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Date: 19991206


Dossier : IMM-1515-99

OTTAWA (Ontario), le lundi 6 décembre 1999

DEVANT : MADAME LE JUGE B. REED

ENTRE :

     RUBEN VALVERDE GUZMAN

     LAURA GABRIELA CEDILLO DE VALVERDE

     EDGAR EDUARDO VALVERDE CEDILLO


demandeurs


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION


défendeur



     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire ayant été entendue à Toronto (Ontario) le jeudi, 25 novembre 1999;

     Pour les motifs prononcés en ce jour.

     IL EST PAR LES PRÉSENTES ORDONNÉ CE QUI SUIT :

     La décision ici en cause est infirmée et la demande est renvoyée pour nouvel examen par une autre formation de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.


     " B. Reed "

     Juge

Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.




Date: 19991206


Dossier : IMM-1515-99

ENTRE :     

    

     RUBEN VALVERDE GUZMAN

     LAURA GABRIELA CEDILLO DE VALVERDE

     EDGAR EDUARDO VALVERDE CEDILLO


demandeurs


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION


défendeur



MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]      Les demandeurs sollicitent une ordonnance infirmant une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Dans cette décision, il a été conclu que la demanderesse n'était pas une réfugiée au sens de la Convention. Les revendications des autres demandeurs dépendaient de celle de la demanderesse. La revendication de la demanderesse était fondée sur le fait qu'elle subirait probablement un préjudice physique si elle retournait au Mexique étant donné qu'elle est au courant de la corruption qui existe au sein du ministère du Revenu du gouvernement mexicain (la Secretaria de Hacienda y Credito Publico ).

[2]      La Commission a statué que les témoins d'un crime qui sont considérés comme constituant une menace pour les criminels ne peuvent pas établir l'existence d'un lien entre le motif pour lequel ils craignent de subir un préjudice et la définition de " réfugié au sens de la Convention " :

[TRADUCTION]
[...] les victimes d'un crime, d'actes de corruption et d'un abus de pouvoir ne peuvent pas établir l'existence d'un lien entre leur crainte d'être persécutés et l'un des cinq motifs prévus dans la définition, comme il en est fait mention dans la décision Calero Fernando Alejandro c. MEI9.
_________________
9      Calero, Fernando Alejandro v. MEI (C.F. 1re inst., IMM-3396-93, juge Wetston, 8 août 1994).

[3]      La Commission a énoncé le droit d'une façon erronée lorsqu'elle a refusé d'appliquer la décision rendue dans l'affaire Reynoso c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 107 F.T.R. 220, pour le motif que cette décision n'était pas conforme aux autres décisions de la Cour fédérale et en particulier aux décisions Mousavi-Samani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (30 septembre 1997, IMM-4674-96 (C.F. 1re inst.)), Mehrabani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (3 avril 1998, IMM-1798-97 (C.F. 1re inst.)), et Diamanama c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (23 juin 1998, IMM-2288-87 (C.F. 1re inst.)).

[4]      La Commission a eu raison de dire que dans les décisions Mousavi-Samani, Mehrabani et Diamanama, il a été statué qu'il n'existe aucun lien avec la définition de la Convention lorsque la crainte de persécution ne se rapporte pas à des opinions politiques, mais découle du fait qu'une personne est soupçonnée de participer à une activité criminelle ou qu'elle est la proie de criminels parce qu'elle est au courant de crimes commis par certains individus. Dans ces décisions, il a été conclu que les États en question avaient pris des mesures énergiques en vue de lutter contre la corruption et qu'il n'était donc pas possible de dire que, par leurs actions, les demandeurs contestaient l'autorité de l'État. La décision Reynoso n'est pas contraire à ces décisions.

[5]      Dans la décision Reynoso, il a été statué que lorsque la corruption étatique est répandue à un point tel que l'État n'est pas en mesure de protéger un demandeur, ce dernier peut devenir un réfugié au sens de la Convention. De plus, dans le jugement Vassiliev v. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (4 juillet 1997, IMM-3443-96 (C.F. 1re inst.)), la Cour a statué que lorsque les activités criminelles sont répandues dans tout l'appareil étatique, il se peut que la personne qui s'oppose aux actes de certains criminels s'oppose aux autorités étatiques. Il a été statué que, dans ces conditions, il n'existe pas de distinction claire entre l'aspect de lutte contre le crime et les aspects idéologiques ou politiques, en ce qui concerne la crainte de persécution du demandeur.

[6]      Dans le jugement Klinko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 148 F.T.R. 69, la Cour a implicitement adopté la même position lorsqu'elle a conclu qu'en se plaignant de la corruption, le demandeur n'exprimait pas une opinion politique, puisque l'État ne sanctionnait pas cette corruption. La Cour a dit que " [s]i l'État ne prenait des mesures que pour la forme contre la corruption, on pourrait peut-être conclure qu'il est complice de cette corruption [...] " mais qu'étant donné que la preuve montrait que l'État n'était pas engagé dans les agissements criminels de policiers et de douaniers corrompus, la plainte des demandeurs ne pouvait pas être considérée comme constituant une opinion politique.

[7]      Dans le jugement Berrueta c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 109 F.T.R. 159, Monsieur le juge Wetston a renvoyé l'affaire à la SSR pour réexamen parce que la Commission n'avait pas analysé les faits pour déterminer si l'opposition à la conduite d'individus corrompus représentait un défi à l'autorité de l'État et si la dénonciation de la corruption équivalait à l'expression d'une opinion politique :

La corruption est monnaie courante dans certains pays. La dénoncer c'est, dans certains cas, attenter à l'autorité même de ces États.

[8]      L'avocat du défendeur a cité les décisions Lara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (23 février 1999, IMM-438-98 (C.F. 1re inst.)), Serrano c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (27 avril 1999, IMM-2787-98 (C.F. 1re inst.)) et Rangell Becerra c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 153 F.T.R. 275, à l'appui de l'argument selon lequel les personnes qui dénoncent la corruption, les personnes qui décident de ne pas prendre part aux actes de corruption et les dénonciateurs ne forment pas un groupe social. Toutefois, les faits de ces affaires sont quelque peu différents de ceux de l'affaire Reynoso. Dans les affaires Serrano, Lara et Becerra, des individus autres que des représentants de l'État s'en prenaient aux demandeurs. Dans l'affaire Serrano, le demandeur était menacé par des trafiquants de drogue; dans l'affaire Becerra, la demanderesse était menacée par le propriétaire d'une société qui occupait en outre une charge politique; dans l'affaire Lara, c'était la police qui intimidait le demandeur, mais elle le faisait à la demande d'une personne qui était motivée par un sentiment de vendetta personnelle et non à la demande d'une autorité gouvernementale.

[9]      L'avocat du défendeur soutient qu'en l'espèce, la Commission a effectué le genre d'analyse envisagée dans la décision Berrueta. L'avocat soutient que la Commission a analysé les faits et a conclu qu'au Mexique, la corruption étatique était si répandue que cela permettait de conclure que l'État tolérait pareille activité ou en était complice. Il a soutenu qu'au cours des dernières années, l'État essayait de lutter contre la corruption.

[10]      L'avocat du demandeur a soutenu que l'État mexicain souscrivait peut-être verbalement à la lutte contre la corruption, mais qu'en fait, rien n'avait changé. De plus, la lecture de la décision ne lui permettait pas de constater que la Commission avait effectué l'analyse factuelle qui doit être faite selon les décisions précitées.

[11]      Une lecture attentive de la décision montre que la façon dont l'avocat des demandeurs décrit la situation est exacte. La Commission n'a pas effectué l'analyse nécessaire. La décision ici en cause est donc infirmée et la demande est renvoyée pour nouvel examen par une autre formation de la SSR.

     " B. Reed "

     Juge

OTTAWA (ONTARIO)

le 6 décembre 1999

Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-1515-99

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Ruben Valverde Guzman et autres c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le 25 novembre 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE du juge Reed en date du 6 décembre 1999


ONT COMPARU :

Jack C. Martin      pour les demandeurs

Martin E. Anderson      pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jack C. Martin      pour les demandeurs

Toronto (Ontario)

Morris A. Rosenberg      pour le défendeur     

Sous-procureur général du Canada         

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