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Date : 20010829

Dossier : IMM-1990-00

Référence neutre : 2001 CFPI 961

ENTRE :

SALWA ALI ABUSALIH

demanderesse

-et-

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN


[1]    Il s'agit du contrôle judiciaire d'une décision d'un agent des visas qui a refusé la demande de résidence permanente présentée par la demanderesse à titre d'immigrante indépendante, comme interprète/traductrice. La raison principale du refus de la demande était que la demanderesse n'avait pas au moins un an d'expérience en tant qu'interprète/traductrice, comme le requiert le paragraphe 11(1) du Règlement sur l'immigration de 1978 (DORS/78-172).

[2]    La demanderesse a affirmé que, de 1983 à 1984, elle a travaillé pendant 19 mois à temps partiel en tant que traductrice français-arabe à l'ambassade d'Algérie au Soudan et qu'en 1995, elle a travaillé pendant 6 mois en tant que traductrice français-arabe pour un journal. Si la moitié de son travail à temps partiel pour l'ambassade et la totalité de son travail à temps plein pour le journal étaient reconnus, elle obtiendrait une expérience de travail dépassant 12 mois. La preuve contient des lettres de l'ambassade et du directeur du journal, lesquelles certifient que la demanderesse a travaillé pour eux en tant que traductrice.

[3]    Les notes du STIDI indiquent que, pendant son entrevue, la demanderesse a changé son récit à quelques reprises en ce qui concerne le nombres d'heures de travail effectuées par jour et le fait qu'elle travaillait à temps plein ou à temps partiel. De plus, l'agent des visas a consigné ceci au STIDI: [TRADUCTION] « Doutes quant à la crédibilité au sujet de l'expérience en tant que traductrice, trop de changements dans son récit¼ son français est passablement bon, mais elle ne s'exprime pas avec facilité et n'a certainement pas le niveau de français d'un traducteur¼ EXPÉRIENCE EN TANT QUE TRADUCTRICE TRÈS DISCUTABLE DANS L'HYPOTHÈSE LA PLUS OPTIMISTE » .


[4]    Dans sa décision, l'agent des visas traite de l'expérience de la demanderesse sans aborder la question de la crédibilité. La raison pour laquelle il n'a pas accordé de points pour l'expérience de travail est plutôt que la demanderesse ne s'exprime pas en français avec facilité. Dans un court texte qu'elle a dû composer, l'agent des visas a trouvé que la demanderesse avait fait deux erreurs graves affectant la cohérence du texte. De plus, il a trouvé que ses réponses orales en français étaient hésitantes, qu'elle cherchait ses mots et qu'elle faisait parfois des erreurs de grammaire.

[5]    La demanderesse affirme qu'étant donné que l'agent des visas n'a pas mis sa crédibilité en doute concernant son expérience de travail en tant que traductrice, il aurait dû lui accorder un point d'appréciation pour son expérience en se basant sur la preuve de son travail pour l'ambassade et pour le journal. Elle ajoute que ceci aurait été suffisant pour lui donner droit, prima facie, à un visa parce que même sans ce point, elle avait déjà 70 points.


[6]    Je ne puis donner raison à la demanderesse. L'expérience pertinente doit être l'expérience dans la profession pour laquelle un demandeur est évalué en fonction de la CNP. La demanderesse ne nie pas que la facilité de s'exprimer dans une langue est une condition d'accès à la profession que tout interprète ou traducteur doit posséder. L'agent des visas a estimé que la demanderesse ne s'exprimait pas avec facilité en français et ce, autant à l'écrit qu'à l'oral; il en a donc déduit qu'elle n'avait pas d'expérience, en tant que traductrice ou interprète, suivant la description de cette profession énoncée dans la CNP. Cette conclusion de l'agent des visas concorde parfaitement avec la question de la crédibilité qu'il a soulevée dans les notes du STIDI relatives aux déclarations d'expérience de travail faites par la demanderesse.

[7]    La demanderesse affirme que l'agent des visas a fait défaut d'examiner les lettres de l'ambassade d'Algérie et du journal, lesquelles certifient son expérience de travail en tant que traductrice. Toutefois, ce qui est en cause en l'espèce est son expérience de travail dans la profession telle qu'elle est décrite par la CNP. Dans certains cas, la description de tâches d'un poste antérieur peut être suffisante pour démontrer l'expérience acquise dans une profession décrite par la CNP, tandis qu'elle peut être insuffisante dans d'autres. Pour un interprète/traducteur, les exigences de la CNP comprennent la facilité de s'exprimer dans les langues visées. Même si la demanderesse avait été traductrice, il n'y a rien dans les lettres indiquant le niveau de connaissance des langues visées exigé dans son travail.    Plus particulièrement, la lettre de l'ambassade précise que la demanderesse traduisait du français vers l'arabe. L'agent des visas a estimé que la demanderesse pouvait lire le français avec facilité, mais que son français écrit et oral étaient seulement bons. Si son travail à l'ambassade consistait à traduire des documents français en arabe, elle peut très bien avoir effectué un travail de traduction, mais elle n'a pas acquis d'expérience dans la profession telle qu'elle est décrite dans la CNP.


[8]    La demanderesse affirme qu'elle n'avait pas fait de travail de traduction depuis un certain temps et qu'elle était un peu « rouillée » . Peut-être, mais c'est à l'agent des visas et non à la Cour qu'il appartient d'évaluer ce point. Il ressort de l'évaluation du français parlé et écrit de la demanderesse réalisée par l'agent des visas que celle-ci a commis des erreurs importantes. Il a donc conclu qu'elle ne s'exprimait pas en français avec facilité.

[9]    La demanderesse affirme que l'agent des visas lui a accordé un point pour la demande dans la profession, attribution qui n'a de sens que si elle a droit à un point pour l'expérience de travail. L'agent des visas affirme ceci dans son affidavit :

[TRADUCTION] Je reconnais ne pas avoir remis les points du FEF et de la demande dans la profession à zéro lorsque j'ai décidé que la demanderesse ne possédait pas l'expérience de travail requise en tant que traductrice. Cette situation involontaire est due au fait que le STIDI est programmé pour entrer automatiquement les points d'appréciation pour le FEF et pour la demande dans la profession une fois entrée la profession à évaluer. Après avoir inscrit ma décision, j'aurais dû retourner dans le système et remettre les points à zéro.

Il ne s'agit pas ici d'une affaire où l'agent des visas tente de défendre deux positions incompatibles. Ce dernier a reconnu son erreur et a donné des explications raisonnables. Il n'y a aucune raison de croire que le point d'appréciation accordé par l'agent des visas pour la demande dans la profession impliquait, malgré ce qu'il a écrit dans sa décision à propos de l'expérience, qu'il croyait vraiment que la demanderesse détenait l'expérience requise.


[10]    La demanderesse affirme que l'agent des visas a fait une erreur lorsqu'il a écrit dans les notes du STIDI [TRADUCTION] « qu'elle ne satisfait pas à l'exigence du baccalauréat en traduction » . Le demanderesse affirme qu'elle possède un diplôme dans un « discipline connexe » , c'est-à-dire un baccalauréat en français, qui est un équivalent satisfaisant de cette condition d'accès à la profession. Même si le baccalauréat en français était un diplôme dans une domaine connexe, l'agent des visas n'en a pas moins jugé que la demanderesse ne s'exprimait pas en français avec facilité, autant à l'oral qu'à l'écrit et, pour cette raison, il a décidé qu'elle ne remplissait pas les conditions d'accès à la profession.

[11]    La demanderesse affirme que l'agent des visas a jugé qu'elle s'exprimait avec facilité en anglais. Étant donné que ni la CNP, au sujet des traducteurs, terminologues et interprètes, ni la demande de résidence permanente de la demanderesse, ne mentionnaient de langues déterminées, l'agent des visas aurait dû évaluer la demanderesse en tant que traductrice ou interprète anglais-arabe.

[12]    Il est vrai que les descriptions de la CNP concernant les professions de traducteurs, terminologues et interprètes ne sont pas formulées en fonction de langues particulières. Toutefois, le contexte et la fonctionnalité de la CNP démontrent que tout demandeur doit être évalué en fonction d'une ou plusieurs langues en particulier. De plus, la CNP indique entre autres que :

Les traducteurs, les terminologues et les interprètes se spécialisent habituellement dans une langue particulière telle que le français, l'anglais, le russe, l'espagnol et peuvent aussi se spécialiser dans un domaine technique particulier du droit, de la médecine ou de l'agriculture.


La demanderesse s'est présentée comme traductrice/interprète français-arabe et c'est à ce titre qu'elle a soumis sa demande. L'agent des visas n'a pas commis d'erreur en l'évaluant en tant que traductrice/interprète français-arabe plutôt qu'en tant que traductrice/interprète anglais-arabe.

[13]    De plus, comme on l'a expliqué plus haut, un baccalauréat en traduction ou dans une discipline connexe est une condition d'accès à la profession. La demanderesse ne possède pas de diplôme en traduction et son baccalauréat dans un domaine connexe, s'il existe, est un diplôme en français et non en anglais. Même si l'agent des visas l'avait évaluée en tant que traductrice/interprète anglais-arabe, elle n'aurait toujours pas les titres universitaires pour satisfaire aux conditions d'accès à la profession.

[14]    Même si la décision de l'agent des visas dans cette affaire aurait pu être mieux préparée, je ne crois pas qu'elle est déraisonnable.

[15]    Le contrôle judiciaire sera rejeté.

« Marshall Rothstein »

Juge             

Ottawa (Ontario)

29 août 2001

TRADUCTION CERTIFIÉE CONFORME

Ghislaine Poitras LL.L.


Date : 20010829

Dossier : IMM-1990-00

Ottawa (Ontario), le mercredi 29 août 2001

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Rothstein

ENTRE :

SALWA ALI ABUSALIH

demanderesse

-et-

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

Le contrôle judiciaire est rejeté.

« Marshall Rothstein »

Juge

TRADUCTION CERTIFIÉE CONFORME

Ghislaine Poitras LL.L.


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N ° DU GREFFE :                 IMM-1990-00

INTITULÉDE LA CAUSE :       Salwa Ali Abusalih et le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 24 août 2001

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     Le juge Rothstein

DATE DES MOTIFS :            Le 29 août 2001

ONT COMPARU :

M. Howard P. Eisenberg                       POUR LA DEMANDERESSE

Mme Leena Jaakkimainen                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Howard P. Eisenberg                       POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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