Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040211

Dossier : T-2269-03

Référence : 2004 CF 225

ACTION RÉELLE ET PERSONNELLE EN MATIÈRE D'AMIRAUTÉ

ENTRE :

                                        ASIAN EXPORTS INTERNATIONAL LTD.

                                                                                                                                demanderesse

                                                                            et

                                            ZIM ISRAEL NAVIGATION CO., LTD.,

SHENZHEN HENG KAI TONG INDUSTRY CO., LTD.,

PAUL MANG,

ET LES PROPRIÉTAIRES ET AUTRES PERSONNES AYANT DES DROITS DANS LE CONTENEUR TOLU3800293

                                                                                                                                      défendeurs

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE


[1]                 La demanderesse, Asian Exports International Ltd., a versé un montant d'argent pour un conteneur de sommiers à ressorts en dépôt et s'est vu remettre un reçu de la part du fabricant chinois. Toutefois, le fabricant, Shenzhen Heng Kai Tong Industry Co., Ltd., qui a reçu le montant d'argent pour les sommiers à ressorts, ou Paul Mang, qui a peut-être servi d'intermédiaire dans la transaction, a refusé de donner à la demanderesse l'un des connaissements à l'égard du conteneur pour lequel elle avait versé un montant d'argent. Par conséquent, la demanderesse, qui avait des engagements pour les sommiers à ressorts, n'a pas pu présenter un connaissement pour en prendre possession lorsque le conteneur est arrivé à Vancouver.

[2]                 Dans la présente instance, l'avocat de la demanderesse, faisant preuve d'initiative, a fait saisir le conteneur, puis a versé une garantie bancaire comme caution afin d'obtenir mainlevée en faveur de la demanderesse.

[3]                 Bien que les défendeurs aient dûment reçu signification, seule Zim Israel Navigation Co., Ltd. (Zim Israel) a comparu en temps opportun : je souligne que Zim Israel a déposé une défense qui a une certaine incidence sur la présente requête.

[4]                 Par la présente requête, la demanderesse cherche à obtenir la remise de la garantie bancaire cautionnant la mainlevée du conteneur. Zim Israel a comparu lors de l'instruction de la requête, non pas pour s'opposer à la mainlevée de la caution mais pour chercher à obtenir une clause d'exonération de responsabilité de la part de la demanderesse car, comme l'avocat de Zim Israel l'a souligné, la demanderesse, qui est à la fois consignataire et partie informée en vertu du connaissement non négociable, a obtenu mainlevée du conteneur sans production de connaissement.


[5]                 En accordant la présente requête visant la remise de la caution, une garantie bancaire détenue par la Cour, j'ai examiné le redressement recherché par le transporteur, Zim Israel, c'est-à-dire l'inclusion d'une clause d'exonération de responsabilité. Une clause d'exonération de responsabilité procurerait à Zim Israel une certaine garantie au cas où les autres défendeurs, ou peut-être une autre entité, feraient une réclamation en alléguant livraison irrégulière du conteneur sans production de connaissement. On laisse entendre en l'espèce qu'une cour de justice dans un autre ressort ne tiendrait peut-être pas compte ou ne reconnaîtrait peut-être pas une décision rendue par la Cour fédérale et les droits acquis, contrairement à ce qui est normalement le cas en vertu du principe de la courtoisie entre États. L'avocat de Zim Israel reconnaît que les chances que cela se produise sont plutôt minces. Je conviens qu'il existe peut-être une certaine possibilité que Zim Israel fasse l'objet d'une réclamation parce que le principe de courtoisie n'est pas un principe absolu :

La « courtoisie » au sens juridique n'est ni une question d'obligation absolue d'une part ni de simple politesse et de bonne volonté de l'autre. Mais c'est la reconnaissance qu'une nation accorde sur son territoire aux actes législatifs, exécutifs ou judiciaires d'une autre nation, compte tenu à la fois des obligations et des convenances internationales et des droits de ses propres citoyens ou des autres personnes qui sont sous la protection de ses lois.

Hilton c. Guyot, (1895) 159 U.S. 113, p. 163-164

Le juge Gray a ensuite fait remarquer, aux pages 202 et 203, qu'une affaire ne devrait pas être jugée de nouveau dans un autre pays, en l'espèce les États-Unis, après que le défendeur eut été dûment cité à comparaître, simplement parce que l'on affirme qu'un juge d'une autre cour de justice, dans un autre pays, a commis une erreur de fait ou de droit.


[6]                 Une cour de justice ne devrait pas s'imposer des restrictions ou circonscrire le contenu de ses décisions parce qu'elle veut tenir compte de la faible possibilité qu'une cour de justice d'un autre ressort ne respecte pas le concept de la courtoisie entre cours de justice. Je fais cette remarque malgré les décisions Voss c. APL [2002] 2 Lloyd's Rep. 707 (Cour d'appel de Singapour) et The Rafaela S [2003] 2 Lloyd's Rep. 114 (C.A.), qui, je crois, fait présentement l'objet d'un appel. La Cour d'appel, dans la décision The Rafaela S, a mentionné l'affaire Voss et la nécessité de la production d'un connaissement, qui était non négociable comme en l'espèce, pour obtenir la livraison d'une cargaison. Certes, dans la décision Voss, la Cour d'appel de Singapour a conclu que la cargaison n'aurait pas dû être livrée sans qu'un connaissement ne soit présenté. La Cour d'appel, dans la décision The Rafaela S, n'était pas saisie d'un cas de livraison de biens sans connaissement, mais elle a analysé ce point en profondeur dans son examen de l'effet d'un connaissement non négociable et de la question de savoir s'il relevait des Règles de la Haye en tant que connaissement maritime. Toutefois, ce que la Cour d'appel avait à dire constituait, pour l'essentiel, une remarque incidente.


[7]                 Bien que l'avocat de Zim Israel ait renvoyé, avec raison et d'une manière intéressante, à ces affaires, il faut faire une distinction entre celles-ci. La décision Voss serait certainement pertinente si Zim Israel avait cédé aux offres alléchantes de la demanderesse et avait volontairement livré le conteneur de sommiers à ressorts sans avoir reçu de connaissement. En pareil cas, Zim Israel pourrait peut-être être tenue responsable d'une livraison irrégulière. Toutefois, en l'espèce, l'ensemble des parties intéressées ont eu la possibilité d'intervenir. La demanderesse a présenté une preuve non contestée qu'elle avait versé un montant d'argent pour les sommiers à ressorts. Qui plus est, Zim Israel a effectué la livraison, non pas volontairement, mais sur ordonnance de la cour, comme c'est le cas d'ailleurs pour la présente remise de caution à la demanderesse.

[8]                 Si l'on revient à la position de Zim Israel, il pourrait être utile d'ajouter, dans l'ordonnance qui accompagne les présents motifs, certaines dispositions pour la rassurer. Par conséquent, j'ai énuméré brièvement dans l'ordonnance les faits pertinents et j'ai souligné que l'ordonnance interdit à Shenzhen Heng Kai Tong Industry Co. Ltd. et à Paul Mang de faire quelque réclamation que ce soit contre Zim Israel quant au conteneur, notamment pour défaut de livraison, livraison irrégulière ou livraison sans production de connaissement non négociable.

[9]                 Je remercie l'avocat pour ses arguments intéressants. Il convient que chacune des parties défraient ses propres dépens.

« John A. Hargrave »

        Protonotaire

Vancouver (C.-B.)

Le 11 février 2004

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                     T-2269-03

INTITULÉ :                                                                     ASIAN EXPORTS INTERNATIONAL LTD.

c.

ZIM ISRAEL NAVIGATION CO., LTD. ET AUTRES

DATE DE L'AUDIENCE :                                            LE 9 FÉVRIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                              LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

DATE DES MOTIFS :                                                   LE 11 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :                      

Elyn Underhill                                  

Peter W Davidson

POUR LA DEMANDERESSE

                                 

POUR LA DÉFENDERESSE

Zim Israel Navigation Co., Ltd.

                               

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Giaschi & Margolis

Avocats

Vancouver (C.-B.)                          

BRISSET BISHOP S.E.N.C.

Avocats

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

                                

                                

                                

POUR LA DÉFENDERESSE

Zim Israel Navigation Co., Ltd.


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.