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Date : 19990625

Dossier : T-911-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 25 JUIN 1999.

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LUTFY

AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

L.R.C. (1985), ch. C-29

ET un appel de la décision

d'un juge de la citoyenneté

ENTRE :

WAI YUEN AU,

demandeur/appelant,

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,

défendeur/intimé.

ORDONNANCE

            VU l'appel de la décision de R.W. Meagher, juge de la citoyenneté, datée du 24 mars 1998;

            VU l'audition de l'appel le 16 juin 1999 à Toronto (Ontario);

            LA COUR ORDONNE QUE :

            Le présent appel de la décision du juge de la citoyenneté datée du 24 mars 1998 soit rejeté.

          ALLAN LUTFY          

                                                                                                                                              J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


Date : 19990625

Dossier : T-911-98

AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

L.R.C. (1985), ch. C-29

ET un appel de la décision

d'un juge de la citoyenneté

ENTRE :

WAI YUEN AU,

demandeur/appelant,

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,

défendeur/intimé.

MOTIFS D'ORDONNANCE

LE JUGE LUTFY

[1]         Dans sa décision du 24 mars 1998, le juge de la citoyenneté a conclu que l'appelant ne satisfaisait pas à l'exigence en matière de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. L'appelant a été physiquement présent au Canada pendant 528 des 1 095 jours requis au cours de la période de quatre ans qui a immédiatement précédé la date du dépôt de sa demande de citoyenneté. L'appelant interjette appel de cette décision en se fondant sur le paragraphe 14(5) de la Loi. L'appel a constitué un procès de novo en vertu de la Règle 902 des anciennes Règles de la Cour fédérale.

[2]         L'appelant, un citoyen de Hong Kong, est devenu résident permanent du Canada en janvier 1992. Il a obtenu le droit de s'établir au pays en compagnie de son épouse et de leurs deux enfants, alors âgés de sept et trois ans respectivement. Le troisième enfant du couple est né au Canada. L'épouse de l'appelant de même que leurs enfants sont maintenant des citoyens canadiens. Sa mère, son frère de même que l'épouse et les enfants de ce dernier se trouvent également au Canada.

[3]         L'appelant reconnaît que sa première présence significative au Canada remonte à juillet 1992, alors qu'il installait sa famille dans une résidence à Scarborough (Ontario).

[4]         L'appelant a obtenu le droit de s'établir dans le cadre de la catégorie des entrepreneurs. Il possède la moitié d'une entreprise de nettoyage à sec à Toronto, son frère possédant l'autre moitié.

[5]         De 1992 jusqu'au début de 1997, l'appelant s'est absenté du Canada pendant des périodes importantes en raison de l'entreprise familiale qu'il possédait à Hong Kong avec un autre de ses frères, soit une bijouterie. La participation de l'appelant au sein de cette entreprise l'amenait à se rendre environ cinq fois par année à Hong Kong et en Thaïlande. La durée moyenne de ces séjours était de plus de quarante jours.

[6]         À la fin du mois de février 1997, l'appelant a présenté une demande de citoyenneté. C'est à cette époque, par suite des difficultés économiques que l'Asie a subies et qui ont nui à la bijouterie, que l'appelant a commencé à passer plus de temps au Canada. Cependant, pour les fins de l'exigence en matière de résidence, la période pertinente est la période de quatre ans qui a immédiatement précédé le mois de février 1997.

[7]         L'avocat de l'appelant a présenté un argument, qui avait un certain fondement, selon lequel la preuve établissait que la cellule familiale avait centralisé son mode de vie au Canada. Cependant, il ressortait également du témoignage de l'appelant que ses absences prolongées du Canada au cours de la période pertinente avaient sérieusement compromis la qualité de son attachement au Canada. Il ne se souvenait pas du nom des oeuvres de bienfaisance auxquelles il avait fait certains dons. Il a dû faire appel aux services d'un traducteur pour faciliter ses réponses, vu son anglais hésitant. Il a franchement admis qu'il avait délibérément choisi de ne pas déclarer les revenus qu'il avait tirés de sa bijouterie de Hong Kong dans les déclarations de revenus qu'il produisait au Canada. Il a reconnu que le revenu annuel qu'il avait au Canada, qui s'élevait à environ 30 000 $, provenait en grande partie d'investissements.

[8]         J'accepte le témoignage de l'appelant selon lequel il ne possède pas de résidence à l'extérieur du Canada. À Hong Kong, il séjournait en compagnie de son frère dans une résidence appartenant à sa mère. Cependant, ses absences du Canada n'étaient liées d'aucune façon aux affaires qu'il faisait au Canada. En effet, ses voyages à l'étranger étaient entièrement consacrés à sa participation dans l'entreprise familiale à Hong Kong. La décision, qu'il avait prise de son propre gré, de participer dans cette entreprise limitait nécessairement le nombre de jours qu'il passait au Canada et nuisait à sa capacité d'établir des liens au pays.

[9]         Dans Kerho, Re[1], un autre appel en matière de citoyenneté entendu en tant que procès de novo, le juge Teitlebaum a nuancé son droit de substituer sa décision à celle du juge de la citoyenneté de la façon suivante :

... même si l'appel est effectivement un procès de novo, il appartient à l'appelant de prouver que le juge de la citoyenneté a exercé son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur un principe erroné, en comprenant mal les faits ou pour toute autre raison majeure exigeant mon intervention.

[10]       Les propos du juge Teitlebaum sont particulièrement applicables à la présente affaire, dans laquelle la décision du juge de la citoyenneté est clairement exposée. Il a renvoyé à la jurisprudence de notre Cour, qui exige l'établissement et le maintien d'un mode de vie centralisé au Canada. Après avoir examiné les faits pertinents, le juge de la citoyenneté a également renvoyé aux propos du juge en chef adjoint Thurlow dans Papadogiorgakis[2], propos qui mettaient en contexte la résidence de l'appelant : « [...] cela dépend essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lieu en question » [Souligné par le juge de la citoyenneté.]. Le juge de la citoyenneté a ensuite conclu de la façon suivante :

[TRADUCTION] Bien qu'il soit évident que les autres membres de votre famille ont centralisé leur mode de vie au Canada, aucune preuve n'établit, selon moi, que vous satisfaites, que ce soit au plan qualitatif ou quantitatif, aux exigences applicables qui permettraient de conclure que le Canada était, pendant la période pertinente, le centre de vos intérêts commerciaux et sociaux.

[11]       Dans Ho, Re[3], le juge Dubé a dit que « [l]es indices les plus éloquents du maintien de la résidence sont l'établissement permanent d'une personne et de sa famille dans le pays » . Je souscris à ce point de vue. Cependant, en l'espèce, il existe peu d'éléments de preuve, voire aucun, concernant les activités commerciales de l'appelant au Canada avant 1997. De la même façon, aucune preuve n'établit l'existence d'une raison importante obligeant l'appelant à maintenir sa participation dans la bijouterie. Ses absences ne lui permettaient pas de vraiment prendre part à l'exploitation de l'entreprise de nettoyage à sec avant 1997.

[12]       Par ces motifs, je conclus que la demande de citoyenneté que l'appelant a présentée était prématurée. Sa famille vit vraiment au Canada depuis juillet 1992. Cependant, vu les intérêts commerciaux qu'il a à Hong Kong et qui ne sont pas liés à l'entreprise qu'il possède au Canada, ce n'est que depuis le début de 1997 qu'il paraît s'être trouvé au pays pendant des périodes prolongées. S'il maintient ce mode de vie, il se peut fort bien que la prochaine demande de citoyenneté qu'il présentera en temps voulu soit accueillie. Dans les circonstances, cependant, le présent appel doit être rejeté.

          ALLAN LUTFY          

                                                                                                                                              J.C.F.C.             

Ottawa (Ontario)

Le 25 juin 1999.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :T-911-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :Wai Yuen Au c. Ministre de la Citoyenneté

et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :le 16 juin 1999

MOTIFS D'ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE LUTFY

EN DATE DU :      25 juin 1999

ONT COMPARU :

M. Sheldon RobinsPOUR L'APPELANT

Toronto (Ontario)

Mme Leena JaakkimainenPOUR L'INTIMÉ

Toronto (Ontario)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sheldon M. RobinsPOUR L'APPELANT

Barrister & Solicitor

Toronto (Ontario)

M. Morris RosenbergPOUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)



     [1]         (1998), 21 F.T.R. 180, à la p. 184. Voir également Agha (Re), [1999] A.C.F. no 577, le juge Lemieux, aux paragraphes 33 et 34, concernant la norme de contrôle applicable dans le cadre d'un procès de novo.

     [2]         [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.), à la p. 214.

     [3]         [1997] A.C.F. no 1747.

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