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     Date : 19980724

     T-1092-98

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 24 JUILLET 1998

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE B. REED

E n t r e :

     IMPERIAL TOBACCO LIMITED,

     demanderesse,

     et

     ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC.,

     défenderesse.

     LA COUR, STATUANT SUR l'avis de requête déposé le 16 juillet 1998 pour le compte de la demanderesse en vue d'obtenir :

1.      Une ordonnance radiant, en vertu du paragraphe 221(1) des Règles de la Cour fédérale, le paragraphe 5 de la défense, à l'exception de la première phrase, au motif que le reste du paragraphe 5 :
     a)      n'est pas pertinent ou est redondant;
     b)      est scandaleux, frivole ou vexatoire;
     c)      risque de nuire à l'instruction équitable de l'action ou de la retarder;
     d)      constitue autrement un abus de procédure;
2.      Une ordonnance accordant à la demanderesse, en vertu des articles 8 et 205 des Règles de la Cour fédérale, dix jours à compter de la date de toute ordonnance prononcée en l'espèce pour déposer sa réponse;
3.      Les dépens de la présente requête;
4.      Toute autre ordonnance que la Cour jugera bon de prononcer.

ORDONNANCE

1.      RADIE les troisième et quatrième phrases du paragraphe cinq (5) de la défense;
2.      ACCORDE à la demanderesse dix (10) jours à compter de la date de la présente ordonnance pour déposer sa réponse;
3.      DIT que les dépens de la présente requête suivront l'issue de la cause.

         B. Reed

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     Date : 19980724

     T-1092-98

E n t r e :

     IMPERIAL TOBACCO LIMITED,

     demanderesse,

     et

     ROTHMANS, BENSON & HEDGES INC.,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]      La demanderesse (Imperial) sollicite la radiation de la presque totalité du paragraphe cinq de la défense de la défenderesse (Rothmans). Le droit d'action visé par le présent acte de procédure se rapporte est la demande qu'a présentée Imperial en vue d'obtenir un jugement déclaratoire invalidant les lettres patentes 2 011 254 ou, si les lettres patentes en question sont valides, un jugement déclaratoire portant que le produit d'Impérial ne contrefait pas le brevet en question.

[2]      Au paragraphe cinq de sa défense, Rothmans affirme qu'Imperial a introduit la présente action immédiatement après avoir reçu une lettre dans laquelle Rothmans l'informait qu'elle envisageait la possibilité d'introduire une action contre Imperial. Il s'agirait d'une action en contrefaçon de brevet.

[3]      Le paragraphe en question est ainsi libellé :

     [TRADUCTION]         
     5.      La défenderesse admet le paragraphe 7 de la déclaration, dans sa teneur actuelle. Toutefois, à la suite de ce que la demanderesse déclare au paragraphe 7 en question, la lettre du 20 mai 1998 en question comprenait un projet de déclaration. Avant d'expédier la lettre du 20 mai 1998, la défenderesse a, par l'intermédiaire de son avocat, Me Robert Carew, parlé avec l'avocat interne de la demanderesse, Me Roger Ackman, pour l'informer de l'envoi de la lettre et pour inviter les représentants de la demanderesse à rencontrer les représentants de la défenderesse afin de décider si l'affaire pouvait être réglée. Pour toute réponse, la demanderesse s'est contentée d'introduire la présente instance. Le projet de déclaration a été soumis à la Cour par Rothmans, Benson & Hedges Inc. sous le numéro du greffe T-1098-98, compte tenu de l'introduction de l'instance en question par la demanderesse Imperial.         

[4]      Voici le texte du paragraphe sept de la déclaration :

     [TRADUCTION]         
     7.      Par lettre en date du 20 mai 1998, la défenderesse a, par l'entremise de son avocat, informé la demanderesse qu'elle était titulaire du brevet canadien no 2 011 254 (le brevet 254). Dans la lettre en question, la défenderesse sommait la demanderesse de retirer son produit PLAYERS INSTAKIT du marché, au motif que le brevet 254 comprend des revendications qui recouvrent le produit PLAYERS INSTAKIT de la demanderesse.         

[5]      Ainsi qu'il a déjà été signalé, une action fondée sur le projet de déclaration qui était joint à la lettre du 20 mai 1998 a été introduite (T-1098-98) le jour même où la présente action a été introduite (T-1092-98), mais quelques heures plus tard.

[6]      La première phrase du paragraphe cinq de la défense n'est pas contestée : Imperial la considère comme une réponse légitime au paragraphe sept de sa déclaration. L'avocat d'Imperial affirme toutefois que le reste du paragraphe n'est pas pertinent. Il fait valoir que le débat qui oppose les parties porte uniquement sur : (1) la question de savoir si le brevet est valide et, dans l'affirmative, (2) sur la question de savoir si le brevet a été contrefait par la vente du produit de la demanderesse. L'avocat soutient que les agissements relatés au paragraphe cinq ne sont pertinents à aucune de ces questions.

[7]      L'avocat de Rothmans affirme que la conduite qu'a eue Imperial en refusant de discuter d'un règlement et en déposant une déclaration à titre de mesure préventive est pertinente à la question des frais extrajudiciaires (réclamés par Imperial) et à la réunion des deux instances (T-1092-98 et T-1098-98) que Rothmans a demandée dans sa défense.

[8]      L'avocat d'Imperial répond en affirmant que les faits se rapportant aux frais et dépens n'ont pas à être articulés dans les actes de procédure, étant donné que la question des frais et dépens ne fait pas partie du litige opposant les parties, que cette question ne doit être abordée qu'après que le tribunal a statué au fond sur le litige, c'est-à-dire à l'issue du procès. Il affirme que la demande de jonction d'instances est une question d'ordre procédural et que les assertions de fait s'y rapportant doivent légitimement être formulées dans l'affidavit produit à l'appui de la requête en jonction d'instances, et non dans la déclaration. Il affirme en outre que, en tout état de cause, le mobile qui a poussé Imperial à introduire la présente action n'est pas pertinent à la question des frais et dépens et qu'en laissant le paragraphe en question dans les actes de procédure, on permet à l'interrogatoire préalable de porter sur des sujets non pertinents.

[9]      La jurisprudence relative aux actes de procédure concernant les frais et dépens est quelque peu flottante. Ainsi, dans le jugement Royal Bank of Canada v. Fogler, (1985), 3 C.P.R. (2d) 248, la Haute Cour de l'Ontario (le juge Potts) a statué que les faits relatifs aux frais et dépens pouvaient être allégués dans une défense. Dans le jugement A.I. MacFarlane & Associates Ltd. v. Delong, (1986), 55 O.R. (2D) 89, la Haute Cour de l'Ontario (le juge McRae) a estimé le contraire. On m'a cité plusieurs décisions dans lesquelles des protonotaires de la Cour suprême de l'Ontario ont suivi le jugement A.I. MacFarlane (voir Delray Development Corporation et al. v. Rexe et al., (1986), 13 C.P.C. (2d) 133, Wood Gundy Inc. v. Financial Trustco Capital Ltd. et al., (1988), 26 C.P.C. (2d) 274 at 290, Rundle v. Kruspe, [1998] O.J. No. 2078. Le jugement A.I. MacFarlane a également été suivi dans la décision Drexler v. State Farm Mutual Automobile Insurance Co., [1995] O.J. No. 899 (le juge Salhany).

[10]      La Cour fédérale a tenté de concilier les jugements Fogler et A.I. MacFarlane dans la décision Starline Agencies Inc. c. Macintosh Graphics Inc. (1988), 21 C.P.R. 159 (prot. C.F.). Dans cette décision, le protonotaire a affirmé que, lorsqu'il y a un " lien de causalité manifeste " entre une conclusion fondée sur le mobile et une demande de frais extrajudiciaires, cette conclusion est bien fondée. Il y a également lieu de signaler le jugement Nolan c. Silex International Chemical Systems Inc. (T-1108-94, 27 octobre 1994), dans lequel, sans citer les jugements Fogler ou MacFarlane, le tribunal a toutefois déclaré qu'il est préférable de laisser à la Cour le soin de trancher la question des dépens une fois que l'instruction est terminée. Par ailleurs, dans le jugement Norac Systems International Inc. c.Massload Technologies Inc., (1996), 70 C.P.R. (3d) 88 (C.F. 1re inst.), la Cour a radié des actes de procédure dans lesquels une partie accusait l'autre d'avoir introduit l'instance pour des mobiles répréhensibles. La Cour a jugé que le mobile n'était pas pertinent à ce procès, qui concernait la validité et la contrefaçon d'un brevet.

[11]      À mon avis, le deuxième phrase du paragraphe cinq (où il est expliqué qu'un projet de déclaration a été joint à la lettre du 20 mai) et la dernière phrase (où il est expliqué que la demande de Rothmans est devenue le dossier T-1098-98) sont peut-être inutiles, mais ne font qu'expliquer ce que la lecture de lettre du 20 mai elle-même et des dossiers de la Cour permettent de constater. Elles sont pertinentes à la demande de réunions de deux actions. Je ne suis pas persuadée qu'elles doivent être radiées. Le critère applicable en matière de radiation d'actes de procédure se trouve notamment dans le jugement Mitchell c. M.R.N., [1993] 3 C.F. 276 (C.F. 1re inst.), à la page 292. Par ailleurs, bien que le mobile ne soit pas expressément allégué dans l'acte de procédure, je ne suis pas convaincue que les allégations portant sur le refus d'entamer des négociations en vue d'un règlement puissent légitimement être formulées à cette étape-ci et ce, même si elles peuvent avoir rapport avec la question des frais et dépens. La troisième et la quatrième phrases du paragraphe cinq seront dont radiées.

     B. Reed

                                         Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 24 juillet 1998.

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-1092-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      IMPERIAL TOBACCO LIMITED
LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      16 juillet 1998

MOTIF DU JUGEMENT prononcés par le juge Reed le 24 juillet 1998

ONT COMPARU :

Me Elliott S. Simcoe                      pour la demanderesse
Me Tim Lowman                      pour la défenderesse

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar                      pour la demanderesse

Ottawa (Ontario)

Sim, Hughes, Ashton & McKay              pour la défenderesse

Toronto (Ontario)

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