Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19981007


Dossier : T-1675-97

ENTRE :

     Raymond Steele

     321, ch. de l'Aéroport

     La Macaza (Québec)

     J0T 1R0,

     demandeur,

     c.

     Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles)

     Complexe Guy Favreau, Tour Ouest

     2e étage, 200, boulevard René-Lévesque

     Montréal (Québec)

     H2Z 1X4,

     défendeur.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ

[1]      Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision par laquelle la Commission nationale des libérations conditionnelles du Canada (la Commission) a, le 13 novembre 1996, statué que le demandeur n"avait pas droit à des permissions de sortir avec escorte pour lui permettre d"établir ou d"entretenir des rapports familiaux.

1. Les faits

[2]      Le demandeur est un détenu sous responsabilité fédérale au pénitencier de La Macaza dans la province de Québec. Il est incarcéré depuis le 18 janvier 1985, après avoir été reconnu coupable de meurtre au deuxième degré. Il a été condamné à une peine d"emprisonnement à perpétuité assortie d"un délai de dix ans préalable à la libération conditionnelle.

[3]      L"appel formé par le demandeur contre la décision de la Commission a été rejeté le 9 juillet 1997, par la Section d"appel de la Commission. Cependant, le 15 octobre 1997 (après le dépôt de la présente demande mais avant son audition), le directeur du pénitencier de La Macaza a autorisé les permissions de sortir avec escorte qui avaient été sollicitées, conformément à l"article 17 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition .

2. Les questions en litige

[4]      La première question à trancher est de savoir si la " décision " de la Commission peut faire l"objet d"un contrôle judiciaire. Si la réponse est affirmative, la deuxième question est de savoir si la présente demande a maintenant perdu tout intérêt pratique puisque les permissions de sortir avec escorte qui avaient été sollicitées ont maintenant été accordées. La troisième question est de savoir si la décision de la Commission peut être annulée pour n"importe lequel des motifs prévus au paragraphe 18.1(4) de la Loi sur la Cour fédérale .

3. La décision de la Commission peut-elle faire l"objet d"un contrôle judiciaire?

[5]      Le paragraphe 17(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition prévoit que les permissions de sortir peuvent être autorisées par le directeur d"un pénitencier à un détenu sous certaines conditions. Le paragraphe est libellé ainsi :

                 17. (1) Sous réserve de l"article 746.1 du Code criminel , le directeur du pénitencier peut autoriser un délinquant à sortir si celui-ci est escorté d"une personne -- agent ou autre -- habilitée à cet effet par lui, lorsque, à son avis :                 
                 a) une récidive du délinquant pendant la sortie ne présentera pas un risque inacceptable pour la société;                 
                 b) il l"estime souhaitable pour des raisons médicales, administratives, de compassion ou en vue d"un service à la collectivité, ou du perfectionnement personnel lié à la réadaptation du délinquant, ou pour lui permettre d"établir ou d"entretenir des rapports familiaux notamment en ce qui touche ses responsabilités parentales;                 
                 c) la conduite du détenu pendant la détention ne justifie pas un refus;                 
                 d) un projet structuré de sortie a été établi.                 
                 La permission est accordée soit pour une période maximale de cinq jours ou, avec l"autorisation du commissaire, de quinze jours, soit pour une période indéterminée s"il s"agit de raisons médicales.                 

(C"est moi qui souligne.)

[6]      L"article 746.1 du Code criminel prescrit qu"aucune permission de sortir sans escorte ne peut être autorisée, sans l"agrément de la Commission, dans le cas d"une personne faisant l"objet d"une condamnation à l"emprisonnement à perpétuité assortie d"un délai préalable à la libération conditionnelle, sauf au cours des trois dernières années de ce délai. Les paragraphes 746.1(1) et (2) sont libellés ainsi :

                 746.1(1) Sauf dérogation expresse au présent article prévue par une autre loi fédérale, il est interdit de libérer les condamnés à l"emprisonnement à perpétuité conformément aux modalités d"une libération conditionnelle ou d"examiner leur dossier en vue de leur accorder une telle libération sous le régime d"une loi fédérale, notamment de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition , avant que ne soit expiré ou terminé le délai préalable à toute libération conditionnelle qui s"applique dans son cas conformément à la présente loi.                 
                 (2) Sous réserve du paragraphe (3), en cas de condamnation à l"emprisonnement à perpétuité assortie, conformément à la présente loi, d"un délai préalable à la libération conditionnelle, il ne peut être accordé, sauf au cours des trois années précédant l"expiration de ce délai :                 
                      a)      de semi-liberté en application de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition;                 
                      b)      de permission de sortir sans escorte sous le régime de cette loi ou de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition;                 
                      c)      de permission de sortir avec escorte, sous le régime d"une de ces lois, sauf pour des raisons médicales ou pour comparution dans le cadre de procédures judiciaires ou d"enquêtes du coroner, sans l"agrément de la Commission nationale des libérations conditionnelles.                 
                 (C"est moi qui souligne.)                 

[7]      Manifestement, l"article 746.1 ne s"applique pas au présent demandeur, qui est incarcéré depuis le 18 janvier 1985 et fait l"objet d"une condamnation assortie d"un délai préalable de dix ans à la libération conditionnelle. Ce n"était donc pas à la Commission mais au directeur du pénitencier qu"il appartenait de décider s"il y avait lieu d"accorder au demandeur des permissions de sortir avec escorte. Par conséquent, comme le soutient le défendeur, la Commission n"exerçait pas un pouvoir conféré par une loi fédérale et " n"agissait donc pas en tant qu"office fédéral " au sens des articles 2, 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale . L"article 2 de la Loi sur la Cour fédérale définit un " office fédéral " de la façon suivante : " conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d"une prérogative royale ".

[8]      Il s"ensuit que la " décision " de la Commission n"est pas une décision susceptible de contrôle par la Cour et qu"il n"est donc pas nécessaire de poursuivre l"étude des autres questions.

4. Dispositif

[9]      Au début de l"audition de la présente demande de contrôle judiciaire, j"ai demandé au demandeur, qui n"était pas représenté par un avocat, ce qu"il espérait obtenir par sa requête puisque le directeur du pénitencier lui a déjà accordé des permissions de sortir avec escorte et puisqu"il sait maintenant que c"est le directeur et non pas la Commission qui a le pouvoir de ce faire.

[10]      Il a répondu qu"il voulait que la Commission soit blâmée pour avoir publié des renseignements diffamatoires à son sujet dans les médias. Selon le demandeur, la Commission a communiqué des documents incendiaires qui ont ruiné sa vie et l"ont accusé d"être le chef d"un culte satanique. Il a dit que la Commission n"avait pas le pouvoir de traiter sa demande en vue de permissions de sortir avec escorte et, maintenant que la Commission s"est vu demander des comptes, elle prétend avoir seulement donné un " avis " et non pas rendu une décision. Il allègue que la Commission a traité avec mépris les droits que lui garantit la Charte , car elle l"a trompé : la Commission devrait être réprimandée pour avoir exercé un pouvoir qu"elle n"avait pas et pour avoir rendu publiques des observations préjudiciables à son endroit. À cause de la soi-disant " décision " de la Commission, le demandeur prétend avoir passé deux années de plus en détention.

[11]      S"il existe un préjudice, il existe une réparation. Toutefois, le contrôle judiciaire n"est pas la procédure appropriée pour traiter des allégations du demandeur. Ce n"est pas à la Cour qu"il appartient de donner un avis juridique, mais l"avocat du défendeur a suggéré qu"une action contre la Couronne pourrait constituer le recours approprié dans les circonstances. Évidemment, d"aussi graves accusations portées contre la Commission ne peuvent être étayées que par une preuve reposant sur des faits.

[12]      La présente demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

OTTAWA (Ontario)

Le 7 octobre 1998

     J. E. Dubé

     Juge

Traduction certifiée conforme

Yvan Tardif, B.A., LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                      T-1675-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Raymond Steele c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles)
LIEU DE L"AUDIENCE :                  Montréal (Québec)
DATE DE L"AUDIENCE :                  le 29 septembre 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE de M. le juge Dubé

EN DATE DU 7 octobre 1998

ONT COMPARU :

Raymond Steele                      pour son propre compte
Louis Sébastien                      pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                      pour le défendeur

Date : 19981007


Dossier : T-1675-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 7 OCTOBRE 1998

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE J.E. DUBÉ

ENTRE :

     Raymond Steele

     321, ch. de l'Aéroport

     La Macaza (Québec)

     J0T 1R0,

     demandeur,

     c.

     Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles)

     Complexe Guy Favreau, Tour Ouest

     2e étage, 200, boulevard René-Lévesque

     Montréal (Québec)

     H2Z 1X4,

     défendeur.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     J. E. Dubé

     Juge

Traduction certifiée conforme

Yvan Tardif, B.A., LL.L.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.