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Date : 19990518


Dossier : IMM-771-98

ENTRE:

PAVEL PIDASHEV

RUSLAN PIDASHEV

Partie requérante


ET:


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETE

ET DE L"IMMIGRATION

Partie intimée

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE TEITELBAUM

INTRODUCTION

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire de la décision du 31 janvier 1998 de Citoyenneté et Immigration Canada. Par cette décision, un agent informait Maria Pidasheva que sa demande de résidence permanente dans la catégorie d" "immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée" était refusée pour le motif qu"elle ne satisfaisait pas au paragraphe 11. 401(f) du Règlement sur l"immigration, 1978 puisque son mari, Pavel Pidashev, avait été déclaré coupable d"une infraction visé par l"alinéa 27(2)(d) de la Loi sur l"immigration.

[2]      Cette décision a donné lieu à deux demandes de contrôle judiciaire, l"une intentée par les requérants, Pavel et Ruslan Pidashev, père et fils, dans le présent dossier IMM-771-98, et l"autre intentée par la requérante Maria Pidasheva, épouse et mère des requérants Pavel et Ruslan, dans le dossier IMM-637-98. Ces dossiers ont été entendus consécutivement par la Cour. Toutefois, la présente décision ne traite que des arguments avancés par les requérants dans le dossier IMM-771-98.

FAITS

[3]      Le requérant Pavel Pidashev, né en 1950 en Ukraine, est arrivé au Canada le 18 octobre 1992 et a revendiqué le statut de réfugié. M. Pidashev a, par la suite, déposé une demande de résidence permanente dans la catégorie d" "immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée" (le programme DROC) qui a été rejetée en date du 24 mars 1997 parce qu"il ne s"était pas écoulé trois ans depuis la décision de la Section du statut de réfugié. M. Pidashev devenait éligible le 18 avril 1999.

[4]      Le 1er mai 1997, le programme DROC a pris fin. Le 1er décembre 1997, M. Pidashev a été déclaré coupable d"une infraction à l"article 253(b) du Code criminel .

[5]      Quant à Ruslan Pidashev, il est né le 13 août 1976 en Ukraine. Par une lettre en date du 25 septembre 1996, Citoyenneté et Immigration Canada informait le requérant que sa demande de résidence permanente en fonction du programme DROC serait traitée mais qu"il devait satisfaire à toutes les exigences de la Loi sur l"immigration. Cette lettre précisait entre autres que le demandeur ne satisfaisait pas aux critères d"emploi puisqu"il n"avait pas occupé un emploi pendant une période de six mois.

[6]      Le 31 janvier 1998, Citoyenneté et Immigration Canada avisait Maria Pidasheva que sa demande de résidence permanente était refusée pour le motif qu"une personne à sa charge, son mari, avait été déclarée coupable d"une infraction au Code criminel .

REPRÉSENTATIONS

[7]      Le requérant, Pavel Pidashev, soumet qu"il avait acquis un droit d"établissement avant le 1er décembre 1997, date de sa déclaration de culpabilité à une infraction au Code criminel, et que par conséquent le sous-ministre était tenu de faire procéder à une enquête en vertu de la Loi sur l"immigration.

[8]      Le requérant Ruslan soumet pour sa part que sa mère et lui auraient dû se voir obligatoirement accorder un droit d"établissement puisqu"ils satisfaisaient à l"ensemble des conditions du programme DROC, et ce malgré la déclaration de culpabilité rendue contre Pavel Pidashev en date du 1er décembre 1997. En outre, le requérant soumet que Ruslan Pidashev ne peut se voir refuser le droit d"établissement pour le seul motif que son père a été reconnu coupable d"une infraction criminelle.

[9]      Les requérants soumettent également que le paragraphe 253(b) du Code criminel ainsi que l"article 2 du Code criminel qui définit la Cour municipale de Montréal comme une cour de juridiction criminelle, ainsi que la Loi sur la cour fédérale du Canada sont invalides puisqu"elles reposent sur des fondements inconstitutionnels. Ces lois auraient été adoptées par un Parlement inconstitutionnellement formé. Le procureur des requérants a laissé tomber cette soumission.

Représentation de l"intimé

[10]      L"intimé soumet que les allégations des requérants sont non fondées et sans mérite. Je suis en accord avec les arguments du défendeur qui sont reproduits en grande partie dans l"analyse qui suit.

ANALYSE

[11]      L"argument principal du requérant repose en grande partie sur la prémisse que les requérants ont acquis un droit d"établissement avant qu"on ne mette fin au programme DROC et avant que ne soit rendue la décision de culpabilité contre le requérant Pavel Pidashev.

[12]      Comme le souligne l"intimé, cet argument est sans fondement. D"une part, il appert de l"affidavit de Peter Chiu et des pièces qui y sont annexées que le demandeur a été accusé le 2 mai 1996 d"avoir commis l"infraction décrite à l"alinéa 253 (b) du Code criminel dont il a été jugé coupable le 1er décembre 1997. Maria Pidasheva a signé sa demande de résidence dans le programme DROC le 20 juin 1996, soit plus d"un mois après que des accusations aient été portées contre son mari.

[13]      Comme le souligne l"intimé, Citoyenneté et Immigration Canada n"est pas tenu de statuer sur une demande d"établissement avant qu"un jugement n"ait été rendu à l"égard de chefs d"accusation portés contre une personne à charge ou un conjoint. De plus, la Cour fédérale a eu l"occasion d"examiner la portée du programme DROC et de déterminer que le programme DROC ne crée pas d"attente légitime en ce qui a trait à la résidence permanente: Singh c. Canada (M.C.I.) (IMM-1083-96, 23 octobre 1997); Huseyinov c. Canada (M.E.I.), (1994) 174 N.R. 233 (C.A.F.); Alexander c. M.C.I., (1996) 115 F.T.R. 258 (C.A.F.).

[14]      Dans l"affaire Singh , supra, le juge Jerome résume les principes adoptés comme suit, aux paragraphes 6 et suivants:

         Ces arguments supposent que la réglementation relative aux IMRED crée un droit ou avantage de fond. Cependant, dans deux décisions rendues récemment, notre Cour a statué sur cette même question qu'elle a tranchée différemment. Dans la décision Darmantchev v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), (1995) 32 Imm. L.R. 65, le juge Wetston a déterminé que les particuliers n'ont pas le droit d'être considérés comme IMRED, mais qu'ils doivent être acceptés comme tels à la suite d'un processus de sélection :                 
         J'estime que, en l'espèce, il n'existe aucune obligation, expresse ou implicite, qui découle de l'économie de la Loi sur l'immigration et de son règlement. L'article 48 de la Loi sur l'immigration exige que la mesure de renvoi soit exécutée dès que les circonstances le permettent. La catégorie réglementaire des IMRED vise, non pas à conférer un droit ou avantage de fond à certains demandeurs du statut de réfugié déboutés, mais à fournir au ministre une méthode améliorée et efficace de résoudre les cas de certains demandeurs du statut de réfugié déboutés qui n'ont pas été renvoyés pendant plusieurs années. En application de l'article 48 de la Loi sur l'immigration, le ministre est légalement tenu                 
         d'effectuer des renvois.                 
         Le juge McKay dans la décision Alexander v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), (1996) 115 F.T.R. 218 [sic], a rejeté une requête semblable, présentée par des requérants qui avaient trois mois à faire avant de relever de la réglementation relative aux IMRED. Après avoir cité Darmantchev, il a ajouté :                 
         Les requérantes n'ont pas le droit de demeurer au Canada du simple fait qu'elles sont sur le point de remplir les conditions exigées par le Règlement sur les immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée. Ce règlement prévoit qu'une personne ne peut être considérée comme un immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée que si elle satisfait à certains critères et notamment si elle a résidé au Canada pendant une période de trois ans à la suite du rejet de sa revendication du statut de réfugié. Dans le cas qui nous occupe, les requérantes ne satisfont pas à ce critère et on ne saurait donc prétendre qu'elles ont le droit de demeurer au Canada par application de ce règlement ou de tout autre règlement. En outre, ainsi que je l'ai déjà signalé, les requérantes n'ont pas démontré que la procédure suivie en l'espèce était injuste. Bien que les requérantes soutiennent qu'il est injuste de les renvoyer alors qu'elles sont sur le point de remplir les conditions requises pour pouvoir invoquer le Règlement sur les immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée, je suis lié par les exigences de ce règlement, qui a été pris en conformité avec la Loi édictée par le Parlement. La détermination de la période de résidence au Canada nécessaire pour remplir les conditions prévues pour être considéré comme un immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée est une question qui relève du législateur et non de notre Cour. Ainsi, étant donné que les requérantes ne satisfont pas, de leur propre aveu, aux exigences prévues par le Règlement sur les immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée, rien ne justifie l'intervention de la Cour en ce qui concerne la décision de reporter ou d'annuler leur renvoi. [Page 262]                 
         En l'espèce, les requérants n'ont pas satisfait à l'exigence minimale énoncée au sous-alinéa d)(i)(c), étant donné que leur dernier sursis a expiré il y a moins de trois ans. En conséquence, ils n'ont jamais été admissibles à être considérés comme IMRED, comme le dit la décision du 5 mars 1996 qu'ils contestent.                 
         La demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée.                 

[15]      Il est donc incorrect de prétendre que les requérants avaient acquis un droit d"établissement du seul fait qu"ils avaient déposé une demande de résidence dans le cadre du programme DROC. En fait, il appert plutôt des faits en l"espèce que le requérant Pavel Pidashev n"était pas admissible au programme lorsqu"il a pris fin le 1er mai 1997 puisqu"il ne devenait éligible qu"à partir du 18 avril 1999. Quant au requérant Ruslan Pidashev, il appert aussi des documents soumis par le requérant, une lettre en date du 25 septembre 1996 joint à l"affidavit de Ruslan Pidashev, qu"il ne satisfaisait pas non plus à toutes les exigences puisqu"il n"avait pas occupé un emploi pendant une période de 6 mois.

[16]      À mon avis, on ne peut prétendre non plus que l"agent a commis une erreur dans l"application de la Loi ou du Règlement sur l"immigration puisqu"il s"agit d"un pouvoir lié ne comportant aucun pouvoir discrétionnaire comme le suggère l"intimé. Ainsi, l"agent qui a émis la décision contestée n"avait aucune discrétion dans l"évaluation de la demande de résidence de Maria Pidasheva. L"agent était tenu de constater si la personne demandant l"établissement rencontre les conditions énumérées dans le règlement: Bermanesh c. Canada (M.C.I.) , (1997) 40 Imm. L.R. (2d) 301; Melinte c. Canada (M.C.I.), (1997) 134 F.T.R. 292; Ponnampalam c. Canada (M.C.I.), (1996) 117 F.T.R. 294.

[17]      En ce qui a trait aux allégations d"inconstitutionnalité des lois adoptées par le Parlement du Canada, y compris le Code criminel et la Loi sur la cour fédérale du Canada, comme je l"ai déjà dit, le procureur des requérants a laissé tomber cette soumission.

CONCLUSION

[18]      La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

QUESTION À CERTIFIER

[19]      L"avocat de l"intimé a requis la certification de certaines questions conformément au paragraphe 83(1) de la Loi sur l"immigration.

[20]      Étant donné que j"ai rejeté la demande de contrôle judiciaire, que les requérants n"ont pas requis la certification d"une question et qu"ils n"ont fait qu"accepter que certaines des questions présentées par l"intimé soient certifiées, il n"est pas nécessaire de certifier de question pour la Cour d"appel fédérale.

         "Max M. Teitelbaum"

                    

                             J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le18 mai 1999

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