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Date : 20060517

Dossier : IMM-4391-05

Référence : 2006 CF 614

ENTRE :

BEHBOUD SAADATKHANI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF LUTFY

[1]         Le demandeur est un citoyen de l'Iran. Dans son affidavit présenté à l'appui de sa demande de contrôle judiciaire de la décision défavorable rendue au sujet de son examen des risques avant renvoi (ERAR), le demandeur a répété les principaux faits sur lesquels sa demande de 1995 du statut de réfugié au sens de la Convention était fondée.

            [TRADUCTION]

4.              Mon épouse était gravement malade et on lui a prescrit certains médicaments qui étaient rares en Iran. J'étais très en colère parce qu'il n'y avait pas moyen de se procurer les médicaments, et ceci m'a incité à participer à une manifestation contre le gouvernement. Les manifestants s'opposaient aux politiques du gouvernement, à l'absence de prévoyance pour les citoyens et au manque de soutien économique pour le peuple.

5.              Puis, la manifestation a fait l'objet d'une descente des autorités islamiques, les Pasdars, qui ont commencé à tirer des coups de feu dans les airs. La foule s'est emportée encore plus et s'est mise à brûler des pneus et à jeter des pierres. Les tensions se sont intensifiées et les Pasdars se sont mis à tirer des coups de feu dans les jambes des manifestants. La foule a commencé à se disperser, mais j'ai vu des gens qui étaient blessés. J'ai prêté assistance à deux hommes blessés en les transportant à l'hôpital.

6.              Le régime a eu vent de ma participation à la manifestation et de l'assistance que j'ai offerte à des participants blessés. Je me suis enfui de l'Iran pour échapper à la persécution inévitable. Je suis arrivé au Canada le 30 juin 1995 et j'ai demandé le statut de réfugié.

[2]         La demande du demandeur pour obtenir le statut de réfugié a été rejetée parce que le tribunal de la Section du statut de réfugié a conclu que son témoignage n'était ni crédible, ni digne de foi. Le juge Francis C. Muldoon a rejeté sa demande de contrôle judiciaire de cette décision défavorable dans la décision Saadatkhani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1865 (QL) (1re inst.). Au sujet de la décision de la Section du statut de réfugié, le juge Muldoon a déclaré : « On pourrait aller plus loin et dire que la Cour est convaincue qu'elle [la décision] est fondée » . Il a ensuite ajouté « Je n'ai jamais vu une affaire qui est si claire » .

[3]         Le premier argument du demandeur porte sur le fait que l'agent d'ERAR aurait commis une erreur en concluant que les faits sur lesquels sa demande du statut de réfugié était fondée n'étaient pas crédibles, sans d'abord lui avoir accordé une audience comme le prévoient l'alinéa 113b) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), et l'article 167 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.

[4]        Le défendeur reconnaît que l'agent d'ERAR devait examiner les faits sur lesquels la demande du statut de réfugié du demandeur était fondée pour déterminer si le demandeur était une personne à protéger au sens de l'article 97 de la LIPR, une disposition qui n'était pas en vigueur au moment où l'audience quant au statut de réfugié a eu lieu en 1996. Cependant, le défendeur ajoute que l'agent d'ERAR pouvait conclure raisonnablement, sans avoir tenu une autre audience, qu'il n'y avait pas [TRADUCTION] « de preuve suffisante pour tirer une conclusion différente » de celle qu'avait tirée la Section du statut de réfugié. Je suis d'accord avec lui.

[5]         Il aurait été illogique de la part de l'agent d'ERAR de tirer une conclusion au sujet de la crédibilité différente de celle de la Section du statut de réfugié, qui avait été confirmée en termes non équivoques par un juge de la Cour lors d'un contrôle judiciaire, puisque aucune nouvelle preuve n'avait été présentée pour appuyer le fond des allégations du demandeur quant à son statut de réfugié.

[6]         Le deuxième argument du demandeur est fondé sur des faits qui n'avaient pas été présentés au tribunal de la Section du statut de réfugié. Au printemps 1997, quelques mois après l'audition de sa demande du statut de réfugié, le demandeur s'est converti au christianisme. D'après sa demande d'ERAR, cette conversion l'exposerait à un risque de torture, de mort et de traitements ou peines cruels et inusités s'il retournait en Iran. Il allègue que l'agent d'ERAR a commis une erreur en concluant que le demandeur ne s'était pas acquitté du fardeau de la preuve qui lui incombait pour l'application des articles 96 et 97 de la LIPR. Cet argument soulève des questions mixtes de fait et de droit.

[7]         L'agent d'ERAR pouvait conclure qu'il n'y avait [TRADUCTION] « pas suffisamment de preuves que le demandeur attirerait l'attention des autorités en raison de sa conversion » .

[8]         De plus, je suis convaincu qu'aucune erreur susceptible de contrôle n'a été démontrée au sujet de la conclusion selon laquelle il n'y avait pas suffisamment de preuves démontrant que le demandeur se sentirait astreint à convertir des musulmans à son retour en Iran en raison de son engagement personnel en tant que missionnaire. Le demandeur a présenté une déclaration de caractère général de son pasteur au sujet de la participation de leur temple aux oeuvres missionnaires. Il a aussi déposé des lettres de deux personnes d'origine iranienne qu'il aurait aidées à se convertir au christianisme. L'agent d'ERAR pouvait raisonnablement conclure que cette preuve était « insuffisante » .

[9]         À mon avis, les deux aspects de la décision de l'agent d'ERAR au sujet de la conversion du demandeur au christianisme ne sont pas « manifestement erronées » et peuvent résister à une « analyse assez poussée » dans le cadre d'un contrôle judiciaire.

[10]       Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Comme l'avocat du demandeur a mentionné qu'il existait des circonstances particulières, il aura sept (7) jours à partir de la date des présents motifs pour énoncer une question grave à certifier.

« Allan Lutfy »

Juge en chef

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-4391-05

INTITULÉ :                                       BEHBOUD SAADATKHANI

                                                            c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 27 AVRIL 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE EN CHEF

DATE DES MOTIFS :                       LE 17 MAI 2006

COMPARUTIONS :

MEHRAN YOUSSEFI POUR LE DEMANDEUR

LORNE McCLENAGHAN                                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MEHRAN YOUSSEFI POUR LE DEMANDEUR

AVOCAT

TORONTO (ONTARIO)

JOHN H. SIMS, c.r.

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA                               POUR LE DÉFENDEUR

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