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Date : 20050121

 

Dossier : IMM‑1055‑03

 

Référence : 2005 CF 98

 

Ottawa (Ontario), le 21 janvier 2005

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O’KEEFE

 

ENTRE :

 

                                                      ATTILA JOZSEF MOLNAR

 

                                                                                                                                          demandeur

 

                                                                          - et -

 

 

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                                                                           défendeur

 

 

                                MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

LE JUGE O’KEEFE

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) en date du 10 janvier 2003, portant que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention.

 

[2]               Le demandeur a demandé à la Cour de rendre une ordonnance annulant la décision de la Commission et renvoyant l’affaire pour qu’elle fasse l’objet d’une nouvelle décision.

 

Le contexte

 

[3]               Le demandeur, Attila Jozsef Molnar, est un citoyen de la Hongrie qui prétend craindre avec raison d’être persécuté du fait de son appartenance à un groupe social : les homosexuels.

 

[4]               Dans l’exposé circonstancié de son Formulaire de renseignements personnels (FRP), le demandeur a décrit quatre incidents qui ont mené à son départ de la Hongrie. D’abord, en 1996, lui et son partenaire ont été expulsés d’un restaurant et se sont fait dire que les homosexuels n’étaient pas les bienvenus. En octobre 1996, ils ont été insultés et frappés par plusieurs hommes, qui ont pris la fuite à l’approche de la police. Celle‑ci n’a montré aucun intérêt pour l’attaque homophobe dont le demandeur et son partenaire venaient d’être victimes, ni même aucune sympathie à leur endroit, et leur a dit qu’ils devaient se compter chanceux. En octobre 1998, le demandeur a été congédié lorsque son patron a appris qu’il était homosexuel. Finalement, en juin 1999, le demandeur a été violé brutalement par quatre hommes lors de la fête d’anniversaire d’une personne qui disait être son ami.

 

[5]               Le demandeur a quitté la Hongrie le 11 janvier 2000 et est arrivé au Canada le lendemain.


 

[6]               La demande d’asile du demandeur a été entendue par un tribunal composé de deux membres de la Commission, MM. Lampert et Chapley, le 8 novembre 2001 et le 27 février 2002.

 

Les motifs de la Commission

 

[7]               La décision défavorable de la Commission, datée du 10 janvier 2003, a été rendue par un seul membre, M. Chapley ayant cessé d’exercer sa charge le 25 juin 2002. Le président n’a pas demandé à M. Chapley de participer à la décision dans un délai de huit semaines après la fin de son mandat. La Commission a indiqué que la décision de l’autre membre, M. D. Lampert, était réputée constituer sa décision, conformément au paragraphe 63(2) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑2.

 

[8]               La Commission a reconnu que le demandeur était homosexuel et n’a pas mis en doute son récit des quatre incidents qui l’ont amené à quitter la Hongrie. Elle a toutefois statué que la demande du demandeur n’avait pas de fondement objectif puisqu’il n’existait aucune possibilité sérieuse qu’il soit persécuté s’il devait retourner en Hongrie.

 


[9]               La Commission a examiné la preuve documentaire concernant la situation des homosexuels en Hongrie. Elle a fait remarquer que les homosexuels ont de plus en plus droit aux mêmes garanties juridiques que les autres citoyens et que la violence de la rue contre les homosexuels « n’est pas un problème important ou répandu ». Elle a tenu compte de la preuve documentaire allant dans le sens contraire ainsi que des agressions relatées, mais a considéré que, si la violence contre les homosexuels était grave et répandue, le rapport sur les droits de la personne du Département d’État des États‑Unis, les rapports d’Amnistie Internationale ou le Human Rights Watch World Report en auraient parlé. Comme aucun de ces trois rapports ne faisait état d’une violence exercée contre les homosexuels, la Commission a conclu que cette violence n’était pas un problème grave et répandu en Hongrie.

 

[10]           La Commission a aussi examiné la preuve selon laquelle les lois discriminatoires changeaient lentement en Hongrie, même si les couples de même sexe ne pouvaient toujours pas adopter un enfant. Selon la Commission, les différentiations fondées sur l’orientation sexuelle qu’elle avait relevées n’étaient pas suffisamment graves pour constituer de la persécution.

 

[11]           La Commission a également constaté que différents organismes sociaux, dont bon nombre étaient subventionnés par l’État, offraient de l’aide ou des recours aux homosexuels victimes de discrimination. L’existence de ces organismes, ajoutée à des cas précis d’homosexuels dont les droits avaient été mieux protégés, a amené la Commission à conclure (à la page 8 de sa décision) :

Le tribunal estime qu’il existe une possibilité sérieuse de discrimination reliée à l’homosexualité du demandeur. Cependant, pour les raisons qui précèdent, il estime qu’il n’existe pas de possibilité sérieuse de persécution pour un motif de la Convention, si le demandeur retourne en Hongrie.

 

 

 

[12]           C’est la décision de la Commission qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

Les prétentions du demandeur

 

[13]           En premier lieu, le demandeur prétendait qu’il était contraire aux règles de justice naturelle et à la loi que M. Lampert statue seul sur sa demande. Selon lui, la déclaration de la Commission selon laquelle M. Chapley avait cessé d’exercer sa charge n’était pas une explication satisfaisante de sa non‑participation à la décision et ne constituait pas un « empêchement » au sens du paragraphe 63(2) de la Loi sur l’immigration, précitée.

 

[14]           Le demandeur soutenait qu’il était inéquitable qu’une décision n’ait pas été rendue sur sa demande pendant la période de quatre mois qui s’était écoulée entre son audience et la fin du mandat de M. Chapley. Il soutenait également que le président de la Commission aurait dû, par souci d’équité, demander à M. Chapley de participer à la décision dans un délai de huit semaines après la fin de son mandat, comme la loi le permettait. Le demandeur ajoutait que, en plus de subir un préjudice du fait du retard, il n’avait pas pu bénéficier, le cas échéant, de la disposition de la Loi sur l’immigration, précitée, selon laquelle une décision partagée est réputée être une décision en faveur du demandeur.

 

[15]           En outre, le demandeur prétendait que l’obligation d’agir équitablement exigeait de la Commission qu’elle permette au conseil du demandeur de présenter des observations écrites sur ces questions avant de rendre sa décision.

 

[16]           Le demandeur soutenait qu’en ne rendant sa décision que près d’un an après l’audition de sa demande la Commission avait manqué à l’obligation que lui imposait le paragraphe 69.1(9) de la Loi sur l’immigration, précitée, de rendre ses décisions « le plus tôt possible ». Il ajoutait que le retard avait nui à l’examen de sa demande puisque la Commission avait oublié les conséquences psychologiques du viol et des autres actes dont il avait été victime ‑ un élément important ‑ à cause du délai trop long.

 

[17]           Le demandeur prétendait que l’examen fait par la Commission de la question de savoir s’il avait été persécuté ou simplement victime de discrimination était incomplet et entaché d’erreurs parce que la Commission n’avait pas tenu compte de ses expériences personnelles et n’avait pas appliqué le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié (Genève, janvier 1988).

 


[18]           Le demandeur soutenait que la Commission avait commis une erreur en repoussant du revers de la main et en rejetant des éléments de preuve documentaire crédibles et dignes de foi concernant la violence exercée contre les homosexuels en Hongrie. Pour cette raison, et également parce que la Commission n’a pas tenu compte des autres preuves de violations des droits fondamentaux des homosexuels en Hongrie, sa décision ne peut être maintenue.

 

[19]           Le demandeur a souligné que l’on ne trouve pas de transcription de l’audience du 8 novembre 2001 dans le dossier certifié du tribunal et que cela lui a causé un préjudice.

 

[20]           Le demandeur a finalement demandé que les dépens de la présente demande lui soient accordés.

 

Les prétentions du défendeur

 

[21]           Le défendeur soutenait que M. Lampert pouvait rendre seul la décision de la Commission, conformément au paragraphe 63(2) de la Loi sur l’immigration, précitée. Il soutenait également qu’en déclarant que M. Chapley avait cessé ses fonctions et que le président ne lui avait pas demandé de participer à la décision, la Commission avait respecté son obligation de fournir une explication lorsque la décision est rendue par un seul membre dans de telles circonstances.

 

[22]           Le défendeur affirmait que la Commission n’avait pas agi de manière arbitraire ou déraisonnable en concluant que le demandeur pouvait être victime de discrimination, mais qu’il n’existait pas de possibilité sérieuse qu’il soit persécuté s’il retournait en Hongrie.

 

[23]           Le défendeur faisait valoir que la Commission avait conclu que la situation des homosexuels s’était améliorée en Hongrie, une conclusion de fait qui ne devrait être annulée que si elle n’est pas étayée par la preuve. Or, comme la décision de la Commission était fondée sur une preuve documentaire abondante, rien ne justifie l’intervention de la Cour.

 

[24]           Le défendeur a souligné que le demandeur n’avait pas suffisamment cherché à obtenir la protection de l’État en Hongrie et n’avait pas produit une preuve claire et convaincante démontrant qu’il ne pourrait pas obtenir cette protection s’il devait retourner en Hongrie.

 

[25]           Le défendeur niait que la Commission n’avait pas tenu compte de la preuve documentaire dont elle disposait. Il a rappelé qu’il appartient clairement à la Commission de déterminer le poids à attribuer aux différents éléments de preuve et que la décision qu’elle rend à cet égard doit faire l’objet d’une grande retenue.

 

[26]           Subsidiairement, le défendeur soutenait que, si la Commission avait omis de faire mention de certains éléments de preuve dans sa décision, la transcription indiquait que le demandeur avait été interrogé de façon approfondie et que l’ensemble de la preuve produite étayait les conclusions de la Commission. Selon lui, il ne servirait à rien de renvoyer l’affaire à la Commission pour qu’elle rende une nouvelle décision puisque le résultat serait le même au bout du compte.

 

[27]           Le défendeur demandait que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

Les questions en litige

 

[28]           Les questions en litige en l’espèce sont les suivantes :

1.         La décision relative à la demande du demandeur pouvait‑elle être rendue par un seul membre de la Commission?

2.         La Commission a‑t‑elle manqué à son obligation d’agir équitablement à l’égard du demandeur dans les circonstances?

3.         La Commission a‑t‑elle rendu sa décision sans tenir compte de la preuve dont elle disposait?

4.         Le demandeur a‑t‑il donné d’autres raisons justifiant l’intervention de la Cour?

 

Les dispositions légales pertinentes

 

[29]           Lorsque la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), est entrée en vigueur le 28 juin 2002, l’audience du demandeur devant la Commission avait eu lieu, mais aucune décision n’avait encore été rendue. L’article 191 de la LIPR prévoit que, dans un tel cas, c’est l’ancienne Loi sur l’immigration, précitée, qui s’applique à la demande d’asile :

 


 

191. Les demandes et procédures présentées ou introduites, à l’entrée en vigueur du présent article, devant la Section du statut de réfugié sont, dès lors que des éléments de preuve de fond ont été présentés, mais pour lesquelles aucune décision n’a été prise, continuées sous le régime de l’ancienne loi, par la Section de la protection des réfugiés de la Commission.

 

191. Every application, proceeding or matter before the Convention Refugee Determination Division under the former Act that is pending or in progress immediately before the coming into force of this section, in respect of which substantive evidence has been adduced but no decision has been made, shall be continued under the former Act by the Refugee Protection Division of the Board.

 

 

[30]           Les dispositions suivantes de la Loi sur l’immigration, précitée, sont pertinentes :

 

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

[...]

 

2. (1) In this Act,

 

 

. . .

 

« réfugié au sens de la Convention » Toute personne :

 

"Convention refugee" means any person who

 

a) qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

(a) by reason of a well‑founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

[...]

 

(i) is outside the country of the person’s nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

 

. . .

 

63. (1) Le membre de la section du statut, de la section d’appel ou de la section d’arbitrage qui a cessé d’exercer sa charge par suite de démission ou pour tout autre motif peut, à la demande du président et dans un délai de huit semaines après la cessation de ses fonctions, participer aux décisions à rendre sur les affaires qu’il avait préalablement entendues. Il conserve à cette fin sa qualité de membre.

 

63. (1) Any person who has resigned or otherwise ceased to hold office as a member of the Refugee Division, Adjudication Division or Appeal Division may, at the request of the Chairperson, at any time within eight weeks after that event, make, or take part in, the disposition of any matter previously heard by that person and, for that purpose, the person shall be deemed to be such a member.

 

(2) En cas de décès ou d’empêchement du membre visé au paragraphe (1), ou de tout autre membre y ayant participé, les autres membres qui ont également entendu l’affaire peuvent rendre la décision, et sont, à cette fin, réputés constituer la section d’appel ou du statut, selon le cas.

 

(2) Where a person to whom subsection (1) applies or any other member by whom a matter has been heard is unable to take part in the disposition thereof or has died, the remaining members, if any, who heard the matter may make the disposition and, for that purpose, shall be deemed to constitute the Refugee Division or the Appeal Division, as the case may be.

 

69.1(7) Le quorum de la section du statut lors d’une audience tenue dans le cadre du présent article est constitué de deux membres.

 

[...]

 

69.1 (7) Subject to subsection (8), two members constitute a quorum of the Refugee Division for the purposes of a hearing under this section.

 

. . .

 

(8) Si l’intéressé y consent, son cas peut être jugé par un seul membre de la section du statut; le cas échéant, les dispositions de la présente partie relatives à la section s’appliquent à ce membre et la décision de celui‑ci vaut décision de la section.

 

(8) One member of the Refugee Division may hear and determine a claim under this section if the person making the claim consents thereto, and the provisions of this Part apply in respect of a member so acting as they apply in respect of the Refugee Division, and the disposition of the claim by the member shall be deemed to be the disposition of the Refugee Division.

 

(9) La section du statut rend sa décision sur la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention le plus tôt possible après l’audience et la notifie à l’intéressé et au ministre par écrit.

 

(9) The Refugee Division shall determine whether or not the person referred to in subsection (1) is a Convention refugee and shall render its decision as soon as possible after completion of the hearing and send a written notice of the decision to the person and to the Minister.

 


Analyse et décision

 

[31]           Question no 1

La décision relative à la demande du demandeur pouvait‑elle être rendue par un seul membre de la Commission?

Je suis arrivé à la conclusion que la décision relative à la demande d’asile du demandeur pouvait être rendue par un seul membre de la Commission. Deux membres de la Commission ont entendu cette demande, mais un seul a pris part à la décision. La Commission a écrit notamment ce qui suit au début de sa décision, à la page 1 :

[...] L’audience a eu lieu en ma présence et celle de mon collègue, David Chapley. M. Chapley n’est plus commissaire à la Section de la protection des réfugiés depuis le 25 juin 2002. En vertu des articles 187 et 191 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui est entrée en vigueur le 28 juin 2002, cette question relève de la Section de la protection des réfugiés, conformément aux dispositions de l’ancienne Loi sur l’immigration. M. Chapley ne peut prendre part à la décision en l’espèce, puisqu’il a cessé ses fonctions de commissaire et que le président n’a pas demandé à M. Chapley d’agir en ce sens au cours des huit semaines suivant la cessation de ses fonctions en tant que commissaire. Par conséquent, en vertu du paragraphe 63(2) de la Loi sur l’immigration, ma décision relativement à cette question est celle de la Commission.

 

 

 

[32]           Sous le régime de l’ancienne Loi sur l’immigration, précitée, la demande du demandeur devait être entendue par un tribunal formé de deux membres de la Commission, sauf si le demandeur consentait à ce que son cas soit jugé par un seul membre ou si les paragraphes 63(1) et 63(2) s’appliquaient. Par souci de commodité, je reproduis ces dispositions ci‑dessous :

 


 

63. (1) Le membre de la section du statut, de la section d’appel ou de la section d’arbitrage qui a cessé d’exercer sa charge par suite de démission ou pour tout autre motif peut, à la demande du président et dans un délai de huit semaines après la cessation de ses fonctions, participer aux décisions à rendre sur les affaires qu’il avait préalablement entendues. Il conserve à cette fin sa qualité de membre.

 

63. (1) Any person who has resigned or otherwise ceased to hold office as a member of the Refugee Division, Adjudication Division or Appeal Division may, at the request of the Chairperson, at any time within eight weeks after that event, make, or take part in, the disposition of any matter previously heard by that person and, for that purpose, the person shall be deemed to be such a member.

 

(2) En cas de décès ou d’empêchement du membre visé au paragraphe (1), ou de tout autre membre y ayant participé, les autres membres qui ont également entendu l’affaire peuvent rendre la décision, et sont, à cette fin, réputés constituer la section d’appel ou du statut, selon le cas.

 

(2) Where a person to whom subsection (1) applies or any other member by whom a matter has been heard is unable to take part in the disposition thereof or has died, the remaining members, if any, who heard the matter may make the disposition and, for that purpose, shall be deemed to constitute the Refugee Division or the Appeal Division, as the case may be.

 

[33]           Dans Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 3 C.F. 127 (C.A.), le juge Stone a écrit ce qui suit aux paragraphes 7, 8, 11, 12, 13, 14, 17, 18 et 19 :

7. La Cour fédérale a déjà décidé que « la seule mention du paragraphe 63(2) », sans plus « ne suffit pas pour que celui‑ci s’applique » : Mehael c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] F.C.J. no 838 (1re inst.) (QL), au paragraphe 9. Comme le juge Noël l’a mentionné dans cette affaire, au paragraphe 10, cette façon de procéder ne lui permettait pas « de déterminer si le membre en cause avait cessé d’exercer sa charge, était décédé ou était tout simplement retenu ailleurs lorsque les motifs ont été prononcés ».

 

 

8. Dans l’arrêt Odameh c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1995), 185 N.R. 9 (C.A.), la Cour devait décider si une explication du membre restant selon laquelle le membre qui avait quitté la formation avait « cessé d’exercer sa charge » respectait le principe de l’arrêt Weerasinge aux fins de l’application du paragraphe 63(2). Le juge MacGuigan, J.C.A., qui a tranché l’appel au nom de la Cour, s’est exprimé de la manière suivante à la page 10 :

 

 

Il convient de souligner que, dans l’affaire Weerasinge, comme le juge McKeown l’a mentionné dans l’arrêt Soukhaniouk et al. c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1994), 85 F.T.R. 55 (1re inst.), aucune déclaration n’a été versée au dossier au sujet de la question de savoir pourquoi la revendication avait été tranchée par un seul membre. Le juge McKeown a distingué cette affaire du cas dont il était saisi (p. 58) :


 

En l’espèce, le membre a clairement donné la raison pour laquelle la revendication a été tranchée par un seul membre, savoir que le second membre avait quitté la Commission au moment de la prise de décision. En conséquence, j’estime que les motifs de la décision révèlent la raison pour laquelle le paragraphe 63(2) entre régulièrement en jeu.

 

 

À notre avis, la situation en l’espèce est identique à celle de l’arrêt Soukhaniouk et devrait être tranchée de la même façon.

 

 

Même s’il est souhaitable que des explications soient fournies par le membre de la Commission qui reste en fonction, nous ne croyons pas que ce soit absolument nécessaire. Si ce membre invoque le paragraphe 63(2) en indiquant que l’autre membre a cessé d’exercer sa charge, cette indication signifie que le président n’a pas demandé à celui‑ci de participer à la décision dans les huit semaines de son départ et qu’il n’a effectivement pas participé à la décision, que ce soit à ce moment ou avant. À notre avis, il s’agit d’une déclaration suffisamment détaillée des circonstances pertinentes qui est conforme à la règle énoncée dans l’arrêt Weerasinge.

 

 

[...]

 

 

11. Compte tenu de ces opinions contradictoires, il paraît souhaitable de proposer certains éclaircissements au sujet de l’interprétation du paragraphe 63(2) et de l’application du principe énoncé dans l’arrêt Weerasinge dans le contexte du présent appel. Au même moment, je dois répondre à la question particulière que Mme le juge Reed a certifiée, c’est‑à‑dire que mon analyse doit porter sur les raisons pour lesquelles elle a accueilli la demande de contrôle judiciaire et permettre de trancher l’appel. Voir Malouf c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 190 N.R. 230 (C.A.F.) et Liyanagamage c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1994), 176 N.R. 4 (C.A.F.).

 

 

12. À mon sens, l’article 63 vise à permettre à la Commission de conserver sa compétence au sujet d’une demande de statut en cas d’empêchement de l’un des membres de la Commission qui ont entendu l’affaire de participer à la décision. Cette disposition a pour but de libérer la Commission de l’obligation de rouvrir l’enquête et de tenir une nouvelle audience lorsque l’un des membres de la formation qui ont entendu l’affaire a cessé d’exercer sa charge, notamment par suite de démission, ou en cas de décès ou d’empêchement de ce membre qui le rend incapable de participer à la décision finale.

 

 

13. Le paragraphe 63(1) confère au président le pouvoir de demander à un membre de la Commission « qui a cessé d’exercer sa charge par suite de démission ou pour tout autre motif » de participer à la décision relative à une affaire précédemment entendue dans les huit semaines suivant la cessation des fonctions du membre. En l’absence de demande de cette nature, le membre qui a quitté la Commission ne pourrait nullement prendre part à la décision. Je souligne que le paragraphe 63(1) n’oblige pas cette personne à participer à la décision relative à une affaire qu’il a déjà entendue. Il lui permet simplement de le faire.

 

 


14. Par ailleurs, le paragraphe 63(2) décrit les circonstances dans lesquelles un membre de la Commission peut trancher seul une affaire précédemment entendue par une formation de deux membres. Il semble couvrir quatre cas distincts dans lesquels une décision de cette nature peut être rendue et s’applique d’abord, en cas « d’empêchement du membre visé au paragraphe (1) »; deuxièmement, en cas « d’empêchement ... de tout autre membre ... ayant participé [à l’audience] » troisièmement, en cas de « décès ... du membre visé au paragraphe (1) » et quatrièmement, en cas de « décès ... de tout autre membre ... ayant participé [à l’audience] ».

 

 

[...]

 

 

17. Le paragraphe 63(2) a pour effet de reconnaître qu’au cours du délai supplémentaire de huit semaines, le membre de la Commission ne sera peut‑être pas en mesure de participer à la décision se rapportant à l’affaire entendue. À mon avis, le simple fait que la personne n’a pas participé à la décision relative à l’affaire après l’expiration de ce délai indique qu’elle était « empêchée » de le faire. Le membre en question aura donc perdu la compétence nécessaire. Il peut y avoir plusieurs raisons, selon les circonstances de chaque cas, pour lesquelles la décision n’a pas été rendue par les deux membres au cours du délai supplémentaire; toutefois, il s’agit là d’une question différente. La Loi en soi n’exige pas en toutes lettres que des explications soient fournies. Toutefois, d’après les décisions susmentionnées de la Cour, le membre qui tranche finalement l’affaire au nom de la Commission en signant seul la décision doit fournir une explication satisfaisante. Quelle que soit l’explication, elle doit manifestement être visée par l’article 63.

 

 

18. C’est dans ce contexte que le principe de l’arrêt Weerasinge prend toute son importance. Comme l’a dit le juge Mahoney, J.C.A., pour « garantir que justice paraisse avoir été rendue », l’autre membre de la Commission doit verser au dossier une « déclaration détaillée des circonstances pertinentes » donnant lieu à l’application du paragraphe 63(2). Cette déclaration vise à informer les demandeurs de statut de la raison pour laquelle ils ont perdu l’avantage que leur garantit le paragraphe 69.1(10). Mme le juge Reed a conclu que cette exigence n’avait pas été respectée en l’espèce. Il importe maintenant d’examiner cette question.

 

 

19. L’avocat de l’intimé soutient que les circonstances de la présente affaire ne peuvent se comparer à un cas où un membre de la Commission perd simplement compétence pour rendre une décision parce qu’il cesse d’exercer sa charge et où une déclaration en ce sens est consignée dans la décision. Saisie de cette situation dans l’arrêt Odameh, précité, la Cour d’appel fédérale a décidé qu’une simple déclaration dans la décision de la Commission selon laquelle le membre visé avait cessé d’exercer sa charge constitue une explication suffisante pour que puisse être invoqué le paragraphe 63(2). L’avocat fait valoir que l’obligation de verser au dossier une déclaration détaillée des circonstances pertinentes est particulièrement importante lorsqu’une décision n’est pas rendue dans le délai supplémentaire prévu au paragraphe 63(1).

 

 

 

[34]           L’arrêt Odameh, précité, et la décision Soukhaniouk, précitée, affirment que la déclaration de la Commission selon laquelle un membre ne peut prendre part à la décision parce que son mandat est expiré est suffisante pour satisfaire à la norme établie dans l’arrêt Weerasinge, précité. Bien qu’elle puisse être souhaitable, une explication plus détaillée n’est pas requise par la loi.


 

[35]           Le demandeur soutenait également que, comme M. Chapley avait eu quatre mois entre l’audition de la demande et la fin de son mandat pour rendre sa décision, rien ne l’avait [traduction] « réellement » empêché de prendre part à la décision au sens du paragraphe 63(2) de la Loi sur l’immigration, précitée. Je ne suis pas d’accord avec lui parce que le paragraphe 63(2) ne s’applique qu’au délai supplémentaire de huit semaines. Le fait de ne pas avoir rendu de décision dans les quatre mois qui se sont écoulés entre l’audience et l’expiration du mandat du membre est une question tout à fait différente.

 

[36]           Question no 2

La Commission a‑t‑elle manqué à son obligation d’agir équitablement à l’égard du demandeur dans les circonstances?

Le demandeur soutenait que les actes suivants de la Commission sont contraires aux règles de justice naturelle et invalident sa décision :

[TRADUCTION]

i)              le président de la Commission n’a pas demandé à M. Chapley de prendre part à la décision relative à la demande du demandeur conformément au paragraphe 63(1);

 

 

ii)             la Commission n’a pas demandé au demandeur de présenter des observations écrites sur la question de savoir si M. Lampert pouvait rendre seul la décision;

 

 

iii)            le délai entre l’audience et la décision était inéquitable, préjudiciable et contraire aux obligations imposées à la Commission par la loi;

 

 

iv)            le dossier certifié du tribunal ne renferme pas de transcription de la première journée d’audience (le 8 novembre 2001).

 


 

Il est bien admis en droit que la Commission doit se conformer à un degré strict d’équité procédurale à l’égard des demandeurs d’asile. J’examinerai maintenant chacune des prétentions.

 

[37]           i)          Le président de la Commission n’a pas demandé à M. Chapley de prendre part à la décision relative à la demande du demandeur conformément au paragraphe 63(1)

 

Le demandeur soutenait que le président de la Commission aurait dû appliquer le paragraphe 63(1) et demander à M. Chapley de prendre part à la décision dans les huit semaines suivant la fin de son mandat. Je ne peux être de cet avis, le paragraphe 63(2) étant facultatif et non impératif. Le fait qu’un seul membre statue sur un cas n’est pas inéquitable en soi. Le juge Richard (maintenant juge en chef de la Cour d’appel fédérale) a indiqué dans Sereguine c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 108 F.T.R. 133, [1996] A.C.F. no 305 (QL), aux paragraphes 20 à 23 :

Les membres de la Commission sont nommés par décret pour un mandat maximal de sept ans, après quoi ils cessent d’exercer leur charge. Le Parlement a conféré au président le pouvoir discrétionnaire de leur demander, à quelque moment que ce soit, dans les huit semaines suivant la cessation de leurs fonctions qu’ils participent à la décision des affaires qu’ils ont préalablement entendues. La Loi indique clairement qu’en pareil cas le membre conserve sa qualité de membre. De toute évidence, en l’absence d’une telle demande, la qualité de membre ne lui est pas assurée et il est donc dans l’impossibilité d’exercer les fonctions de sa charge.

 

 

Le mot « empêchement » signifie l’incapacité d’exercer les fonctions de sa charge, y compris de participer aux décisions. Les deux arrêts de la Cour d’appel ayant trait à l’article 63 ne font aucune distinction entre les décisions qui sont prises à l’intérieur ou à l’extérieur de ces huit semaines.

 

 

Le juge en chef adjoint s’est penché sur cette question et a conclu que la participation à la décision d’une affaire préalablement entendue dans les huit semaines de la cessation des fonctions d’un membre est tout à fait discrétionnaire.

 

 

L’intention du législateur, qui ressort de la lecture de l’article 63 dans sa totalité, doit être respectée. Le législateur a conféré un pouvoir discrétionnaire au président en utilisant le mot « peut » au paragraphe 63(1). Si le président décide de ne pas exercer ce pouvoir discrétionnaire, alors le membre sortant est dans l’impossibilité de participer à la décision.

 


 

Le président n’avait pas l’obligation de demander à M. Chapley de prendre part à la décision. Les règles de justice naturelle n’ont pas été violées à cet égard.

 

[38]           ii)         La Commission n’a pas demandé au demandeur de présenter des observations écrites sur la question de savoir si M. Lampert pouvait rendre seul la décision

 

Selon le demandeur, le président aurait dû, dès qu’il est devenu évident que le mandat de M. Chapley allait prendre fin avant qu’une décision soit rendue relativement à sa demande, inviter son conseil à présenter des observations sur la façon de procéder. Je ne partage pas cet avis. Le paragraphe 63(2) de la Loi sur l’immigration, précitée, conférait au président le pouvoir de demander ou non à M. Chapley de prendre part à la décision dans les huit semaines suivant l’expiration de son mandat. C’était au président qu’il appartenait de prendre cette décision. Il n’y a eu aucun manquement à l’obligation d’agir équitablement.

 

[39]           iii)         Le délai entre l’audience et la décision était inéquitable, préjudiciable et contraire aux obligations imposées à la Commission par la loi

 

L’audience a pris fin le 27 février 2002. La décision de la Commission est datée du 10 janvier 2003. Le demandeur prétendait que ce délai de près de 11 mois constituait un manquement à l’obligation imposée à la Commission par le paragraphe 69.1(9) de la Loi sur l’immigration, précitée, de « rend[re] sa décision [...] le plus tôt possible après l’audience ». Il prétendait également que le délai avait nui à l’examen de sa demande puisque son témoignage n’avait plus le même impact après un aussi long délai.

 

[40]           L’expression « le plus tôt possible » ne fixe pas un délai particulier dans lequel la Commission doit rendre ses décisions. Il ne fait aucun doute que les retards de la Commission à rendre ses décisions peuvent irriter certains demandeurs d’asile. Je ne dispose d’aucune preuve indiquant que la Commission n’a pas rendu sa décision « le plus tôt possible » après l’audience. En fait, le délai de près de 11 mois peut être attribuable à la charge de travail de la Commission. De plus, rien ne permet de croire que la Commission avait oublié l’impact du témoignage. Je suis d’avis que les règles de justice naturelle ont été respectées à cet égard.

 

[41]           iv)        Le dossier certifié du tribunal ne renferme pas de transcription de la première journée d’audience (le 8 novembre 2001)

 

Le demandeur soutenait que l’absence de la transcription de la première journée d’audience lui a causé un préjudice. Le juge Pinard a récemment résumé les principes applicables aux cas où l’absence d’une transcription complète de l’audience viole les règles de justice naturelle. Dans Shergill c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 24, [2003] A.C.F. no 57 (QL), il a écrit aux paragraphes 5 à 7 :

Le demandeur prétend que la Commission a violé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale lorsqu’elle a rendu sa décision sans avoir eu à sa disposition une transcription complète de l’audience. Le demandeur s’appuie sur Tung c. Canada (M.E.I.) (1991), 124 N.R. 388, [1991] A.C.F. no 292 (QL), dans lequel la Cour d’appel fédérale a décidé que l’absence d’une transcription complète a porté préjudice au demandeur et qu’il y a eu ainsi déni de justice naturelle à son endroit. Le demandeur cite ensuite Kandiah c. M.E.I. (1992), 141 N.R. 232 (C.A.F.), qui, selon lui, restreint la portée du raisonnement suivi dans Tung, suivant lequel, bien que l’omission de la Commission de conserver un compte rendu ne vicie pas ipso facto sa décision, un appelant peut avoir gain de cause s’il démontre à partir du dossier dont dispose la cour que la décision portée en appel est erronée. En fait, dans Kandiah, la Cour d’appel contredit les conclusions de Tung :

 

 

[...] l’omission de la section du statut de réfugié de faire ou de conserver un compte rendu intégral de ses auditions ne constitue pas un motif permettant à la Cour d’annuler ses décisions lorsqu’un appel est interjeté en vertu du paragraphe 82.3(1). L’arrêt Tung, dans la mesure où il dit le contraire, ne devrait pas être suivi.

 


 

Dans Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c. Montréal (Ville), [1997] 1 R.C.S. 793, la Cour suprême du Canada, a examiné le conflit entre les arrêts Kandiah et Tung et a résolu la question en faveur du raisonnement mené dans Kandiah qui suivait de plus près la ligne traditionnelle de la Cour, aux pages 840 et 842 :

 

 

Même dans le cas où la loi prévoit le droit à un enregistrement de l’audition, les tribunaux ont conclu que le requérant doit démontrer qu’il existe une « possibilité sérieuse » d’une erreur dans le dossier ou d’une erreur telle que l’absence d’enregistrement l’empêche de faire valoir ses moyens d’appel : Cameron c. National Parole Board, [1993] B.C.J. No. 1630 (C.S.), qui suit Desjardins c. National Parole Board (1989), 29 F.T.R. 38 [...]

 

 

[...]

 

 

En l’absence d’un droit à un enregistrement expressément reconnu par la loi, les cours de justice doivent déterminer si le dossier dont elles disposent leur permet de statuer convenablement sur la demande d’appel ou de révision. Si c’est le cas, l’absence d’une transcription ne violera pas les règles de justice naturelle.

 

 

Ni la Loi, ni les Règles de la section du statut de réfugié, DORS/93‑45, n’imposent l’enregistrement d’une audience, en conséquence, la Cour doit seulement décider si la transcription dont elle dispose lui permet de se prononcer correctement sur la demande d’appel ou de contrôle judiciaire.

 

 

 

[42]           Pour établir qu’il y a eu manquement à la justice naturelle, le demandeur doit démontrer qu’il existe une possibilité sérieuse que le dossier renferme une erreur ou que le fait que la transcription est incomplète l’a privé d’un motif de contrôle. Le demandeur ne m’a pas convaincu que c’est le cas en l’espèce. Les règles de justice naturelle ont donc été respectées sur ce point.

 

[43]           Question no 3

La Commission a‑t‑elle rendu sa décision sans tenir compte de la preuve dont elle disposait?


Le demandeur soutenait que la Commission avait commis une erreur en ne tenant pas compte des actes dont il avait été victime et en mettant l’accent sur la situation générale des homosexuels en Hongrie. Selon lui, la Commission aurait dû tenir compte de son expérience personnelle dans son analyse de la différence entre discrimination et persécution. Le demandeur prétendait en outre que la Commission [traduction] « avait repoussé du revers de la main » la preuve documentaire étayant sa crainte de persécution.

 

[44]           Il ressort de ma lecture de la décision de la Commission que la crédibilité du demandeur n’était pas mise en doute en l’espèce et que la Commission a donc accepté son témoignage concernant sa situation personnelle. C’est là l’aspect subjectif de la crainte du demandeur. Ayant accepté ces faits, la Commission n’avait pas à examiner de manière approfondie la situation personnelle du demandeur.

 

[45]           Il y a cependant un deuxième aspect : la crainte subjective du demandeur doit avoir un fondement objectif. En l’espèce, la Commission a examiné la preuve documentaire avec soin et est arrivée à la conclusion que la crainte subjective du demandeur n’était pas fondée. Elle a aussi fait référence aux rapports produits par le demandeur, mais ne leur a pas accordé autant de poids qu’à d’autres rapports ‑ ceux d’Amnistie Internationale par exemple ‑ et a conclu qu’il n’existait pas une possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté s’il retournait en Hongrie. Elle a plutôt considéré qu’il existait une possibilité sérieuse qu’il soit victime de discrimination. La Commission pouvait raisonnablement conclure qu’il n’existait pas une possibilité sérieuse de persécution. La Cour doit faire preuve de retenue à l’égard de l’appréciation de la preuve documentaire effectuée par la Commission.


 

[46]           Question no 4

Le demandeur a‑t‑il donné d’autres raisons justifiant l’intervention de la Cour?

Selon le demandeur, la Commission a commis une erreur en n’appliquant pas le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, précité. Les dispositions invoquées par le demandeur ont cependant trait à l’évaluation de l’élément subjectif de la définition de « réfugié au sens de la Convention ». Je ne pense pas que la Commission a commis une erreur en ne faisant pas référence à ce document puisque c’est l’élément objectif de la définition qui était en cause en l’espèce.

 

[47]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

[48]           Aucune partie n’a souhaité soumettre une question grave de portée générale à des fins de certification.

 

ORDONNANCE

[49]      LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

                                                                            _ John A. O’Keefe _                  

                                                                                                     Juge                              

Ottawa (Ontario)

Le 21 janvier 2005

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


                                     COUR FÉDÉRALE

 

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                             IMM‑1055‑03

 

INTITULÉ :                                                            ATTILA JOZSEF MOLNAR

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                     TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                    LE 20 SEPTEMBRE 2004

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                            LE JUGE O’KEEFE

 

DATE DES MOTIFS :                                           LE 21 JANVIER 2005

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mark E. Rosenblatt                                                   POUR LE DEMANDEUR

 

Marina Stefanovic                                                     POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mark E. Rosenblatt                                                   POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims                                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

 

 


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