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Date : 20040323

Dossier : IMM-2659-03

Référence : 2004 CF 434

Ottawa (Ontario), le 23 mars 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                                                         SYED IFTAKER MASUD

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]                M. Syed Iftaker Masud est entré au Canada en 2001 en prétendant être persécuté dans son pays, le Bangladesh, pour des motifs tant politiques que religieux. Un tribunal de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande d'asile au motif qu'il n'était pas réellement exposé à un risque de persécution. La Commission a conclu que le parti politique de M. Masud était au pouvoir lors de son départ du Bangladesh, que son témoignage contenait des contradictions et qu'il n'y avait aucune preuve qu'il serait ciblé ou persécuté par ses opposants s'il devait retourner dans son pays.

[2]                M. Masud soutient que les conclusions de la Commission sont incompatibles avec la preuve dont elle était saisie et il demande une nouvelle audience devant un nouveau tribunal de la Commission. Je reconnais que la Commission a commis une erreur et qu'il convient d'accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

I. Question en litige

[3]                Une seule question se pose en l'espèce : les conclusions de la Commission étaient-elles étayées par la preuve?

II. Analyse

[4]                La Commission a tiré plusieurs conclusions importantes avant de décider que la demande d'asile de M. Masud n'était pas fondée. Premièrement, la Commission a conclu que le parti politique qu'appuyait M. Masud (la Ligue Awami) était au pouvoir en 2001 et qu'il n'avait aucune raison de craindre d'être persécuté par le gouvernement. Toutefois, M. Masud a affirmé qu'il ne croyait pas que la protection de l'État était adéquate et il a invoqué une preuve documentaire confirmant que le gouvernement n'était pas en mesure de protéger ses partisans contre les attaques de l'opposition. La Commission n'a pas mentionné cette preuve.

[5]                Deuxièmement, la Commission a conclu que ce qui avait précipité le départ de M. Masud du Bangladesh, c'était les actes de violence perpétrés à son endroit par des étudiants membres du Jamat-e-Islami en janvier 2001. Elle a souligné que M. Masud n'avait pas mentionné cet événement dans son Formulaire de renseignements personnels et que l'événement n'était pas mentionné non plus dans les notes prises au point d'entrée. À partir de cette omission, ainsi que de quelques contradictions mineures du témoignage de M. Masud, la Commission a conclu à un manque de crédibilité. Toutefois, dans son témoignage et dans ses exposés écrits, M. Masud dit clairement que c'est une attaque contre son domicile et des menaces de mort proférés en mars 2001 qui l'ont amené à fuir le Bangladesh. La Commission n'a pas mentionné l'attaque du mois de mars. M. Masud a décrit cet événement ainsi que d'autres actes de violence dans sa preuve écrite mais il n'a pas mentionné l'incident du mois de janvier. Puisqu'il s'agissait d'un événement moins grave, l'omission n'était pas aussi importante que l'a prétendu la Commission.

[6]                Troisièmement, la Commission a conclu que M. Masud ne serait pas persécuté s'il retournait au Bangladesh. La Commission s'est fondée sur deux points pour tirer cette conclusion : il n'y avait aucune preuve que les opposants de M. Masud le recherchaient toujours et, de toute façon, les mauvais traitements qu'il pourrait subir ne constitueraient pas de la persécution. En fait, M. Masud a déposé une lettre de son oncle dans laquelle ce dernier affirmait que le Jamat-e-Islami recherchait toujours M. Masud. La Commission a mentionné une autre lettre du même oncle mais n'a pas mentionné celle qui étayait la crainte de persécution de M. Masud. Elle a conclu que M. Masud avait embelli son histoire en prétendant qu'on le recherchait toujours.


[7]                Quant à la nature des mauvais traitements auxquels M. Masud pourrait faire face, la Commission a mentionné une preuve documentaire qualifiant la situation politique au Bangladesh de violente, et confirmant qu'il arrive souvent que les membres de l'opposition soient victimes d'actes de violence. Compte tenu du changement de parti au pouvoir au Bangladesh, M. Masud serait aujourd'hui perçu comme un opposant du régime. La Commission a conclu que les affrontements et les agressions constituaient du harcèlement plutôt que de la persécution. Elle n'a pas expliqué sa conclusion ni donné une définition reconnue du terme persécution.

[8]                Selon moi, les conclusions de la Commission dans ces trois domaines importants ne sont pas fondées sur la preuve. Je dois donc accueillir la demande de contrôle judiciaire et ordonner la tenue d'une nouvelle audience devant un nouveau tribunal de la Commission. Ni l'une ni l'autre des parties n'a proposé une question de portée générale à des fins de certification et aucune question n'est certifiée.

                                                                   JUGEMENT

LA COUR ORDONNE

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie.


2.          L'affaire est renvoyée devant un tribunal différemment constitué pour une nouvelle audition.

3.          Il n'y a aucune question de portée générale.

                                                                                                                          « James W. O'Reilly »            

                                                                                                                                                     Juge                           

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL. L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                           IMM-2659-03

INTITULÉ :                                                          SYED IFTAKER MASUD

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                    OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                  LE 5 FÉVRIER 2004

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                 LE JUGE O'REILLY

DATE DES MOTIFS :                                         LE 23 MARS 2004

COMPARUTIONS :

Rezaur Rahman                                                       POUR LE DEMANDEUR

Derek Rasmussen                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rezaur Rahman                                                       POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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