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Date : 20040324

Dossier : IMM-6251-02

Référence : 2004 CF 435

Ottawa (Ontario), le 24 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

                                                          POPATBHAI S. PATEL

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision de Virginia Hughes, agente d'immigration désignée (l'agente), au Consulat général du Canada à Seattle, le 4 octobre 2002, décision par laquelle l'agente avait refusé la demande de résidence permanente au Canada qu'il avait présentée dans la catégorie « indépendante » .


LES FAITS

[2]                Le demandeur est un ressortissant indien. Il a présenté sa demande de résidence permanente en y indiquant le métier de chimiste spécialiste des textiles, n ° 2112 de la Classification nationale des professions (CNP), et sa demande a été évaluée en vertu de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (l'ancienne Loi). Il n'a pu obtenir au minimum un point d'appréciation pour l'expérience de chimiste spécialiste des textiles, parce que l'agente a estimé qu'il n'avait jamais exécuté les tâches propres à ce métier. Il a ensuite été évalué selon les exigences de la profession de maître-teinturier-textiles, n ° 2211.2 de la CNP, et il a obtenu six points pour l'expérience. L'agente a introduit ses notes concernant cette entrevue dans le Système de traitement informatisé des données d'immigration (le STIDI) et, par lettre datée du 4 octobre 2002, elle a informé le demandeur que sa demande avait été rejetée parce qu'il n'avait pas obtenu suffisamment de points lui permettant de se qualifier pour l'immigration au Canada.

[3]                L'agente a évalué le demandeur selon chacun des facteurs énumérés dans la colonne 1 de l'annexe 1 du Règlement sur l'immigration. Le demandeur a obtenu un total de 68 points pour la profession de maître-teinturier-textiles; le nombre de points requis pour obtenir un visa d'immigrant est 70. L'agente a donc refusé la demande.

[4]                Le demandeur a obtenu les points d'appréciation suivants pour chacun des critères de sélection :


Âge (39)                                                                  10

Facteur professionnel                                                          01

Études et formation                                                              15

Expérience                                                                              06

Emploi réservé ou profession désignée                            00

Facteur démographique                                                       08

Études                                                                                     15

Connaissance de l'anglais                                                   08

Connaissance du français                                                   00

Personnalité                                                                           05

Total                                                                                        68

CONCLUSIONS

Conclusions du demandeur


[5]                Dans sa demande d'autorisation et de contrôle judiciaire, le demandeur avançait essentiellement trois arguments. D'abord, il faisait valoir que l'agente l'avait obligé à atteindre une norme non exigée par la CNP pour la profession de chimiste spécialiste des textiles et que, ce faisant, elle avait commis une erreur de droit. Pour la profession de chimiste spécialiste des textiles, la CNP oblige les candidats à avoir exercé « une partie ou l'ensemble » des fonctions énumérées dans la liste des fonctions principales. D'après les espèces suivantes : A'Bed c. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. n ° 1347 (1re inst.), Qin c. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. n ° 1576 (1re inst.), Paracha c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. n ° 1282 (1re inst.) et Bhutto c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. n ° 1411 (1re inst.), l'expression « une partie ou l'ensemble » signifie que le candidat doit avoir exercé plus d'une parmi les fonctions principales énumérées dans la CNP. Ici, l'agente exigeait du demandeur qu'il ait exercé « un nombre substantiel des fonctions principales d'un chimiste spécialiste des textiles, y compris les fonctions essentielles » . En exigeant du demandeur qu'il ait exercé « un nombre substantiel des fonctions principales » au lieu de « plus d'une parmi les fonctions principales » , l'agente a commis une erreur.

[6]                Subsidiairement, le demandeur dit qu'il a démontré qu'il avait exercé « une partie ou l'ensemble » des fonctions principales d'un chimiste spécialiste des textiles, et selon lui l'agente a ignoré cette preuve. Le demandeur a démontré qu'il avait l'expérience et la connaissance de divers équipements textiles employés dans le blanchiment, la teinture, l'impression, le vaporisage, le renfort et l'apprêt de tous genres de tissus, qu'il s'était occupé du contrôle de la qualité des produits, qu'il avait surveillé des personnels techniques et qu'il s'était adonné à la recherche. Ses fonctions se trouvent dans la description donnée par la CNP et donc le demandeur avait exercé l'une ou plusieurs des fonctions énumérées. Puisque l'agente est arrivée à la conclusion que le demandeur n'avait pas exercé les fonctions, elle a commis une erreur.

[7]                Troisièmement, le demandeur affirme aussi que l'agente a fondé son refus sur les déclarations qu'il avait faites lors de l'entrevue à propos de ses fonctions. En fondant sa décision uniquement sur les déclarations obtenues au cours de l'entrevue, l'agente a rendu une décision sans tenir compte de l'ensemble de la preuve, et elle a donc commis une erreur. Le demandeur invoque, au soutien de son argument, l'affaire Singh c. Canada,[2002] A.C.F. n ° 154 (1re inst.).


Conclusions du défendeur

[8]                Selon le défendeur, l'agente ne faisait que se référer au texte du facteur n ° 4, dans l'annexe I, lorsqu'elle disait dans sa lettre de refus adressée au demandeur qu'il n'avait pas exercé un nombre substantiel des fonctions principales énumérées dans la CNP, dont les fonctions essentielles. En fait, dans les notes du STIDI, l'agente disait que le demandeur n'avait jamais exercé les fonctions d'un chimiste spécialiste des textiles. Le défendeur soutient aussi que les précédents invoqués par le demandeur, qui interprètent l'expression « une partie ou l'ensemble » , donnent à entendre qu'un requérant doit montrer qu'il a exercé plus d'une des tâches énumérées dans la CNP. En l'espèce, le demandeur n'avait exercé aucune des tâches précisées. Par conséquent, les précédents invoqués par le demandeur se distinguent de la présente affaire.

[9]                Le défendeur soutient aussi que l'agente n'a pas ignoré la preuve du demandeur faisant état de son expérience, puisque l'agente a évalué le demandeur pour la profession de maître-teinturier et lui a accordé six des huit points possibles pour l'expérience acquise dans cette profession.


NORME DE CONTRÔLE

[10]            Dans l'affaire Liu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. n ° 1125, 2001 CFPI 751 (C.F. 1re inst.), le juge Teitelbaum écrivait :

La norme de contrôle applicable à ce genre de décision -- c'est-à-dire la décision discrétionnaire de l'agent des visas -- est celle qu'a énoncée le juge McIntyre dans l'arrêt Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8 :

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

Dans Wang c. Canada (M.C.I.), [2001] A.C.F. no 95 (IMM-2813-00, 25 janvier 2001), renvoyant à l'extrait qui précède de même qu'à l'arrêt de la Cour suprême du Canada Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, le juge Rouleau a statué que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter.

Par conséquent, la norme de la décision raisonnable simpliciter est la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer ici à la décision de l'agente. La Cour n'annulera pas la décision discrétionnaire d'un agent d'immigration, ni ne substituera sa décision à celle d'un agent, à moins que la décision de l'agent ne soit déraisonnable ou manifestement erronée.

POINTS LITIGIEUX

A.         L'agente a-t-elle exposé des motifs adéquats justifiant l'attribution au demandeur de zéro point pour son expérience du métier de chimiste spécialiste des textiles?


B.          L'agente a-t-elle appliqué le bon critère lorsqu'elle a dit que le demandeur ne pouvait pas justifier de l'expérience requise pour le métier de chimiste spécialiste des textiles?

C.         L'agente a-t-elle commis une erreur parce qu'elle n'a pas tenu compte de l'ensemble de la preuve produite par le demandeur?

A.        L'agente a-t-elle exposé des motifs adéquats justifiant l'attribution au demandeur de zéro point pour son expérience du métier de chimiste spécialiste des textiles?

[11]            Le demandeur dit qu'il a exécuté les fonctions suivantes au cours de sa carrière : expérience et connaissance de diverses machines textiles employées dans le blanchiment, la teinture, l'impression, la vaporisation, le renfort et la finition de tous genres de tissus, contrôle de la qualité des produits; surveillance de personnels techniques; recherche.


[12]            Les notes du STIDI confirment que le demandeur a indiqué des fonctions qui supposaient l'expérience et la connaissance de machines textiles exécutant diverses tâches, des fonctions de surveillance, y compris la surveillance de « maîtres » , et des fonctions de contrôle de la qualité. Les notes du STIDI ne disent pas cependant que le demandeur a fait état de la conduite de recherches, non plus que les lettres d'emploi. Cette fonction n'apparaît que dans l'affidavit du demandeur rédigé en vue de la présente audience. Vu que les notes du STIDI ont été consignées durant l'entrevue avec le demandeur, il semble probable que, si le demandeur avait dit qu'il avait effectué des recherches, ce fait aurait été consigné par l'agente à l'époque. Comme cette expérience n'est pas mentionnée dans les notes du STIDI, j'arrive à la conclusion que le demandeur n'en a pas fait état et je n'en tiendrai donc pas compte dans mon analyse.

[13]            Ma lecture des conclusions et du dossier me conduit à dire que le demandeur n'avait pas le diplôme ni l'expérience nécessaires pour être reconnu comme chimiste spécialiste des textiles. La description CNP 2112 donnée pour la profession de chimiste, une description qui donne comme exemple la profession de « chimiste spécialiste des textiles » , dit que des antécédents dans la recherche et l'analyse sont essentiels pour qu'on puisse être reconnu comme chimiste spécialiste des textiles. La description dit aussi que les diplômes requis pour cette reconnaissance sont un baccalauréat en chimie et, pour un emploi de chercheur en chimie, une maîtrise ou un doctorat. Sur ce dernier point, les documents montrent que le demandeur détient un diplôme technique en chimie des textiles, et non un diplôme universitaire. Par ailleurs, les documents produits par le demandeur parlent d'une expérience professionnelle de nature technique, et le sommaire de l'entrevue rédigé par l'agente des visas arrive à la même conclusion. Je n'ai donc d'autre choix que de conclure comme l'a fait l'agente des visas lorsqu'elle disait, dans ses notes du STIDI, que le demandeur « ... n'a jamais exécuté les fonctions d'un chimiste spécialiste des textiles - CNP 2112, et qu'il ne répond donc pas aux conditions de cette description de la CNP » . Eu égard à ma lecture des notes de l'agente, je suis d'avis que cette conclusion est pleinement autorisée par les observations écrites et je suis persuadé que cette décision est justifiée.


B.        L'agente a-t-elle appliqué le bon critère lorsqu'elle a dit que le demandeur ne pouvait pas justifier de l'expérience requise pour le métier de chimiste spécialiste des textiles?

[14]            Selon la jurisprudence établie dans les espèces A'Bed, Qin, Paracha et Bhutto, précitées, l'agente n'a pas appliqué le bon critère lorsqu'elle a dit que le demandeur n'avait pas prouvé qu'il avait exécuté « toutes ou presque toutes » les fonctions d'un chimiste spécialiste des textiles. Néanmoins, je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une erreur fatale puisque l'agente a conclu que le demandeur n'avait exécuté aucune des fonctions énumérées dans la description CNP 2112 pour le métier de chimiste spécialiste des textiles. Je suis également d'avis que l'agente n'avait pas préjugé la question lorsqu'elle s'est référée à « un nombre substantiel » des fonctions, puisqu'il est évident, après examen des documents, que le demandeur n'avait exercé aucune des fonctions d'un chimiste spécialiste des textiles et qu'il ne pouvait justifier d'aucun diplôme universitaire pouvant autoriser une telle conclusion.

C.        L'agente a-t-elle commis une erreur parce qu'elle n'a pas tenu compte de l'ensemble de la preuve produite par le demandeur?


[15]            Encore une fois, je dois me ranger aux conclusions du défendeur. L'agente a bien évalué le demandeur selon un autre métier, et elle lui a accordé six points pour l'expérience. Il est difficile d'imaginer que l'agente aurait pu faire cette évaluation sans tenir compte de l'ensemble des conclusions du demandeur touchant son expérience et, en tout état de cause, dans les notes du STIDI, l'agente précise les documents qui ont été présentés, par exemple « références, lettres d'emploi, etc. » .

[16]            Pour ces motifs, je suis d'avis que la conclusion de l'agente selon laquelle le demandeur ne répondait pas aux exigences du Règlement sur l'immigration de 1978, ainsi que sa décision de refuser la demande, étaient raisonnables.

[17]            Les avocats n'ont pas proposé de question à certifier.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

-           Cette demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question ne sera certifiée.

                  « Simon Noël »                                                                                                                                 Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                  IMM-6251-02

INTITULÉ :                                                 POPATBHAI S. PATEL

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                         LE JEUDI 18 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :            LE JUGE NOËL

DATE DES MOTIFS :                               LE 24 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Harvey Savage                                               pour le demandeur

Tamrat Gebeyehu                                           pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Harvey Savgage                                                                                    pour le demandeur

Avocat

393, avenue University, bureau 2000

Toronto (Ontario)

M5G 1E6

Morris Rosenberg                                                                                  pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

            Date : 20040324

    Dossier : IMM-6251-02

ENTRE :

POPATBHAI S. PATEL

demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                             défendeur

                                                           

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                           


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