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     Date : 19980212

     Dossier : IMM-956-97

ENTRE :

     MIN TAO LIU,

     requérante,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]      Les présents motifs se rapportent à une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle une agente des visas à Beijing, en République populaire de Chine (RPC), a refusé la demande de résidence permanente au Canada de la requérante. La décision est datée du 13 janvier 1997.

[2]      La requérante est une ressortissante de la RPC. Elle a présenté une demande de visa d'immigrant au Canada conformément aux lignes directrices sur les travailleurs autonomes. L'élément fondamental de ces lignes directrices est la définition de l'expression " travailleur autonome " qui figure au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 19781, dont voici le libellé :

     " travailleur autonome " s'entend d'un immigrant qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter une entreprise au Canada, de façon à créer un emploi pour lui-même et à contribuer de manière significative à la vie économique, culturelle ou artistique du Canada.         

[3]      Selon les éléments de preuve documentaire dont l'agente des visas a été saisie, la requérante possède une vaste expérience dans son pays comme actrice aux talents variés sur scène, au cinéma et à la télévision. Dans une moindre mesure, il ressort de la preuve soumise à l'agente des visas que la requérante a également travaillé comme mannequin et comme professeur d'art dramatique.

[4]      L'agente des visas a décidé que la requérante ne répondait pas à la définition d'un travailleur autonome. Voici ce qu'elle a écrit dans sa lettre de décision :

     [traduction] Quand je vous ai demandé ce que vous feriez si vous veniez au Canada, vous avez déclaré que vous vouliez être mannequin et apprendre l'anglais. Vous avez également déclaré que votre avocate vous avait encouragée à continuer de développer les aspects culturels de votre carrière, et que deux sociétés cinématographiques avaient communiqué avec vous. Quand je vous ai demandé comment vous pourriez jouer dans un film au Canada sans connaître le français ni l'anglais, vous avez répondu que vous ne pourriez pas être une actrice sans avoir une connaissance pratique de l'une des langues officielles du Canada. Vous l'avez confirmé à deux autres reprises au cours de l'entrevue.         
     Un peu plus tard dans l'entrevue, je vous ai de nouveau demandé quelles seraient vos intentions si vous deviez aller au Canada. Vous avez déclaré que vous seriez mannequin. Quand je vous ai demandé si vous aviez l'intention de travailler comme actrice, vous avez répondu que si l'une des deux sociétés cinématographiques auprès desquelles votre contact au Canada a fait des démarches vous proposait un rôle en chinois, vous l'accepteriez. Vous ne saviez pas s'il existe des débouchés au Canada pour une actrice parlant le chinois, en dépit du fait que cette question avait été soulevée au cours de votre entrevue précédente.         
     Vous ne m'avez donc pas convaincue que vous avez l'intention de vous créer un débouché comme actrice. De votre propre aveu, vous ne seriez pas en mesure de le faire tant que vous seriez incapable de parler le français ou l'anglais. En l'absence de renseignements indiquant le contraire, je suis obligée de souscrire à votre propre évaluation de votre capacité de gagner votre vie comme actrice au Canada.         
     De plus, vous ne m'avez pas convaincue que vous avez l'intention d'établir une entreprise de façon à créer un emploi pour vous-même. À plusieurs moments au cours de l'entrevue, vous avez déclaré que vous aviez l'intention de subvenir à vos besoins au Canada en acceptant des contrats comme mannequin. Vous avez produit un contrat d'exclusivité de services avec le bureau canadien de Ching Chew-An Group prévoyant que vous toucheriez 18 000 $ CAN pendant cinq ans en contrepartie de vos services. Ce contrat vous obligeait également à obtenir le consentement préalable écrit du Ching Chew-An Group si une autre entreprise utilise votre nom, votre voix ou votre apparence de quelque manière ou à quelque fin que ce soit. Je suis arrivée à la conclusion que ce contrat crée fondamentalement une relation employeur-employée exclusive. Je suis également arrivée à la conclusion qu'il s'agit de l'expression la plus exacte de votre intention future étant donné que ce contrat confirme par écrit ce que vous avez dit à l'entrevue.         
     Sur votre demande de résidence permanente au Canada, vous avez indiqué que vous aviez l'intention de travailler comme conseillère en affaires et comme professeur d'art dramatique au Canada. Bien que vous n'ayez à aucun moment pendant l'entrevue manifesté l'intention de travailler comme conseillère en affaires, vous avez dit à un moment donné que vous ouvririez une école de danse et d'art dramatique au Canada. Vous avez exprimé cette intention vers la fin de l'entrevue, et uniquement en réponse à une question directe et suggestive. Toutes les autres fois que je vous ai demandé, au moyen d'une question ouverte, ce que vous aviez l'intention de faire au Canada, vous avez répondu que vous seriez mannequin. Quand je vous ai demandé d'exposer vos plans au sujet de l'ouverture d'une école d'art dramatique, vous avez affirmé que vous commenceriez avec dix élèves et que vous espériez en prendre davantage par la suite. Vous n'aviez aucune idée de la façon de recruter des élèves, de la façon d'enseigner à ceux qui ne parlent pas le chinois ou de la façon dont vous subviendriez à vos besoins en enseignant à dix élèves seulement. De plus, vous n'avez pas démontré que vous avez l'expérience voulue pour enseigner l'art dramatique, ni la capacité de le faire. Compte tenu des renseignements que vous avez fournis à l'entrevue, je ne suis pas convaincue que vous avez l'intention d'ouvrir une école d'art dramatique au Canada.         

[5]      L'avocate de la requérante a habilement soutenu que la décision de l'agente des visas en ce qui concerne l'intention et la capacité de la requérante de devenir une actrice au Canada, d'y travailler comme mannequin autonome, et d'y établir et d'y exploiter une école de danse et d'art dramatique était tout simplement abusive. De plus, elle a prétendu que l'interprétation que l'agente des visas a donnée du contrat de service passé entre la requérante et le Ching Chew-An Group était tout simplement inexacte.

[6]      Je ne puis malheureusement pas souscrire aux points de vue exprimés par l'avocate de la requérante. La requérante n'a pas présenté un plan d'affaires véritable. Il ressort des notes que l'agente des visas a versées dans son ordinateur au sujet de l'entrevue avec la requérante que les projets de la requérante de devenir travailleuse autonome au Canada à son arrivée étaient vagues à l'extrême en ce qui a trait à son intention et à sa capacité au Canada. Aucun renseignement n'a été fourni par la communauté sino-canadienne au sujet de la contribution possible de la requérante sur la scène culturelle canadienne et comme professeur de danse et d'art dramatique. Aucun renseignement digne d'intérêt n'a été fourni par des personnes en Chine connaissant les talents de la requérante au sujet de l'expérience et des réalisations de cette dernière comme professeur, voire comme mannequin. De tels éléments de preuve ne pouvaient qu'être utiles à la requérante.

[7]      En définitive, je conclus que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[8]      Cela étant dit, intuitivement, compte tenu de la preuve dont l'agente des visas a été saisie, je peux aisément concevoir que la requérante est probablement en mesure de contribuer de manière importante à la vie culturelle et artistique du Canada. Ce qui semble faire défaut dans la demande de la requérante pour venir au Canada comme travailleuse autonome, c'est de l'organisation, un plan, des renseignements sur ses réalisations en République populaire de Chine et un exposé des points de vue des membres de la communauté culturelle et artistique du Canada avec lesquels la requérante pourrait vraisemblablement entretenir des rapports, quant à la place d'une personne comme la requérante au sein de la collectivité canadienne et à la contribution qu'elle serait peut-être en mesure de faire. Si mon évaluation intuitive de la contribution possible de la requérante au Canada s'avère le moindrement juste, j'espère simplement que, grâce aux bons conseils qu'elle aura obtenus, la requérante pourra à nouveau demander à venir au Canada, en faisant fond sur une recherche sérieuse et un dossier mieux conçu et mieux documenté.

                                 " Frederick E. Gibson "

                                         Juge

Toronto (Ontario)

Le 12 février 1998

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

NUMÉRO DU DOSSIER :                  IMM-956-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :              MIN TAO LIU

                             - et -

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
DATE DE L'AUDIENCE :              LE 11 FÉVRIER 1998
LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE GIBSON

EN DATE DU :                      12 FÉVRIER 1998

ONT COMPARU :                      M e Shoshana T. Green

                                 Pour la requérante

                             M e Stephen Gold

                                 Pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :      Me Shoshana T. Green

                             Avocats

                             121, rue King ouest

                             Bureau 2200, C. P. 114

                             Toronto (Ontario)

                             M5H 3T9

                                 Pour la requérante

                             George Thomson
                             Sous-procureur général

                             du Canada

                                 Pour l'intimé

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19980212

     Dossier : IMM-956-97

ENTRE :

     MIN TAO LIU,

     requérante,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

__________________

     1      DORS/78-172 (modifié).

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