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Date : 20040805

Dossier : IMM-5187-03

Référence : 2004 CF 1074

Toronto (Ontario), le 5 août 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN        

ENTRE :

KAMAL AHMED

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision en date du 29 mai 2003 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a refusé de reconnaître au demandeur la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger pour le motif que le demandeur n'était pas crédible.


LES FAITS

[2]                Le demandeur est un citoyen du Bangladesh âgé de 36 ans. Il allègue craindre avec raison d'être persécuté au Bangladesh du fait de ses activités auprès du parti Jatiya (le PJ). Il dit avoir peur de la police et des hommes de main de la Ligue Awami (la LA) et du Parti nationaliste du Bangladesh (le PNB).

[3]                Le demandeur a présenté une demande de statut de réfugié fondée sur des motifs semblables dans le passé. Cette demande a été rejetée le 6 mai 1997, et l'autorisation de demander le contrôle judiciaire de cette décision devant la Cour lui a été refusée. Après le rejet de la demande en question, le demandeur a apparemment quitté le Canada en mai 1999, sans informer les autorités canadiennes de son départ. Le demandeur a également présenté deux demandes de résidence permanente auprès de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), demandes qui sont toujours pendantes.

[4]                La demande de statut de réfugié du demandeur est fondée sur les allégations suivantes : (1) le 1er juin 1999, le demandeur a été agressé et menacé par des hommes de main de la LA, dont certains étaient d'anciens membres du PNB; (2) les hommes de main ont également fait une descente dans la maison du demandeur et vandalisé la propriété de sa famille; (3) deux jours plus tard, la police a tenté en vain d'arrêter le demandeur. Ayant échoué dans leurs desseins, les hommes de main du PNB, qui agissaient désormais pour le compte de la LA, ont porté de fausses accusations qui ont mené à l'arrestation de la mère et du beau-frère du demandeur.


[5]                Le demandeur allègue qu'il s'est enfui du Bangladesh aux États-Unis le 22 juin 1999. Il est demeuré illégalement aux États-Unis pendant environ deux ans, et il y a présenté une demande d'asile en janvier 2001. Il est retourné au Canada le 18 avril 2001, date à laquelle il a déposé la présente demande de statut de réfugié.

[6]                Après avoir entendu la demande du demandeur, la Commission a rejeté son témoignage en disant qu'il était _ parsemé d'incohérences, d'invraisemblances et de tentatives de duperie _. La Commission a conclu que le demandeur n'avait pas présenté de preuve convaincante selon laquelle il allait être victime de persécution au Bangladesh du fait qu'il était un activiste du PJ. C'est au paragraphe 12 des motifs de la Commission qu'on retrouve l'essentiel de la décision de celle-ci :

[...]

Après avoir fait l'évaluation complète des éléments de preuve, j'estime que le demandeur manque complètement de crédibilité, ce qui sape sa crainte subjective. De plus, on ne m'a présenté aucun document probant qui aurait pu démontrer, ne serait-ce que le moindrement, que le [PJ] est une force politique dont les membres seraient persécutés. En fait, l'absence de toute preuve documentaire à cet effet réfute les allégations du demandeur. Même si cela n'était pas le cas et s'il existait une preuve matérielle à cet effet, la présence d'une telle preuve n'aurait pas libéré le demandeur de l'obligation de démontrer qu'il avait une crainte subjective d'être persécuté. La seule absence de crainte subjective chez le demandeur suffit à rejeter la demande et justifie qu'on la rejette pour ce seul motif. En l'espèce cependant, j'estime que tant la crainte objective que la crainte subjective, toutes deux nécessaires au bien-fondé d'une crainte d'être persécuté, sont absentes.

[Renvois omis.]

[7]                La Commission a décelé les problèmes suivants dans le témoignage du demandeur :


(1)        la Commission n'a pas cru le demandeur lorsqu'il a affirmé qu'il est retourné au Bangladesh en 1999 parce qu'il était incapable de dire avec exactitude les dates entourant son retour; la Commission a conclu que le demandeur s'était contredit en disant qu'il avait quitté le Canada le 29 mai 1999 au lieu du 20 mai 1999;

(2)        dans son témoignage oral, le demandeur a contredit le contenu de son FRP en disant que la personne à qui il avait rendu visite à l'hôpital le 1er juin 1999 était son oncle et non pas son cousin;

(3)        la Commission n'a pas ajouté foi à l'affirmation selon laquelle il y avait un lien entre le litige dans lequel était impliquée la famille du demandeur et les actes de persécution invoqués par celui-ci parce que l'article de journal que le demandeur a produit en preuve avait été publié le 5 mai 1999 et que le demandeur n'avait quitté le Canada que le 29 mai, soit 24 jours après la parution de l'article;

(4)        l'allégation relative aux fausses accusations portées par les hommes de main du PNB n'était pas crédible parce que la LA était au pouvoir à l'époque; il était très improbable que le PNB persécutât le demandeur et sa famille alors que la LA était au pouvoir;

(5)        le demandeur avait fourni de faux éléments de preuve à CIC lorsqu'il a présenté sa demande de résidence permanente le 6 mai 1999, et son témoignage oral contredisait les dossiers de CIC;

(6)        le fait que le demandeur n'ait pas demandé l'asile immédiatement était incompatible avec une crainte bien fondée de persécution;


(7)        la Commission a conclu que le certificat d'appartenance au PJ portant la date du 1er octobre 2003 était faux parce que le demandeur avait, dans le passé, falsifié des éléments de preuve pour appuyer l'allégation selon laquelle il était un activiste du PJ et parce que le certificat désignait les persécuteurs comme étant des mécréants du PNB et du Jamat et non pas de la LA; en outre, le demandeur n'avait jamais allégué que le Jamat l'avait persécuté;

(8)        le demandeur n'a pu présenter aucun document corroborant à propos de ses allées et venues après le 6 mai 1999, à savoir de son départ du Canada ou de son séjour au Bangladesh.

ANALYSE

[8]                La question à trancher en l'espèce est de savoir si la conclusion de la Commission quant à l'absence de crédibilité du demandeur peut s'appuyer sur la preuve. Le demandeur fait valoir que quatre conclusions de fait de la Commission ont été tirées de façon abusive et que la Commission a soit omis de tenir compte de la preuve dont elle disposait soit mal interprété celle-ci. Le demandeur soutient que la Commission a rejeté toutes les explications raisonnables qu'il a données pour répondre aux préoccupations soulevées à l'audience, en omettant d'énoncer en termes clairs et explicites les motifs de son rejet.


[9]                Le défendeur soutient que la Cour doit faire preuve d'une grande retenue à l'égard des conclusions quant à la crédibilité tirées par la Commission. Il fait valoir que la Commission a tenu compte de façon appropriée de toute la preuve au dossier, et il affirme que le demandeur ne fait que contester la façon dont la Commission a apprécié la preuve. Le défendeur soutient que les motifs de la Commission démontrent que sa conclusion quant à la crédibilité n'a pas été tirée de façon arbitraire.

[10]            Il est bien établi que la norme de contrôle applicable aux conclusions de fait de la Commission et à l'appréciation de la crédibilité est la norme de la décision manifestement déraisonnable. La Cour ne substituera pas sa propre décision à celle de la Commission, sauf si la décision de la Commission est manifestement déraisonnable. Voir Aguebor c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.) et De (Da) Li Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 49 Imm. L.R. (2d) 161 (C.A.F.).

[11]            J'ai étudié le dossier certifié, y compris la transcription de l'audience. J'ai examiné les incohérences et les invraisemblances relevées par la Commission, et je suis arrivé à la conclusion qu'une seule d'entre elles est manifestement déraisonnable. La Commission a dit que le demandeur avait répondu à une question posée par l'ARP qu'il avait quitté le Canada le 29 mai 1999 au lieu du 20 mai 1999. La transcription de l'audience révèle que le demandeur a dit qu'il avait quitté le Canada le 20 mai 1999. Par conséquent, cette conclusion de fait, qui touche la crédibilité, est manifestement déraisonnable. Cependant, je suis d'avis que cette erreur de la Commission ne justifie pas à elle seule que l'on infirme sa décision. La Commission a exposé plusieurs autres raisons n'ayant rien à voir avec cette question qui l'ont amenée à conclure que le demandeur n'était pas crédible.


[12]            Le demandeur a fait état de trois autres conclusions de fait que la Commission aurait tirées à tort et qui ont eu une influence sur sa conclusion quant à la crédibilité :

(1)         les hommes de main du PNB allaient persécuter le demandeur pour le compte de la LA;

(2)         le demandeur a menti à CIC au sujet de son état civil dans la demande CH qu'il a présentée en mai 1999;

(3)         l'authenticité d'un certificat d'appartenance au parti Jatiya en date du 1er octobre 2003.

[13]            La Cour pourrait en arriver à une conclusion différente de celle de la Commission au sujet de ces questions, cependant, la Commission a pleine compétence pour évaluer la preuve et apprécier la plausibilité d'un témoignage. Je suis d'avis que les reproches du demandeur, à l'exception de l'erreur touchant la date de son départ du Canada, ont trait au rejet par la Commission des explications qu'il a données lorsque la Commission a remis en cause la preuve qu'il a présentée. Je conclus que la Commission pouvait raisonnablement rejeter ces explications au vu de la preuve. La Commission a expliqué des façon claire et adéquate les motifs de son rejet. Voir Hilo c. Canada (1991), 15 Imm.L.R. (2d) 199 (C.A.F.), et Armson c. M.E.I. (1989), 9 Imm.L.R. (2d) 150 (FCA). Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

[14]            Je constate que la Commission a conclu à l'absence de crédibilité du demandeur pour plusieurs autres motifs que le demandeur n'a pas contestés à l'audience. L'avocat du demandeur a fait un vaillant effort. Le demandeur s'étant déjà vu refuser le statut de réfugié dans le passé, il se devait de démontrer clairement le bien-fondé de sa deuxième demande. Il ne l'a pas fait.

[15]            Les parties n'ont proposé aucune question aux fins de certification. Aucune question ne sera certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

_ Michael L. Kelen _

                                                                                                     Juge                         

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-5187-03

INTITULÉ :               KAMAL AHMED

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE

L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 4 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 5 AOÛT 2004        

COMPARUTIONS:                                     

Ian Wong                     POUR LE DEMANDEUR

Leena Jaakkimainen     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Ian Wong                     POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg        POUR LE DÉFENDEUR

Toronto (Ontario)

Sous-procureur général du Canada


COUR FÉDÉRALE

                              Date : 20040805

Dossier : IMM-5187-03

ENTRE :

KAMAL AHMED

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                         défendeur

                                                        

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                        

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