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     Date :19971203

                                             Dossier : T-1514-97

ENTRE :


Timothy Maxwell-Humm, pour son propre compte et celui des membres des syndicats de la Lloyd's nos 625, 990, 1036, 329, 488, 483, 741, 500, 535, 123, 28 et 114 qui ont souscrit à la police d"assurance portant le no 94YP4016 pour l'année d'assurance du 4 mars 1994 au 3 mars 1995,

Commercial Union Assurance Company PLC,

The Tokio Marine & Fire Insurance Company (UK) Ltd.,

The Threadneedle Insurance Co. Ltd.,

Aegon Insurance Company (UK) Limited,

Ocean Marine Insurance Co. Ltd.,

Indemnity Marine Assurance Co. Ltd.,

Gan Minster Assurance Co. Ltd.,

Compagnie d"Assurances Maritimes Aériennes et Terrestres

Assurances Générales de France I.A.R.T.,

The Yorkshire Insurance Co. Ltd.,

Northern Assurance Company Ltd.,

The Scottish Lion Insurance Co. Ltd.,

Terra Nova Insurance Company Ltd.,

Wurttembergische Versicherung AG,


demandeurs,

et


Sloan D'Orsay Mauran,

Sloan Financial Corporation,

le navire "Beaugeste",


défendeurs.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE WETSTON

[1] Les défendeurs, Sloan D"Orsay Mauran ("Mauran"), Sloan Financial Corporation (la "société défenderesse") et le navire "Beaugeste", ont présenté la requête en l'espèce visant la suspension des procédures, conformément au paragraphe 50(1) de la Loi sur la Cour fédérale , L.R.C. (1985), ch. F-7.

[2] Dans leur action devant la Cour, les demandeurs avaient réclamé des dommages-intérêts à l'encontre des défendeurs en vue du remboursement d'un certain produit d'assurance versé par les assureurs du navire "Beaugeste". La demande porte sur le règlement d"un sinistre ayant impliqué le Beaugeste à un moment où ce navire croisait dans la mer Méditerranée, le 14 septembre 1994. Les réparations du navire qui sont l'objet de la présente action ont été faites à Majorque, en Espagne.

[3] Un mois après que la présente action eut été intentée devant la Cour, Mauran et la société défenderesse ont introduit leur propre action devant la Cour de circuit du dix-septième circuit judiciaire du comté de Broward à Fort Lauderdale, en Floride; ils soutenaient qu'ils avaient droit à un paiement supplémentaire en vertu de la police.

[4] Le navire Beaugeste est immatriculé au Canada et navigue sous pavillon canadien. Mauran, le propriétaire inscrit du navire, est un citoyen canadien qui vit et travaille à Toronto. La société défenderesse est une société libérienne exploitée à partir des Bahamas. La société défenderesse est le bénéficiaire désigné en vertu de la police d"assurance en cause, Mauran étant l'assuré.

[5] Les demandeurs sont les assureurs anglais et les syndicats de la Lloyd's. La police d"assurance a été placée sur le marché de Londres par les courtiers Bowring Marsh & McLennan Ltd., et les certificats d"assurance ont été délivrés à partir du bureau de Bowring à Southampton, en Angleterre. La demande de placement de la police a été faite par l"administrateur unique de la société défenderesse, Richard C.W. Mauran, et ce, par l'entremise d"un courtier d"assurances de Floride. Le courtier de Floride n"est pas partie à l"une ou l"autre des actions, et nul n'a contesté que la police a été dûment établie.

[6]      L'article 50(1) de la Loi est libellé comme suit :

     La Cour a le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire :         
     a)      au motif que la demande est en instance devant un autre tribunal;
     b)      lorsque, pour quelque autre raison, l"intérêt de la justice l"exige.        

[7]      Dans la présente requête, il s"agit de savoir

         a)      si la clause relative à la signification de la poursuite stipulée dans la police prévoit que le tribunal de Floride a une compétence exclusive sur la question;    
         b)      si les procédures devraient être suspendues au motif que le tribunal de Floride est le tribunal le plus approprié pour rendre un jugement final.        

[8] Les défendeurs soutiennent que la clause relative à la signification de la poursuite, stipulée dans la police d"assurance en cause, confère clairement aux tribunaux américains une compétence exclusive pour régler toutes les questions concernant un litige sur les montants réclamés en vertu de la police. Je ne peux pas accepter cette interprétation.

[9] Il est clair que la clause relative à la signification de la poursuite autorise l'assuré à signifier un acte de procédure à l'encontre des assureurs devant le tribunal américain de son choix. Elle n"empêche pas l'assuré d'intenter une action aux États-Unis et n'a pas non plus pour effet d'empêcher l'assureur d'en intenter une à l"extérieur des États-Unis : Excess Insurance Co. v. Allendale Mutual Insurance Co., [1995] NLOR No. 2416 (C.A. de l'Angl.) (Q.L.). De fait, quand une action est intentée par un assureur au lieu de l"assuré, il semblerait qu"en vertu du droit américain, la clause relative à la signification de la poursuite ne s"applique pas : International Insurance Co. v. McDermott Inc., 956 F.2d 93 (5th Circ.), refus de cert. 113 S.Ct. 82 (1992); International Surplus Lines Ins. Co. v. University of Wyoming Research Corp., 850 F. Supp. 1509 (D. Wyo. 1994).

[10] Le choix du ressort le plus approprié, dans l"application du critère du forum non conveniens, doit "reposer sur des facteurs conçus pour faire en sorte, si possible, que le procès soit instruit dans le ressort qui a les liens les plus étroits avec le litige et les parties, et que l'une de celles-ci ne jouisse d'un avantage juridique au détriment des autres devant un tribunal par ailleurs inapproprié" : Amchem Products Inc. et autres c. Workers" Compensation Board et autres (1993), 102 D.L.R. (4e) 96, à la p. 104 (C.S.C.).

[11] Pour écarter le tribunal choisi par le demandeur, le défendeur doit clairement établir l"existence d"un tribunal plus approprié. Il doit le faire en montrant qu"il existe un ressort ayant un lien plus réel et plus important avec le litige et les parties. En rendant sa décision, la Cour doit tenir compte des inconvénients, des coûts et de la possibilité de bénéficier d"avantages juridiques dans chacun des ressorts : Amchem , précité.

[12] Les défendeurs soutiennent que l"action devrait se dérouler en Floride parce que le propriétaire véritable du navire y possède une résidence et parce que le navire croise dans cette région, en général, tous les ans. Ils soutiennent que le contrat d"assurance a été fait en Floride et que les primes y ont été payées. Les défendeurs soutiennent aussi que les témoins essentiels se trouvent en Floride ou peuvent s"y rendre plus facilement, et que les demandeurs exploitent leur entreprise en Floride.

[13] Les défendeurs soutiennent également qu'en instituant l'action devant la Cour, qui est un tribunal moins approprié, les demandeurs ont cherché à tirer parti de ce ressort sur le plan juridique vu que les procès n'y ont pas lieu devant jury. Ils soutiennent aussi que Mauran ne serait pas gêné par un renvoi devant une autre juridiction et que les défendeurs ne pourraient jamais faire exécuter un droit in rem sur le navire, au Canada.

[14] Selon les demandeurs, les défendeurs n'ont pas prouvé que les procédures devant le tribunal de Floride seraient moins coûteuses et qu"il serait plus avantageux pour eux de procéder dans ce ressort et, s'ils obtenaient gain de cause, d'y faire exécuter le jugement à l"encontre des défendeurs. Ils soutiennent que les témoins pertinents dans le présent litige seront ceux qui ont réparé le navire et expertisé la demande de règlement. Ces personnes se trouvent en Espagne et non pas en Floride.

[15] Les demandeurs soutiennent aussi que le navire est immatriculé au Canada et que le demandeur Mauran est un citoyen canadien qui vit et travaille à Toronto. Aucune des parties n'est établie aux États-Unis.

[16] À mon avis, les défendeurs n'ont pas démontré clairement que le tribunal de Floride est le tribunal le plus approprié pour connaître de ce litige. Le tribunal de Floride n"a pas un lien plus réel et plus important avec les parties. Deux des défendeurs, Mauran et le navire Beaugeste, ont un lien très net avec le Canada. Aucune des parties au présent litige n"est établie en Floride.

[17] En outre, il n"a pas été clairement démontré que le tribunal de Floride a un lien plus réel et plus important avec le présent litige, plus précisément le quantum des réparations effectuées sur le navire en Espagne. Les témoins-clés, c"est-à-dire ceux qui ont effectué les réparations et évalué leur coût, n"ont aucun lien, quel qu"il soit, avec la Floride. En outre, les polices d"assurance ont été conclues en Angleterre et non pas en Floride.

[18] La requête est rejetée, et les dépens suivront l"issue de la cause.

                             (Signature) "Howard I. Wetston"

                                     Juge

Vancouver (C.-B.)

Le 3 décembre 1997

Traduction certifiée conforme

François Blais, LL.L.

COUR FÉDÉRALE

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DATE DE L'AUDIENCE :          le 6 octobre 1997
NUMÉRO DU GREFFE :              T-1514-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          TIMOTHY MAXWELL-HUMM et al.
                         c.
                         SLOAN D"ORSAY MAURAN et al.
LIEU DE L"AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE M. LE JUGE WETSTON

rendue le 3 décembre 1997

ONT COMPARU :

     Me Paul Richardson          pour les demandeurs
     Me Nigel Frawley              pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

     Strathy & Richardson
     Toronto (Ontario)              pour les demandeurs
     Meighen, Demers
     Toronto (Ontario)              pour les défendeurs
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