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Date : 20060329

Dossier : IMM‑4128‑05

Référence : 2006 CF 412

Toronto (Ontario), le 29 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

STSIAPAN AUCHYNNIKAU

DIANA OVTCHINNIKOVA

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, Stsiapan Auchynnikau, et son épouse, Diana Ovtchinnikova, sont de nationalité bélarusienne. Alléguant les opinions politiques du demandeur, ils ont prétendu être des réfugiés au sens de la Convention, ou des personnes à protéger, en application de l’article 96 ou du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). La Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté leurs revendications. Ils sollicitent le contrôle judiciaire de la décision de la SPR. Je suis arrivée à la conclusion que leur demande devrait être accueillie.

 

[2]               La décision de la SPR résulte surtout de ses conclusions en matière de crédibilité. La SPR a estimé qu’il y avait « une raison valide de douter et de rejeter les allégations du revendicateur principal ». Elle s’est exprimée ainsi :

[traduction]

L’avocat des demandeurs d’asile a dit que, selon la preuve documentaire, il n’est pas nécessaire d’être une personnalité politique en vue pour être arrêté. Le tribunal ne doute pas que cela soit vrai; toutefois, certains aspects du témoignage du demandeur d’asile principal ont fait douter le tribunal qu’il ait été arrêté (Motifs, page 5).

 

Le tribunal a conclu que, selon la prépondérance de la preuve, le rapport médical ne parle pas des blessures subies lors de l’arrestation et des mauvais traitements. Il a conclu que, selon la prépondérance de la preuve, le demandeur principal n’a pas été arrêté et torturé comme il l’a prétendu (Motifs, page 7).

 

Le tribunal a conclu que, selon la prépondérance de la preuve, l’état de santé du demandeur principal découlait d’autres causes qui n’ont pas été portées à la connaissance du tribunal (Motifs, page 8).

 

Le tribunal estime, selon la prépondérance de la preuve, que le demandeur principal n’a pas été arrêté comme il l’a prétendu et qu’il n’a pas été harcelé par les autorités bélarusiennes comme il l’a prétendu. Par conséquent, il juge que le demandeur principal ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir, par une preuve crédible et digne de foi, qu’il serait persécuté au Bélarus pour un motif prévu par la Convention. Sa demande d’asile est donc irrecevable (Motifs, page 13).

 

 

[3]               La SPR a rejeté, pour les mêmes raisons, la demande d’asile du demandeur fondée sur l’alinéa 97(1)a) de la LIPR. Comme la revendication de la demanderesse était fondée sur son appartenance à une famille, celle du demandeur, sa revendication a elle aussi été rejetée.

 

[4]               Il est admis que le cœur de la revendication du demandeur était son allégation selon laquelle il avait été arrêté trois fois, qu’il avait été détenu et torturé deux fois et qu’il avait reçu une sommation à comparaître devant le tribunal dans le cadre d’un troisième incident qui avait donné lieu à une troisième arrestation.

 

[5]               La plupart des conclusions de la SPR en matière de crédibilité étaient fondées sur des invraisemblances. On ne saurait dire que toutes sont manifestement déraisonnables. Toutefois, certaines d’entre elles découlent de constats d’invraisemblance qui ne sauraient s’appuyer sur la preuve. Il faut savoir gré à l’avocate du défendeur d’avoir admis que certaines conclusions de la SPR étaient manifestement déraisonnables.

 

[6]               Qui plus est, la SPR avait devant elle la preuve documentaire suivante :

 

a)         La résolution du tribunal du district Lénine de la ville de Minsk, en République du Bélarus, datée du 27 avril 2001, qui déclarait le demandeur coupable de l’infraction consistant à [traduction] « manifester au milieu d’un groupe de gens […] en poussant des cris et en portant des bannières déployées où étaient inscrits des messages qui n’avaient pas été enregistrés comme le requiert la loi ». La résolution révèle que le demandeur avait été détenu à l’occasion de l’incident et qu’il fut en outre placé en garde à vue durant une période de 10 jours;

 

b)         La résolution du tribunal du district Lénine de la ville de Minsk, en République du Bélarus, datée du 29 avril 2002, qui déclarait le demandeur coupable de l’infraction consistant à participer à une [traduction] « manifestation non approuvée […] en portant une bannière déployée sur laquelle était inscrit un message qui n’avait pas été enregistré ainsi que l’exige la loi ». La résolution révèle que le demandeur fut « appréhendé par un détachement policier du ministère des Affaires intérieures ». Il fut placé en garde à vue durant une période de 15 jours;

 

c)         Le rapport n° 986 du bureau de l’inspecteur divisionnaire de la police municipale ‑ 1 du ministère des Affaires intérieures du district Lénine de la ville de Minsk, en date du 13 juin 2003, qui faisait état d’une infraction commise le 13 juin 2003 consistant à [traduction] « déployer une (illisible) renfermant un message qui n’avait pas été enregistré comme l’exige la loi »;

 

d)         La sommation ‑ série MIP n° 1629 – signée par l’officier judiciaire Petrov A.S. et adressée à Ovchinnikov Stepan Viktorovich, lui ordonnant de comparaître le 8 juillet 2003 à 11 heures au tribunal du district Lénine de la ville de Minsk, devant le juge Zapo.

 

 

[7]               Il n’est pas fait état des documents susmentionnés dans les motifs de la SPR. L’avocate du défendeur a reconnu, avec franchise et sans difficulté, que, en ne faisant pas référence à ces documents, la SPR avait tout simplement passé outre à l’avertissement formulé par M. le juge Evans, alors juge de la Cour, dans la décision Cepeda‑Guiterrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1985), 157 F.T.R. 35 (1re inst.). Le juge Evans expliquait dans cette décision que plus le document en cause est important, plus la Cour sera disposée à déduire du silence le concernant qu’une conclusion de fait est erronée et a été tirée sans égard à la preuve. L’avocate a reconnu que la décision, telle qu’elle est rédigée, ne peut être maintenue.

 

[8]               Il se peut, en dernière analyse, que le demandeur soit jugé non crédible. Si tel est le cas, il incombera au décideur d’expliquer en des termes clairs et indubitables la raison pour laquelle il conclut à l’absence de crédibilité du demandeur : Hilo c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 130 N.R. 236 (C.A.F.).

 

[9]               Pour les motifs qui précèdent, la demande sera accueillie. Aucun des avocats n’a proposé qu’une question soit certifiée, et aucune ne se pose.

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE : la demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée pour nouvelle décision devant une autre formation de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

 

 

 

« Carolyn Layden‑Stevenson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑4128‑05

 

 

INTITULÉ :                                       STSIAPAN AUCHYNNIKAU,

                                                            DIANA OVTCHINNIKOVA

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 29 MARS 2006

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 29 MARS 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mordechai Wasserman                                     POUR LES DEMANDEURS

 

Bridget A. O’Leary                                                      POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mordechai Wasserman

Avocat

Toronto (Ontario)                                                         POUR LES DEMANDEURS

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada                               POUR LE DÉFENDEUR

 

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