Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20060207

Dossier : IMM‑7079‑05

Référence : 2006 CF 156

Calgary (Alberta), le 7 février 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE DE MONTIGNY

 

ENTRE :

KHALID MUHAMMAD

demandeur

 

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]              Il s’agit d’une demande présentée en vue d’obtenir un sursis relativement au renvoi du demandeur, renvoi prévu pour le 9 février 2006, jusqu’à ce que soient tranchées les demandes principales d’autorisation et de contrôle judiciaire présentées à l’égard des décisions défavorables rendues quant à l’ERAR et quant à la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

[2]              Le demandeur alléguait être entré au Canada le 20 septembre 1998, via Blackpool (Québec), sans détenir les documents appropriés.

 

[3]              Le 28 septembre 1998, le demandeur a revendiqué le statut de réfugié au bureau de CIC à Calgary et il a déclaré qu’il avait une épouse et deux enfants qui vivaient encore au Pakistan. Le 30 août 1999, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que le demandeur n’était pas un réfugié. La Cour fédérale a rejeté le 10 décembre 1999 sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire présentée à l’égard de cette décision.

 

[4]              Le 20 septembre 1999, le demandeur a présenté une demande dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC).

 

[5]              Le 7 juin 2002, le Centre de traitement des demandes de Vegreville a reçu une demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire.

 

[6]              Le 29 juillet 2002, la mesure d’interdiction de séjour prise à l’endroit du demandeur est devenue une mesure d’expulsion.

 

[7]              Le 3 janvier 2003, le demandeur a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi. Cette demande comprenait sa demande dans la catégorie des DNRSRC de 1999.

 

[8]              Le 12 septembre 2005, une décision défavorable a été rendue à l’égard de la demande d’ERAR présentée par le demandeur. Le même jour, sa demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire a été rejetée. Le demandeur a reçu personnellement ces décisions le 14 novembre 2005.

 

[9]              Le 23 novembre 2005, le demandeur a déposé deux demandes d’autorisation et de contrôle judicaire distinctes à l’égard de chaque décision défavorable. Le défendeur n’a jamais reçu signification de ces demandes et, par conséquent, l’avocate du demandeur a dû présenter une requête en prorogation qui est toujours pendante.

 

[10]            Le 24 novembre 2005, le demandeur a reçu une lettre de renvoi prévoyant que son voyage aurait lieu le 12 décembre 2005, ce qui a par la suite dû être annulé étant donné que les compagnies aériennes avaient décrété un moratoire quant aux personnes expulsées voyageant vers Hong Kong durant la période de Noël.

 

[11]            Le 17 janvier 2006, le demandeur a reçu chez lui une deuxième lettre de renvoi qui exposait les détails de nouvelles dispositions de voyage pour le 9 février 2006.

 

[12]            Malgré le fait que la présente requête semble être fondée sur deux demandes de contrôle judiciaire distinctes, l’avocat du défendeur a renoncé à s’opposer à la compétence de la Cour sur le fondement de l’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales. Je comprends également qu’il ne s’oppose pas à ce que la présente requête soit examinée même si les requêtes en prorogation pour déposer les demandes de contrôle judiciaire n’ont pas encore été accueillies.

 

[13]            L’avocat du défendeur a néanmoins raison de s’opposer à une demande de sursis couvrant la période pendant laquelle le demandeur séjourne au centre de réadaptation et se rétablit de sa blessure. La compétence de la Cour est effectivement limitée par la loi de sorte qu’un sursis ne peut être accordé que dans l’attente d’une décision définitive de la demande d’autorisation, et non dans l’attente de tout autre événement extérieur.

 

[14]            Le demandeur doit, pour avoir gain de cause, satisfaire aux trois volets du critère élaboré par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302. Autrement dit, la Cour doit être convaincue que le demandeur a soulevé une question sérieuse, qu’il subira un préjudice irréparable s’il est renvoyé du Canada, et que la prépondérance des inconvénients le favorise.

 

[15]            L’avocate du demandeur a soulevé deux questions relativement à la décision rendue à l’égard de la demande de résidence permanente fondée sur des considérations d’ordre humanitaire. Premièrement, elle a prétendu que dans les cas où il y a un délai déraisonnablement long avant qu’une décision soit rendue (dans la présente affaire deux ans et sept mois), l’équité exige que le demandeur soit informé que la décision est sur le point d’être rendue afin qu’il ait une dernière possibilité de présenter d’autres observations et des documents à jour. Deuxièmement, elle a prétendu que l’agent d’immigration dans sa décision à l’égard de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire ne mentionnait aucunement la blessure du demandeur et le fait que le demandeur, s’il était renvoyé avant d’être complètement rétabli, aurait moins la capacité de travailler au Pakistan et de soutenir sa famille.

[16]            Malheureusement pour le demandeur, je ne suis pas convaincu que ces questions sont des questions suffisamment sérieuses pour satisfaire au premier volet du critère énoncé dans l’arrêt Toth. Je suis conscient, à l’égard du premier volet du critère, du fait que le seuil est assez peu élevé. D’autre part, il faut garder à l’esprit que la norme de contrôle d’une décision rendue à la suite d’une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, est assez élevé, c’est‑à‑dire que c’est la norme de la décision raisonnable simpliciter qui s’applique. Autrement dit, la Cour n’interviendra pas à l’égard d’une décision d’un agent d’immigration sauf s’il n’y a aucun mode d’analyse des éléments de preuve présentés pouvant raisonnablement conduire à la conclusion tirée par l’agent. Quant à la décision rendue à l’égard de l’ERAR, la norme de contrôle est même plus élevée, à savoir la norme de la décision manifestement déraisonnable. Après avoir examiné en détail les deux décisions rendues par l’agent d’immigration à l’égard de la demande d’ERAR et de la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, je suis loin d’être convaincu que l’agent a commis de quelque façon une erreur susceptible de contrôle. Ses motifs sont convaincants et approfondis et semblent assez solides pour résister à un examen poussé suivant les normes ci‑dessus énoncées.

 

[17]            Je dois toutefois ne pas décider d’avance l’issue des deux demandes de contrôles judiciaires, étant donné que je suis d’avis que le demandeur ne subirait pas un préjudice irréparable s’il était renvoyé au Pakistan. Comme la Cour d’appel fédérale a déclaré dans l’arrêt Atwal c. Canada (M.C.I.), 2004 CAF 427, un préjudice irréparable doit être plus qu’une série d’hypothèses. Dans la présente affaire, le demandeur n’a fourni aucun élément de preuve objectif démontrant que sa vie était encore menacée au Pakistan. Il n’a fourni aucune explication quant aux raisons pour lesquelles il n’a pas présenté, après février 2004, d’autres observations dans sa demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire s’il avait l’impression qu’elles auraient été pertinentes à cette demande et qu’elles devaient être présentées à l’agent chargé d’examiner la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire avant qu’il rende sa décision.

 

[18]            Quant aux conséquences pour sa santé, il n’existe aucune preuve que sa blessure, pour laquelle il a déjà été subi une intervention chirurgicale, ne peut être soignée au Pakistan ou qu’il ne peut obtenir des services de réadaptation. Il se peut qu’il ne puisse pas subvenir à ses besoins ou à ceux de sa famille, sur le plan financier, aussi bien qu’il pourrait le faire au Canada ou que ses possibilités d’emploi soient plus limitées pendant une courte période. Mais tout cela n’est qu’une hypothèse et est en quelque sorte compensé par le fait qu’il pourra compter sur toute sa famille au Pakistan au lieu d’être seul au Canada. Une fois de plus, toutes ces conséquences sont inhérentes à la notion même d’expulsion.

 

[19]            Finalement, le renvoi du demandeur ne rendra pas ses demandes d’autorisation théoriques. Il peut continuer à être représenté s’il est renvoyé du pays et si en fin de compte il a gain de cause dans ses demandes de contrôle judiciaire, il pourra revenir au Canada aux frais du ministre (Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, paragraphe 52(2)).

 

[20]            Pour tous les motifs précédemment énoncés, je conclus que la prépondérance des inconvénients favorise le ministre. Puisqu’il n’a pas été satisfait aux deux premiers volets du critère énoncé dans l’arrêt Toth, il ne serait pas dans l’intérêt public de surseoir au renvoi. Cela fait maintenant plus de sept ans que le demandeur est arrivé au Canada. Trois décisions administratives défavorables ont été rendues à son endroit. Dans ces circonstances, étant donné qu’il n’y a aucune preuve claire démontrant qu’un préjudice irréparable résulterait du renvoi du demandeur, le ministre est légalement tenu de s’assurer que le renvoi est exécuté dès que cela est possible. Comme la Cour d’appel a déclaré, « [i]l ne s’agit pas simplement d’une question de commodité administrative, il s’agit plutôt de l’intégrité et de l’équité du système canadien de contrôle de l’immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système » (Selliah c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2004 CAF 261).

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

La requête visant un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prise à l’endroit du demandeur est rejetée.

 

« Yves de Montigny »

Juge

Traduction certifiée conforme

 

Danièle Laberge, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑7079‑05

 

INTITULÉ :                                       KHALID MUHAMMAD

                                                            c.

                                                            MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 6 FÉVRIER 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE de MONTIGNY

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 7 FÉVRIER 2006  

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Roxanne Haniff‑Darwent

 

POUR LE DEMANDEUR

Rick Garvin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Darwent Law Office

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.