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Date : 19980428


Dossier : IMM-1228-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 28 AVRIL 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

ENTRE :


VALDEMAR ANDRADE,


demandeur,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                         " Darrel V. Heald "

                                     Juge suppléant

Traduction certifiée conforme

C. Delon, LL.L.


Date : 19980428


Dossier : IMM-1228-97

ENTRE :


VALDEMAR ANDRADE,


demandeur,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

INTRODUCTION

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire visant une décision du ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration (le ministre) en date du 24 février 1997. Par cette décision, le ministre a décidé que le demandeur en l"espèce constitue un danger pour le public au Canada, conformément aux dispositions du paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration.

LES FAITS

[2]      Le demandeur est né au Portugal. On lui accorde le statut de résident permanent au Canada en 1977. En 1993, le demandeur est condamné pour voies de fait. Cette infraction lui vaut une peine d"emprisonnement de 30 jours assortie d"un an de probation. Le 30 avril 1996, il est condamné pour contacts sexuels, grossière indécence et agression sexuelle. Ces infractions lui ont valu d"être condamné, au total, à trois ans d"emprisonnement. Il est en train de purger sa peine. Les agressions pour lesquelles le demandeur a été condamné visaient sa belle-soeur, de 1980 à 1985, alors qu"elle avait entre sept et douze ans, et sa nièce, de 1993 à 1994, alors qu"elle avait entre onze et douze ans.

[3]      En raison de ces condamnations, le demandeur a été informé, par lettre en date du 3 décembre 1996, signifiée le 9 décembre 1996, de l"intention de solliciter du ministre un avis aux termes duquel, conformément au paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration, le demandeur constituait un danger pour le public au Canada. À cette lettre étaient jointes des copies des documents devant être transmis au ministre dans le cadre de son examen du dossier du demandeur. Cette lettre invitait également le demandeur à présenter ses observations sur les documents en question et notamment sur l"avis qu"il constituait un " danger pour le public ". Le demandeur était également invité à présenter ses observations sur les " considérations d"ordre humanitaire " dont il voudrait éventuellement voir le ministre tenir compte. Par lettres en date du 23 décembre 1996 et du 31 janvier 1997, l"avocat du demandeur a effectivement présenté ses observations au ministre.

[4]      Or, l"avocat du demandeur fait valoir que ces observations n"ont pas été transmises à la personne désignée par le ministre et que cette personne n"a donc pas pu en tenir compte.

LA DÉCISION DU MINISTRE

[5]      Par lettre en date du 24 février 1997, W.A. Sheppit, la personne désignée par le ministre, a rendu compte en ces termes de la décision du ministre : [traduction] " Compte tenu des informations dont j"ai connaissance, j"estime, conformément au paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration, que Andrade, Valdemar, né le 17 novembre 1955, constitue un danger pour le public au Canada ".

LES QUESTIONS EN LITIGE

[6]      L"avocat du requérant invoque les arguments suivants :

     .      Au vu du dossier, il était, de la part de la personne désignée par le ministre, déraisonnable de conclure que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada;
     .      La personne désignée par le ministre s"est basée sur un dossier incomplet étant donné que les arguments de l"avocat du demandeur ne lui avaient pas été transmis. En outre, le rapport rendant compte de l"avis du ministre contenait des documents attentatoires aux droits du demandeur et dénués de pertinence;
     .      La personne désignée par le ministre n"a pas motivé sa décision portant que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada;
     .      Aucune documentation ne permet d"affirmer que W.A. Sheppit, la personne désignée, ait été autorisée par le ministre à rendre dans cette affaire une décision au titre du paragraphe 70(5).

ANALYSE

Point 1      Caractère raisonnable de la décision prise par la personne déléguée par le ministre

[7]      Vu l"arrêt rendu par la Cour d"appel fédérale dans l"affaire Williams1, je conclus que cet argument n"est pas fondé compte tenu des circonstances en l"espèce. Dans l"affaire Williams , précitée, le juge Strayer a déclaré, au nom de la Cour d"appel fédérale : " Il existe une jurisprudence abondante selon laquelle, à moins que toute l"économie de la Loi n"indique le contraire en accordant par exemple un droit d"appel illimité contre un tel avis, ces décisions subjectives ne peuvent pas être examinées par les tribunaux, sauf pour des motifs comme la mauvaise foi du décideur, une erreur de droit ou la prise en considération de facteurs dénués de pertinence ". (Non souligné dans l'original)

[8]      L"avocat du demandeur fait valoir que la personne désignée par le ministre a agi d"une manière manifestement déraisonnable en rendant un avis de dangerosité étant donné que la documentation qui lui avait été transmise ne démontrait aucunement l"existence d"un " risque probable " pour le public au Canada. L"avocat faisait allusion au fait qu"en attendant de subir son procès pour certaines des accusations portées contre lui au titre du Code criminel, et pour lesquelles il fut plus tard condamné, le demandeur avait été mis en liberté sous caution. Il a également fait valoir qu"au cours des 26 mois précédant le procès, on n"avait pu retenir contre son client aucune nouvelle allégation d"inconduite ou d"actes criminels.

[9]      Je ne saurais retenir les arguments développés par l"avocat sur ce point. J"estime que la décision rendue par la personne désignée par le ministre n"était pas manifestement déraisonnable. Le demandeur a commis des infractions criminelles tout au long d"une période allant de 1980 à 1994, soit pendant 14 années. S"il est vrai que le demandeur n"a commis aucune infraction depuis 1994, il convient de rappeler qu"il est incarcéré depuis 1996. De plus, dans son évaluation, le Service correctionnel du Canada repousse toute probabilité de récidive, mais n"écarte pas la possibilité de voir le demandeur commettre de nouvelles infractions.

Point 2      Dossier incomplet - Non-transmission des arguments de l"avocat

Les avocats des deux parties ne s"accordent pas sur la question de savoir si, de fait, les observations de l"avocat du demandeur avaient été transmises à la personne désignée par le ministre lorsqu"a été rendue la décision en question.

[10]      Après avoir examiné le dossier, je suis convaincu que l"avocat de la défenderesse a raison sur ce point. Je me réfère aux pages 3 et 4 du dossier du tribunal, dans lequel figure le rapport, en date du 19 février 1997, transmis au ministre par Denise Bédard, l"agente d"examen. Celle-ci déclare, à la page 3, sous le titre " Observations et recommandation de l"agent d"examen " [traduction] " J"ai soigneusement examiné la lettre de notification ainsi que l"ensemble des pièces justificatives citées dans cet avis. L"avocat a présenté ses observations le 31/01/97. Les pièces en question comprennent tous les documents fournis à la personne désignée par le ministre à l"appui de la demande d"avis portant que Valdemar Andrade constitue un danger pour le public ". (Non souligné dans l"original).


Point 3      Défaut de motivation

[11]      Je conviens avec l"avocat de la défenderesse que l"arrêt rendu par la Cour d"appel fédérale dans l"affaire Williams , précitée, est concluante sur ce point2.

Point 4      Délégation de pouvoir

[12]      J"estime que cet argument n"est pas fondé. Comme l"a fait remarquer l"avocat de la défenderesse, l"acte de délégation figurant à la pièce E accompagnant l"affidavit de Stephen H. Gold (en date du 30 juin 1997) confère à l"évidence au " directeur général, Règlement des cas " le pouvoir de rendre des avis de dangerosité conformément au paragraphe 70(5) de la Loi sur l"immigration. Or, dans l"avis de dangerosité, M. Sheppit figure en tant, justement, que directeur général, Règlement des cas3.

CONCLUSIONS

[13]      Pour l"ensemble de ces motifs, je conclus qu"au vu du dossier, le ministre pouvait en l"espèce raisonnablement prendre la décision en question, une décision dans laquelle il n"a pas lieu d"intervenir.

[14]      La demande de contrôle judiciaire est par conséquent rejetée.


DÉPENS

[15]      L"avocat du demandeur avait indiqué que si la Cour donnait gain de cause à son client, il voudrait pouvoir évoquer la question des dépens. Ma conclusion ne donnant pas raison au demandeur, la question des dépens ne se pose pas.

CERTIFICATION

[16]      Ni l"un ni l"autre des avocats n"a proposé que l"on certifie une question grave de portée générale. J"estime en effet qu"il n"y a lieu, en l"espèce, de certifier aucune question.

                         " Darrel V. Heald "

                                     Juge suppléant

Traduction certifiée conforme

C. Delon, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU DOSSIER :                  IMM-1228-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          VALDEMAR ANDRADE c. MCI
LIEU DE L"AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L"AUDIENCE :              LE VENDREDI 17 AVRIL 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE SUPPLÉANT HEALD

DATE :                      LE 28 AVRIL 1998

ONT COMPARU :

Me Paul D. Copeland              Pour le demandeur
Me Sudabeh Mashkuri              Pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Copeland, Campbell                  Pour le demandeur

Toronto (Ontario)

George Thomson                  Pour la défenderesse

Sous-procureur général

du Canada

__________________

1      M.C.I. c. Williams, (1997) 2 C.F. 646 à la p. 664.

2      Voir l"arrêt Williams , supra, à la p. 674, par. 2.

3      Voir la pièce B accompagnant l"affidavit de Stephen H. Gold (en date du 30 juin 1997).

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