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Date : 20010612

Dossier : IMM-4553-00

Référence neutre : 2001 CFPI 647

ENTRE :

JUAN CARLOS GOMEZ et ELISABETH BERNAL ARANGO

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE

(Prononcés, tels que révisés, à l'audience

à Calgary (Alberta), le lundi 11 juin 2001)

LE JUGE McKEOWN


[1]                 Les demandeurs cherchent à obtenir le contrôle judiciaire de la décision, en date du 11 août 2000, par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) rejetait leur demande de statut de réfugié.

[2]                 Les questions à examiner sont les suivantes :

          1.        La Commission a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte de la preuve documentaire ou en n'arrivant pas à une conclusion au sujet de la crédibilité des demandeurs?

          2.        La Commission a-t-elle commis une erreur en qualifiant l'extorsion dont ont été victimes les demandeurs de simple acte criminel et non de persécution liée à leurs opinions politiques?

[3]                 La Commission ne s'est jamais prononcée de façon satisfaisante sur la question de savoir s'il y avait plus qu'une simple possibilité que les demandeurs soient persécutés s'ils retournaient en Colombie.

[4]                 À mon avis, la Commission a commis une erreur quand elle a conclu, à la page 2 de la décision, que :


Le tribunal est d'avis que les démarches des guérilleros auprès du revendicateur constituait une tentative d'extorsion, donc un acte criminel. La preuve documentaire indique qu'aucune source consultée par la Direction des recherches n'a mentionné que les victimes d'extorsion aux mains de la guérilla étaient perçues comme des collaborateurs ou des sympathisants de la guérilla par les paramilitaires, l'armée ou la police. Le tribunal note qu'au point 6 de la pièce R-1, plusieurs documents qui ont été consultés par la Direction des recherches font allusion à l'argent que les guérilleros extorquent des personnes et des entreprises en Colombie comme étant des « taxes » . Les actes d'extorsion sont si répandus que le tribunal conclut que le revendicateur est ciblé comme toute autre personne qui se trouve dans sa situation, c'est-à-dire une personne qui est perçue par les guérilleros comme étant riche. Le tribunal ne croit pas que les menaces alléguées équivalent à imputer une opinion politique aux revendicateurs.


Le demandeur a témoigné qu'il n'a pas été victime d'extorsion uniquement pour des raisons économiques; les tentatives d'extorsion dont les demandeurs ont été victimes avaient pour but de déterminer dans quel camp politique ils se situaient et de les forcer à prendre position. En dépit du raisonnement de la Commission selon lequel il n'y a pas de preuve documentaire que « les victimes d'extorsion aux mains de la guérilla étaient perçues comme des collaborateurs [....] de la guérilla » , on a la preuve que le défaut de payer les « taxes » de la guerre (l'extorsion) constitue pour les guérilleros et les groupes paramilitaires une preuve de soutien de l'autre camp, et que des meurtres et des agressions physiques sérieuses (dont la torture) sont perpétrées à l'endroit des personnes soupçonnées de soutenir l'adversaire. Le demandeur croyait être victime d'extorsion parce qu'il était perçu comme étant un homme riche. En effet, on a recours à l'extorsion pour obliger les victimes de ce chantage à prendre parti dans le conflit politique colombien, ce qui les expose à des représailles puisqu'ils sont alors perçus comme étant des collaborateurs ou des sympathisants. Selon les circonstances de l'espèce, dont le fait que la Commission n'est arrivée à aucune conclusion défavorable au sujet de la crédibilité des demandeurs, ceux-ci seront persécutés, comme la Commission l'a dit, pour leurs opinions politiques imputées s'ils font l'objet de menaces en raison de leur soutien à l'un ou l'autre camp. La Commission aurait aussi dû se demander si la crainte d'extorsion des demandeurs pouvait se rattacher à l'appartenance à un groupe social particulier et en tenir compte : voir Vasudevan c. Canada (Le secretaire d'État), [1994] A.C.F. no 1073 (1re inst.), le juge Gibson, et Labsari c. Canada (MCI), [1999] A.C.F. no 666 (1re inst.), le juge Teitelbaum.

[5]                 Le défendeur s'appuie sur l'arrêt Adu c. MEI, [1995] A.C.F. no 114 (C.A.) dans lequel le juge A. Hugessen J.A. a énoncé :

La « présomption    » selon laquelle le témoignage sous serment d'un requérant est véridique peut toujours être réfutée et, dans les circonstances appropriées, peut l'être par l'absence de preuves documentaires mentionnant un fait qu'on pourrait normalement s'attendre à y retrouver.

En l'espèce, il n'y a cependant pas une telle lacune dans la preuve documentaire. La Commission aurait dû tenir compte du témoignage du demandeur selon lequel les guérilleros s'interrogeaient sur son appui politique et ont utilisé l'extorsion pour tester ce soutien.

[6]                 La Commission n'a pas analysé la possibilité que l'extorsion était attribuable à des raisons politiques, comme elle aurait dû le faire d'une façon compatible avec les présents motifs. La Commission aurait dû étudier plus sérieusement la possibilité que les demandeurs pourraient être persécutés à leur retour en Colombie.


[7]                 La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée à la Commission afin qu'un tribunal différemment constitué procède à une nouvelle audition.

« W. P. McKEOW »

Juge

CALGARY (ALBERTA)

Le 12 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Sandra Douyon-de Azevedo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20010612

Dossier : IMM-4553-00

ENTRE :

JUAN CARLOS COMEZ et

ELISABETH BERNAL ARANGO

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                                                

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                        IMM-4553-00

INTITULÉ :                                                     JUAN CARLOS GOMEZ et ELISABETH

BERNAL ARANGO

LIEU DE L'AUDIENCE :                           CALGARY (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :              11 juin 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge McKeown

DATE DES MOTIFS :                                   12 juin 2001

COMPARUTIONS:

Mme Jean Munn                                                   POUR LES DEMANDEURS

Mme Tracy King                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

D. Jean Munn                                                     POUR LES DEMANDEURS

Caron & Partners

Calgary (AB)

M. W. Brad Hardstaff                           POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Bureau régional d'Edmonton

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