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Date : 20050922

Dossier : IMM-9808-04

Référence : 2005 CF 1302

Ottawa (Ontario), le 22 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN                         

ENTRE :

                                                               TIEN YU HUANG

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Tien Yu Huang (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d'appel de l'immigration (SAI) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté, en date du 16 juin 2005, l'appel formé à l'encontre du refus d'un agent des visas d'approuver la demande d'établissement parrainée de son fils, Chih Yuen Huang.


[2]                Le demandeur est devenu résident permanent au Canada le 1er juillet 1993 et il a par la suite obtenu la citoyenneté canadienne. Lorsqu'il a immigré au Canada, il a omis de déclarer qu'il avait un fils d'âge adulte, parce qu'il croyait qu'il n'était pas possible pour ce dernier de l'accompagner.

[3]                Le demandeur explique dans l'affidavit qu'il a déposé à l'appui de la présente demande de contrôle judiciaire que son fils est atteint de déficience auditive et qu'il éprouve de la difficulté à trouver et à garder un emploi. Son fils vit en Inde avec un membre de la famille et il reçoit de l'aide financière du demandeur. Le demandeur soutient que son fils a besoin d'un soutien familial et que c'est pour cette raison qu'il a présenté une demande de parrainage pour son fils, au titre de la catégorie du regroupement familial, en juillet 2000.

[4]                Cette demande a été refusée parce que l'agent des visas a conclu que le fils n'était pas un enfant à charge du demandeur. L'appel de cette décision à la SAI a été refusé le 7 février 2002.

[5]                En janvier 2003, le demandeur a présenté un deuxième engagement d'aide en faveur de son fils, ainsi qu'une demande de prise en compte de considérations d'ordre humanitaire. Les deux demandes ont été refusées le 21 novembre 2003. Le demandeur a interjeté appel à la SAI du refus de la demande parrainée concernant son fils au titre de la catégorie du regroupement familial.


[6]                Le 10 novembre 2004, la SAI a conclu qu'elle n'avait pas compétence pour entendre l'appel parce que le fils était exclu de la catégorie du regroupement familial du fait que le demandeur n'avait pas déclaré son existence à l'époque où il a sollicité la résidence permanente au Canada. Cette omission a entraîné l'application de l'alinéa 117(9)d) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement).

[7]                La SAI a reconnu que l'affaire pouvait soulever des considérations d'ordre humanitaire, mais elle a conclu que l'article 65 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et ses modifications (la Loi), l'empêchait de les prendre en compte.

[8]                Le demandeur allègue maintenant que la SAI a commis une erreur de droit en n'examinant pas la question de savoir si l'agent des visas qui a refusé le 21 novembre 2003 la demande parrainée avait fait erreur dans la façon d'évaluer les motifs d'ordre humanitaire. Au dire du demandeur, le défaut de la SAI de s'interroger sur la conduite de l'agent des visas constitue une erreur de droit donnant matière à révision suivant la norme de la décision correcte.

DISCUSSION ET DÉCISION

[9]                La « catégorie du regroupement familial » est décrite à l'article 117 du Règlement. L'alinéa 117(1)b) est une disposition pertinente rédigée comme suit :


117. (1) Appartiennent à la catégorie du regroupement familial du fait de la relation qu'ils ont avec le répondant les étrangers suivants :

...

b) ses enfants à charge;

...

117. (1) A foreign national is a member of the family class if, with respect to a sponsor, the foreign national is

...

(b) a dependent child of the sponsor;

...



[10]            Le paragraphe 117(9) décrit certaines personnes qui sont exclues de la catégorie du regroupement familial. L'alinéa 117(9)d) est une disposition pertinente qui prévoit ce qui suit :


117. (9) Ne sont pas considérées comme appartenant à la catégorie du regroupement familial du fait de leur relation avec le répondant les personnes suivantes :

...

d) sous réserve du paragraphe (10), dans le cas où le répondant est devenu résident permanent à la suite d'une demande à cet effet, l'étranger qui, à l'époque où cette demande a été faite, était un membre de la famille du répondant n'accompagnant pas ce dernier et n'a pas fait l'objet d'un contrôle.

117. (9) A foreign national shall not be considered a member of the family class by virtue of their relationship to a sponsor if

...

(d) subject to subsection (10), the sponsor previously made an application for permanent residence and became a permanent resident and, at the time of that application, the foreign national was a non-accompanying family member of the sponsor and was not examined.


[11]            L'interprétation de l'alinéa 117(9)d) est une question d'interprétation législative à laquelle la norme de la décision correcte devrait être appliquée ; voir Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Bhalrhu, [2004] A.C.F. no 1498 (1re inst.). L'application de la loi à la preuve est une conclusion de fait et cette conclusion est susceptible de révision suivant la norme de la décision manifestement déraisonnable.

[12]            Dans la présente affaire, le dossier indique clairement que le demandeur n'a rien déclaré au sujet de son fils lorsqu'il a présenté sa demande d'admission au Canada en 1993. Il ne fait aucun doute que le fils répond à la définition donnée à l'alinéa 117(9)d) du Règlement.


[13]            Le paragraphe 63(1) de la Loi prévoit un droit d'appel à la SAI relativement à un refus de visa demandé au titre du regroupement familial. Toutefois, l'article 65 impose certaines limites à ce droit d'appel qui empêchent la SAI de prendre en considération des motifs d'ordre humanitaire. L'article 66 de la Loi décrit comment la SAI doit statuer sur l'appel et l'article 67 expose les motifs à partir desquels il peut être fait droit à l'appel. Ces dispositions législatives sont reproduites ci-dessous.


63. (1) Quiconque a déposé, conformément au règlement, une demande de parrainage au titre du regroupement familial peut interjeter appel du refus de délivrer le visa de résident permanent.

63. (1) A person who has filed in the prescribed manner an application to sponsor a foreign national as a member of the family class may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision not to issue the foreign national a permanent resident visa.

...

65. Dans le cas de l'appel visé aux paragraphes 63(1) ou (2) d'une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial, les motifs d'ordre humanitaire ne peuvent être pris en considération que s'il a été statué que l'étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire.

...

65. In an appeal under subsection 63(1) or (2) respecting an application based on membership in the family class, the Immigration Appeal Division may not consider humanitarian and compassionate considerations unless it has decided that the foreign national is a member of the family class and that their sponsor is a sponsor within the meaning of the regulations.

66. Il est statué sur l'appel comme il suit_:

a) il y fait droit conformément à l'article 67;

b) il est sursis à la mesure de renvoi conformément à l'article 68;

c) il est rejeté conformément à l'article 69.

66. After considering the appeal of a decision, the Immigration Appeal Division shall

(a) allow the appeal in accordance with section 67;

(b) stay the removal order in accordance with section 68; or

(c) dismiss the appeal in accordance with section 69.


67. (1) Il est fait droit à l'appel sur preuve qu'au moment où il en est disposé_:

a) la décision attaquée est erronée en droit, en fait ou en droit et en fait;

b) il y a eu manquement à un principe de justice naturelle;

c) sauf dans le cas de l'appel du ministre, il y a - compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché - des motifs d'ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l'affaire, la prise de mesures spéciales.

(2) La décision attaquée est cassée; y est substituée celle, accompagnée, le cas échéant, d'une mesure de renvoi, qui aurait dû être rendue, ou l'affaire est renvoyée devant l'instance compétente.

67. (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

(a) the decision appealed is wrong in law or fact or mixed law and fact;

(b) a principle of natural justice has not been observed; or

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

(2) If the Immigration Appeal Division allows the appeal, it shall set aside the original decision and substitute a determination that, in its opinion, should have been made, including the making of a removal order, or refer the matter to the appropriate decision-maker for reconsideration.


[14]            Le demandeur n'allègue pas que la SAI aurait dû prendre en considération les motifs d'ordre humanitaire à l'audition de l'appel, mais qu'elle aurait plutôt dû examiner la manière suivant laquelle l'agent des visas a évalué ces motifs au moment du traitement de la demande de visa présentée pour son fils. Je ne suis pas d'accord.

[15]            La question de la validité de l'alinéa 117(9)d) a été examinée par le juge Kelen dans la décision De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 257 F.T.R. 290 (1re inst.) qui a déclaré ce qui suit au paragraphe 35 :

[¼] [L]'alinéa 117(9)d) du Règlement a pour objet la bonne administration de la législation canadienne en matière d'immigration. Il est raisonnable que la législation en matière d'immigration exige qu'un demandeur de résidence permanente divulgue, dans sa demande, l'existence de tous les membres de sa famille. Autrement, la demande de résidence permanente ne pourrait pas être évaluée correctement aux fins de la législation en matière d'immigration. Par conséquent, l'alinéa 117(9)d) du Règlement existe à des fins pertinentes, à savoir aux fins de prévenir la dissimulation frauduleuse de circonstances importantes qui peuvent empêcher le demandeur d'être admis au Canada.


[16]            Il est loisible au Parlement d'imposer des limites à la « catégorie du regroupement familial » quant aux personnes à inclure ou à exclure, suivant le cas. Ce pouvoir est compatible avec l'objet général de la Loi qui vise à régir l'admission des personnes au Canada qui, autrement, n'aurait aucun droit d'y entrer. À cet égard, je fais référence à l'arrêt Chiarelli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, dans lequel la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit aux pages 733 et 734 :

Le Parlement a donc le droit d'adopter une politique en matière d'immigration et de légiférer en prescrivant les conditions à remplir par les non-citoyens pour qu'il leur soit permis d'entrer au Canada et d'y demeurer. C'est ce qu'il a fait dans la Loi sur l'immigration, dont l'article 5 dispose que seuls les citoyens canadiens, les résidents permanents, les réfugiés au sens de la Convention ou les Indiens inscrits conformément à la Loi sur les Indiens ont le droit d'entrer au Canada ou d'y demeurer. La nature limitée du droit des non-citoyens d'entrer au Canada et d'y demeurer se dégage nettement de l'art. 4 de la Loi.

[17]            Par dérogation à l'imposition de critères d'admission dans la Loi et le Règlement, le défendeur dispose d'un vaste pouvoir discrétionnaire pour remédier aux litiges découlant de la Loi et du Règlement. Le paragraphe 25(1) de la Loi prévoit ce qui suit :


25. (1) Le ministre doit, sur demande d'un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s'il estime que des circonstances d'ordre humanitaire relatives à l'étranger - compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché - ou l'intérêt public le justifient.

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister's own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.



[18]            La Cour suprême du Canada a discuté du pouvoir d'accorder une dispense d'application des règlements, pour faciliter l'admission d'une personne au Canada pour des raisons d'ordre humanitaire, dans l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. La Cour s'est penchée plus particulièrement sur la nécessité de considérer l'intérêt supérieur des enfants, au paragraphe 74, et elle a ensuite dit, au paragraphe 75, que cet intérêt supérieur ne l'emporte pas nécessairement sur d'autres considérations. Toutefois, la présente affaire ne porte pas sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par l'article 25.

[19]            Il est loisible au Parlement de préciser à quel moment le pouvoir discrétionnaire ministériel ne peut être exercé quant aux motifs d'ordre humanitaire. C'est ce qu'il a fait à l'article 65. Il importe de noter que l'article 117 du Règlement qui « définit » la catégorie du regroupement familial ne dit rien au sujet de la prise en considération des motifs d'ordre humanitaire dans l'évaluation de l'appartenance à cette catégorie.

[20]            Je ne vois aucune erreur dans la manière dont la SAI a tranché l'appel du demandeur. Le recours approprié, en ce qui a trait à la décision défavorable rendue à l'égard de la demande fondée sur des considérations d'ordre humanitaire, consistait à demander le contrôle judiciaire.

[21]            La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. L'avocate du demandeur a proposé la question suivante à certifier :

[traduction]

Dans les circonstances, la SAI a-t-elle compétence pour trancher la question de savoir si l'agent des visas a omis de bien examiner les motifs d'ordre humanitaire dans l'évaluation de la demande?

[22]            Je ne suis toutefois pas persuadée que l'affaire donne matière à une question certifiée. Les paramètres pour faire certifier une question ont été discutés par la Cour d'appel fédérale dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Liyanagamage (1994), 176 N.R. 4 (C.A.F.). Une question devrait être certifiée si elle transcende les intérêts des parties à un litige particulier et embrasse des problèmes de portée ou d'application générale tout en étant déterminante quant à l'issue de l'appel.

[23]            À mon avis, la question proposée ne satisfait pas aux exigences de la certification et, par conséquent, aucune question ne sera certifiée.

                                        ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

    « E. Heneghan »

                                                                                                     Juge                            

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.


                                      COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                IMM-9808-04

INTITULÉ :                                                                TIEN YU HUANG      

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION        

LIEU DE L'AUDIENCE :                                       TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                       LE MERCREDI 7 SEPTEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                          LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                              LE 22 SEPTEMBRE 2005            

COMPARUTIONS :                                                

Wennie Lee                                                                POUR LE DEMANDEUR

Anshumala Juyal                                                        POUR LE DÉFENDEUR

John Pro

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:                

Lee & Company                                                         POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)    

John H. Sims, c.r.                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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