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Date : 20060725

Dossier : IMM-4169-05

Référence : 2006 CF 911

Ottawa (Ontario), le 25 juillet 2006

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

Entre :

GERARD RUDARAGI

demandeur

et

 

le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Gerard Rudaragi a demandé l’asile au Canada après s’être enfui de son pays natal le Burundi, en 2003. Il allègue que les Tutsis l’ont battu et l’ont menacé et que pour les Hutus, il inspire la méfiance en raison de son origine ethnique mixte Tutsi et Hutu. Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande pour absence de preuve crédible.

 

[2]               M. Rudaragi soutient que la Commission a commis des erreurs graves dans ses conclusions sur sa crédibilité. En outre, il allègue que la Commission a une grande obligation d’équité envers lui et que la Cour devrait examiner soigneusement la décision de la Commission car le gouvernement n’a pas mis en vigueur les dispositions établissant la Section d’appel des réfugiés : article 110 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27. Étant convaincu que la présente demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie et qu’une nouvelle audience devrait être tenue sur le premier argument, je n’examinerai pas le second argument.

I.  Question en litige

            La Commission a-t-elle omis de tenir dûment compte du rapport psychologique sur la capacité de témoigner de M. Rudaragi?

 

II.  Analyse

            a) Contexte

[3]               La première audience concernant le statut de réfugié de M. Rudaragi a eu lieu en avril 2004. Toutefois, en raison des difficultés de M. Rudaragi à se rappeler les événements et à témoigner de façon cohérente, la Commission a ajourné l’audience jusqu’à ce qu’une évaluation psychologique soit menée. Une deuxième audience a eu lieu en janvier et en mars 2005.

 

b) Conclusions de la Commission sur la crédibilité

[4]               La Commission a tiré des inférences défavorables des éléments suivants de la preuve présentée par M. Rudaragi :

 

(i)                  M. Rudaragi a témoigné qu’il avait été emprisonné par les militaires tutsis en 2003. Toutefois, l’agent d’immigration au point d’entrée au Canada n’a pas consigné cet événement dans les notes qu’il a prises lors de l’entrevue. M. Rudaragi a prétendu avoir mentionné cet événement pendant l’entrevue. Il a reproché à l’interprète d’avoir oublié de l’indiquer.

 

(ii)                Le témoignage de M. Rudaragi sur les circonstances de sa prétendue détention était vague.

 

(iii)               M. Rudaragi a déclaré qu’il avait été attaqué par des Tutsis et des Hutus en 1998 et en 1999, mais il n’a pas mentionné ces attaques dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP). Dans ce formulaire, il a évoqué les attaques qui ont eu lieu en 1993 et en 1994.

 

(iv)              Dans son FRP, M. Rudaragi a mentionné son arrestation par des soldats tutsis en 2003, mais lors de son témoignage oral, il a parlé de sa détention par des rebelles hutus.

 

c) Rapport psychologique

 

[5]               Le rapport a conclu que M. Rudaragi souffre d’un syndrome de stress post-traumatique avéré qui tend à altérer ses fonctions cognitives [traduction] « de façon que les dates, les détails et les renseignements factuels importants peuvent être déformés, alambiqués ou totalement oubliés ». En d’autres termes, le rapport a confirmé les observations faites par le tribunal lors de la première audience de M. Rudaragi.

 

d) Conclusion de la Commission

[6]               La Commission a tenu compte du rapport psychologique, mais elle a conclu que le syndrome de stress post-traumatique n’expliquait pas de façon adéquate la raison pour laquelle M. Rudaragi pouvait donner [traduction] « deux versions complètement différentes du même événement ». Il semble donc que la Commission n’a envisagé la portée du rapport psychologique qu’au regard de sa dernière conclusion sur la crédibilité (c’est‑à‑dire la conclusion (iv) ci‑dessus). Elle n’a pas examiné si les conditions psychologiques de M. Rudaragi pouvaient aider à expliquer l’omission dans son récit au point d’entrée, le manque de détails dans la description de sa détention ou sa confusion quant aux dates. Pourtant, ce sont là des exemples manifestes d’erreurs cognitives auxquelles le rapport psychologique fait référence.

 

e) Dispositif

[7]               À mon avis, la Commission avait la responsabilité d’examiner la portée générale du rapport psychologique lors de son évaluation de la crédibilité de M. Rudaragi, en particulier au vu des observations du tribunal pendant la première audience. Par conséquent, dans sa conclusion, la Commission n’a pas tenu dûment compte de la preuve significative devant elle. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner une nouvelle audience devant un tribunal différent. Les avocats ont demandé à avoir la possibilité de faire des observations relatives à la certification d’une question. Toutefois, vu le fondement de ma décision dans la présente affaire, aucune question de portée générale ne se pose, et aucune n’est énoncée.

 

JUGEMENT

            LA COUR ordonne :

 

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et une nouvelle audience doit être tenue sur le premier argument.

2.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-4169-05

 

INTITULÉ :                                                               RUDARAGI

                                                                                    c.

                                                                                    MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       le 17 janvier 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :       le juge O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                               le 25 juillet 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Matas

Sean Stynes

 

                   Pour le demandeur

Jeremiah Eastman

 

                   Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McKenzie Lake Lawyers, s.r.l.

Toronto (Ontario)

 

                   Pour le demandeur

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

                   Pour le défendeur

 

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