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                                                                                                             Date : 19980911

                                                                                                        Dossier : T-1750-98

Entre :

ANNETTE MUTTRAY, JAMIE DOUCETTE, MARK BROOKS,

DENNIS PORTER, ALISSA WESTERGARD-THORPE,

AARON-KENDRICK MAUSER, ELISE THORBURN, DUSTIN PIRILLO, mineur représenté par sa tutrice à l'instance SHERI ASH,

MARK BROOKS, TRACIE PARK, STEPHANIE PHILLIPS,

CHRISTINA McCARTHY, DENNIS PORTER, FINDLAY HILL,

RYAN MIJKER, ANDREW ROBERTSON, JOHN HUGHES,

SABRINA BONFONTI, FRANK TESTER, ERIN KAISER,

GARTH MULLINS, LINDSAY DAVIS, ANNA LEWIS, JAIME SALAS, ANDREA NEYEDLI, MATTHEW LAW, JOHN IRWIN et

ELIZABETH ORMOND GRAYER, mineure représentée par sa tutrice à l'instance INESSA ORMOND,

                                                                                                                    demandeurs,

                                                                 - et -

LA COMMISSION DES PLAINTES DU PUBLIC

CONTRE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA,

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA, HUGH STEWART, WILLIAM DINGWALL ET QUELQUE DEUX MILLE MEMBRES

DE LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA,

                                                                                                                     défendeurs.

                                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

(Prononcés au cours d'une conférence téléphonique tenue à Ottawa (Ontario)

et à Vancouver (Colombie-Britannique), le jeudi 10 septembre 1998)


LE JUGE HUGESSEN

[1]         Les demandeurs recherchent une mesure de redressement provisoire afin de suspendre les audiences de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada qui doivent commencer le lundi 14 septembre et qui devraient s'échelonner, du moins pour la première partie, sur quelque six semaines, sinon davantage. La Commission fait enquête sur les événements qui ont eu lieu pendant le Sommet de l'APEC qui s'est tenu à Vancouver en novembre de l'année dernière.

[2]         Les demandeurs ont déposé une demande de contrôle judiciaire mais, en plus de la demande de redressement provisoire dont la Cour est actuellement saisie, ils souhaitent que je procède immédiatement au contrôle judiciaire d'une décision prise par la Commission le 3 septembre dernier, par laquelle la Commission a refusé la demande d'ajournement qu'ils avaient présentée. Je n'ai pas demandé à l'avocat des défendeurs de répondre à cet aspect de la présente requête parce qu'à mon avis il n'y a aucune distinction entre cette requête et leur demande de redressement provisoire et qu'elle est régie par les mêmes règles. Ces règles que je m'apprête maintenant à appliquer sont le critère en trois étapes bien connu qui a été énoncé par la Cour suprême du Canada et qu'elle a récemment réaffirmé dans l'arrêt R.J.R. MacDonald Inc. c. Canada, [1994] 1 R.C.S. 312.

[3]         Au nombre des demandeurs figurent cinq des quelque 49 personnes dont les plaintes sont à l'origine de l'enquête qu'ils cherchent maintenant à faire suspendre. Je note que les autres plaignants n'ont pas présenté de demande semblable à la Cour. Il est important de rappeler quelle est la fonction de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada. D'après ce que je comprends de la Loi, son unique rôle est de faire enquête sur des plaintes concernant l'inconduite des membres de la GRC et d'en faire rapport au commissaire. Ses décisions ne sont pas exécutoires et elles n'ont pas non plus l'effet des jugements d'une cour de justice. À mon avis, elles n'ont pas force de loi. Ce sont simplement des recommandations.

[4]         Pour les fins de l'audience d'aujourd'hui, je suis disposé à présumer, sans toutefois me prononcer à ce sujet, que les demandeurs ont soulevé une question sérieuse à juger. Cette première étape du triple critère établit des exigences peu élevées et je serais peu disposé à rejeter une demande de redressement provisoire uniquement sur ce point, même si je n'exclus pas la possibilité de le faire. Comme je l'ai dit, je présume, sans me prononcer à ce sujet, qu'une question sérieuse a été soulevée, bien que je ne puisse m'empêcher de noter que le principal argument présenté par l'avocat des demandeurs à l'appui de cette question sérieuse, c'est-à-dire l'argument selon lequel la Commission a un préjugé de nature institutionnelle, est un argument qui non seulement est connu depuis de très nombreux mois, mais qui pouvait être connu depuis tout ce temps, et qu'il est soulevé très tard dans l'instance aux fins de son application au redressement recherché aujourd'hui et fondé sur ce motif.

[5]         Quant à la question du préjudice irréparable, la Commission ne peut tirer aucune conclusion à l'encontre des demandeurs. Elle ne peut faire aucune recommandation qui portera atteinte à leurs droits. Toutefois, l'avocat laisse entendre que les demandeurs subiront un préjudice du fait qu'ils devront comparaître, témoigner et subir un contre-interrogatoire, peut-être sans l'aide d'un avocat, au cours d'une audience publique. À mon avis, cela ne peut constituer en droit un préjudice irréparable.

[6]         L'obligation de comparaître et de témoigner devant une commission d'enquête publique peut être imposée à tout citoyen et tant et aussi longtemps que le témoin dit la vérité, il n'a rien à craindre. Je note qu'aucun des demandeurs n'a été poursuivi au sujet des événements de novembre dernier. Leur témoignage devant la Commission ne peut bien entendu être utilisé contre eux et, de toute façon, il est trop tard pour déposer des chefs d'accusation ayant trait à l'une ou l'autre des infractions punissables sur déclaration sommaire de culpabilité dont ils auraient peut-être pu être accusés.

[7]         J'aborde maintenant la question de la prépondérance des inconvénients et de l'évaluation du préjudice qui pourrait être causé à d'autres personnes au cas où la mesure de redressement provisoire demandée serait accordée. Je dois mentionner ici l'argument très convaincant qui a été présenté par M. MacIntosh qui représente quelque trente-neuf, si je l'ai bien compris, des membres de la GRC dont la conduite fait l'objet de l'enquête qui doit commencer lundi prochain. Ces personnes sont bien les seules qui pourraient réellement subir un préjudice grave si la Commission publiait un rapport négatif. Ils ont donc tout intérêt à ce que la Commission fasse son travail. Les événements se sont produits en novembre dernier. Il est important que les accusations ou les suggestions ou les sous-entendus défavorables au sujet de leur conduite et qui pourraient avoir des répercussions négatives sur leur carrière professionnelle, soient entendus, examinés et réglés le plus tôt possible. La suspension de l'audience causerait donc un préjudice à ces personnes.

[8]         Il y a également le préjudice qui pourrait être causé à l'intérêt public. Les événements qui se sont produits au Sommet de l'APEC en novembre dernier ont suscité de nombreuses réactions du public dont la presse fait encore état. Il est donc dans l'intérêt public qu'une commission publique enquête sur ces événements. En fait, les demandeurs eux-mêmes figurent parmi les personnes qui sont responsables du fait que l'enquête publique commencera lundi prochain. Il me semble donc injuste et inapproprié de les laisser maintenant essayer d'entraver le processus qu'ils ont eux-mêmes engagé et de suspendre celui-ci au moment où il est sur le point de porter fruit.

[9]         Je conclus donc que la prépondérance des inconvénients dicte clairement qu'il faut refuser la mesure de redressement provisoire. Par conséquent, la demande de redressement provisoire sera rejetée comme l'indique l'ordonnance que je m'apprête à signer.

                                                                                   « James K. Hugessen »

                                                          

                                                                                                Juge

Ottawa (Ontario)

le 11 septembre 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                              T-1750-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :Annette Muttray, Jamie Doucette, Mark Brooks,

Dennis Porter, Alissa Westergard-Thorpe, Aaron-Kendrick Mauser, Elise Thorburn, Dustin Pirillo, mineur représenté par sa tutrice à l'instance Sheri Ash, Mark Brooks, Tracie Park, Stephanie Phillips, Christina McCarthy, Dennis Porter, Findlay Hill, Ryan Mijker, Andrew Robertson, John Hughes, Sabrina Bonfonti, Frank Tester, Erin Kaiser, Garth Mullins, Lindsay Davis, Anna Lewis, Jaime Salas, Andrea Neyedli, Matthew Law, John Irwin et Elizabeth Ormond Grayer, mineure représentée par sa tutrice à l'instance Inessa Ormond

                                                                                                c.

La Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie royale du Canada, le procureur général du Canada, le solliciteur général du Canada, Sa Majesté la Reine du chef du Canada, Hugh Stewart, William Dingwall et quelque deux mille membres de la Gendarmerie Royale du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :Ottawa (Ontario) (par voie de conférence téléphonique avec Vancouver (C.-B.))

DATE DE L'AUDIENCE : le 10 septembre 1998

                                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                 DU JUGE HUGESSEN

                                     EN DATE DU 11 SEPTEMBRE 1998


ONT COMPARU :

A. Cameron Ward et Aymen Nader                  pour les demandeurs

Christopher M. Considine, c.r.                                     pour la défenderesse

et Kevin Gillett(Commission des

plaintes du public contre la

GRC)

Ivan G. Whitehall, c.r.                                       pour les défendeurs (Procureur

Simon Fothergill et Brian Tittemore                    général du Canada, et al.)

James W. Wiliams                                                        pour le défendeur (Hugh                                                                                 Stewart)

George K. Macintosh, c.r.                                 pour les défendeurs (William

M. Kevin Woodall et Errin PoynerDingwall et quelque deux mille membres de la GRC)

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

A. Cameron Ward & Company

Vancouver (C.-B.)                                                       pour les demandeurs

Bureau de l'avocat de la Commission                 pour la défenderesse

des plaintes du public contre la GRC                 (Commission des

Vancouver (C.-B.)plaintes du public contre de la

                                                           GRC

Morris Rosenberg, Sous-procureur                   pour les défendeurs (Procureur

général du Canada, Ottawa (Ontario)                général du Canada, et al.)

Smart & Williams                                                         pour le défendeur (Hugh

Vancouver (C.-B.)                                                      Stewart)

Farris, Vaughan, Wills & Murply                                  pour les défendeurs (William

Vancouver (C.-B.)                                                       Dingwall et quelque deux mille

                                                                                   membres de la GRC)

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