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Date : 19991117

Dossier : T-2991-93

ENTRE :

                                                           PHARMACIA INC. et

                                              FARMITALIA CARLO ERBA S.R.L.,

                                                                                                                                       requérantes,

                                                                             et

                                    LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET

                                                      DU BIEN-ÊTRE SOCIAL et

                                  LABORATOIRES DAVID BULL (CANADA) INC.,

                                                                                                                                               intimés.

TAXATION DES FRAIS - MOTIFS

G.M. Smith,

Officier taxateur

1�        Le 20 mars 1995, la Cour a rejeté la requête introductive d'instance des requérantes en vue d'interdire au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social (le « ministre » ) de délivrer un avis de conformité à l'intimée Laboratoires David Bull (Canada) Inc. ( « David Bull » ), conformément au Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-113, relativement à une préparation pharmaceutique contenant du chlorhydrate de doxorubicine. David Bull a demandé des frais à la Cour conformément aux Règles 344 et 1618. Le 13 octobre 1995, la Cour a fait droit à la requête de l'intimée et a adjugé des frais entre parties à David Bull tant pour la requête visant à obtenir des frais que pour la demande d'interdiction initiale. La Cour a également ordonné que ces frais soient déterminés conformément à l'ordonnance modificatrice no 17, DORS/95-282. En d'autres termes, les frais de l'intimée devaient être taxés conformément aux dispositions actuelles du Tarif et des Règles qui sont entrées en vigueur le 1er septembre 1995.

2�        Les requérantes ont interjeté appel tant du jugement portant rejet de la demande d'interdiction que de la décision concernant les frais. La Cour d'appel a rejeté le premier appel le 21 novembre 1995 et le second, le 9 septembre 1998, sauf en ce qui a trait à l'obligation de déterminer les frais autrement que conformément au Tarif B des anciennes Règles, C.R.C. 1978, ch. 663.

3�        La taxation des frais de l'intimée a eu lieu le 29 septembre 1999, après la révision du mémoire de frais le 11 juin 1999. Les requérantes et David Bull étaient représentées à l'audition en question, tandis que l'avocat du ministre cointimé a refusé de participer. Peu d'éléments du mémoire de frais ont fait l'objet d'une entente entre les parties. Les rares éléments qui ont été convenus seront mentionnés plus loin dans les présents motifs.

4�        L'intimée a déposé au soutien de sa demande de frais l'affidavit de Susan D. Beaubien souscrit le 29 juillet 1997. Les avocates ont également produit un dossier ainsi qu'un volume d'autorités au sujet de la taxation. Pour leur part, les requérantes ont déposé l'affidavit de Gunars A. Gaikis, souscrit le 24 septembre 1999, afin de contester le mémoire de frais de l'intimée, de même que des autorités sur certains points litigieux liés aux frais que réclame l'intimée.

5�        Les requérantes ont cité l'arrêt Procter & Gamble Inc. c. Unilever PLC, 61 C.P.R. (3d) 499 au soutien du principe selon lequel le taux de frais accordé à l'égard des services rendus par un avocat n'est pas automatiquement le taux maximum dans une affaire de cette nature. Selon les requérantes, il incombe à l'intimée de justifier le taux dont elle demande l'application. À la page 527 de la décision Procter & Gamble, la Cour s'est exprimée comme suit :

À mon avis, l'octroi de sommes supplémentaires pour les frais de l'appel fondé sur la complexité des questions n'est pas justifié. Il s'agit d'une affaire de brevet, comme c'était le cas dans l'arrêt TRW Inc., précité. Saisi d'une demande de majoration des frais aux termes des Règles 344(6) et (7) dans l'arrêt TRW Inc. c. Walbar of Canada Inc., no du greffe A-107-91, (1992), 43 C.P.R. (3d) 449, j'ai indiqué ceci, à la page 9, pour justifier mon refus d'accorder des sommes supplémentaires en raison de la complexité des questions en litige :

Hormis le fait que les litiges en matière de brevets sont, de par leur nature, souvent difficiles par rapport à d'autres types de litiges, l'action et la demande reconventionnelle en l'espèce portaient sur la contrefaçon et la validité, deux questions qui se posent assez couramment dans de tels litiges. La technique en cause [...] était sans doute complexe; cependant, c'est la complexité des questions juridiques soulevées par le litige et non la technique en cause dont doit tenir compte la Cour aux termes de la Règle 344(3)j).

En l'espèce, comme dans cette affaire, je ne suis pas convaincu qu'il y a lieu d'accorder des sommes supplémentaires pour les frais de l'appel en raison de la complexité des questions.

6�        En réponse, les avocates de David Bull ont souligné que l'instance a été entrecoupée à plusieurs reprises de requêtes interlocutoires, de contre-interrogatoires sur des affidavits, notamment un affidavit déposé au soutien de la demande de frais de l'intimée, et d'appels. Les avocates ont dû se déplacer pour interroger des témoins et participer ou assister aux contre-interrogatoires, à la présentation des requêtes et à l'audition de la demande d'interdiction. En plus d'un montant de 4 400 $ au titre des honoraires relatifs aux services des avocats, l'intimée réclame une somme de 29 661,90 $ à l'égard des débours, un montant de 648,16 $ au titre de la taxe sur les produits et services ainsi que des intérêts après jugement (composés) de 11 358,25 $. Les avocates de l'intimée ont souligné que la contestation de la demande d'interdiction a nécessité un travail considérable. Il ne s'agissait pas d'une procédure sommaire « habituelle » , selon elles; l'affaire avait des conséquences économiques majeures pour David Bull et ne pouvait donc être traitée à la légère.

7�        Après avoir examiné le dossier de la Cour ainsi que les éléments de preuve présentés par les avocates, j'en suis arrivé à la conclusion qu'il s'agissait d'une affaire effectivement complexe, mais non inhabituellement complexe. Elle a néanmoins nécessité un travail considérable de la part de l'intimée et les répercussions économiques étaient sans doute majeures; cependant, j'estime surtout que l'adjudication des frais par la Cour était fondée sur des « raisons spéciales » . Par conséquent, après avoir tenu compte des critères énoncés à la Règle 346(1.1), j'ai taxé les frais et les honoraires comme suit.

8�        Le premier des éléments réclamés est un montant de 250 $ à l'égard de la préparation de la preuve de l'intimée en application de l'alinéa 1a) du Tarif B. L'avocate des requérantes a souligné à juste titre que cet élément concerne exclusivement les services de préparation et de dépôt des actes de procédure. L'intimée n'ayant préparé aucun acte de procédure, cette réclamation doit être refusée. Un montant de 75 $ est également réclamé à l'égard de la requête de David Bull en vue de proroger le délai relatif au dépôt d'éléments de preuve. Selon la Règle 346(4), les frais entraînés par une demande de prorogation des délais sont supportés par la partie qui fait la demande, sauf ordre contraire de la Cour. La Cour n'a donné aucune directive spéciale au sujet de cette requête et je refuse donc également cette réclamation.

9�        Des honoraires de 125 $ sont réclamés à l'égard de la préparation et de la présentation de la requête de l'intimée en vue d'obtenir des éléments de preuve supplémentaires. L'avocate des requérantes a soutenu que la Cour n'a pas accordé de frais à l'égard de cette requête dans les ordonnances qu'elle a rendues les 21 et 25 mars 1994. Par suite des modifications apportées aux Règles le 2 avril 1987 (DORS/87-221), il n'y a plus de règle selon laquelle les frais suivent l'issue de la cause, à moins qu'il n'en soit décidé autrement. La Règle 344(1) énonce que la Cour « a entière discrétion pour adjuger les frais et dépens aux parties à une instance » (non souligné à l'original). L'avocate a donc fait valoir que les frais de cette requête ne peuvent maintenant être adjugés contre les requérantes.

10�      Les avocates de l'intimée ont cité en réponse l'arrêt Merck Frosst Canada Inc. c. Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, 136 F.T.R. 95, 76 C.P.R. (3d) 501, pour soutenir que l'adjudication des frais dans une demande de contrôle judiciaire est une décision spéciale qui englobe l'ensemble des étapes précédant la conclusion définitive de la Cour et s'applique rétroactivement aux procédures interlocutoires. Dans l'arrêt Merck Frosst, le juge Rothstein, alors juge de la Section de première instance, s'est exprimé comme suit :

Dans la présente affaire, aucune décision ayant pour effet d'accorder des frais indépendamment de l'issue de la cause n'a été rendue au cours des procédures interlocutoires. Dans les ordonnances interlocutoires rendues pendant l'instance, il n'est nullement question des frais, bien qu'il soit parfois mentionné qu'ils doivent suivre le sort de la cause. Même si le silence en soi peut constituer une décision quant aux frais, notamment lorsque le juge exerce son pouvoir discrétionnaire de façon à ne pas accorder de frais, compte tenu des circonstances, cette présomption ne saurait s'appliquer dans des demandes de contrôle judiciaire. Selon la Règle 1618 des Règles de la Cour fédérale, il n'y a pas de frais à l'occasion d'une demande de contrôle judiciaire, sauf si la Cour n'en ordonne autrement pour des raisons spéciales. À mon avis, dans des demandes de contrôle judiciaire, en l'absence de mention explicite au sujet des frais, il y a lieu de présumer que, par son silence, le juge ayant entendu la procédure interlocutoire a indiqué qu'il ne voyait aucune raison spéciale d'adjuger des frais. De plus, lorsque les frais doivent suivre le sort de la cause dans une demande de contrôle judiciaire, en l'absence d'une conclusion explicite faisant état de raisons spéciales, cette ordonnance n'est pas exécutoire (voir l'arrêt Everett c. Canada (ministre des Pêches et Océans) (1994), 25 Admin. L.R. (2d) 112 (C.A.F.)). Dans tous ces cas, lorsque, à la conclusion de l'instance, la Cour est convaincue que des circonstances spéciales justifient l'octroi de dépens, cette décision peut, à mon sens, couvrir des montants applicables à des procédures interlocutoires au cours desquelles aucun montant n'a apparemment ou effectivement été accordé à l'époque.

11�      Je souligne que l'affaire Merck Frosst était également une demande de contrôle judiciaire (Règles 1600 et suiv.) concernant le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). À mon sens, les commentaires du juge Rothstein doivent s'appliquer en l'espèce. J'accorde un montant de 115 $ au titre des frais relatifs à la demande de d'éléments de preuve supplémentaires.

12�      Des honoraires sont réclamés au taux maximal de 125 $ relativement à la préparation et à la tenue de chacun des contre-interrogatoires de cinq témoins, soit quatre agents de brevets et un représentant de David Bull. Les requérantes ont contesté cette réclamation, faisant valoir qu'une bonne partie des frais découlent des activités entreprises par David Bull, qui ne portaient nullement sur la principale question à trancher en l'espèce, soit celle de savoir si la composition de David Bull contenait essentiellement uniquement de la doxorubicine et du lactose. De plus, les affidavits renfermaient une opinion identique de la part des quatre agents de brevets et, dans l'ensemble, cette preuve était inutile, parce que le propre représentant de David Bull a admis que la question de la formulation de l'intimée n'avait même pas été divulguée aux quatre agents de brevets. Selon l'avocate, il serait contradictoire d'imposer aux requérantes une responsabilité à l'égard des frais de ces contre-interrogatoires alors que la Cour n'a accordé aucune importance à cette preuve et qu'aucun des agents de brevets n'avait de compétence spécialisée dans le domaine visé par le brevet concerné.

13�      Au soutien de la position des requérantes, l'avocate a cité le jugement de la Cour, publié dans (1995) 60 C.P.R. (3d) 328 (C.F.1re inst.), au sujet de la question d'absence de contrefaçon :

Fondamentalement, le produit breveté contesté est une poudre lyophilisée qui contient : le médicament doxorubicine, un excipient inerte, qui est souvent du lactose, et un agent co-solubilisant qui est revendiqué dans le brevet. Le co-solubilisant est l'élément original du brevet 453. Le produit de l'intimée, qui est également une poudre lyophilisée, selon la description de l'énoncé détaillé, « ne contient essentiellement que » de la doxorubicine et du lactose.

Selon l'avocate des requérantes, le fardeau de la preuve appartenait à celles-ci et non à David Bull. La recherche d'éléments de preuve n'ayant rien à voir avec le litige visait probablement davantage à favoriser un règlement qu'à faire avancer l'affaire, a-t-elle ajouté, et le témoignage des quatre agents de brevets était donc superflu en ce qui a trait à la principale question à trancher dans la demande de contrôle judiciaire.

14�      Les avocates des intimés ont répondu que le témoignage des quatre agents était certainement pertinent et nécessaire, eu égard aux circonstances particulières de l'instance. Conformément à l'article 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, David Bull avait fait parvenir à Adria Laboratories of Canada Inc. un avis d'allégation et une déclaration justificative détaillée portant que le produit proposé pour lequel David Bull demandait un avis de conformité, soit une poudre lyophilisée contenant de la doxorubicine et du lactose, n'irait pas à l'encontre du brevet canadien no 1,248,453. Dans l'avis de requête introductive d'instance déposé en l'espèce, il était allégué que Pharmacia Inc., successeur en titre d'Adria Laboratories of Canada, vend la doxorubicine au Canada avec le consentement de Farmitalia Carlo Erba S.R.L. ( « Farmitalia » ), le titulaire des brevets 1,248,453 et 1,291,037 comportant apparemment des revendications liées à la doxorubicine et à son utilisation. Cette requête de Pharmacia et la demande de Farmitalia en vue d'interdire au ministre de délivrer un avis de conformité à David Bull ont eu pour effet de contraindre l'intimée à déposer sa propre preuve par affidavit conformément aux Règles 1603(2) et (3). Selon les avocates, David Bull se trouvait dans une situation fâcheuse, parce qu'elle n'avait pas la moindre idée de la nature de la plainte des requérantes au sujet de l'avis d'allégation et de la déclaration détaillée de l'intimée. David Bull craignait même que la demande d'interdiction ne vise en réalité qu'à retarder son entrée dans le marché lucratif se rapportant à son produit.

15�      Selon les avocates de l'intimée, en raison des renseignements ténus figurant dans la demande d'interdiction des requérantes, David Bull ne pouvait que formuler des suppositions quant à la nature de la preuve qu'elle devrait réfuter. De deux choses l'une : soit cette preuve reposait uniquement sur des conjectures, soit les requérantes s'opposaient d'une façon ou d'une autre à la conclusion juridique de l'absence de contrefaçon. L'intimée n'avait d'autre choix que de prouver les faits énoncés dans la déclaration détaillée qu'elle avait déposée, puis de s'attaquer à la question de l'absence de contrefaçon. Ces faits ont été commentés dans l'affidavit de Richard Palangiewicz, le représentant de David Bull, et les opinions demandées aux quatre agents de brevets indépendants portaient essentiellement sur la conclusion de l'absence de contrefaçon.

16�      Les avocates de l'intimée ont également expliqué que David Bull a pris soin de s'assurer qu'aucun des agents ne savait à l'avance où se trouvaient les intérêts de l'intimée. Cette façon de procéder a effectivement permis d'atténuer les risques de favoritisme, même inconscient, de la part des agents. En fin de compte, tous les agents en sont arrivés à la même conclusion non équivoque d'absence de contrefaçon. Tous ces faits démontraient donc de façon convaincante, selon les avocates, que l'allégation d'absence de contrefaçon de David Bull conformément à l'article 5 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) était justifiée.

17�      En ce qui a trait au jugement de la Cour et à l'absence de renvoi à la preuve en question, les avocates de l'intimée ont répété qu'il fallait éviter de conclure pour autant que la preuve était sans fondement. Les avocates ont cité à ce sujet l'arrêt Carruthers c. La Reine, [1983] 2 F.C.R. 350, à la page 353 :

Dans le jugement porté en appel, aucune directive spéciale n'a été demandée ni donnée en ce qui concerne la question des dépens, qui n'a d'ailleurs pas été soulevée. S'il en avait été ainsi, il ne fait aucun doute que j'aurais alors donné une directive spéciale au sujet des frais de M. Bowman de Price Waterhouse. Le fait que dans les motifs du jugement, je me suis prononcé en faveur de la méthode d'évaluation des actions utilisée par M. Daigleish, le témoin-expert de la défenderesse, et qu'en fait, je me suis fondé sur un rapport antérieur préparé par M. Clayton pour le compte de la défenderesse ne signifie pas que je mets en doute l'utilité du rapport de Bowman ou la compétence de ce dernier. Lorsque des experts sont cités par les deux parties et qu'ils expriment des opinions divergentes, la Cour doit opter pour l'une d'elles à moins qu'elle ne décide de rejeter les deux et de leur substituer sa propre opinion en se fondant sur les éléments de preuve; mais ce n'est pas parce que le rapport d'un expert est rejeté ou qu'il n'est pas accepté intégralement que celui-ci ne peut être remboursé des frais qu'il a faits pour la préparation de son expertise, à moins que la Cour ne conclue que la demande d'un tel rapport était tout à fait inutile ou son contenu inutilisable.

Plus tard, dans l'affaire Riello Canada, Inc. c. Lambert, 15 C.P.R. (3d) 257, à la page 258, la Cour s'est exprimée comme suit :

La question la plus importante porte sur les dépens à l'égard de la comparution du témoin Paolo Mori. J'aurais le pouvoir conformément aux paragraphes (4) et (5) de la règle 344 d'ordonner que les dépens de ce témoin ne soient pas adjugés s'il semblait que sa présence était inutile. Pour conclure en ce sens, je devrais être convaincu que la demanderesse n'aurait pas pu raisonnablement penser que son témoignage serait pertinent et pourrait appuyer sa cause. Or, ce n'est pas le cas en l'espèce.

18�      Les avocates de David Bull ont également invoqué l'arrêt Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Imperial Tobacco Ltd., 50 C.P.R. (3d) 59, à la page 65, au soutien de la demande de frais liés à la comparution des témoins :

J'aimerais faire deux observations concernant la demande formulée par les requérantes et touchant les honoraires, débours et frais de subsistance de leurs témoins. D'abord, la Cour ne devrait pas rejeter comme superflues les dépenses afférentes à un témoin, à moins qu'elle n'estime que la partie ne pouvait pas raisonnablement penser que la déposition de ce témoin était pertinente et de nature à appuyer sa cause. La Cour doit se fonder sur ce qui pouvait paraître rationnel aux yeux des parties à l'époque du procès. J'estime que les témoins cités par les demanderesses répondent à ce critère et je suis donc disposé à accorder le remboursement des honoraires et des débours raisonnables en ce qui les concerne.

19�      Afin de trancher cette question, il m'apparaît important de tenir compte des motifs que la Cour a invoqués pour accorder des frais à David Bull et qui sont publiés dans 102 F.T.R. 207, 64 C.P.R. (3d) 5, dont voici l'extrait pertinent :

Comme on pouvait s'y attendre, chacune des parties a vigoureusement reproché à l'autre partie d'être responsable du bondissement des coûts de l'instance. Ainsi, David Bull soutient que, parce que Pharmacia n'a indiqué aucun motif dans son avis de requête introductive d'instance, le dépôt de l'avis a simplement eu pour effet d'entraver inutilement et pendant une période prolongée l'entrée de David Bull sur le marché. De plus, David Bull prétend qu'elle a retenu les services de quatre agents de brevets parce que Pharmacia n'a pas produit la moindre preuve qui aurait permis à la Cour de conclure que les allégations de David Bull n'étaient pas fondées. Il en a été ainsi parce que David Bull n'avait pas été prévenue des motifs sur lesquels Pharmacia se fondait pour introduire l'instance. Par conséquent, elle a présumé que Pharmacia contestait la conclusion de droit qui sous-tendait l'énoncé des allégations. Pour sa part, Pharmacia soutient que David Bull n'a pas fourni d'échantillon; si elle l'avait fait, les points litigieux auraient pu être réglés promptement d'une façon ou d'une autre. Pharmacia a tenté d'obtenir un échantillon par voie d'ordonnance judiciaire, mais en vain. Bien que l'alinéa 7(1)e) du Règlement fasse obstacle à l'entrée sur le marché de la manière qui y est prévue, le Règlement ne précise pas quelle preuve doit être produite pour convaincre la Cour de décerner une ordonnance d'interdiction. C'est aux parties requérantes de prendre cette décision.

David Bull a présenté un énoncé détaillé de ses allégations. En outre, elle a fourni un témoin canadien bien informé pour le contre-interrogatoire. Pharmacia n'est visiblement pas d'accord avec l'étendue des connaissances de ce témoin. David Bull a également déposé la preuve de quatre agents de brevets. Pharmacia a procédé à un contre-interrogatoire, mais elle n'a pas produit de preuve sous forme de témoignage d'expert ou autrement. Pharmacia a déposé un court affidavit qui indiquait simplement qu'elle avait qualité pour introduire la présente demande. Pharmacia s'est bornée à invoquer un certain nombre d'arguments juridiques sensés, certes, mais que la Cour n'a pas retenus au terme de son examen.

À mon avis, la présente espèce est essentiellement un litige privé entre des parties qui ont fait de la Cour, au lieu du marché, leur champ de bataille. Dans les circonstances de l'espèce, j'ai décidé que des dépens seraient alloués. David Bull a demandé que l'attribution des dépens se fasse sur la base procureur-client, mais a soutenu, à titre subsidiaire, que d'autres types de dépens pourraient convenir si la Cour refusait d'accorder les dépens sur la base procureur-client. Il ne me paraît pas indiqué dans la présente espèce d'adjuger les dépens autrement que sur la base des frais entre parties. Les dépens de la présente requête sont également adjugés à David Bull sur la base des frais entre parties. Les dépens doivent être calculés en conformité avec l'ordonnance modificatrice no 17.

20�      De toute évidence, la Cour était bien au courant de l'objection des requérantes en ce qui a trait aux frais des témoins en question; l'absence de directives explicites ayant pour effet d'exclure ces frais m'apparaît remarquable. À tout le moins, j'estime que la preuve présentée par l'intimée n'était pas entièrement inutile. En définitive, ce sont les requérantes qui ont décidé de contre-interroger les témoins et l'intimée a donc droit à des frais à l'égard de ce service.

21�      Je souligne que quelques-uns des contre-interrogatoires ont été tenus la même journée. Cependant, un montant a été réclamé pour chacun d'eux au titre des frais de préparation. J'ai abaissé le montant que réclamait l'intimée à une somme de 100 $ pour chacun des contre-interrogatoires de Robert J. Little, James R. Lake et David M. Rogers. Les mêmes montants seront accordés dans le cas des contre-interrogatoires de Richard Palangiewicz et David J. McGruder. Par ailleurs, un montant de 115 $ est accordé dans le cas du contre-interrogatoire de Peter Kirby. La réclamation de 125 $ concernant le contre-interrogatoire de Jonathan Cohen n'a pas été contestée, sauf quant au quantum. J'ai accordé ce montant en entier.

22�      David Bull a réclamé un montant de 125 $ en ce qui a trait à la préparation et à la présentation de sa requête portant radiation de la requête introductive d'instance. Cette réclamation a également été contestée, au motif que la Cour n'a pas adjugé de dépens dans l'ordonnance dans laquelle elle a rejeté cette requête. Tel qu'il est mentionné plus haut, la règle selon laquelle les frais suivent l'issue de la cause, à moins qu'il n'en soit disposé autrement, n'existe plus. Cependant, cela ne signifie pas pour autant que le principe sous-jacent à l'ancienne Règle 344(1) ne s'applique plus. C'est ce qui ressort de la jurisprudence citée dans l'ouvrage de David Sgayias, c.r., intitulé Federal Court Practice, 1995, Carswell (p. 337); voir Hodson c. M.R.N., [1988] 1 C.T.C. 2, 88 D.T.C. 6001, 46 D.L.R. (4th) 342, 82 N.R. 308 (C.A.F.); Lubrizol Corp. c. Imperial Oil Corp. (1989), 27 C.I.P.R. 147, 26 C.P.R. (3d) 461, 103 N.R. 237 (C.A.F.). De plus, l'intimée n'a cité aucun arrêt dans lequel une opinion différente est énoncée.

23�      L' « issue » en l'occurrence a été la décision que la Cour a rendue au sujet de la requête portant radiation de l'intimée (voir IBM Canada c. Xerox du Canada, [1977] 1 C.F. 181, p. 184). L'intimée n'a pas eu gain de cause à cette occasion et, en l'absence de directive contraire de la Cour, j'estime que ces frais ne peuvent maintenant être adjugés contre les requérantes.

24�      Les montants réclamés à l'égard des services liés à la requête visant à contraindre le témoin Richard Palangiewicz à comparaître à nouveau ainsi qu'au contre-interrogatoire subséquent de ce témoin semblent raisonnables et sont accordés. Les montants demandés à l'égard de la présentation, les 23 et 24 août 1994, d'une demande de révision de la décision du protonotaire adjoint ainsi que d'annulation de l'avis d'allégation sont justifiés par le résumé d'audience se trouvant dans le dossier de la Cour et sont également accordés.

25�      L'intimée réclame un montant de 250 $ en application de l'alinéa 1(1)b) du Tarif B en ce qui a trait à la préparation de son dossier et de son mémoire. Les requérantes contestent cette demande, parce que [TRADUCTION] « David Bull n'a exécuté aucun service avant l'interrogatoire préalable, comme l'exige cet élément du Tarif, puisque l'instance n'était pas une action (de sorte qu'il n'y a pas eu d'interrogatoire préalable) » . Je souscris à l'opinion des requérantes sur ce point et j'estime qu'elles ont eu raison d'invoquer l'arrêt Bayer AG c. Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, 51 C.P.R. (3d) 329 à ce sujet. Cette demande est refusée.

26�      David Bull réclame un montant de 500 $ en application de l'alinéa 1h) du Tarif B à l'égard de [TRADUCTION] « la préparation en vue de l'audition de la demande de contrôle judiciaire (d'une durée de trois jours (complets ou partiels)) » ainsi qu'un montant de 1 200 $ selon l'alinéa 1i) du Tarif B à l'égard de la [TRADUCTION] « présentation de la demande de contrôle judiciaire » . Les requérantes soulignent à juste titre que les alinéas 1h) et i) du Tarif B ne s'appliquent qu'à un « procès » (ou à une audience devant la Cour d'appel), ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Un montant de 100 $ sera donc accordé à l'égard de ces réclamations en application de l'alinéa 1g) du Tarif B, qui concerne les questions accessoires à l'avis de requête introductive d'instance, ainsi qu'un montant de 900 $, qui était proposé dans l'affidavit de Gunar A. Gaikis, relativement à la comparution des avocates.

27�      L'intimée a réclamé deux montants de 125 $ et de 250 $ relativement à son propre avis de requête visant à obtenir des frais ainsi qu'à la requête incidente des requérantes. L'intimée cite par erreur l'alinéa 1c) du Tarif B à l'égard de ces éléments, mais j'interprète cette demande comme si elle était fondée sur l'alinéa 1e), qui concerne les services liés à une requête interlocutoire contestée. Les requérantes se sont opposées au premier montant de 125 $, parce que l'événement concerné était une conférence téléphonique plutôt qu'une « audience » ; la conférence n'a duré qu'une demi-heure et n'a pas été suivie d'une ordonnance concernant les frais. De plus, la requête de l'intimée n'avait même pas été déposée à la date de la conférence téléphonique.

28�      Je ne partage pas l'avis des requérantes au sujet de ces deux réclamations et j'ai fait droit à celles-ci sur la base de trois demi-journées de comparution. Les parties avaient reçu l'avis de requête de David Bull avant la conférence téléphonique. L'avocate des requérantes a pris cette requête au sérieux; si tel n'avait pas été le cas, pourquoi aurait-elle déposé sa requête incidente et pourquoi la Cour aurait-elle consenti à la conférence téléphonique? Ces services, y compris la conférence téléphonique, ont été exécutés en réponse directe à une requête (ainsi qu'à une requête incidente) que la Cour a tranchée le 13 octobre 1995 en adjugeant les frais à l'intimée.

29�      Un montant de 125 $ a été réclamé dans le mémoire de frais de l'intimée à l'égard des « services après jugement » , mais les avocates de l'intimée ont convenu au cours de la taxation de retirer cette demande. Les frais de 125 $ qui sont réclamés relativement à la présente taxation sont accordés. L'intimée a également demandé, conformément à la Règle 344.1, un montant avoisinant le double des dépens par suite d'une offre qu'elle aurait faite en vue de régler l'affaire. L'offre en question est mentionnée dans l'affidavit de Jonathan C. Cohen souscrit le 19 avril 1995. Dans une lettre en date du 1er mars 1994, l'intimée avait exprimé à l'avocate des requérantes le désir de payer des frais de 1 250 $ en échange du désistement ainsi que d'un engagement selon lequel les requérantes s'abstiendraient à l'avenir de prendre quelque mesure que ce soit pour entraver la délivrance de l'avis de conformité. Les avocates de David Bull ont soutenu que la Règle 344.1 s'appliquait, parce que le résultat du jugement finalement obtenu a été plus favorable que l'offre. Elles ont invoqué l'arrêt Jesionowski c. Gorecki et le navire Wa-Yas, 58 F.T.R. 275, où la Cour a formulé les commentaires suivants à la page 276 :

Il est clair que, lorsqu'une offre raisonnable de transaction a été refusée et qu'une somme égalant ou dépassant cette somme est recouvrée au procès, la tendance est d'accorder des frais qui reflètent les frais réels engagés par la partie qui a gain de cause d'une façon plus proche que ce ne serait par ailleurs le cas. Dans les circonstances de l'espèce, j'ai décidé qu'il convenait d'accorder une somme forfaitaire qui est trois fois plus grande que celle accordée par le tarif (23 925 $), plus les débours qui comprennent les sommes payées à des experts (10 262,50 $).

30�      L'avocate des requérantes s'est opposée à la demande de l'intimée, qui est fondée sur la Règle 344.1, pour deux motifs : d'abord, l'offre formulée dans la lettre du 1er mars 1994 n'en était pas une que les requérantes auraient pu accepter; en second lieu, la Règle 344.1 ne s'applique pas aux demandes de contrôle judiciaire. L'avocate des requérantes a cité l'arrêt PWA Corp. c. Gemini Group Automated Distribution Systems Inc., 101 D.L.R. (4th) 15, conf. dans 103 D.L.R. (4th) 609, pour faire valoir qu'une offre supérieure à un montant nominal au titre des frais est nécessaire pour déclencher l'application de la Règle 344.1. L'avocate a ajouté que l'arrêt Jesionowski (précité) appuie cette opinion, parce que la Cour a indiqué dans cette affaire que, pour qu'une offre soit jugée raisonnable, elle doit, à tout le moins, pouvoir être évaluée par la partie qui la reçoit d'une façon qui sous-entend des négociations. Ce n'était pas le cas en ce qui concerne la lettre en date du 1er mars de l'intimée; en tout état de cause, le libellé de la Règle 344.1 restreint manifestement l'application de ces dispositions aux « actions » et ne s'applique pas aux demandes de contrôle judiciaire.

31�      Compte tenu de la preuve, je conviens avec les requérantes qu'il y avait peu de chances que la lettre du 1er mars 1994 soit acceptée. Les conditions prescrites par l'intimée dépassaient largement la portée de la présente demande de contrôle judiciaire et une réponse affirmative semblait peu probable, compte tenu du montant nominal offert au titre des frais. J'admets également que la Règle 344.1 alors en vigueur (DORS/94-41, art. 3) s'applique principalement, sinon exclusivement, aux actions. Contrairement à l'actuelle Règle 419 des Règles de la Cour fédérale (1998), l'ancienne Règle 344.1 renvoie au « demandeur » et au « défendeur » sans faire la moindre allusion aux autres types d'instances liées aux « requérants » ou « intimés » . Les avocates de l'intimée n'ont formulé aucun argument convaincant au cours de la taxation pour contrer cette opinion et je refuse donc d'augmenter les dépens par suite de la lettre du 1er mars 1994.

32�      David Bull réclame un montant total de 14 489,39 $ au titre des débours relativement aux agents de brevets Kirby, Lake, Rogers et McGruder. Tel qu'il est mentionné plus haut, les requérantes ont contesté ces frais au motif que le témoignage de ces personnes n'était pas nécessaire, ni même pertinent. Toutefois, l'avocate a souligné que, si je décidais de taxer ces frais, les requérantes ne devraient pas être redevables des frais relatifs aux quatre agents, qui ont tous dit la même chose.

33�      En réponse, les avocates de David Bull ont invoqué l'arrêt Nekoosa Packaging Corp. c. AMCA International Ltd., 29 C.P.R. (3d) 540, où la Cour s'est exprimée en ces termes à la page 543 :

L'avocat doit aussi déterminer quels témoins experts il doit citer pour prouver ce qu'il avance. J'ai écouté attentivement les témoignages de ces derniers, ce qui est toujours nécessaire dans une action en contrefaçon, j'ai lu leurs déclarations assermentées de même que la transcription des audiences. Chaque témoin avait des choses à prouver. Il arrive qu'un témoin expert, dans sa déclaration assermentée ou son témoignage, corrobore ce qui a été dit par un autre témoin expert, mais cela ne suffit pas pour lui ôter son utilité comme témoin expert. Je ne peux accepter les arguments de l'avocat des demanderesses selon lequel la participation de certains de ces témoins experts était inutile.

34�      À l'instar des requérantes, je reconnais que les quatre agents n'étaient pas des experts, du moins au sens de la Règle 482. Par conséquent, le paragraphe 4(2) du Tarif A ne s'applique pas et aucun état de versement des frais à ces témoins n'a été déposé conformément au paragraphe 3(2). Bien que j'aie accordé un montant à l'égard des honoraires des avocats en ce qui a trait au contre-interrogatoire de ces témoins parce que, comme je l'ai déjà expliqué, ces services étaient nécessaires, le critère à appliquer dans le cas des débours est bien différent. L'alinéa 1(2)b) du Tarif B permet d'accorder « les autres débours raisonnablement nécessaires à la poursuite de l'instance » (non souligné à l'original). Pour des raisons semblables déjà mentionnées, je suis disposé à accorder des frais à l'égard de ces témoins, mais je ne suis pas convaincu que la totalité du montant réclamé de 14 489,39 $ soit un montant raisonnable que les requérantes devraient être tenues de payer.

35�      Les circonstances relatives à ces débours étaient assez inhabituelles, surtout, évidemment, parce que l'instance était une demande de contrôle judiciaire plutôt qu'une action. Les témoins n'étaient pas tenus de témoigner de vive voix à une audience et aucune preuve de cette nature n'était attendue. Compte tenu des circonstances que les avocates de David Bull ont expliquées au cours de la taxation, je comprends le fardeau de la preuve qui incombe à la partie devant présenter une défense efficace contre une requête portant interdiction : les avocates de David Bull ne pouvaient pas traiter à la légère tous les aspects accessoires ou secondaires de l'affaire. Je reconnais également que la taxation des frais ne peut, en toute équité, être faite uniquement de façon rétrospective. Bien entendu, à l'inverse, une austérité raisonnable ne doit pas être écartée non plus.

36�      Même si la Cour n'a pas exclu les frais des quatre agents de brevets, je ne puis m'empêcher de conclure, après avoir lu le jugement et l'ordonnance adjugeant les frais (précitée), que leur témoignage a eu moins de répercussions que ce que l'intimée sous-entend. Les avocates de celle-ci ont fait valoir au cours de la taxation que l'effet d'une opinion identique présentée par quatre agents différents était « puissant » . L'avocate des requérantes a répliqué qu'il aurait été possible d'obtenir le même effet en présentant le témoignage de deux agents seulement, et peut-être même d'un seul.

37�      À mon avis, les exigences du contexte de la taxation entre parties devraient s'appliquer en l'espèce; aucun excès ou luxe évident lié à l'établissement de l'opinion en question, compte tenu, surtout, de sa pertinence quant à la demande d'interdiction, ne devrait être imposé aux requérantes. Sans commenter la qualité du travail accompli par les quatre agents de brevets ou leur valeur pour David Bull, je ne crois pas que les requérantes devraient être tenues de payer le coût de la décision de l'intimée d'utiliser le marteau du forgeron pour planter un clou, comme le dit le proverbe. J'en suis arrivé à la conclusion qu'une réduction de 33 p. 100 de ces débours donnera lieu à un montant raisonnable de 9 707,89 $ au titre des frais payés à l'égard des agents de brevets.

38�      Quant au débours de 435,70 $ dans le cas de Janis Apse, David Bull a convenu au cours de la taxation que cette preuve aurait pu être présentée par l'entremise de ses propres avocates. Cet élément est donc supprimé.

39�      Les requérantes s'opposent au montant de 1 965,98 $ réclamé à l'égard des transcriptions, notamment en ce qui concerne la transcription de l'audition de la requête des requérantes présentée les 23 et 24 août 1994 ainsi que les transcriptions accélérées des contre-interrogatoires. Les requérantes ont interjeté appel de la décision que la Cour a rendue au sujet de la requête entendue en août 1994. Il n'est pas déraisonnable pour les avocates de David Bull de vouloir examiner les arguments exposés devant le juge des requêtes. Cependant, en ce qui a trait aux transcriptions, si utile que leur obtention dans ce bref délai ait été pour David Bull, je ne vois pas en quoi elles étaient nécessaires dans les circonstances de l'affaire. Le coût relatif à l'obtention des transcriptions dans le cadre d'un service accéléré, que j'évalue à 382,70 $, sera donc retranché du débours de 1 965,98 $.

40�      Les requérantes s'opposent aux frais de déplacement au motif que les entrevues personnelles n'étaient pas nécessaires, qu'il aurait été possible d'obtenir des billets d'avion moins coûteux, que les frais de déplacement d'un deuxième avocat au cours de l'audition de la demande de contrôle judiciaire ne peuvent être recouvrés des requérantes, qu'il n'y a aucune preuve indiquant quelles sont les personnes qui ont été interrogées ainsi que le motif de l'interrogatoire et que, en tout état de cause, tel qu'il est mentionné plus haut, le témoignage des quatre agents de brevets n'était pas pertinent. En réponse, les avocates de David Bull ont cité l'arrêt Windsurfing International Inc. c. Bic Sports Inc., 6 C.P.R. (3d) 526, où la Cour a formulé les commentaires suivants à la page 532 :

[TRADUCTION] À mon avis, une erreur de principe a été commise. Si j'ai bien compris, le temps que les avocats ont passé avec ces témoins a été inclus, et autorisé, dans l'élément « préparation au procès » . Il n'est pas toujours possible d'obtenir des renseignements et des éléments de preuve précis par correspondance d'un témoin qui réside à l'extérieur du ressort, ou loin du cabinet des avocats. Des entrevues en personne sont souvent nécessaires pour évaluer la qualité du témoignage et l'impression, bonne ou mauvaise, qu'un témoin éventuel pourra faire en témoignant à l'instruction. De plus, il faut évaluer les frais relatifs que l'avocat engage pour se rendre au lieu où réside le témoin, ou vice versa. Ces frais sont des facteurs que l'officier taxateur devrait prendre en compte pour faire droit aux réclamations de cette nature ou les refuser.

                L'alinéa 2(2a) du Tarif B n'exclut pas totalement les débours de cette nature, qui peuvent plutôt être réclamés et, s'ils sont raisonnables, accordés en vertu de l'alinéa 2(2)b)

En ce qui a trait à la question du coût des billets d'avion, les avocates de David Bull ont invoqué une décision antérieure non publiée qu'a rendue l'officier taxateur Stinson le 2 novembre 1994 dans l'affaire Dableh c. Ontario Hydro, numéro de greffe T-1422-90, et qui, à leur avis, appuie largement la proposition selon laquelle le coût des billets d'avion de classe économique est acceptable.

41�      L'affaire Windsurfing International (précitée) peut être distinguée de la présente affaire jusqu'à un certain point, parce que les témoins en l'espèce témoignaient dans une demande de contrôle judiciaire et ne devaient pas témoigner au cours d'un procès. Il me semble également qu'une fois l'interrogatoire du premier des agents de brevets terminé, les rencontres subséquentes avec les autres sur la même question constituaient, comme je l'ai déjà mentionné, une dépense que les requérantes ne devraient pas être tenues de payer. Cependant, après avoir examiné de plus près les débours de l'intimée à cet égard, j'estime que cette question est plutôt théorique, étant donné qu'un montant total de 736,64 $ seulement (soit 131,26 $ et 605,38 $, pièces D-1 et D-2 jointes à l'affidavit de Susan Beaubien souscrit le 27 juillet 1997) est réclamé au titre des entrevues ainsi que de la préparation sous forme définitive de l'affidavit de David Rogers. Ce montant est plutôt raisonnable et sera accordé, sauf en ce qui a trait à la facture d'American Express non identifiée de 33,88 $.

42�      Les frais de déplacement qui sont indiqués à la pièce D-3 jointe à l'affidavit de Beaubien relativement aux déplacements à Toronto en vue de la requête du 21 mars 1994 seront également accordés. Comme je l'ai mentionné précédemment, la décision rendue dans l'affaire Merck Frosst (précitée) me permet d'accorder des frais à l'égard de cette requête. Je souscris également à l'argument des avocates de David Bull au sujet du billet d'avion. Tout comme le luxe d'un billet de classe affaires représente une dépense exorbitante qui ne devrait pas, en temps normal, être transférée à la partie perdante, l'avocat ne devrait pas être contraint de tenir compte de la possibilité que son mémoire de frais soit plus tard assujetti aux restrictions découlant de la vente de sièges ou de la possibilité d'obtenir des billets d'avion au tarif excursion. J'ai à nouveau exclu une facture non identifiée de 44,17 $ au titre d'une carte de crédit et accordé un montant de 589,60 $ à l'égard de ces frais de déplacement.

43�      Un montant de 1 186,81 $ est réclamé (pièce D-4 de l'affidavit Beaubien) à l'égard du séjour fait à Toronto du 13 au 16 juin 1994 pour la préparation et le déroulement des contre-interrogatoires de MM. Lake et Rogers ainsi que pour la tenue du contre-interrogatoire de M. Little. Je conviens avec l'avocate des requérantes que les dépenses personnelles devraient être supprimées de cette réclamation et que celle-ci devrait être abaissée pour correspondre plus fidèlement aux frais relatifs à une seule journée de présence, soit le 15 juin. J'accorde un montant de 953,81 $ à cet égard. Les frais réclamés séparément à l'égard du déplacement fait à Toronto le 12 juillet 1994 sont raisonnables. Un montant de 562,50 $ sera accordé à ce chapitre, y compris les factures non identifiées au titre des cartes de crédit, parce qu'elles me semblent indiquées et raisonnables en l'espèce.

44�      David Bull réclame des frais de 3 058,55 $ relativement au déplacement fait à Toronto du 15 au 19 janvier 1995 en vue de la préparation et de la présentation de la demande d'interdiction. Les requérantes ont fait valoir que les frais liés à la journée supplémentaire du 15 janvier ne devraient pas être accordés, parce que l'audition n'a débuté que le 17 janvier. Elles ont ajouté que les frais de la deuxième avocate, qui a plus tard été remplacée par un stagiaire, ne peuvent être accordés en l'absence d'une directive explicite de la Cour en ce sens.

45�      Dans l'affaire McCain Foods Ltd. c. C.M. McLean Ltd., 51 C.P.R. (2d) 23, à la page 28, la Cour a adopté une interprétation très stricte lorsqu'elle a décidé d'exclure les frais des étudiants. Toutefois, je prends note de la tendance actuelle des tribunaux, y compris la Cour fédérale, qui consiste à adopter des tarifs correspondant davantage aux réalités de l'exercice moderne du droit et à accorder les frais des étudiants-stagiaires dans certains cas. Je souligne également que l'alinéa 1(2)b) du Tarif B permet à l'officier taxateur d'accorder les autres débours « raisonnablement nécessaires à la poursuite de l'instance » . À mon avis, ces montants peuvent comprendre les frais d'un deuxième avocat et des étudiants, lorsqu'ils sont justifiés. Toutefois, dans la présente affaire, l'intimée n'a révélé aucune circonstance qui me permettrait d'exercer mon pouvoir discrétionnaire de façon à inclure les frais d'un étudiant. J'ai retranché des frais de déplacement relatifs à l'audition de la demande de contrôle judiciaire à Toronto les montants qui, d'après la preuve dont j'ai été saisi, me semblaient liés aux frais de l'étudiant. Je reconnais aussi que les dépenses se rapportant à la journée supplémentaire de déplacement (15 janvier 1994) ne constituent pas une réclamation raisonnable à l'encontre des requérantes et je supprime encore une fois les dépenses personnelles. Je refuse de modifier le montant contesté de 250 $ qui est réclamé pour la chambre d'hôtel, parce que les avocates de l'intimée ont manifestement été obligées de payer ce montant. Les frais de la deuxième avocate sont justifiés; je souligne d'ailleurs qu'un autre avocat a comparu pour les requérantes. Cette réclamation est taxée à un montant total de 1 447,39 $.

46�      David Bull a présenté une réclamation de 3 731,25 $ à l'égard de la reliure et des photocopies faites à l'interne. La preuve présentée au soutien de cette réclamation est ténue et ne nous éclaire pas vraiment sur la façon dont l'intimée en est arrivée à un montant de 0,25 $ par page pour les photocopies ou encore dont elle a calculé le coût de la reliure. Comme je l'ai mentionné au cours de taxations antérieures (voir, par exemple, Taylor Made Golf Company, Inc. c. Sully Imports Ltd., décision non publiée en date du 23 octobre 1997, no de greffe T-2637-96), une justification supérieure à la preuve présentée par l'intimée en l'espèce est nécessaire pour évaluer le montant attribuable à la reliure ou aux photocopies faites à l'interne dont les requérantes devraient être tenues responsables. Je souligne que la Cour en est arrivée à une conclusion similaire dans l'affaire Faulding (Canada) Inc. c. Pharmacia S.P.A., 138 F.T.R. 73, où le juge McKeown s'est exprimé en ces termes :

Malgré les modification récentes qui ont été apportées aux Règles et qui visent à faire correspondre davantage les dépens aux frais réels du procès, je suis d'accord avec la demanderesse pour dire que bon nombre des débours sont calculés selon une méthode qui convient davantage à des frais extrajudiciaires qu'à des dépens entre parties. Ainsi, en ce qui concerne les frais de photocopie, comme le juge Teitelbaum l'a déclaré dans le jugement Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp., (1990), 34 C.P.R. (3d) 267 (C.F. 1re inst.) à la page 276 :

[...] Les photocopies ne constituent un débours admissible que si elles sont essentielles à la conduite de l'action. Elles visent à défrayer le plaideur du coût réel de la photocopie [...]

La défenderesse ne m'a soumis aucun élément d'information au sujet des frais effectivement engagés pour les photocopies et je n'accorde rien à ce chapitre. Il m'est également impossible de calculer les frais effectivement engagés pour les télécopies.

47�      En revanche, je comprends que les règles exigent la présentation d'une preuve « acceptable » au soutien des débours et non d'une preuve irréfutable. En d'autres termes, la partie dont le mémoire de frais est taxé doit convaincre l'officier taxateur selon la prépondérance des probabilités et non hors de tout doute raisonnable de la nécessité et du caractère raisonnable des frais réclamés. Toutefois, je retiens davantage l'argument plus convaincant de l'avocate des requérantes selon lequel une partie correspondant à 50 p. 100 du montant que l'intimée réclame au titre des photocopies et de la reliure faites à l'interne est raisonnable. Les autres débours réclamés à l'égard des photocopies et appuyés par des factures sont accordés, soit des montants de 990,67 $, 39,84 $ et 193,10 $.

48�      Un montant de 332,70 $ est réclamé pour les frais de recherche en ligne. Les requérantes ont contesté ce montant qui, selon elles, fait partie des frais généraux du cabinet de l'intimée. L'avocate a ajouté que, si je décidais d'accorder ce montant, la réclamation de l'intimée serait viciée en tout état de cause en raison de l'absence de preuve indiquant les éléments qui étaient recherchés et la nécessité desdits éléments.

49�      Les requérantes ont invoqué l'arrêt All Canada Vac Ltd. c. Lindsay Manufacturing Inc., décision non publiée de l'officier taxateur Parlee en date du 9 avril 1992, no de greffe A-185-90, pour alléguer que les frais de recherche informatique devraient être considérés comme des frais généraux. Je souligne toutefois que ce débours a été accordé lorsqu'il était justifié dans d'autres taxations de la Cour (voir, par exemple, CNR c. North Pacific Steamship Co., [Q.L. 1992 A.C.F. No 664] (C.F. 1re inst.); Canastand Industries Ltd. c. Le Lara S [Q.L. 1995 A.C.F. No 1157] (C.F. 1re inst.); Ager c. Fraternité internationale des ingénieurs de locomotives, décision non publiée de l'officier taxateur Stinson en date du 21 mai 1999, no de greffe 310-97, et IPSCO Manufacturing c. Stewart, décision non publiée de l'officier taxateur Stinson en date du 23 juillet 1999, no de greffe T-344-98).

50�      Les frais de recherche informatique sont réclamés de plus en plus souvent dans des mémoires de frais. Dans l'affaire Maison Des Pâtes Pasta Bella Inc. c. Olivieri Foods Ltd., décision non publiée de l'officier taxateur Parlee en date du 18 août 1998, no de greffe 1518-97, l'officier taxateur qui avait rendu la décision dans l'affaire All Canada Vac (précitée) a formulé les commentaires suivants :

                L'avocat de la demanderesse, en citant encore une fois la décision Energy Absorption Systems Inc., précitée, s'est opposé à la somme de 38,20 $ plus TPS demandée à l'égard de la recherche effectuée à l'ordinateur, en soutenant qu'il s'agissait de frais généraux.

[17]          Par contre, dans la décision CN c. North Pacific Steamship Co. [Q.L. 1992 A.C.F. no 664] (1re inst.), l'officier taxateur Stinson de cette cour a reconnu l'essor extraordinaire qu'ont connu les ordinateurs dans le milieu de travail et le fait que les frais de recherche s'étaient en partie métamorphosés en débours.

                [TRADUCTION]

Si cet outil a pour effet de faire passer la charge de certains frais de la partie qui a gain de cause à la partie perdante (parce que les honoraires ne sont indemnisés qu'en partie, alors que les débours le sont entièrement s'ils sont raisonnablement nécessaires), les plaideurs doivent s'adapter à la réalité. À moins qu'il n'ait été évident que la recherche était inutile, le fait que rien d'utile n'a été trouvé ne devrait pas avoir beaucoup d'importance lorsqu'il s'agit d'admettre, de rejeter ou de réduire la somme demandée. Il s'agit plutôt de savoir s'il était prudent pour le client de décider d'engager des débours et de payer le montant en cause, compte tenu des circonstances qui existaient au moment pertinent et du critère relatif à la nécessité raisonnable prévu à l'alinéa 1(2)b) du tarif B.

[18]          Dans la décision Canastand Industries Ltd. c. le Lara S, [Q.L. 1995 A.C.F. no 1157] (1re inst.), l'officier taxateur Stinson a également admis un débours se rapportant à des recherches effectuées dans le QuickLaw parce qu'il était raisonnable et nécessaire.

[19]          Parmi les autres décisions récentes de la Cour fédérale dans lesquelles les officiers taxateurs ont admis des frais de recherche, il y a :

                -Volkswagen Aktiengesellschaft c. Global Auto Service, T-1535-96, M. Pace, O.T., 18 févr. 1997.

                -La Reine c. W. Ralston & Co. (Canada) Inc., T-3765-82, M. Lamy, O.T., 11 mars 1997.

[20]          Compte tenu de ces précédents, et puisque je reconnais maintenant que les besoins et techniques en matière de recherches ont changé, les frais de recherche à l'ordinateur, qui étaient raisonnables et nécessaires, du moins en l'espèce, sont admis.

Je souligne que la Cour a révisé plus tard la taxation qui avait été faite dans l'affaire Maison Des Pâtes (86 C.P.R. (3d) 356), mais la conclusion de l'officier taxateur au sujet des frais de recherche informatique n'a pas été modifiée.

51�      Plus récemment, la Cour a examiné la question des recherches informatiques dans l'affaire Ferguson c. Arctic Transportation, décision non publiée en date du 29 juillet 1999, no de greffe T-1941-93, où l'officier taxateur Stinson a statué comme suit :

[TRADUCTION]

[11] La recherche informatisée constitue une nouvelle technique utilisée dans la pratique du droit. La question a été analysée par la Vancouver Bar Association dans The Advocate (vol. 55, partie I, janvier 1997, à la page 79), dans un article intitulé Recovery of Legal Research Expenses and Assessments of Costs, rédigé par Lisa A. Peters. L'auteur de l'article examinait l'approche adoptée dans plusieurs ressorts et soutenait (à la page 85) que « la fourniture de bases de données informatiques devrait être considérée à toutes fins utiles comme engendrant un débours, plutôt que comme se rapportant aux honoraires exigés par l'avocat pour la préparation d'une cause, ou pire encore, comme se rapportant à des frais généraux non recouvrables » . Aux pages 83 et 84, l'auteur citait la décision que j'avais rendue dans l'affaire CN c. Norsk Pacific Steamship Co.7 :

Si cet outil a pour effet de faire passer la charge de certains frais de la partie qui a gain de cause à la partie perdante (parce que les honoraires ne sont indemnisés qu'en partie, alors que les débours le sont entièrement s'ils sont raisonnablement nécessaires), les plaideurs doivent s'adapter à la réalité. À moins qu'il n'ait été évident que la recherche était inutile, le fait que rien d'utile n'a été trouvé ne devrait pas avoir beaucoup d'importance lorsqu'il s'agit d'admettre, de rejeter ou de réduire la somme demandée. Il s'agit plutôt de savoir s'il était prudent pour le client de décider d'engager des débours et de payer le montant en cause, compte tenu des circonstances qui existaient au moment pertinent et du critère relatif à la nécessité raisonnable prévu à l'alinéa 1(2)b) du tarif B.

[12] Je n'ai pas changé d'avis au sujet de la recherche informatisée. À mon avis, les frais associés à la relation employeur-employé existant dans un cabinet d'avocats, comme les frais relatifs aux services de secrétariat qui ont ci-dessus été rejetés, ne sont pas comparables aux frais tels que ceux qui sont ici en cause, lesquels résultent de contrats conclus avec des tiers à l'égard de l'accès à diverses bases de données.

7 [Q.L. 1994 A.C.F. no 1293 (C.F. 1re inst.)]

52�      Je souscris à l'opinion exprimée dans l'affaire Ferguson. L'exercice du droit évolue rapidement en fonction des progrès technologiques et cette évolution se traduira par des efficiences et des économies supérieures pour toutes les personnes concernées. Je considère donc les frais de recherche informatique comme des débours indiqués, lorsque ces recherches sont justifiées, et je ferai droit à la réclamation de l'intimée en l'espèce. Je dois maintenant décider si ce montant doit être exigé des requérantes. En d'autres termes, quelle est la partie de la réclamation de David Bull au titre des recherches informatiques qui devrait être jugée raisonnable?

53�      Encore une fois, l'avocate des requérantes a soutenu que la preuve que l'intimée avait présentée au soutien de cette réclamation était insuffisante. C'est là une question qui a été examinée dans plusieurs taxations de la Cour (voir, par exemple, F-C Research Institute Ltd. c. S.M.R., 95 D.T.C. 5583; Grace M. Carlile c. S.M.R., 97 D.T.C. 5284; Allied Signal Inc. c. Du Pont Canada Inc., décision non publiée de l'officier taxateur Reinhardt en date du 16 juillet 1997, no de greffe A-693; Taylor Made Golf Company Inc. c. Sully Imports Ltd., décision non publiée de l'officier taxateur Smith en date du 23 octobre 1997, no de greffe T-2637-96, et Country Curtains Inc. c. Country Curtain and Gift Shoppe, décision de l'officier taxateur Smith en date du 5 décembre 1997, no de greffe T-703-96). Si j'ai bien compris la jurisprudence qui s'applique en l'espèce, il incombe à David Bull de présenter une preuve établissant que ses débours sont raisonnables plutôt qu'aux requérantes de démontrer qu'ils ne le sont pas. Je comprends également de la jurisprudence ainsi que des mots « preuve satisfaisante » utilisés à l'article 3 du Tarif B que la preuve exigée n'est pas une preuve absolue.

54�      La procédure relative à la taxation est telle qu'un élément d'accommodement raisonnable est indiqué dans le cadre de l'examen de la preuve. Comme l'a dit lord Russell dans l'arrêt Re. Eastwood (deceased), (1974) 3 ALL E.R. 603, à la page 608 :

[TRADUCTION] ... À notre avis, il y a beaucoup à dire en faveur du système relativement simple de l'application directe de cette approche à la taxation du mémoire d'un avocat indépendant dans une affaire comme celle-ci, et la chose semble avoir fonctionné pendant de nombreuses années, sans que l'on croie que cela donne lieu à une injustice flagrante en matière de taxation, la justice étant de toute façon rendue, en pareil cas, d'une façon sommaire, en ce sens que de nombreuses approximations sensées sont faites.

J'ajouterais à ces commentaires qu'il me semble foncièrement logique que la partie qui présente un mémoire de frais ne soit pas tenue d'engager une dépense supérieure au montant qu'elle a l'intention de recouvrer de la partie perdante afin de prouver ses frais. Comme l'a dit lord Russell, les approximations fondées sur l'expérience et sur la meilleure preuve représentent un accommodement raisonnable et équitable dans les circonstances.

55�      L'intimée a fourni des copies des relevés comptables de son cabinet faisant état des débours relatifs aux recherches en ligne. Il est vrai que la preuve n'indique pas de façon précise si les frais en question concernaient strictement la présente affaire ou si les renseignements obtenus visaient une autre fin que le présent litige. Cependant, la preuve permet de dire qu'une partie importante des frais de recherche informatique était directement liée à la présente instance dans laquelle des frais ont été adjugés en faveur de David Bull. J'accorde une somme de 219,58 $ pour cet élément, soit environ les deux tiers du montant que l'intimée a réclamé, ce qui représente une juste estimation de ces frais.

56�      Les requérantes n'ont pas contesté les frais de messagerie (259,23 $), les frais des interurbains (162,62 $), les frais de déplacement payés au témoin Robert Little (75 $) et les frais d'une copie du brevet canadien 1,295,525 jointe à l'affidavit de Strauss (12,65 $). Ces montants sont donc accordés. Les requérantes contestent les frais que réclame David Bull à l'égard des transmissions de télécopies à l'interne, soit un montant de 408,50 $. Comme elle l'a fait pour les photocopies à l'interne, l'avocate des requérantes a allégué que le montant de 0,50 $ par page pour les télécopies semble arbitraire et n'est pas justifié par la preuve par rapport au coût réel. Dans les circonstances, l'avocate a proposé d'attribuer 50 p. 100 du montant réclamé par l'intimée, ce qui serait, selon elle, un montant raisonnable. Après avoir examiné la preuve que l'intimée a présentée à l'égard des télécopies, j'en arrive à la conclusion que le montant de 204,25 $ accepté par les requérantes est raisonnable.

57�      Les requérantes se sont opposées au montant de 387 $ réclamé à l'égard de 129 éléments de correspondance. De l'avis de l'avocate, il s'agit manifestement d'un montant faisant partie des frais généraux. Bien qu'aucune des parties n'ait cité de jugement à ce sujet, je souligne que la Cour a déjà examiné la question de la correspondance dans l'arrêt Teledyne Industries Inc. c. Lido Industrial Products Ltd. (1981), 56 C.P.R. (2d) 93 (C.F. 1re inst.) :

À strictement parler, la rédaction de lettres est un service de même nature que les services de secrétariat et d'administration et à ce titre, elle ne devrait pas être taxée comme un débours. En effet, la correspondance fait partie intégrante des tâches que doit accomplir une étude d'avocats et les frais engagés à ce titre font donc partie des frais généraux. Aucune disposition du tarif B ne prévoit spécifiquement l'allocation de dépens pour le courrier. Le paragraphe 2(2) qui traite des débours comporte deux alinéas qui se lisent comme suit :

(2) Débours

a) tous les débours visés au tarif A peuvent être accordés; toutefois, les paiements faits à un témoin aux termes de l'alinéa 4(2) ne peuvent être accordés que dans la mesure où la Cour le permet en vertu de la Règle 344(7);

b) peuvent également être accordés les autres débours qui, selon la conviction du fonctionnaire taxateur, étaient essentiels à la conduite de l'action.

À ce qu'on m'a dit, c'est une pratique courante à la Cour fédérale de taxer les lettres en vertu de ce paragraphe. On a déjà taxé des lettres pour des montants de 10 $ et plus. Néanmoins, rappelons-le, aucune disposition du tarif ne vise expressément une telle dépense.

Suivant la règle 5 de la Cour fédérale ( « la règle des lacunes » ), lorsque se pose une question non autrement visée par une disposition quelconque, la pratique et la procédure à suivre doivent être déterminées par analogie avec la pratique en vigueur devant les tribunaux de la province visée.

Le poste 7 du tarif « B » en vigueur en Ontario, tarif visant les débours payables devant la Cour suprême de cette province ainsi que devant ses cours de comté, se lit comme suit :

[TRADUCTION] 7. Pour la préparation et l'expédition de documents et de pièces (les frais de poste et de transport sont en sus pour les envois dont le poids dépasse cinq livres)................................................... 2.00

                        ...

Peut-être faudrait-il modifier le tarif de la Cour fédérale pour régler ce problème. En l'espèce, j'estime que la décision du protonotaire était justifiée eu égard à la pratique en vigueur en Ontario. Pour ce qui est du montant des frais, la somme de 3 $ par lettre (en 1981) ne peut certes être qualifiée d'excessive.

58�      Depuis cette décision, la Cour a accordé des frais au titre de la correspondance dans trois décisions seulement : Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp., décision non publiée de l'officier taxateur Reinhardt en date du 30 octobre 1990, no de greffe T-1565-85, Energy Absorption Systems Inc. c. Y. Boissoneault & Fils Inc., décision non publiée de l'officier taxateur Reinhardt en date du 30 janvier 1991, no de greffe T-2263-86, et Hancor Inc. c. Systèmes de drainage modernes Inc., décision non publiée de l'officier taxateur Daoust en date du 1er octobre 1991, no de greffe T-2126-85. Dans deux taxations ultérieures, cet élément a été refusé : Penthouse International Ltd. c. 163564 Canada Inc., décision non publiée de l'officier taxateur Lamy en date du 17 mars 1995, no du greffe T-1479-93, et Molson Breweries, A Partnership c. Pernod Ricard, une société anonyme, décision non publiée de l'officier taxateur Lamy en date du 6 octobre 1995, nos de greffe T-1478-90 et A-1269-92.

59�      D'après mon interprétation de l'arrêt Teledyne (précité), la Cour a décidé de ne pas modifier le montant accordé au titre de la correspondance non pas parce qu'elle était d'accord avec ce montant, ce qui n'était manifestement pas le cas, mais parce que la jurisprudence en matière de révision des taxations indiquait que le pouvoir discrétionnaire de l'officier taxateur ne devrait pas être modifié, sauf en cas d'erreur de principe. Étant donné que la Règle 5 (la « règle des lacunes » ) permettait de faire montre de retenue à l'endroit de la pratique provinciale en ce qui a trait à l'acceptation des montants réclamés au titre de la correspondance, la taxation sous-jacente n'a pas été modifiée à cet égard.

60�      À mon avis, il est permis de s'inspirer des règles et du Tarif de la Cour ainsi que de la jurisprudence applicable au sujet des frais entre parties pour la taxation des services et des débours devant la Cour. Même si la préparation des lettres n'est pas définie de façon explicite dans ces dispositions, à l'instar d'autres services exécutés dans un bureau d'avocats, cela ne signifie pas pour autant que cette fonction n'est pas représentée ailleurs dans les honoraires accordés aux avocats. Je crois que cette opinion est appuyée par les commentaires très instructifs de l'arrêt Teledyne selon lesquels « la rédaction de lettres ... ne devrait pas être taxée comme un débours » . Je ne suis pas disposé à conclure différemment en l'espèce et je refuse donc de faire droit à la réclamation concernant la correspondance.

61�      La question qui reste à trancher en l'espèce est la demande d'intérêts après jugement de l'intimée, soit des intérêts composés au taux de 8 p. 100. À la fin de l'audience, j'ai indiqué que je n'avais pas la compétence voulue pour taxer les intérêts. Dans l'arrêt Ministre du revenu national c. Bethlehem Copper Corporation Ltd., [1977] 1 C.F. 577, la Cour s'est exprimée comme suit :

L'article 40 de la Loi sur la Cour fédérale énonce qu'un jugement porte intérêt à compter du moment où il a été rendu. Le fait qu'une condamnation aux dépens est un jugement aux fins de l'article 40 n'a pas été contesté.

Du moment où la condamnation aux dépens est prononcée, il va de soi que son montant exact n'est pas déterminé à moins que le jugement porte sur une somme globale. Cependant, la taxation est essentiellement une procédure administrative, bien que parfois, comme c'est le cas en l'espèce, elle puisse avoir un caractère discrétionnaire. J'estime que ce caractère discrétionnaire de la taxation des dépens ne nous empêche pas d'accorder au libellé de l'article 40 son sens ordinaire. L'intérêt sur les dépens taxés au moment voulu en application d'un jugement doit courir du jour où il a été prononcé, sous réserve, bien sûr, d'une ordonnance contraire. Dans la présente cause, aucune ordonnance contraire n'a été rendue.

Je ne juge pas nécessaire de décider si, en vertu de l'article 12 de la Loi sur l'intérêt, les articles 13 à 15 de cette Loi s'appliquent à la présente affaire. En présumant qu'ils peuvent s'appliquer - je penche plutôt pour cette solution en l'espèce à l'égard de certains points pertinents - ils appuient l'opinion que j'ai formulée sur l'esprit de l'article 40 de la Loi sur la Cour fédérale lorsqu'on ne le rapproche d'aucun autre. Aux termes des dispositions de l'article 15 de la Loi sur l'intérêt, les dépens déclarés payables en vertu d'un jugement d'une cour quelconque en matière civile sont, aux fins de la Loi, réputés une somme due en vertu d'un jugement. En vertu de l'article 13, une telle somme due porte intérêt, et en application de l'article 14 cet intérêt se calcule à partir du jour où le jugement est rendu.

62�      Par ailleurs, dans l'affaire Byers Transport Limited c. Kosanovich, décision non publiée en date du 3 juin 1996, no de greffe A-333-94, l'officier taxateur Stinson a fourni les explications suivantes :

Enfin, Mme Kosanovich a demandé des intérêts sur les frais et dépens taxés. Pour situer cette demande dans son juste contexte, je fais remarquer qu'en général, les rubriques suivantes décrivent les divers types de redressement qu'il est possible d'obtenir lors du règlement des questions de fond litigieuses : a) responsabilité; b) instructions; c) dommages; d) frais; e) intérêts. La taxation et les officiers taxateurs sont une fonction de la rubrique d), et d'aucun autre type de redressement. Malgré les apparences contraires, les officiers taxateurs n'adjugent pas de dépens. Ce pouvoir est réservé à la Cour ou à la loi. L'officier taxateur, au moyen de la taxation, traduit, en termes pécuniaires, ladite adjudication. La fixation et/ou le calcul des intérêts ne font pas partie de ce processus. Autrement dit, les intérêts sont une fonction de la décision de la Cour, telle qu'énoncée dans le jugement. Il ne s'agit pas d'une fonction de l'officier taxateur. Le droit au calcul des intérêts peut devenir un point à considérer au stade de l'exécution. En cas de différend, c'est la Cour qui jouit du pouvoir nécessaire, et non l'officier taxateur.

63�      En conclusion, les frais de l'intimée Laboratoires David Bull (Canada) Inc. sont taxés et accordés selon un montant de 2 980 $ au titre des honoraires et de 19 569,80 $ au titre des débours ainsi que selon un montant rajusté de 368,86 $ au titre de la TPS. Un certificat de taxation représentant un montant total de 22 918,66 $ sera établi en conséquence.

                                                                                        (s) (Gregory M. Smith)    

                                                                                                Gregory M. Smith

                                                                                                Officier taxateur

Ottawa (Ontario)

Le 17 novembre 1999


Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL. L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                   NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                                             Dossier : T-2991-93

                                                           PHARMACIA INC. et

                                              FARMITALIA CARLO ERBA S.R.L.,

                                                                                                                        requérantes,

                                                                             et

                                       LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

                                                   ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL et

                                  LABORATOIRES DAVID BULL (CANADA) INC.,

                                                                                                                                    intimés.

LIEU ET DATE DE LA TAXATION :Ottawa (Ontario), 29 septembre 1999

MOTIFS DE :                                                             G.M. Smith, officier taxateur

EN DATE DU :                                                           17 novembre 1999

ONT COMPARU :

Shonagh L. McVeanpour les requérantes

Victoria Harrington

Adele Finlaysonpour l'intimée

                                                             Laboratoires David Bull (Canada) Inc.

Personne n'a comparu                             pour l'intimé

                                                             Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social

NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Smart & Biggar

Avocats

Toronto (Ontario)                                   pour les requérantes

Shapiro Cohen

Avocats                                                  pour l'intimée

Ottawa (Ontario)Laboratoires David Bull (Canada) Inc.

Morris A. Rosenberg

Sous-procureur général

du Canada                                              pour l'intimé

Ottawa (Ontario)Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social

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