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Date : 20040123

Dossier : IMM-1404-02

Référence : 2004 CF 105

Ottawa (Ontario), le 23 janvier 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE                               

ENTRE :

                                                   DENZIL ET MELBA D'SOUZA

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                          - et -

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale[1] (la Loi) et en vertu de l'article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés[2] d'une décision rendue par une agente des visas le 25 février 2002, par laquelle elle a rejeté la demande de statut de résident permanent présentée par les demandeurs en vertu des paragraphes 8(1) et 10(1) du Règlement sur l'immigration[3].

[2]                Le demandeur sollicite :

Une ordonnance visant à obtenir un bref de certiorari annulant la décision rendue par l'agente des visas à New York le 25 février 2002, par laquelle elle a rejeté la demande de résidence permanente au Canada présentée par les demandeurs;

Une ordonnance visant à obtenir un bref de mandamus enjoignant au défendeur d'examiner et de traiter la demande de résidence permanente au Canada présentée par les demandeurs en conformité avec la Loi sur l'immigration et le Règlement sur l'immigration de 1978, à savoir :

Que l' « expérience » et le « facteur professionnel » du demandeur (qui figurent à la colonne 1 de l'annexe 1 du Règlement sur l'immigration) qui doivent être pris en compte dans le cadre de sa demande de résidence permanente au Canada soient examinés de nouveau dans un autre bureau des visas ou par un autre agent des visas, ou les deux;


Dans l'éventualité où le défendeur aurait des doutes quant à la demande présentée par les demandeurs, le défendeur informe les demandeurs de ces doutes de manière à fournir aux demandeurs la possibilité de les dissiper;

Les dépens de la présente demande;

Toute autre mesure de réparation que la Cour estime juste et équitable dans les circonstances[4].

[3]                Selon le paragraphe 18.1 de la Loi, la Cour a compétence pour annuler et renvoyer l'affaire à un autre agent des visas.

[4]                Selon le paragraphe 350(3) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés[5], lorsqu'une demande de résidence permanente est renvoyée à un agent des visas, elle est automatiquement appréciée en vertu de la Loi sur l'immigration[6] et de la LIPR.

[5]                C'est le défendeur et non la Cour qui doit informer le demandeur des doutes qu'il peut avoir de manière à donner au demandeur la possibilité de les dissiper; c'est le défendeur qui est le mieux placé pour décider comment il doit informer le demandeur de ses doutes.


[6]                Enfin, les dépens en matière d'immigration ne sont adjugés que pour des raisons spéciales, et ce, selon l'article 22 des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protections des réfugiés[7]. En l'espèce, il n'y a aucune raison spéciale qui justifie l'adjudication de dépens.

[7]                Le défendeur demande à la Cour de rejeter la demande de contrôle judiciaire[8].

LES FAITS

[8]                Les demandeurs ont présenté leur demande de statut de résident permanent à titre de parents aidés. Le demandeur principal a demandé d'être apprécié à l'égard de la profession de spécialiste de matériel informatique/technicien en communications par ordinateur (CNP 2241.1)[9].


LA DÉCISION VISÉE PAR LA DEMANDE DE CONTRÔLE

[9]                L'agente des visas n'a accordé aucun point au demandeur principal au titre de l'expérience. Celui-ci s'est vu accorder 62 points au total[10].

LES QUESTIONS EN LITIGE

[10]            L'agente des visas a-t-elle mal appliqué les exigences quant à la profession de spécialiste de matériel informatique/technicien en communications par ordinateur?

[11]            L'agente des visas a-t-elle omis de prendre en compte l'expérience du demandeur en ne lui accordant aucun point au titre de la profession de spécialiste de matériel informatique/technicien en communications par ordinateur?

L'ANALYSE

L'agente des visas a-t-elle mal appliqué les exigences quant à la profession de spécialiste de matériel informatique/technicien en communications par ordinateur?

[12]            Le défendeur prétend qu'à la lecture des notes du STIDI, de la décision et de l'affidavit, il est évident que l'agente des visas a apprécié le demandeur à l'égard de la profession qu'il envisage d'exercer. Le défendeur prétend que l'agente des visas a déclaré dans ses notes du STIDI que le demandeur serait apprécié comme « technicien en communications par ordinateur » . Le mot technicien est mentionné plutôt que le mot technologue. Toutefois, cette mention se trouve dans les notes qui ont été prises le 7 décembre 2000[11]. Les initiales de la personne qui a rédigé les notes ainsi que la date étaient apposées au bas des notes, comme c'est le cas pour toutes les notes du STIDI[12]. Les initiales apposées à ces notes sont « L.T. » [13], alors que les initiales de l'agente des visas qui a rencontré les demandeurs et qui a pris acte de l'affidavit pour les fins de l'audience sont « S.T. » . Par conséquent, c'est un autre agent des visas qui a déterminé que le titre de l'emploi du demandeur principal était « technicien en communications par ordinateur » .


[13]            En revanche, les notes du STIDI rédigées par « S.T. » parlent d'un technologue en communications par ordinateur et non pas d'un technicien. Par exemple, à un certain endroit, l'agente des visas compare une par une les fonctions de l'emploi, telles qu'elles sont décrites dans la CNP au titre de technologue, avec l'expérience du demandeur et déclare que celui-ci n'a aucune expérience[14]. Toutefois, elle ne fait pas le même exercice avec la description des fonctions de l'emploi au titre de technicien. Compte tenu des notes du STIDI, la Cour conclut que l'agente des visas ne s'est pas penchée sur la question de savoir si le demandeur possédait de l'expérience comme technicien en communications par ordinateur.

[14]            L'affidavit n'a pas écarté cette conclusion. Premièrement, l'agente des visas déclare :

[traduction] J'ai informé le demandeur que, compte tenu de ses lettres de référence et de l'explication qu'il a donnée des fonctions qu'il avait exercées, je n'était pas convaincue qu'il avait les compétences voulues ou avait déjà travaillé comme spécialiste de matériel informatique ou comme technicien en communications par ordinateur (CNP 2241.1). Je lui ai demandé de répondre mais il ne m'a donné aucune explication valable qui aurait pu me convaincre[15].

En fait, lors de la rencontre, selon les notes du STIDI, l'agente a désigné la profession à maintes reprises comme étant celle de technologue et non celle de technicien. Le fait que l'agente des visas ne raconte pas avec précision dans son affidavit ce qui se trouve dans les notes du STIDI est considéré comme important.


[15]            De plus, l'agente des visas ne déclare nulle part dans l'affidavit qu'elle a apprécié le demandeur à la fois comme technologue et à la fois comme technicien. Au contraire, elle affirme uniquement qu'elle a tenté de savoir si le demandeur avait : [traduction] « accompli une partie importante des fonctions principales, notamment les fonctions essentielles telles qu'elles sont décrites dans la CNP[16] » . Elle affirme que le demandeur ne possédait pas [traduction] « d'expérience comme spécialiste de matériel informatique ou comme technicien ou technologue en communications par ordinateur » . Cette déclaration n'indique toutefois pas si elle considérait que « technicien ou technologue en communications par ordinateur » n'était qu'une seule et même profession portant deux noms différents ou qu'il s'agissait de deux professions différentes.

[16]            L'agente des visas affirme ce qui suit dans sa décision : [traduction] « Vous avez été apprécié en fonction des exigences de la profession de spécialiste de matériel informatique/technicien en communications par ordinateur (CNP 2241.1)[17] » . Toutefois cette déclaration ne peut être interprétée hors contexte. Le fait que, à un moment donné, l'agente des visas a correctement déterminé le titre de l'emploi du demandeur ne signifie pas qu'elle a apprécié le demandeur en fonction de ce titre.

[17]            Les notes du STIDI démontrent que l'agente des visas n'a apprécié le demandeur que comme technologue en informatique et non pas comme technicien en informatique et l'affidavit ne contredit pas cette conclusion. Par conséquent, l'agente des visas a commis une erreur en n'effectuant pas une appréciation complète. La décision devrait être annulée sur ce point.

L'agente des visas a-t-elle omis de tenir compte de la preuve quant à l'expérience du demandeur en ne lui accordant aucun point au titre de la profession de spécialiste de matériel informatique/ technicien en communications par ordinateur?

[18]            L'agente des visas semble ne pas avoir tenu compte d'éléments de preuve importants lorsqu'elle n'a accordé aucun point pour l'expérience au titre de la profession de spécialiste de matériel informatique/technicien en communications par ordinateur[18].

[19]            Dans une ère de spécialisation et de surspécialisation où les personnes s'expriment avec plus ou moins d'aisance, parfois avec l'aide d'interprètes, cherchant souvent les mots à tâtons, la précision des questions qui doivent être posées (par les agents-évaluateurs des visas, sans qu'ils ne fournissent les réponses par inadvertance de manière à discréditer l'objet de l'appréciation), est fondamentale pour le processus; ce n'est qu'alors que les réponses recherchées déterminent si les exigences du Canada quant aux compétences sont satisfaites par les personnes respectives. C'est au cours de chacune de ces rencontres et de l'appréciation ultérieure que, compte tenu des réponses données et des pièces documentaires justificatives reçues des personnes appréciées, les besoins du Canada pour l'avenir sont satisfaits (une personne qualifiée à la fois ajoutée à notre population). Il va de soi que les programmes et le système de points qui sont en vigueur ne sont fiables que dans la mesure où les personnes chargées de faire les appréciations une à une le sont. Il s'agit d'une tâche difficile, comportant de lourdes responsabilités comme l'illustre le cas en l'espèce.


CONCLUSION

[20]            L'agente des visas a commis une erreur susceptible de révision. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

                                                                ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que l'affaire soit renvoyée pour nouvelle décision.

« Michel M.J. Shore »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-1404-02

INTITULÉ :                                                    DENZIL ET MELBA D'SOUZA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 15 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :                                   LE 23 JANVIER 2004

COMPARUTIONS :                                                             

Max Chaudhary                                                 POUR LES DEMANDEURS

Allison Phillips                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                              

Chaudhary law office                                         POUR LES DEMANDEURS

North York (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1]L.R.C. 1985, ch. F-7 [la Loi].

[2]L.C. 2001, ch. 27 [LIPR].

[3]1978 (DORS/78-172).

[4]Dossier de la demande, onglet 1, Avis de demande, p. 3.

[5]DORS/2002-227, modifié par DORS/2003-383 [RIPR].

[6]L.R.C. 1985, ch. I-2.

[7]DORS/93-22.

[8]Mémoire des faits et du droit du défendeur, p. 10, paragr. 19.

[9]Dossier certifié du tribunal, lettre de l'agente des visas au demandeur, p. 3.

[10]Précité, p. 4.

[11]Dossier certifié du tribunal, notes du STIDI, p. 7.

[12]Affidavit de l'agente des visas, p. 4, paragr. 12.

[13]Dossier certifié du tribunal, notes du STIDI, p. 7.

[14]Dossier certifié du tribunal, notes du STIDI, p. 7.

[15]Affidavit de l'agente des visas, p. 6, paragr. 18.

[16]En particulier, Sidhu c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 1220 (1re inst.) (QL).

[17]Précité, p. 6 et 7, paragr. 17 et 22.

[18]Burdziak c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. no 1742 (1re inst.) (QL).

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