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Date : 20000810

Dossier : T-1321-97


ENTRE :

     ELI LILLY AND COMPANY et

     ELI LILLY CANADA INC.,

    

     demanderesses,

     - et -



     APOTEX INC.,

     défenderesse.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


(Prononcés à l'audience à Ottawa (Ontario)

le mercredi 9 août 2000)

LE JUGE HUGESSEN



[1]          Je ne suis pas disposé à ordonner aux demanderesses de produire des documents sur ce que savaient les inventeurs ou les brevetés à propos des antériorités au moment de la délivrance des brevets en litige. Ces connaissances ne peuvent être pertinentes qu'à la question plaidée au sujet de l'évidence. Or, le critère applicable à l'évidence est, selon moi et bien des précédents le confirment, un critère objectif. L'élément qui doit servir de pierre de touche est la personne versée dans l'art. Il faut donc savoir si l'invention aurait été évidente pour cette personne. La connaissance effective de l'inventeur ou des inventeurs est sans importance.

[2]          En ce qui concerne les paragraphes 2, 3 et 4, je ne suis pas convaincu que la plus grande partie des documents demandés soient pertinents. Je reconnais, comme on m'a pressé de le faire, que pour les besoins de l'interrogatoire préalable le concept de pertinence est plus large que pour les besoins du procès. Il reste, cependant, que, dans le cadre de l'interrogatoire préalable comme dans le cadre du procès, la pertinence s'apprécie par rapport aux actes de procédures de l'espèce. Ce sont les questions plaidées qui déterminent la pertinence.

[3]          Je reconnais que les demanderesses doivent produire, ont effectivement offert de produire et vont produire des documents concernant des essais ou des examens qu'elles ont entrepris sur l'absence d'exploitabilité des brevets qui est alléguée aux alinéas 13g), 13h) et 13i) du plaidoyer. D'un autre côté, j'accepte également la thèse des demanderesses selon laquelle lorsqu'il est allégué que les revendications de certains ou de tous les brevets ont une portée excessive, il faut vérifier cette allégation par un examen des revendications et des divulgations du brevet. C'est un critère objectif que la Cour doit appliquer avec l'aide d'une preuve d'expert et rien de ce que les inventeurs ont dit ou fait ne peut aider la Cour à cet égard.

[4]          J'accepte également la thèse des demanderesses sur l'allégation selon laquelle la prédiction d'utilité des revendications ou de certaines d'entre elles serait dénuée de fondement raisonnable comme il est prétendu dans la défense. L'inutilité qui est alléguée en l'espèce est une forme de revendication excessive et doit également, à mon avis, être appréciée en fonction d'une norme objective, plus précisément de la question de savoir si les revendications vont au-delà de ce que l'on pouvait prédire, revendiquant alors plus que ce qui a été inventé. Je souscris aux propos tenus par le juge MacGuigan dans l'affaire Merck c. Apotex1:

[...] il n'est pas question à l'article 34 de savoir si les connaissances de l'inventeur sont suffisantes. Il s'agit plutôt de déterminer si l'information fournie dans le mémoire descriptif est suffisante pour expliquer le fonctionnement de l'invention à une personne versée dans l'art. En d'autres termes, l'analyse porte principalement sur ce que l'inventeur a indiqué dans le mémoire descriptif et non pas sur ce qu'il savait.

[5]          J'en arrive maintenant au paragraphe 5 dans lequel on demande la production de documents versés au dossier de la demande étranger, non au dossier canadien. Le seul élément de ces documents qui serait, suggère-t-on, susceptible d'être pertinent aux questions débattues sont les antériorités. Je me suis déjà prononcé sur la question des antériorités. Je sais bien que, dans certaines affaires soumises à la Cour, celle-ci a ordonné la production de ce genre de documents étrangers. J'imagine que ces affaires reposaient sur des faits qui leur étaient propres ou qu'elles contenaient des allégations précises étayant ces ordonnances de production. Dans le présent cas, je ne vois pas d'allégations susceptibles d'étayer la production demandée et, comme je l'ai dit au début, j'estime que les connaissances du breveté ou de l'inventeur sur les antériorités ne sont tout simplement pas pertinentes à la question de l'évidence.

[6]          Finalement, il y a lieu de se prononcer sur deux catégories de documents. La première concerne le procédé utilisé par les demanderesses. Celles-ci ont offert de produire des documents sur le procédé qu'elles emploient effectivement, en se fondant sur la fiche maîtresse du médicament déposée auprès du ministère de la Santé. Il est possible qu'il devienne nécessaire de produire d'autres documents par suite de la production de ceux-ci, mais je suis disposé à prononcer une ordonnance obligeant la production de ces documents et obligeant également les demanderesses à produire des documents démontrant l'efficacité des procédés en litige ou donnant une description de celle-ci.

[7]          Le dernier point soulevé concerne les coûts de production des demanderesse qui, paraît-il, seraient pertinents à la question du succès commercial. Le succès commercial est une question en litige, mais les coûts de production ne sont cependant que d'une importance secondaire quant à cette question. Les renseignements sur ces coûts se trouvent probablement dans une grande quantité de documents. Dans la même affaire, j'ai déjà refusé d'accorder aux demanderesses une ordonnance visant la production des coûts de la défenderesse en me fondant précisément sur le même raisonnement. Les avocats ont maintenant, pour ainsi dire, interverti les rôles et Me Creber, à juste titre, me demande de rendre aujourd'hui une ordonnance du même genre que celle que j'ai prononcée il y a environ six mois. J'estime que cette demande est fondée. La Cour reste investie du pouvoir discrétionnaire de restreindre la portée de l'interrogatoire préalable et, je le répète, il me semble que des documents sur des prix de revient sont si peu pertinents à la question du succès commercial qu'il est extrêmement peu probable qu'ils soient d'une aide quelconque pour qui que ce soit, si nous gardons tout particulièrement à l'esprit qu'il s'agit en l'espèce de brevets de procédés et que ces procédés sont des procédés intermédiaires.

[8]          Les dépens sont adjugés aux demanderesses dans la cause.


     « James K. Hugessen »

     Juge

Ottawa (Ontario)

le 10 août 2000


Traduction certifiée conforme



Martine Guay, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




NO DU DOSSIER :              T-1321-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      ELI LILLY AND COMPANY ET AUTRES c.
                     APOTEX INC.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE :          le 9 août 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR LE JUGE HUGESSEN, le 10 août 2000



ONT COMPARU :

A. Creber                              POUR LA DEMANDERESSE

H.B. Radomski

D.M. Scrimger                          POUR LA DÉFENDERESSE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Strathy & Henderson

Ottawa (Ontario)                          POUR LA DEMANDERESSE

Goodman Phillips & Vineberg

Toronto (Ontario)                          POUR LA DÉFENDERESSE
__________________

1      Merck c. Apotex (1995) 60 C.P.R. (3d) 356 à la p. 384

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