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Date : 20021021

Dossier : IMM-3359-02

Référence neutre : 2002 CFPI 1098

ENTRE :

                                                           SALOME MAGNO SORIA

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

[1]                 Le défendeur s'oppose à la requête de la demanderesse en prorogation du délai de signification et de dépôt de son dossier. Selon lui, la demanderesse n'a pas rempli les quatre conditions nécessaires pour une prorogation de délai, ainsi que les a énoncées la Cour d'appel dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Hennely (1999), 244 N.R. 399, à la page 400 :

(i)                    une intention constante de faire avancer sa demande;

(ii)                  le fait que la demande présente une valeur intrinsèque;

(iii)                 le fait que le demandeur n'est pas préjudicié par le retard; et


(iv)              l'existence d'une explication raisonnable justifiant le retard.

Ces éléments devraient être mis en équilibre, sans que les éléments forts obscurcissent les éléments faibles, l'objectif global étant de départager équitablement les parties : voir l'arrêt Grewal c. Canada (M.E.I.), [1985] 2 C.F. 263, page 282 (C.A.F.).

[2]                 Peut-être la demanderesse a-t-elle quelque peu manqué de motivation et d'initiative, mais je suis disposé à supposer chez elle, au vu du dossier, une intention constante, laquelle constitue le premier des quatre volets du critère.

[3]                 Le défendeur ne paraît aucunement préjudicié.

[4]                 Les pièces du dossier expliquant le retard ne sont pas très convaincantes, en ce sens qu'elles ne l'abordent pas d'une manière détaillée, mais je suis disposé à accepter, comme raison du retard, l'urgence provoquée par l'état de santé du père de la demanderesse. Une telle raison peut être inattendue et par conséquent entrer dans les paramètres du jugement Chin c. Canada (M.E.I.) (1993), 69 F.T.R. 77 (C.F. 1re inst.). Cependant, comme le faisait observer le juge Reed dans l'affaire Chin, je dois me garder d'être injuste en accordant trop facilement une prorogation de délai quand les autres avocats ne s'acquittent sans doute de leur tâche qu'au prix d'un suprême effort pour respecter les échéances et faire du bon travail.

[5]                 En l'espèce, les pièces produites par la demanderesse ne prouvent nullement que ses arguments ont une valeur intrinsèque ou qu'il s'agit d'arguments défendables : voir Hennelly (précité), page 401, Grewal (précité), page 277, et Aguiar c. Canada (M.C.I.) (1995), 106 F.T.R. 304 (C.F. 1re inst.), page 306, une décision de M. le juge Muldoon. Dans le jugement Aguiar, le juge Muldoon faisait observer que, d'après le dossier, il n'y avait « tout simplement pas moyen de savoir en quoi consiste la cause du requérant, ni si elle est bien fondée » (page 306). La Cour avait dans cette affaire refusé la prorogation de délai.

[6]                 L'avocat du défendeur souligne, dans la présente affaire, qu'il n'y a aucun moyen de mesurer la valeur intrinsèque des arguments de la demanderesse. Le dossier de requête de la demanderesse ne renferme en réalité aucun élément pouvant tant soit peu donner à entendre que l'agent des visas a refusé injustement sa demande de résidence permanente au Canada.


[7]                 L'avocat de la demanderesse a déposé un document appelé « Réponse à la requête du défendeur » , qui, d'après ce que je crois comprendre, est une réponse à l'argument présenté par le défendeur. Cependant, la réponse de la demanderesse ne dit rien sur la valeur intrinsèque de l'affaire. Selon l'argumentation écrite, « il y a des prétentions défendables » . La banalité de cette affirmation ne fait pas progresser la position de la demanderesse. Je me référerai ici au jugement Lieu c. Canada (M.E.I.), une décision non publiée rendue le 2 juin 1994 par Mme le juge Simpson, dossier IMM-589-94, dans laquelle le demandeur, qui sollicitait une prorogation de délai, affirmait que le tribunal avait commis une erreur de droit et qu'il existait des arguments substantiels et défendables qui valaient d'être examinés au fond. Le juge Simpson a refusé dans les termes suivants la demande de prorogation de délai :

Faute de détails dans l'affidavit ou dans les conclusions écrites, cette information n'est pas suffisante pour permettre de conclure à l'existence d'une demande justifiable au fond. Enfin, des allégations pures et simples de violation de la Charte ne suffisent pas là où il incombe au requérant de présenter un argument solide pour justifier une prorogation de délai.

Affirmer simplement qu'il existe des prétentions défendables ne suffit pas pour faire admettre une requête en prorogation de délai. Compte tenu de l'omission de l'avocat, c'est-à-dire son inertie à expliquer davantage l'affirmation banale de la valeur intrinsèque du dossier, je dois me demander si l'omission peut être réparée. En temps normal je n'accorderais pas une deuxième chance d'obtenir une prorogation de délai, sauf s'il existe des circonstances particulières.

[8]                 En l'espèce, je crois indiqué de me demander si je devrais accorder à l'avocat et à la demanderesse une deuxième chance d'obtenir une prorogation à la faveur d'éléments supplémentaires ou nouveaux. Je dois ici mettre dans la balance l'équité à laquelle a droit l'avocat du défendeur, qui a constitué une argumentation raisonnable et complète en opposition à la requête.


[9]                 Pour ce qui est de départager équitablement les parties, l'objectif global indiqué par la Cour d'appel dans l'arrêt Grewal, j'observe que, sur des fondements très minces, l'avocat du défendeur a demandé une prorogation du délai à l'intérieur duquel il devait répondre à la présente requête. Le défendeur ne répondait d'ailleurs aucunement, dans cette requête, aux éléments exposés dans l'affaire Hennelly (précitée), et en particulier celui du bien-fondé de la demande, mais affirmait simplement que les pièces avaient été transmises à un auxiliaire juridique, pour examen du dossier, mais l'auxiliaire juridique était en congé. L'ordonnance accordant la prorogation ne le dit pas, mais j'ai le sentiment que, si elle a été accordée, c'est uniquement parce que l'avocat de la demanderesse a produit une réponse indiquant qu'il ne s'opposait pas à la requête du défendeur en prorogation de délai.

[10]            Pour départager équitablement les parties, je crois devoir équilibrer leurs intérêts. Le défendeur a été avantagé dans la dernière requête, en ce sens qu'il a pu se dispenser de satisfaire aux conditions énoncées dans le jugement Hennelly, conditions auxquelles il voudrait aujourd'hui que la demanderesse se soumette. Il est juste par conséquent que la demanderesse ait la possibilité de produire un dossier de requête modifié, y compris de nouveaux arguments et un nouvel affidavit, afin d'obtenir la prorogation du délai imparti pour la signification et la production de son dossier.

  

          « John A. Hargrave »          

     Protonotaire

Vancouver (Colombie-Britannique)

le 21 octobre 2002

   

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

REQUÊTE JUGÉE SUR PIÈCES, SANS LA COMPARUTION DES PARTIES

  

DOSSIER :                                                  IMM-3359-02

INTITULÉ :                                                 Salome Magno Soria c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :         le protonotaire Hargrave

DATE DES MOTIFS :                               le 21 octobre 2002

   

OBSERVATIONS ÉCRITES:

H. Alex G. Casuga                                        POUR LA DEMANDERESSE

  

W. Brad Hardstaff                                        POUR LE DÉFENDEUR

    

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet Casuga                                              POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Calgary (Alberta)

  

Morris A. Rosenberg                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Edmonton (Alberta)

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