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Date : 19980821


Dossier : T-110-97

Action réelle contre le navire "Canmar Victory" et action personnelle contre Canada Maritime Ltd., Dan Transport Corporation, Dan Transport A/S et Circle International Inc.

ENTRE :      CATERPILLAR OVERSEAS S.A.

     - et -

     ENMACO A/S

     - et -

     ENMACO MOTORER A/S,

         demanderesses,

ET :      LE NAVIRE " CANMAR VICTORY "

     - et -

     CANADA MARITIME LTD.,

     - et -

     DAN TRANSPORT CORPORATION A/A

     - et -

     CIRCLE INTERNATIONAL INC.,

         défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE et ORDONNANCE

LE JUGE DENAULT

[1]      Il s'agit d'une demande déposée par une tierce partie, la Industrial Crating, Inc., sollicitant une ordonnance rejetant l'avis de mise en cause déposé par l'une des défenderesses à l'action principale, la Dan Transport Corporation.

[2]      Les demanderesses, y compris la Catarpillar Overseas S.A., prétendent avoir demandé à la défenderesse, la Dan Transport Corporation, entre autres, de transporter, en vertu d'un connaissement, de Chicago (Illinois) à Aarhus (Danemark), des pièces détachées de moteurs diesels de marque Caterpillar, dans un conteneur devant être chargé à bord du navire " Canmar Victory " dans le port de Montréal. Dans la déclaration modifiée des actions réelle et personnelle contre, entre autres, la Dan Transport Corporation dont les bureaux sont situés à Elk Grove (Illinois, États-Unis), les demanderesses font valoir, et notamment aux alinéas 7 et 10, que la perte de la cargaison [traduction] " est directement due au manque de diligence de la défenderesse dans le chargement, l'arrimage, la manutention, le transport... et la livraison en bon état de la cargaison des sociétés demanderesses, et/ou... au niveau de la fourniture, pour le transport de la cargaison des demanderesses, de conteneurs sûrs et en bon état... " (alinéa 7) et, de la part de la défenderesse, [traduction] " au manque de diligence avant et après le début du dit voyage afin de s'assurer que le navire et/ou les conteneurs fournis dans le cadre du contrat de transport étaient en bon état et aptes au transport, dans de bonnes conditions, de la cargaison des demanderesses jusqu'à sa destination... " (alinéa 10).

[3]      Après s'être vu signifier la déclaration modifiée, la défenderesse, Dan Transport Corporation, fit déposer et signifier à la demanderesse, un avis à tierce partie dans lequel elle prétend, en tant que partie ayant émis le connaissement, avoir droit à une indemnisation intégrale au motif que, si elle est responsable envers les demanderesses [traduction] " cette responsabilité découle du non-respect des obligations que vous aviez de charger et d'arrimer correctement la cargaison dans le conteneur au port d'expédition ".

[4]      Industrial Crating Inc., une société de droit américain, soulève l'incompétence de la Cour, faisant valoir que la prestation des services qu'elle, société américaine, a rendus au niveau de l'emballage de la cargaison dans le conteneur, a eu lieu dans l'État de l'Illinois et qu'il n'y a aucun lien entre les services qu'elle a fournis ou la faute ou non-respect d'une obligation qui pourrait éventuellement lui être reprochée, et la compétence de la Cour.

[5]      En bref, la demanderesse fait valoir, d'abord, que la compétence de la Cour dans une action intentée contre une tierce partie doit être appréciée en propre et que la compétence à l'égard de l'action principale ne donne aucunement compétence à la Cour pour trancher les litiges survenant entre une tierce partie et l'une des défenderesses à l'action principale. L'avocat de la demanderesse ayant reconnu à l'audience que la Cour avait bien une compétence ratione materiae, la question ne se pose guère vu le paragraphe 22(1) et les alinéas 22(2)h) et i) de la Loi sur la Cour fédérale.

[6]      La demanderesse fait valoir ensuite que la Cour fédérale du Canada n'ayant aucune compétence personnelle à l'égard de la tierce partie, une société de droit américain, qu'il n'y a aucun rattachement juridique entre la demanderesse et la compétence territoriale de la Cour. Dans l'affidavit de son directeur général, la société demanderesse précise que la cargaison a été emballée dans un conteneur à Itasca (Illinois) dans ses locaux, que la prestation a été rémunérée dans cet État, que la société ne fait pas affaires au Canada et qu'elle n'a assuré aucune prestation au Canada, au niveau de la cargaison ou autrement, et qu'elle n'a commis, au Canada, aucune faute ou rupture de contrat.

[7]      Dans le jugement rendu dans l'affaire Nokia Ab c. Le navire Martha et autres (1973) C.F. 394 (C.F. 1re inst.) confirmé en appel (1974) C.F. 410 (C.A.F.), le juge Collier avait affirmé que, selon " un principe fondamental à suivre quand on doit trancher la question de la compétence du tribunal relativement à des étrangers : il faut qu'il existe un lien juridique entre les défendeurs étrangers1 et la juridiction territoriale de la Cour. Ce lien doit provenir d'une action, d'une ligne de conduite, ou d'un accord signé par le défendeur étranger qui soit ou qui puisse être rattaché in personam au ressort du tribunal ".

[8]      En l'espèce, la défenderesse Dan Transport Corporation a, par l'intermédiaire de son vice-président Arne Norsk, déposé des éléments de preuve qui tendent à démontrer que la Industrial Crating Inc. a été engagée pour assurer un service précis, en l'occurrence le calage et l'arrimage de l'équipement Caterpillar dans des conteneurs devant être expédiés en Scandinavie par voie maritime, que le travail effectué a bien permis d'assurer le calage correct de la cargaison à l'intérieur d'un conteneur maritime qui devait traverser l'océan. L'auteur de l'affidavit a également versé au dossier des preuves démontrant que la tierce partie était même au courant du trajet que la cargaison devait effectuer entre Chicago et Montréal avant d'être acheminée dans un pays scandinave, en l'occurrence le Danemark.

[9]      Pour la Cour, l'existence d'un rattachement juridique entre la tierce partie, Industrial Crating Inc. et la compétence territoriale de la Cour a été établie.

[10]      J'estime, enfin, que Industrial Crating Inc., en tant que tierce partie, n'a pas démontré, comme il lui incombait de le faire, l'existence d'une autre juridiction nettement plus compétente que la Cour pour instruire cette action (voir Sarafi c. (L') " Iran AFZAL " (1996) 2 C.F. 954).

[11]      Pour l'ensemble de ces motifs, la requête est rejetée avec dépens.


" PIERRE DENAULT "


J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Christiane Delon, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :      T-110-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      CATERPILLAR OVERSEAS S.A. ET AUTRES c. LE NAVIRE " CANMAR VICTORY " ET AUTRES

LIEU DE L'AUDIENCE :      MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :      Le 10 août 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DU JUGE DENAULT

DATE :      le 21 août 1998

ONT COMPARU :     

Me MIREILLE TABIT      POUR LES DEMANDERESSES

Me DAVID COLFORD      POUR LES DÉFENDEURS

Me CAROLINE JACQUES      POUR LA TIERCE PARTIE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

STIKEMAN, ELLIOTT (MONTRÉAL)      POUR LES DEMANDERESSES

BRISSET BISHOP (MONTRÉAL)      POUR LES DÉFENDEURS

SPROULE, CASTONGUAY, POLLACK

(MONTRÉAL)      POUR LA TIERCE PARTIE

__________________

1      Peu importe qu'il s'agisse d'un défendeur à l'action principale ou d'un défendeur dans le cadre d'une procédure de mise en cause.

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