avait déposée le 30 décembre 1997 soit prise en compte. L'avocat du défendeur a demandé l'annulation de l'appel. Le 26 mars 2004, le juge Beaubier a accueilli la requête du défendeur visant à faire annuler l'appel.

9.     Le 22 avril 2004, le demandeur a interjeté appel devant la Cour d'appel fédérale à l'encontre de la décision du juge Beaubier. Une demande d'audience relativement à cet appel a été déposée le 21 septembre 2004.

10. Le demandeur a présenté une demande de redressement relativement à l'année d'imposition 1993, en vertu des dispositions d'équité de la Loi de l'impôt sur le revenu.


[3]                Le juge Beaubier a exposé brièvement les motifs de sa décision du 26 mars 2004 annulant le second appel du demandeur relativement à l'année d'imposition 1993 et, de manière accessoire et non pertinente quant à la présente affaire, à l'année d'imposition 1991. Les motifs du juge Beaubier n'ont pas été mis à la disposition de la Cour dans la présente demande, mais ils ont été subséquemment découverts dans le dossier d'appel déposé auprès de la Cour d'appel fédérale le 30 juin 2004. Ses motifs sont en partie les suivants :

La Cour estime que les tribunaux se sont déjà prononcés sur l'ensemble des deux années d'imposition en cause. À ces occasions, n'importe quelle modification valable aurait pu être demandée avant l'instruction. Une fois l'appel interjeté, celui-ci vise toute l'année d'imposition de l'appelant dont la Cour est saisie. L'appelant est donc responsable de son omission de soulever une question à ce stade. Que cette omission soit le fait de sa négligence ou qu'elle ait eu lieu par inadvertance n'influe en rien sur cette responsabilité. En d'autres mots, il existe et il doit exister une limite. Conformément à ce qui est prévu dans la Loi de l'impôt sur le revenu, cette limite correspond à l'instruction de l'affaire par la Cour canadienne de l'impôt ou à l'instruction de l'appel par la Cour d'appel fédérale.

Il ne fait aucun doute qu'à ce stade-ci, la Cour canadienne de l'impôt n'a pas compétence, selon la Loi de l'impôt sur le revenu, pour connaître d'un autre appel qui vise les années d'imposition 1991 et 1993 de l'appelant et qui intéresse un quelconque argument lié à la présente requête et aux prétendus appels.

[4]                Dans le mémoire des faits et du droit déposé au nom de l'appelant à la Cour d'appel fédérale, l'une des questions en litige était énoncée comme suit :

[traduction] Le juge de la Cour de l'impôt a-t-il fait erreur en concluant que le principe de la chose jugée ou de l'irrecevabilité résultant de l'identité des questions en litige s'appliquait pour trancher toutes les questions entre l'intimé et l'appelant?

Cette question est la question en litige principale dont la Cour est saisie dans la présente demande.


[5]                En supposant, sans en décider, que la Cour ait compétence pour rendre l'ordonnance de mandamus au vu des faits de la présente affaire - et je considère cela comme une proposition plutôt discutable compte tenu du régime de la Loi de l'impôt sur le revenu et de la compétence exclusive de la Cour de l'impôt - j'estime que la situation ne se prête pas à un exercice approprié de cette compétence. L'ordonnance de mandamus est une mesure extraordinaire et discrétionnaire. Les questions en litige à l'égard desquelles le demandeur prie la Cour de rendre une ordonnance de mandamus sont exactement les mêmes que celles qui ont essentiellement été examinées par la Cour de l'impôt dans l'exercice de sa compétence et qui sont maintenant à bon droit soumises à l'examen de la Cour d'appel fédérale, à l'instance du demandeur dans la présente affaire. Il s'agit certainement de l'un des cas les plus évidents à l'égard desquels la Cour devrait refuser même d'examiner plus à fond la possibilité de faire droit à une mesure extraordinaire et discrétionnaire.

[6]                Pour ces motifs, la présente demande sera rejetée.

[7]                Le défendeur n'a pas demandé que les dépens lui soient adjugés. Cela dit, j'estime que les circonstances de la présente affaire justifient une ordonnance d'adjudication des dépens en faveur du défendeur. Bien entendu, il appartiendra au défendeur de décider si le paiement de ces dépens sera exigé.

                                                                        « Frederick E. Gibson »            

                                                                                                     Juge                              

Vancouver (C.-B.)

Le 1er octobre 2004

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-2350-03

INTITULÉ :                                        BRYON MOREY ARMSTRONG

c.

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

LIEU DE L'AUDIENCE :                  VANCOUVER (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 28 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :                       LE 1ER OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Douglas Marion                                     POUR LE DEMANDEUR

Stacey Repas                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Marion & Company                              POUR LE DEMANDEUR

Campbell River (C.-B.)

Morris Rosenberg                                  POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1]               L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1


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