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                                                                                                                                 Date : 20001013

                                                                                                                      Dossier : IMM-114-99

ENTRE :

XIAO WEI LIU

                                                                                                                                    demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

[1]         Xiao Wei Liu, qui est citoyenne de la République populaire de Chine, sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle l'agent des visas Daniel Vaughan a refusé, le 9 novembre 1998, la demande de résidence permanente qu'elle avait présentée à titre de membre de la catégorie des immigrants indépendants.


[2]         La demanderesse a demandé à être appréciée à l'égard de la profession de secrétaire de direction, Classification canadienne descriptive des professions (la CCDP), code 4111-111. Dans sa demande, elle a déclaré avoir travaillé comme secrétaire de direction à l'Import and Export Corporation du Yun Zhou Coal Mining Bureau, du mois de juillet 1992 au mois de novembre 1995, et à la succursale de Shan-Ghaï du Yun Zhou Coal Mining Bureau, du mois de novembre 1994 jusqu'à la date de la demande. Les références de ces deux employeurs ainsi que des documents se rapportant à ses études étaient joints à la demande. Lors de l'entrevue, la demanderesse travaillait comme secrétaire de direction auprès du directeur général de Lear China.

[3]         Avant le début de l'entrevue, le 2 mars 1998, on a fait passer à la demanderesse un test de dactylographie; elle tapait 31 mots par minute. À l'entrevue, l'agent des visas a examiné les pièces d'identité de la demanderesse et a remarqué que, dans son passeport, qui avait été délivré le 28 janvier 1997, la profession de [TRADUCTION] « technicienne » était mentionnée. Étant donné que cela semblait inhabituel puisque la demanderesse alléguait avoir travaillé comme secrétaire de direction, l'agent des visas a demandé le document d'enregistrement des ménages de la demanderesse, mais cette dernière n'avait pas apporté ce document à l'entrevue.

[4]         En se fondant sur la preuve documentaire soumise avant l'entrevue et sur les réponses que la demanderesse avait données aux questions qui lui avaient été posées à l'entrevue, l'agent des visas a conclu que la demanderesse remplissait les conditions de formation et d'accès à la profession de secrétaire de direction énoncées dans la CCDP.


[5]         Quant à l'expérience professionnelle, compte tenu des renseignements figurant dans la demande et dans les réponses orales, l'agent des visas était convaincu que les tâches de la demanderesse correspondaient à celles d'une secrétaire de direction selon le code pertinent de la CCDP. Malgré certaines préoccupations qu'il avait au sujet du test de dactylographie et de la profession de [TRADUCTION] « technicienne » mentionnée dans le passeport, l'agent des visas a attribué à titre préliminaire six points d'appréciation pour l'expérience. La demanderesse a été informée que cette note dépendait du résultat d'une vérification additionnelle.

[6]         La demanderesse a présenté une demande à titre de parent aidé en se fondant sur le fait que la grand-mère de son mari résidait au Canada. L'agent des visas n'était pas convaincu qu'à l'entrevue, la demanderesse eût adéquatement établi l'existence de ce lien, mais il n'a pas examiné la question plus à fond étant donné qu'il croyait que la demanderesse obtiendrait un nombre suffisant de points d'appréciation et qu'elle n'aurait pas besoin des points supplémentaires accordés aux parents aidés.

[7]         L'agent des visas a informé la demanderesse qu'à titre préliminaire, 71 points d'appréciation avaient été attribués, mais il a dit que cette note dépendait de la vérification qui serait effectuée au sujet de ses études, de ses antécédents professionnels et de son expérience professionnelle. Plus précisément, il a demandé une copie notariée du document d'enregistrement des ménages comme preuve additionnelle de l'emploi allégué. Il a également demandé une copie notariée du diplôme collégial. Selon l'affidavit, l'agent des visas a informé la demanderesse que s'il y avait des incohérences entre les renseignements qu'elle avait fournis oralement et cette preuve documentaire, la demande serait refusée. À la fin de l'entrevue, l'agent des visas a remis à la demanderesse une lettre dans laquelle il demandait des copies notariées de ces documents.


[8]         L'agent des visas a reçu les documents additionnels le 16 mars 1998. Les nouveaux documents n'étaient pas notariés. Selon le document d'enregistrement des ménages, la demanderesse était une [TRADUCTION] « employée du gouvernement » travaillant pour le « Railway Transport Bureau, Telecom Department » . Étant donné que cela contredisait la déclaration antérieure de la demanderesse selon laquelle elle travaillait comme secrétaire de direction pour Lear China, l'agent des visas s'est renseigné au sujet des postes que la demanderesse avait occupés auprès du Yun Zhou Coal Mining Bureau, à Zoucheng, et de la succursale de Shan-Ghaï du Yun Zhou Coal Mining Bureau. Le numéro de téléphone fourni pour le premier bureau était hors service et aucune inscription courante n'était disponible. En communiquant avec le dernier employeur, l'agent des visas a obtenu des renseignements contradictoires : lors du premier appel, on lui a dit que la personne qui avait signé les références de la demanderesse travaillait de fait pour cette société, mais on n'a pas clairement confirmé que la demanderesse elle-même avait travaillé à cet endroit; lors du deuxième appel, on a dit à l'agent des visas qu'aucune personne s'appelant comme la demanderesse n'avait travaillé à cet endroit.


[9]         Le 15 avril 1998, l'agent des visas a écrit à la demanderesse pour lui faire part de ses préoccupations et pour l'informer des incohérences susmentionnées. Dans la lettre, il était expressément fait mention des renseignements figurant dans le passeport, des renseignements figurant dans la copie du document d'enregistrement des ménages, des renseignements contradictoires recueillis lors des appels effectués auprès des présumés anciens employeurs et de la faible note attribuée pour le test de dactylographie, ce qui, selon la lettre, ne faisait qu'accroître les doutes de l'agent des visas. La fin de la lettre était ainsi libellée : [TRADUCTION] « Les faits susmentionnés laissent planer un doute sérieux sur votre présumé emploi de secrétaire et sur votre présumée expérience professionnelle. Je vous donne la possibilité de dissiper ces doutes. Vous pouvez répondre par écrit, et vous pouvez fournir des documents additionnels ou une preuve de votre expérience professionnelle qui, selon vous, pourrait apaiser mes préoccupations. » [1]


[10]       La demanderesse a fourni un certain nombre de documents en réponse. Elle a fourni une lettre manuscrite de la Tie Xi Police Subsection Census Section, qui était l'organisation de sécurité publique responsable du registre des ménages, disant que la profession de la demanderesse avait par erreur été inscrite comme étant celle de ses parents et que son [TRADUCTION] « unité de travail était plutôt le Yun Zhou Mine Group Import et Export Corporation » [2]. La demanderesse a expliqué par écrit qu'elle avait signalé son ancien employeur, le directeur général, lorsqu'il avait commis un acte illégal, et que ce dernier n'avait pas confirmé son emploi parce qu'il lui en voulait. Une lettre de Liu Fu Geng, de la Yun Zhou Mining Group Commission for Inspecting and Discipline, confirmait que la demanderesse avait travaillé à cet endroit, mais qu'on lui avait permis de démissionner parce qu'elle avait signalé un acte illégal commis par son [TRADUCTION] « chef » . La demanderesse a également fourni des copies des deux contrats de travail qu'elle avait conclus avec le Yun Zhou Mining Group. Quant au fait que, dans le passeport, la profession mentionnée était celle de [TRADUCTION] « technicienne » , la demanderesse a expliqué qu'[TRADUCTION] « étant donné [qu'elle] avai[t] fréquenté une université technique, sous la direction du China Coal Mining Ministry, la plupart des diplômés devenaient techniciens dans l'industrie de l'extraction de la houille » [3]. L'avocate de la demanderesse a également soutenu, en réponse à la lettre du 15 avril 1998, que les travaux de dactylographie ne constituaient que l'une des tâches dont devait s'acquitter une secrétaire de direction, et que sa cliente était nerveuse et ne savait pas comment utiliser le matériel lorsqu'elle avait passé le test. L'avocate a également soumis un certificat notarié donnant des détails au sujet des antécédents professionnels de sa cliente.


[11]       Dans son affidavit, l'agent des visas a déclaré que ces documents additionnels n'apaisaient pas ses doutes. Il ne retenait pas l'explication qui avait été fournie au sujet des incohérences figurant dans la réponse donnée par le Yhanzou Coal Mining Bureau, étant donné que cet employeur, qui en voulait censément à la demanderesse, avait apparemment fourni des références à celle-ci au mois de février 1997. En ce qui concerne la lettre, qui, comme il l'a dit, [TRADUCTION] « avait censément été envoyée par la Ti Xi Police Subsection » au sujet du document d'enregistrement des ménages, l'agent des visas a fait remarquer qu'il s'agissait d'une lettre manuscrite et que les erreurs n'avaient pas été corrigées dans le document lui-même. Il a également fait remarquer que le passeport de la demanderesse n'avait pas été corrigé, et il a réitéré les préoccupations qu'il avait au sujet des documents frauduleux provenant de la République populaire de Chine, en particulier en ce qui concerne l'expérience professionnelle. À cet égard, il a fait remarquer que la lettre qui avait censément été envoyée par la Yun Zhou Mining Group Commission for Inspecting and Discipline ne portait pas le [TRADUCTION] « sceau confirmant l'autorité du signataire de la lettre » que l'on trouve habituellement dans pareils documents. L'agent des visas a également fait remarquer que tous les autres documents qui avaient été soumis étaient [TRADUCTION] « en outre d'origine récente, et avaient donc été préparés en vue de répondre à la lettre dans laquelle [il] exprimai[t] [s]es préoccupations, ou fort inhabituels, comme des copies des contrats de travail [conclus par la demanderesse] avec le Yun Zhou Mining Bureau » [4]. L'agent des visas a fait remarquer que les contrats de travail à durée déterminée de ce genre conclus entre des employés et les entreprises étatiques sont [TRADUCTION] « presque inexistants en Chine » . L'agent des visas se demandait également pourquoi pareille vérification avait été présentée uniquement à ce stade tardif de la procédure de demande.

[12]       L'agent des visas a décidé que les renseignements qui venaient d'être soumis n'étaient pas suffisants pour répondre à ses préoccupations. Il a conclu que la présumée expérience professionnelle de la demanderesse n'était pas crédible et il n'a pas attribué de points pour le facteur « Expérience » .


[13]       La demanderesse soutient que l'agent des visas a violé son obligation d'équité en ne l'informant pas qu'il n'accepterait comme preuve de l'expérience professionnelle qu'un document d'enregistrement des ménages modifié ou peut-être un passeport corrigé.

[14]       L'examen des notes consignées dans le STIDI et de l'affidavit de l'agent des visas confirme que, dans sa décision, celui-ci a tenu compte d'autres facteurs en plus de l'omission de fournir les documents corrigés en question.

[15]       L'agent des visas déclare que les deux documents sont des [TRADUCTION] « documents fondamentaux qui peuvent établir l'emploi exercé dans la RPC » , mais il a également déclaré qu'il doutait de l'exactitude de l'explication que la demanderesse avait fournie au sujet du fait que son présumé ancien employeur lui en voulait, en faisant remarquer que le bureau du personnel de cette société, qui n'en voulait probablement pas à la demanderesse, n'avait pas confirmé que celle-ci travaillait à cet endroit. L'agent des visas ajoute que le numéro de téléphone de l'ancien employeur qui avait été fourni était en fait celui du Coal Mining Research Bureau, qui était l'employeur du conjoint de la demanderesse.


[16]       Par conséquent, je ne suis pas convaincue que le refus ait été uniquement fondé sur les deux documents en question et que ces deux documents soient les seuls que l'agent des visas accepterait pour confirmer l'expérience professionnelle de la demanderesse. D'autres facteurs ont clairement contribué au fait que l'agent des visas n'était pas prêt à reconnaître que la demanderesse avait l'expérience professionnelle alléguée. En outre, l'agent des visas a fait connaître ses préoccupations à la demanderesse lors de l'entrevue et au moyen d'une lettre envoyée à l'avocate de cette dernière et la demanderesse a amplement eu la possibilité de répondre à ces préoccupations. Dans ces conditions, l'obligation d'équité n'a pas été violée.

[17]       Étant donné que l'agent des visas ne peut pas délivrer un visa à un immigrant qui n'a pas obtenu de points d'appréciation à l'égard du facteur « Expérience » , il n'est pas nécessaire d'examiner le deuxième motif de contrôle judiciaire invoqué par la demanderesse.

[18]       Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[19]       Ni l'une ni l'autre partie n'a soumis une question aux fins de la certification.

              « Dolores M. Hansen »                    

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 IMM-114-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                Xiao Wei Liu c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 25 avril 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Hansen en date du 13 octobre 2000

ONT COMPARU :

Barbara Jackman                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Steven Gold                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robin L. Seligman                                                         POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1] Dossier certifié, p. 21.

[2] Ibid, p. 25.

[3] Affidavit de la demanderesse, par. 8.

[4] Affidavit de Daniel A. Vaughan, par. 22.

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