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                                                                                                                                            Date : 20010316

                                                                                                                                Dossier : IMM-1877-00

                                                                                                               Référence neutre : 2001 CFPI 185

Entre :

                                              KAUSILA DEVI MUKTAN

                                                    SONAM TAMANG

                                                                                                                   Demandeurs

                                                               - et -

                                       MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                               ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                     Défendeur

                                           MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]         La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 15 mars 2000 par la Section du statut de réfugié (la « SSR » ) statuant que les demandeurs, Kausila Devi Muktan et son fils mineur Sonam Tamang, ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la « Loi » ).

[2]         La demanderesse, Madame Muktan, est citoyenne du Bhoutan, tandis que son fils, né en 1996, est citoyen du Népal. Les demandeurs sont arrivés au Canada le 11 juillet 1997 et ont revendiqué le statut de réfugié au début d'août de la même année.

[3]         La décision en cause est fondée sur l'absence de crédibilité de la demanderesse et de son incapacité à établir son identité. À cet égard, le tribunal a noté ce qui suit :


-           La SSR a demandé au Haut Commissariat pour les réfugiés (le « HCR » ) de vérifier le statut de la demanderesse à titre de réfugiée bhoutanaise au Népal, ce à quoi la demanderesse a consenti. Dans une lettre datée du 10 août 1999 (document A-13), M. Patrick Tezier du HCR a répondu qu'un représentant de l'organisme avait visité le camp au Népal et avait interviewé M. Khadka Bahadur Muktan. On a alors trouvé au registre une Kaushila (sic) Devi Muktan qui avait été inscrite en 1992. Le HCR a noté que puisque le fils Sonam Tamang était né en 1996, c'est-à -dire après que la demanderesse eut quitté le camp en 1994 et se soit mariée à un natif du Népal, le fils ne se retrouvait pas au registre. Cependant, lors de l'entrevue avec M. Muktan, ce dernier a indiqué qu'il avait une fille célibataire nommée Kaushila (sic) Devi Muktan, âgée de 25 ans. Il a confirmé qu'elle avait quitté le camp en 1993, qu'elle travaillait présentement comme enseignante à Kathmandu, et qu'elle visitait fréquemment ses parents, la dernière visite ayant eu lieu en octobre/novembre 1998. Selon M. Tezier, les parents « persistently stated that . . . their daughter Kaushila (sic) is not married and that they do not know anybody called Sonam or Suresh » .

-           Malgré les objections de l'avocate des demandeurs, la SSR a admis en preuve le document A-13, car les renseignements ne mettaient pas la vie, la liberté ou la sécurité de qui que ce soit en danger. Le tribunal ajoute : « The panel finds the UNHCR answer to be a reasonable response to a request which is to assist the Refugee Division in making an honest and informed determination. » Comme la SSR n'a trouvé aucune raison pour douter de la crédibilité de ce document, elle lui a accordé beaucoup de poids.

-           La SSR n'a accordé aucun poids à la lettre des parents de la demanderesse (document P-6) dans laquelle ceux-ci jurent avoir menti aux représentants du HCR parce qu'ils croyaient qu'ils faisaient enquête sur les rations dans le camp de réfugiés. Ils auraient notamment menti au sujet de l'âge de la demanderesse, qu'elle se retrouvait présentement au Canada, qu'ils l'avaient vu en octobre/novembre 1998 plutôt qu'en juin 1998, que la demanderesse avait quitté le camp en 1993 plutôt qu'en 1994 et qu'elle enseignait toujours à Kathmandu dans une école privée. La SSR a trouvé que seule la réponse sur la date que la demanderesse avait quitté le camp était pertinente aux rations, et que cette réponse impliquait une réduction plutôt qu'une augmentation de ces rations. Selon elle, la raison offerte pour ces mensonges ne tient pas.

[4]         La SSR a donc conclu comme suit :

The panel is faced with having to choose between two letters: one from the UNHCR and one, allegedly, from the claimant's parent. P-6, a self-serving letter, confirms the visit of UNHCR investigators and the answers given to them. We have no reason to doubt the accuracy of the report made in the UNHCR letter. We are, therefore, giving that letter full probative value. That being the case, we remain with the statements contained in that report: Mr. Khadka stated that his daughter is 25 years old and unmarried; she visits her parents regularly; her last visit took place in October/November 1998 and they do not know anybody called Suresh or Sonam. All those statements contradict the claimant's testimony. We are left with the problem concerning the identity of the person who claims refugee status. That identity remains very much in question. We cannot grant refugee status to a person when there is so much uncertainty about her identity.


[5]         En premier lieu, l'objection du défendeur quant à l'admissibilité des pièces F, G et H jointes à l'affidavit de la demanderesse est bien fondée. En effet, les pièces sont datées postérieurement à la décision de la SSR et n'ont donc pu être considéré par cette dernière. En conséquence, les pièces doivent être écartées et ignorées aux fins de la présente demande de contrôle judiciaire.

[6]         Quant à l'allégation, par les demandeurs, de violation de confidentialité, elle n'est pas justifiée, la demanderesse ayant consenti à ce que le HCR soit contacté pour vérifier ses documents d'identité et son enregistrement au camp de réfugiés au Népal . À mon avis, tous les renseignements sur la situation de la demanderesse communiqués au HCR sont pertinents et couverts par ce consentement. Il importe en outre de noter que le dossier ne révèle l'existence d'aucune demande de confidentialité faite en vertu du paragraphe 69(3) de la Loi :


69. (3) Where the Refugee Division is satisfied that there is a serious possibility that the life, liberty or security of any person would be endangered by reason of any of its proceedings being held in public, it may, on application therefor, take such measures and make such order as it considers necessary to ensure the confidentiality of the proceedings.

69. (3) S'il lui est démontré qu'il y a une sérieuse possibilité que la vie, la liberté ou la sécurité d'une personne soit mise en danger par la publicité des débats, la section du statut peut, sur demande en ce sens, prendre toute mesure ou rendre toute ordonnance qu'elle juge nécessaire pour en assurer la confidentialité.


[7]         De plus, le paragraphe 68(3) de la Loi soustrait la SSR aux règles légales et techniques qui lient habituellement un tribunal judiciaire en matière de preuve :


68. (3) The Refugee Division is not bound by any legal or technical rules of evidence and, in any proceedings before it, it may receive and base a decision on evidence adduced in the proceedings and considered credible or trustworthy in the circumstances of the case.

68. (3) La section du statut n'est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve. Elle peut recevoir les éléments qu'elle juge crédibles ou dignes de foi en l'occurrence et fonder sur eux sa décision.


[8]         Ainsi, le fait que la lettre du HCR se fonde sur un ouï-dire n'est pas suffisant en soi pour la rendre inadmissible, lorsque la SSR la juge crédible.


[9]         Pour le reste, il s'agit d'une simple question de crédibilité et d'appréciation des faits. Or, à cet égard, il n'appartient pas à cette Cour de se substituer au tribunal administratif lorsque, comme ici, les demandeurs font défaut de prouver que sa décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7). Après révision de la preuve, je n'ai pas été convaincu que le tribunal spécialisé que constitue la SSR ne pouvait pas raisonnablement conclure comme il l'a fait (voir Aguebor c. Canada (M.C.I.) (1993), 160 N.R. 315, aux pages 316 et 317).

[10]       Finalement, les prétentions voulant que la demanderesse n'ait pas de statut au Népal et qu'elle soit apatride n'apparaissent pas avoir été présentées à la SSR. Elles ne sont donc pas pertinentes, n'étant pas susceptibles de démontrer d'erreur de la part de ce tribunal.

[11]       Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                         

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 16 mars 2001

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