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Date : 20191121


Dossiers : IMM‑861‑19

IMM‑862‑19

IMM‑863‑19

Référence : 2019 CF 1484

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 novembre 2019

En présence de monsieur le juge Gascon

Dossier : IMM‑861‑19

ENTRE :

XIAOXIA YANG

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

Dossier : IMM‑862‑19

ET ENTRE :

ZIMING WANG

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

Dossier : IMM‑863‑19

ET ENTRE :

SHIBIN WANG

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Les demandeurs dans les dossiers connexes IMM‑861‑19, IMM‑862‑19 et IMM‑863‑19 sont membres de la même famille et citoyens chinois. Il s’agit de M. Shibin Wang [M. Wang], son épouse, Mme Xiaoxia Yang [Mme Yang] et leur fils, M. Ziming Wang [Ziming] [collectivement, les demandeurs].

[2]  En 2008, M. Wang a déposé une demande de résidence permanente au Canada sur laquelle figuraient Mme Yang et Ziming. En décembre 2013, les demandeurs ont obtenu le statut de résident permanent au Canada. Cependant, en juillet 2017, un agent d’immigration a établi un rapport d’interdiction de territoire aux termes du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], et a conclu que M. Wang avait fait une fausse déclaration ou une omission quant à un fait important dans sa demande de résidence permanente, en contravention de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, et que les demandeurs étaient donc interdits de territoire au Canada. Le rapport indiquait que, lorsqu’il a mis à jour sa demande de résidence permanente en mai 2013, M. Wang avait répondu par la négative à la question de savoir si lui ou des membres de sa famille s’étaient, à un certain moment [TRADUCTION] « vus refuser le statut de réfugié, un visa d’immigrant ou de résident permanent [...] un visa de visiteur ou de résident temporaire au Canada ou dans un autre pays ». Cette réponse était incorrecte, car entre sa demande initiale de 2008 et celle mise à jour en mai 2013, M. Wang s’était vu refuser un visa de visiteur aux États‑Unis [É.‑U.] à quatre reprises, à savoir en décembre 2010, en janvier et en mai 2011 puis en mars 2013. Les autorités américaines ont fourni des motifs succincts à l’appui de ces refus, expliquant simplement que le motif professionnel du voyage avancé par M. Wang n’était pas crédible, que ses demandes comportaient des contradictions et que la lettre d’invitation qu’il avait soumise était frauduleuse.

[3]  Dans une décision rendue en janvier 2019 [décision], la Section d’appel de l’immigration [SAI] a rejeté les appels interjetés par les demandeurs à l’encontre des conclusions de la Section d’immigration, et a conclu que la fausse déclaration de M. Wang ayant consisté à ne pas divulguer ses quatre demandes infructueuses de visa de visiteur aux États‑Unis était importante et aurait pu entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. Des mesures de renvoi ont alors été prises contre les trois demandeurs.

[4]  M. Wang, Mme Yang et Ziming ont chacun sollicité devant la Cour le contrôle judiciaire de la décision. Ils font valoir que i) la SAI n’a pas tenu compte de la preuve relative aux circonstances ayant entouré la fausse déclaration pour déterminer si elle était importante, ii) la preuve ne suffisait pas à étayer la conclusion de la SAI et iii) la SAI a commis une erreur quant au fardeau de preuve imposé par l’alinéa 40(1)a) de la LIPR. Ils demandent chacun à la Cour d’annuler la décision et de renvoyer le dossier à la SAI pour un nouvel examen par un tribunal différemment constitué.

[5]  Pour les motifs qui suivent, je rejetterai les trois demandes. Après examen de la preuve dont disposait la SAI, des motifs de la décision et du droit applicable, je ne vois aucune raison d’annuler la décision de la SAI. Celle‑ci était appropriée compte tenu de la preuve, et l’issue est défendable au regard des faits et du droit. La décision appartient aux issues possibles acceptables. Par ailleurs, même si un passage de la décision aurait pu être formulé plus clairement, les motifs expliquent de manière adéquate comment la SAI en est venue à conclure que M. Wang avait à plusieurs reprises fait une fausse déclaration quant à un fait important dans sa demande de résidence permanente, et en quoi la preuve était suffisante pour satisfaire aux exigences de l’alinéa 40(1)a). Il n’y a donc rien qui justifie l’intervention de la Cour.

II.  Contexte

A.  La décision de la SAI

[6]  La SAI a tout d’abord conclu que la conclusion de fausse déclaration était valide en droit. Ayant décrit les explications avancées par M. Wang au sujet des problèmes liés à ses demandes de visa américain, à savoir qu’une agence avait rempli les formulaires, qu’il ne comprenait pas l’anglais et qu’il n’avait pas délibérément dissimulé des informations, la SAI a fait remarquer qu’il n’est pas nécessaire que l’acte ou que l’omission soit délibéré ou volontaire pour qu’une fausse déclaration entraîne l’interdiction de territoire, et que les fausses déclarations commises par des tiers pour le demandeur sont visées, comme en témoigne l’usage du terme [TRADUCTION] « indirectement » à l’alinéa 40(1)a) de la LIPR (Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1059; Mohammed c Canada (Citoyenneté et Immigration), [1997] 3 CF 299 (CF)). Compte tenu du profil de M. Wang et de son témoignage, la SAI n’a pas cru qu’il aurait signé une demande de résidence permanente sans en comprendre le contenu. La SAI a par ailleurs indiqué qu’il faut, aux termes de l’alinéa 40(1)a), faire la preuve que les demandeurs ont directement ou indirectement fait une présentation erronée sur un fait important quant à un sujet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui a entraîné ou risquait d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. Elle a souligné qu’il suffit que la fausse déclaration ait pu entraîner une erreur et que la non‑divulgation par M. Wang des refus de visa américain ait empêché que d’autres enquêtes et vérifications de ses antécédents puissent être effectuées. La SAI a conclu que l’alinéa 40(1)a) s’appliquait à M. Wang, ainsi qu’à Mme Yang et à Ziming, étant donné qu’ils avaient tiré profit de la fausse déclaration et qu’ils avaient donc directement ou indirectement dissimulé un fait important.

[7]  Ayant conclu qu’une fausse déclaration avait été faite, la SAI s’est demandé si elle devait exercer son pouvoir discrétionnaire prévu à l’alinéa 67(1)c) de la LIPR et s’il y avait, au moment où elle statuait sur l’appel et compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant, des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales. La SAI a refusé d’accorder de telles mesures, après avoir tenu compte de facteurs divers, notamment la protection de l’intégrité du système d’immigration, la gravité de la fausse déclaration, l’absence de remords ou de responsabilité assumée par les demandeurs relativement aux fausses informations, le degré d’établissement au Canada, l’absence de famille immédiate au Canada, les lettres de soutien de la collectivité, le degré de difficultés découlant du renvoi du Canada, le degré d’établissement en Chine et le fait que les demandeurs sont tous adultes. Ces derniers ne contestent pas cette partie de la décision.

B.  La norme de contrôle

[8]  La Cour a affirmé à plusieurs reprises que l’interprétation et l’application de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR soulèvent des questions de fait et de droit, soumises à la norme de la décision raisonnable (Kangah c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 814 au para 15; Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 880 aux para 13 à 16; Mohseni c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 795 aux para 5, 8; Sidhu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 419 au para 12; Goburdhun c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 971 [Goburdhun] au para 19). Étant donné que la jurisprudence a déjà établi que la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique, il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse relative à la norme de contrôle (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir] au para 62).

[9]  L’analyse d’une décision suivant la norme de la décision raisonnable s’intéresse « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel », et les conclusions de la SAI ne doivent pas être modifiées pour autant que la décision « [appartienne] [...] aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir au para 47). En d’autres mots, les motifs d’une décision sont raisonnables s’ils « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland Nurses] au para 16). Lorsqu’elle procède au contrôle de conclusions de fait selon la norme de la décision raisonnable, la Cour n’a pas pour rôle de procéder à une nouvelle pondération de la preuve ou de l’importance relative accordée par le décideur aux facteurs pertinents (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 au para 112).

[10]  Parce qu’elle « repose sur le choix du législateur de confier à un tribunal administratif spécialisé la responsabilité d’appliquer les dispositions législatives, ainsi que sur l’expertise de ce tribunal en la matière » (Edmonton (Ville) c Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd, 2016 CSC 47 au para 33; Dunsmuir aux para 48 et 49), la norme de la décision raisonnable exige de faire preuve de déférence envers le décideur. Suivant la norme du caractère raisonnable, lorsqu’une question de fait et de droit relève directement du champ d’expertise d’un décideur, « la cour de révision a pour tâche d’exercer une surveillance à l’égard de l’approche utilisée par le tribunal dans le contexte de la décision prise dans son ensemble. Son rôle n’est pas d’imposer l’approche de son choix » (Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31 [CCDP] au para 57; Newfoundland Nurses au para 17).

III.  Analyse

A.  Défaut d’examiner adéquatement la preuve

[11]  Les demandeurs contestent tout d’abord l’évaluation de la preuve par la SAI et soutiennent que celle‑ci n’a pas tenu compte des circonstances particulières de M. Wang. Ils soutiennent que, pour déclarer un résident permanent interdit de territoire aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, la SAI devait être convaincue que a) l’intéressé a fait une fausse déclaration directe ou indirecte, b) la fausse déclaration portait sur un fait important quant à un sujet pertinent, et c) la fausse déclaration a entraîné ou aurait pu entraîner une erreur dans l’application de la LIPR (Kazzi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 153 au para 32). Les demandeurs affirment par ailleurs que pour déterminer si une fausse déclaration est importante, tous les renseignements pertinents doivent être considérés, y compris les faits propres à l’intéressé à qui la fausse déclaration est reprochée (Murugan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 547 aux para 13 et 14). Ils font aussi valoir que le fait de ne pas analyser adéquatement l’importance de la fausse déclaration constitue une erreur susceptible de contrôle (Koo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 931 au para 38). Les demandeurs soutiennent donc que la SAI n’a pas analysé convenablement l’importance des fausses déclarations, en ce sens qu’elle s’est demandé uniquement si la non‑divulgation des refus de demandes de visa américain avait empêché que d’autres enquêtes et vérifications de ses antécédents puissent être effectuées, qu’elle a ignoré les circonstances particulières de M. Wang et qu’elle ne s’est pas demandé si la non‑divulgation aurait pu entraîner une erreur en l’espèce.

[12]  Je ne souscris pas à leurs prétentions.

[13]  Je suis convaincu que la situation de M. Wang tombe directement sous le coup de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, aux termes duquel emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations le fait de « directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi ». Il est bien reconnu que, sous le régime de la loi, il n’est pas nécessaire que la fausse déclaration soit intentionnelle, délibérée ou faite par négligence (Bellido c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 452 au para 28). De plus, pour être jugé important, un fait n’a pas à être décisif ou déterminant; il suffit qu’il soit suffisamment important pour avoir une incidence sur le processus ou la décision finale (Chhetry c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 513 au para 30; Goburdhun au para 37; Oloumi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 428 au para 25).

[14]  En l’espèce, les demandeurs ont reconnu devant la SAI que les demandes de visa américain de M. Wang ont été refusées à quatre reprises distinctes. Le fait que M. Wang ait obtenu de l’aide pour remplir certaines de ses demandes de visa américain et mettre à jour sa demande de résidence permanente en mai 2013 ne le dispense pas de l’obligation de dire la vérité aux autorités canadiennes. Après avoir examiné la décision et la preuve dont disposait la SAI, je suis convaincu que cette dernière a procédé à un examen raisonnable de la preuve avant de conclure que la fausse déclaration revêtait l’importance requise. Elle a expressément conclu que la non‑divulgation des refus de visa américain avait empêché que d’autres enquêtes et vérifications d’antécédents puissent être effectuées par les autorités canadiennes de l’immigration. Si M. Wang avait répondu sincèrement, les fonctionnaires de l’immigration auraient peut‑être posé des questions supplémentaires au sujet des refus dans le but d’établir si les fonctionnaires américains savaient quelque chose qu’ignoraient leurs homologues canadiens.

[15]  L’ensemble des éléments qui doivent être présents pour qu’un résident permanent ou un étranger soit interdit de territoire aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR sont présents en l’espèce : une fausse déclaration a été commise quant à un fait et cette fausse déclaration concernait un fait important, en ce sens qu’elle risquait d’entraîner une erreur dans l’application de la loi ou d’affecter le processus.

[16]  Je conviens par ailleurs avec le ministre qu’il n’est pas nécessaire d’analyser l’importance de la fausse déclaration lorsque les circonstances indiquent clairement qu’elle risque d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR (Inocentes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1187 au para 19). C’est le cas ici, attendu que la fausse déclaration a clairement empêché les autorités canadiennes de l’immigration d’effectuer une enquête plus approfondie sur les refus des demandes de visa américain de M. Wang, et elle aurait ainsi pu entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. Compte tenu de la question précise contenue dans la demande de résidence permanente concernant des refus antérieurs de demandes de visa de visiteur, et comme M. Wang a omis de mentionner quatre refus différents, il n’était certainement pas déraisonnable que la SAI conclue que ces circonstances ne relevaient pas de la catégorie étroite des [TRADUCTION] « fausses déclarations faites en toute innocence ». En d’autres mots, la SAI a tiré une conclusion de fait qui appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[17]  Je ne suis pas non plus convaincu que la SAI n’a pas tenu compte de la situation personnelle de M. Wang avant de conclure que la fausse déclaration était importante. C’est au contraire précisément ce qu’elle a fait dans la décision. Après avoir apprécié la preuve et le témoignage de M. Wang, la SAI a souscrit aux conclusions de la Section de l’immigration portant sur le fait que la non‑divulgation des refus de demandes de visa américain avait empêché que d’autres enquêtes et vérifications des antécédents puissent être effectuées. La décision et la preuve au dossier montrent que la SAI a évalué de manière exhaustive les différents refus des demandes de visa de visiteur américain en s’appuyant sur le témoignage des demandeurs. Le dossier indique en outre que ces derniers ont tous abondamment évoqué devant la SAI, avec l’aide de leur avocat, les refus en question au cours de leur témoignage. En fait, dans la décision, la SAI a analysé ces témoignages de long en large avant de conclure que les demandeurs manifestaient peu de remords.

[18]  En fin de compte, dans les arguments qu’ils avancent en l’espèce, les demandeurs expriment simplement leur désaccord avec l’évaluation de la preuve effectuée par la SAI et demandent à la Cour de préférer leur évaluation et leur interprétation à celles du tribunal. M. Wang, Mme Yang et Ziming invitent essentiellement la Cour à procéder à une nouvelle pondération de la preuve dont disposait la SAI. Cependant, lorsqu’elle soumet des conclusions de fait à la norme de la décision raisonnable, la Cour n’est pas appelée à remplir ce rôle ni à réévaluer l’importance relative accordée par le décideur aux facteurs pertinents ou aux éléments de preuve. Il suffit de conclure que le raisonnement de la SAI n’est pas vicié et qu’il est étayé par la preuve. Je suis convaincu que les explications et les arguments des demandeurs ont tous été examinés et considérés par la SAI; elle ne les a simplement pas retenus.

[19]  Je souligne que la question dont je suis saisi n’est pas de savoir si l’interprétation proposée par les demandeurs pourrait être viable ou raisonnable. C’est plutôt à l’égard de l’interprétation de la SAI que je me dois de répondre à cette question, en plus de juger si elle appartient aux issues possibles acceptables. Le fait qu’il puisse y avoir d’autres interprétations raisonnables des faits sous‑tendant la fausse déclaration faite par M. Wang au titre de l’alinéa 40(1)a) ne signifie pas en soi que l’interprétation de la SAI n’était pas raisonnable.

[20]  Lors du contrôle judiciaire, la Cour ne doit pas substituer son propre jugement à celui de la SAI. Suivant la norme de la décision raisonnable, la cour de révision s’intéresse à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel et détermine si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (CCDP au para 55). La Cour doit surtout s’atteler à « rechercher si une conclusion a un caractère irrationnel ou arbitraire » en relevant par exemple « le caractère illogique ou irrationnel du processus de recherche des faits » ou de l’analyse, ou « l’absence de tout fondement acceptable à la conclusion de faits tirés » (Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CAF 113 au para 99, infirmé pour d’autres motifs dans 2015 CSC 61). Je ne vois rien d’irrationnel ou d’arbitraire dans la conclusion de la SAI soutenant que M. Wang a fait une fausse déclaration contraire à l’alinéa 40(1)a) de la LIPR.

B.  Fardeau de preuve

[21]  Les demandeurs soutiennent également que la SAI n’a pas appliqué le bon fardeau de preuve et contestent en particulier un passage figurant au paragraphe 14 de la décision, dans lequel la SAI déclare que « [l]’alinéa 40(1)a) exige que les [demandeurs] démontrent, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils n’ont pas, directement ou indirectement, fait une présentation erronée sur un fait important quant à un sujet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR ». Ils font valoir qu’aux termes de l’alinéa 45d), il incombe au ministre d’établir, selon la prépondérance des probabilités, à l’égard du résident permanent faisant l’objet d’un rapport visé à l’article 44, que celui‑ci a fait une fausse déclaration importante qui entraîne son interdiction de territoire. Ce fardeau n’incombe pas au résident permanent.

[22]  Je ne souscris pas à la lecture que retiennent les demandeurs de la décision à cet égard. Lorsque la décision de la SAI est lue dans son intégralité, j’estime que l’argument des demandeurs concernant la question de la possible inversion du fardeau de preuve applicable est infondé.

[23]  Je ne conteste pas qu’il incombe au ministre de prouver une fausse déclaration alléguée au titre de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR (Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Amergo, 2018 CF 996 au para 18; Hehar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1054 au para 35). Je reconnais aussi que dans sa formulation, le paragraphe 14 de la décision de la SAI pourrait laisser entendre que la SAI a effectivement imposé aux demandeurs le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils n’ont pas directement ou indirectement fait une présentation erronée sur un fait important quant à un sujet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui risquait d’entraîner une erreur dans l’application de la LIPR. Cependant, en l’espèce, il ne fait pas de doute qu’il y a eu une fausse déclaration, étant donné que M. Wang a concédé qu’il s’était vu refuser un visa américain à quatre reprises différentes et que sa demande de mise à jour en mai 2013 ne faisait pas état de ces refus. Par ailleurs, lorsque l’extrait invoqué par les demandeurs est remis dans son contexte et que la décision est lue dans son intégralité, je n’ai aucune hésitation à conclure que la SAI a effectué une évaluation approfondie de la preuve soumise par les parties, qu’elle s’est assuré que le ministre avait fourni la preuve requise et qu’elle a raisonnablement conclu que ce dernier s’était acquitté de son fardeau quant à la fausse déclaration et à son importance. En d’autres mots, après avoir examiné la décision et le dossier dont disposait la SAI, je ne crois pas que cette dernière a mal interprété et mal appliqué le fardeau de preuve imposé par l’alinéa 40(1)a) de la LIPR.

IV.  Conclusion

[24]  Pour les motifs qui précèdent, les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées. Je suis convaincu que la SAI a raisonnablement examiné la preuve dont elle disposait et qu’elle a expliqué par des motifs adéquats pourquoi elle a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que M. Wang avait fait une fausse déclaration sur un fait important, ou une réticence sur ce fait, dans sa demande de résidence permanente. Selon la norme de la décision raisonnable, il suffit que la décision visée par le contrôle judiciaire appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. C’est le cas en l’espèce. Par conséquent, je ne peux pas annuler la décision de la SAI.

[25]  Aucune partie n’a proposé une question grave de portée générale aux fins de la certification et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans les dossiers IMM‑861‑19, IMM‑862‑19 et IMM‑863‑19

LA COUR STATUE que :

  1. Les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées, sans frais.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Denis Gascon »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

IMM‑861‑19

 

INTITULÉ :

XIAOXIA YANG c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

ET DOSSIER :

IMM‑862‑19

 

INTITULÉ :

ZIMING WANG c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

ET DOSSIER :

IMM‑863‑19

 

INTITULÉ :

SHIBIN WANG c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑bRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 AOÛT 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 NOVEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Peter A. Chapman

 

POUR Les demandeurs

 

Edward Burnet

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Chen & Leung

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR Les demandeurs

 

Procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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