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Date : 20191128


Dossier : IMM‑1489‑19

Référence : 2019 CF 1522

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 28 novembre 2019

En présence de madame la juge Fuhrer

ENTRE :

JIABIN RUAN

SHUIJIAO LI

CHANGHAI RUAN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Les demandeurs — Shuijiao Li, Changhai Ruan et leur fils Jiabin Ruan — sont citoyens de la Chine. Madame Li et Jiabin Ruan affirment être des membres pratiquants du Falun Gong et être recherchés par les autorités chinoises. Monsieur Changhai Ruan prétend qu’il est en danger, car il ne les a pas dénoncés.

[2]  Madame Li et Jiabin Ruan auraient tous les deux commencé à pratiquer le Falun Gong en en raison d’un stress qu’ils vivaient — Mme Li en octobre 2013, après y avoir été initiée par sa tante, et Jiabin Ruan en avril 2014, après y avoir été initié par sa mère. Ils assistaient à des séances en petits groupes les mercredis et pratiquaient en privé chez eux les autres jours.

[3]  En septembre 2014, alors que les demandeurs se trouvaient à l’étranger, soit en Corée du Sud, le Bureau de la sécurité publique (le « BSP » ou la police locale) de la Chine aurait fait une descente auprès de leur groupe de pratique du Falun Gong. Une fois de retour en Chine, lorsqu’ils ont été informés de cette descente par le père de Mme Li, les demandeurs sont immédiatement passés dans la clandestinité et sont restés cachés chez un ami de Mme Li. Quelques jours plus tard, le père de Mme Li aurait dit à cette dernière que le BSP s’était rendu à leur domicile pour tenter de les trouver. Le BSP aurait ainsi visité leur domicile à cinq ou six reprises avant la tenue de l’audience.

[4]  Les demandeurs ont fait appel à une « tête de serpent » (un passeur) pour les aider à quitter la Chine. Ils ont pris l’avion de Guangzhou à Los Angeles le 12 décembre 2014, puis se sont envolés pour Seattle, avant de se rendre à Vancouver le 13 décembre 2014, en franchissant illégalement la frontière. Ils ont présenté une demande d’asile depuis le Canada le 31 décembre 2014.

[5]  Le 17 novembre 2017, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la CISR) a rejeté les demandes d’asile des demandeurs, au motif que leurs allégations n’étaient pas crédibles et qu’ils n’étaient pas de véritables pratiquants du Falun Gong au Canada. Les demandeurs ont interjeté appel de la décision de la SPR le 24 janvier 2018. Environ un an plus tard, soit le 4 février 2019, la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la CISR a, en vertu du par. 111(1) de la LIPR, rejeté leur appel et confirmé la conclusion de la SPR selon laquelle les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger, au sens de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

[6]  Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire de la décision de la SAR est accueillie. En outre, à la lumière de la preuve documentaire, ainsi que du paragraphe 47(1) et de l’alinéa 76a) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, l’intitulé de la cause doit être modifié afin d’indiquer correctement le nom du demandeur principal, c’est‑à‑dire « Jiabin Ruan », et de corriger une erreur d’écriture apparente dans l’orthographe de son nom, qui se lit « Jianbin Ruan » à la première page de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire datée du 1er mars 2019. Je constate que le nom du demandeur principal, « Jiabin Ruan », est écrit correctement sous sa signature à la troisième page de la demande, ainsi que dans les décisions de la SPR et de la SAR.

II.  Décisions de la SPR et de la SAR

[7]  Après avoir refusé, sur le fondement de l’article 29 des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012‑257, d’admettre les nouveaux éléments de preuve proposés, la SAR a dressé un résumé la décision de la SPR et des observations des demandeurs, pour ensuite procéder à sa propre évaluation de novo.

A.  Départ de la Chine

[8]  La SPR a conclu que le BSP aurait su que les demandeurs avaient quitté la Chine, puisqu’ils avaient utilisé leurs propres passeports pour sortir du pays. Comme les demandeurs n’ont eu aucune difficulté à franchir les points de contrôle de sécurité à l’aéroport, cela indique que les autorités chinoises ne s’intéressaient pas à eux, et qu’elles ne souhaitaient pas restreindre leurs déplacements en raison de leur prétendue pratique illégale du Falun Gong. La SPR a donc tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité générale des demandeurs, puisqu’ils avaient prétendu et déclaré dans leur témoignage qu’ils étaient recherchés par le BSP.

[9]  Devant la SAR, les demandeurs ont soutenu qu’il était plausible qu’une personne quitte la Chine avec son propre passeport, pourvu qu’elle obtienne l’aide d’un passeur ayant soudoyé les personnes appropriées, et que la SPR avait tiré une conclusion générale d’invraisemblance sans évaluer les faits particuliers de l’espèce. Ils ont également affirmé que, bien que la SPR ait mentionné que les témoignages étaient vagues, elle n’avait pas expliqué quels étaient les éléments qu’elle jugeait vagues ou manquants.

[10]  La SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur en concluant qu’au moment de leur départ, les demandeurs n’étaient pas recherchés par les autorités chinoises du fait qu’ils pratiquaient le Falun Gong. La SAR a estimé que les renseignements des demandeurs auraient normalement dû figurer dans la base de données du Bouclier d’or. Par conséquent, elle a aussi conclu que l’allégation des demandeurs selon laquelle ils avaient pu quitter la Chine grâce à l’aide d’un passeur minait leur crédibilité. Car même en admettant qu’un passeur ait pu les aider à échapper à certains contrôles de sécurité, la SAR a estimé que la preuve donnait à penser qu’il était très improbable que ces derniers aient pu se soustraire à tous les contrôles de sécurité en place. Étant donné que les demandeurs avaient pu quitter la Chine en utilisant leurs véritables passeports, la SAR a également estimé que cela jetait un doute sur leur identité en tant que personnes recherchées par le BSP parce qu’elles pratiqueraient le Falun Gong.

B.  Absence de documents à l’appui

[11]  La SPR a conclu qu’il était déraisonnable de la part des demandeurs de ne fournir aucun document émanant des autorités étatiques qui pourrait indiquer qu’ils étaient des personnes d’intérêt, dans la mesure où la preuve documentaire démontrait qu’une sommation était souvent laissée auprès des membres de la famille ou montrée à ceux-ci lorsque la police voulait qu’une personne se présente à ses locaux. Comme le BSP s’était prétendument rendu au domicile des demandeurs à cinq ou six reprises avant l’audience, la SPR a conclu qu’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’une sommation ait été remise ou montrée à un membre de la famille. La SPR a également constaté qu’aucune mesure n’avait été prise à l’encontre des membres de la famille des demandeurs en Chine.

[12]  Devant la SAR, les demandeurs ont soutenu que la SPR avait tiré une conclusion défavorable erronée quant à la crédibilité lorsqu’elle avait exigé qu’une sommation des autorités chinoises soit produite pour corroborer leurs affirmations. Car selon eux, aucune preuve ne venait contredire leurs allégations selon lesquelles les autorités se seraient rendues chez eux, sans toutefois remettre de sommation. Les demandeurs ont fait valoir que la preuve documentaire indiquait qu’une sommation n’était pas toujours remise ou montrée aux membres de la famille, et que la SPR leur avait seulement demandé si une telle sommation avait été remise, et non si elle avait été montrée.

[13]  La SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur en exigeant des documents corroborants prouvant que Mme Li et Jiabin Ruan faisaient l’objet d’une enquête des autorités chinoises. Citant l’article 105 du Code de procédure pénale de la République populaire de Chine, la SAR a estimé que les sommations, avis et autres documents de procédure devaient être signifiés au destinataire ou aux membres de sa famille. En prenant acte du fait que les demandeurs avaient été en contact avec des membres de leur famille en Chine — puisque c’est ainsi qu’ils auraient appris qu’ils faisaient toujours l’objet d’une enquête —, la SAR a conclu qu’il était raisonnable de s’attendre à ce qu’ils aient fourni des éléments de preuve à l’appui, comme une lettre, un courriel ou un affidavit d’un membre de la famille. Pour en venir à cette conclusion, la SAR a tenu compte de ce qui suit :

  • a) les demandeurs étaient représentés par un conseiller juridique expérimenté;

  • b) l’information voulant que le BSP continue de se présenter chez eux pour tenter de les trouver constituait une preuve par ouï‑dire;

  • c) les formulaires Fondement de la demande d’asile (FDA) exigeaient que des documents corroborants soient produits pour étayer certains aspects de leurs demandes d’asile;

  • d) les demandeurs ont pu obtenir d’autres documents corroborants à l’appui d’autres aspects de leurs demandes d’asile;

  • e) les demandeurs avaient gardé contact avec les membres de leur famille;

  • f) les demandeurs savaient que les visites du BSP étaient importantes pour l’établissement du bien‑fondé de leurs demandes d’asile, puisqu’ils avaient été interrogés à ce sujet lors de l’audience;

  • g) les demandeurs avaient pu quitter la Chine malgré le fait qu’ils faisaient l’objet d’une enquête.

[14]  Par conséquent, le défaut des demandeurs de présenter des documents corroborants a amené la SAR à tirer une conclusion défavorable quant à leur crédibilité. La SAR a estimé que des éléments de preuve à l’appui auraient raisonnablement pu être obtenus, et que l’on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce soit le cas, vu les doutes qu’elle entretenait sur la crédibilité des demandeurs relativement au fait qu’ils avaient réussi à quitter la Chine avec leurs propres passeports.

C.  La demande d’asile sur place

[15]  La SPR a estimé que rien n’indiquait que les photographies produites montrant les demandeurs en train de pratiquer le Falun Gong au Canada étaient sur Internet, ou que les autorités chinoises étaient au courant de la présence des demandeurs à des événements du Falun Gong. La SPR a conclu que les demandeurs ne pratiquaient pas véritablement le Falun Gong au Canada, dans la mesure où il avait été établi qu’ils n’étaient pas de véritables adeptes du Falun Gong et qu’ils n’étaient pas recherchés en Chine.

[16]  La SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur en concluant que Mme Li et Jiabin Ruan n’avaient pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils pratiquaient le Falun Gong en Chine ou au Canada. En attirant l’attention sur le fait que les demandeurs avaient prétendu que leur pratique au Canada découlait de leur pratique en Chine, tout en soulignant [traduction] « l’absence d’élément de preuve concernant une motivation à pratiquer le Falun Gong au Canada », la SAR a conclu que les demandeurs avaient participé à des activités du Falun Gong au Canada [traduction] « uniquement afin d’étayer une demande d’asile frauduleuse » et qu’ils ne poursuivraient pas cette pratique s’ils devaient retourner en Chine. Compte tenu de sa conclusion selon laquelle Mme Li et Jiabin Ruan n’étaient pas de véritables adeptes du Falun Gong et qu’ils n’étaient pas non plus recherchés par les autorités chinoises, la SAR a estimé que M. Changhai Ruan n’était pas en danger du fait qu’il leur était associé.

[17]  En résumé, la SAR a conclu que les demandeurs n’avaient pas réussi à démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils étaient recherchés par les autorités chinoises et qu’ils faisaient l’objet d’une enquête pour avoir participé à des activités du Falun Gong, que ce soit en Chine ou au Canada. Compte tenu de ces préoccupations, la SAR a estimé que les demandeurs n’avaient pas réussi à prouver qu’ils pratiquaient le Falun Gong en Chine.

III.  Questions en litige

[18]  Les demandeurs ont soulevé les questions suivantes :

  • A. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en confirmant les conclusions défavorables de la SPR quant à la crédibilité?

  • B. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en confirmant le rejet par la SPR de la demande d’asile sur place?

  • C. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en omettant d’examiner les arguments des demandeurs selon lesquels la SPR n’avait pas appliqué la norme de preuve appropriée à l’égard de leurs demandes d’asile?

IV.  Norme de contrôle

[19]  Les parties conviennent que la SAR est une entité administrative spécialisée, qui applique les dispositions de sa loi constitutive aux questions de fait qui lui sont soumises, de même qu’aux questions mixtes de fait et de droit. Par conséquent, la norme de contrôle appropriée à l’égard de toutes ses décisions est celle de la décision raisonnable : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, au par. 35; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31, au par. 27.

[20]  Suivant la norme de la décision raisonnable, la Cour doit « déférer à toute interprétation raisonnable du décideur administratif, même lorsque d’autres interprétations raisonnables sont possibles » : McLean c Colombie‑Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, au par. 40 [italiques omis]; Canada (Procureur général) c Heffel Gallery Limited, 2019 CAF 82, au par. 48; Delios c Canada (Procureur général), 2015 CAF 117, aux par. 27 et 28. Les conclusions tirées par le décideur doivent appartenir « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 [Dunsmuir], au par. 47.

[21]  Si les motifs du décideur, lus dans le contexte de la preuve, permettent à la Cour de comprendre pourquoi le tribunal en est arrivé à sa décision, celle-ci sera justifiable, transparente et intelligible : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [NL Nurses], aux par. 15‑18; Dunsmuir, précité, au par. 47. Avant de chercher à infirmer la décision du décideur, la Cour doit d’abord chercher à la compléter : NL Nurses, précité, au par. 12. Cela ne lui confère toutefois pas le [traduction] «  pouvoir absolu de reformuler la décision en substituant à l’analyse qu’elle juge déraisonnable sa propre justification du résultat » : Petro‑Canada c British Columbia (Workers’ Compensation Board), 2009 BCCA 396 [Petro‑Canada], aux par. 53 et 56, repris dans les arrêts Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61 [Alberta], au par. 54, et dans Delta Air Lines Inc c Lukács, 2018 CSC 2 [Delta], au par. 24.

V.  Dispositions pertinentes

[22]  Voir l’annexe A pour les dispositions applicables de la LIPR.

VI.  Analyse

[23]  À titre de question préliminaire, le ministre a attiré l’attention sur le fait que les demandeurs se sont appuyés sur l’affidavit de Josef Brown, adjoint judiciaire auprès de leur avocat, et non sur leur affidavit personnel, lorsqu’ils ont déposé leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire. Le ministre soutient que le fait de s’être appuyés sur cet affidavit leur est fatal, en particulier compte tenu des préoccupations soulevées au sujet de leur crédibilité : Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1193, au par. 7; Canada (Commission des droits de la personne) c Pathak, [1995] 2 CF 455 (CAF); Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22, au par. 12(1). Subsidiairement, le ministre soutient que, lorsqu’aucune preuve fondée sur la connaissance personnelle n’est produite au soutien d’une demande de contrôle judiciaire, toute erreur doit être manifeste au vu du dossier : Moldeveanu c Canada (Citoyenneté et Immigration), (1999) 235 NR 192 (CAF), au par. 15; Turcinovica c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2002 CFPI 164, aux par. 12‑14; Ling c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2003 CF 1198 [Ling], aux par. 11‑14.

[24]  L’affidavit de Josef Brown comprend quatre (4) documents joints à titre de pièces à l’appui : les formulaires FDA des demandeurs; la décision de la SPR du 17 novembre 2017; le point 3.24 dans le cartable national de documentation (CND) sur la Chine, dans sa version du 31 mars 2017; le point 10.4 dans le CND sur la Chine, dans sa version du 31 octobre 2016. Je ne vois pas en quoi il aurait été nécessaire qu’un des demandeurs souscrive un affidavit pour présenter de tels documents. Par conséquent, malgré les décisions contradictoires rendues par la Cour sur la question, je souscris à la position selon laquelle l’absence d’affidavit personnel présenté par les demandeurs n’est pas fatale à leur demande de contrôle judiciaire, dès lors que les erreurs en cause sont manifestes au vu du dossier : Koky c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1407, au par. 54, citant Ge c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 890, aux par. 19‑20. Je suis également consciente du fait que la question a été soulevée, au départ, devant la Cour lorsque la demande d’autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire a été déposée.

A.  La SAR a‑t‑elle commis une erreur en confirmant les conclusions défavorables de la SPR quant à la crédibilité?

[25]  Les demandeurs affirment que la SAR a tiré une conclusion d’invraisemblance non justifiée lorsqu’elle a estimé qu’ils n’étaient pas des adeptes du Falun Gong pour la simple raison qu’ils avaient réussi à quitter le pays en utilisant leur propre passeport malgré le fait qu’ils étaient recherchés par les autorités pour s’être livrés à cette même pratique : He c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1089 [He 2017], aux par. 10 et 11. Dans cette affaire, le juge Campbell a estimé que deux inférences pouvaient être tirées du fait qu’une « personne n’ait pas été arrêtée au moment de passer les mesures de sécurité dans un aéroport en Chine avec son véritable passeport » : (i) soit la personne mentait au sujet du fait qu’elle pratiquait le Falun Gong; (ii) soit aucun dossier n’existait sur elle dans le système du Bouclier d’or : He 2017, précité, au par. 9. Le juge Campbell a conclu qu’il était déraisonnable de la part de la SAR d’avoir jugé que seule la première de ces inférences était plausible, car elle ne disposait d’aucun « fondement probatoire fiable et vérifiable » pour étayer la deuxième inférence. Il a donc accueilli la demande de contrôle judiciaire : He 2017, précitée, aux par. 10 et 11.

[26]  Le ministre affirme au contraire que la SAR pouvait, à juste titre, invoquer le fait que les demandeurs n’avaient pas été arrêtés à l’aéroport comme preuve qu’ils n’étaient pas réellement des adeptes du Falun Gong : He c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 728 [He 2019], précitée, aux par. 12‑15. Dans cette affaire, le juge O’Reilly avait jugé raisonnable la conclusion de la SAR selon laquelle, s’ils avaient véritablement été des adeptes du Falun Gong, les demandeurs auraient été repérés grâce à la technologie de reconnaissance faciale et au système d’information préalable sur les voyageurs, et n’auraient pas été autorisés à partir. La Cour a déjà tiré des conclusions analogues, notamment dans les décisions Li c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 877 [Li], au par. 20, et Jiang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1064, aux par. 18‑29.

[27]  Il est généralement reconnu que les conclusions d’invraisemblance ne sont admissibles que dans les cas les plus évidents : Valtchev c Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration), 2001 CFPI 776, au par. 7. Lorsque la preuve documentaire est utilisée pour justifier une conclusion d’invraisemblance, le dossier doit démontrer que les événements ne pouvaient pas se produire comme le demandeur le prétend. Selon l’interprétation faite de ce principe dans la jurisprudence, aucune autre inférence raisonnable ne doit pouvoir être tirée de la preuve (Divsalar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2002 CFPI 653, au par. 24); le résultat doit déborder le cadre de ce à quoi on peut logiquement s’attendre (Aguilar Zacarias c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1155, au par. 11); ou les faits sous‑jacents doivent permettre d’inférer que la déclaration du témoin n’était pas véridique, de telle manière qu’il serait très improbable qu’une personne raisonnable désapprouve la conclusion tirée (KK c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 78, au par. 69).

[28]  À mon avis, la preuve documentaire au dossier, combinée aux éléments de preuve produits par les demandeurs eux‑mêmes, pourrait étayer, à juste titre, les inférences qui seront résumées ci‑dessous. Toutefois, contrairement à ce qui a été observé dans la décision He 2017 (au par. 9), la SAR n’a pas complètement omis, en l’espèce, de tenir compte des autres inférences possibles, mais a plutôt examiné les inférences 2 et 3 ci-après, et conclu qu’elles n’étaient pas plausibles :

  • 1) Le groupe d’adeptes du Falun Gong avait fait l’objet d’une descente, mais les demandeurs n’étaient pas du nombre, étant donné que Mme Li et Jiabin Ruan n’étaient pas des membres pratiquants (autrement dit, les demandeurs ne disaient pas la vérité);

  • 2) Le groupe d’adeptes du Falun Gong avait fait l’objet d’une descente, mais comme les demandeurs se trouvaient en Corée du Sud à ce moment‑là, ils n’avaient pas été détenus et leurs renseignements n’avaient donc pas été entrés dans la base de données du Bouclier d’or;

  • 3) Le groupe d’adeptes du Falun Gong avait fait l’objet d’une descente et, bien que les demandeurs, Mme Li et Jiabin Ruan, ne se soient pas trouvés sur les lieux à ce moment-là, les autorités avaient obtenu des renseignements d’identification à leur sujet auprès des autres membres du groupe ou d’autres sources, et les avaient entrés dans la base de données du Bouclier d’or; mais les demandeurs avaient quand même pu éviter d’être repérés lorsqu’ils avaient quitté la Chine avec le concours d’un passeur.

[29]  En ce qui concerne plus précisément l’inférence 2, ci‑dessus, la SAR a conclu que les renseignements des demandeurs avaient été entrés dans la base de données, compte tenu de leur profil (puisqu’ils faisaient prétendument l’objet d’une enquête) et des visites répétées des autorités ou du BSP. Autrement dit, le fait que les demandeurs se soient trouvés à l’extérieur de la Chine au moment pertinent n’aurait pas empêché, en soi, la collecte et la saisie des renseignements les concernant. Étant donné que les demandeurs eux‑mêmes prétendent que le BSP les a cherchés à plusieurs occasions après la descente, il n’était pas déraisonnable, à mon avis, que la SAR en déduise que les renseignements des demandeurs avaient été enregistrés dans le système du BSP.

[30]  En ce qui concerne l’inférence 3, ci‑dessus, la SAR a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves que la corruption en Chine atteignait le dispositif de sécurité à l’aéroport, et que, par conséquent, même si un passeur arrivait à contourner certains des contrôles de sécurité en place, il était peu probable qu’il parvienne à les éviter tous, y compris le Bouclier d’or et le système de reconnaissance faciale. À mon avis, cette conclusion est déraisonnable à plusieurs égards.

[31]  La SAR a indiqué ce qui suit au paragraphe 17 de sa décision :

[traduction]

« Il y a peu de témoignages au dossier concernant les efforts déployés par le passeur, au nom des appelants, pour les aider à quitter la Chine, si ce n’est au sujet du fait qu’il les a accompagnés lorsqu’ils ont montré leurs passeports à un agent et qu’il les a aidés à obtenir des visas américains [...]. Les appelants n’ont fourni aucun renseignement lors de l’audience [devant la SPR] ou dans leur formulaire FDA concernant un quelconque pot‑de‑vin versé par le passeur. Quoi qu’il en soit, même si un tel pot‑de‑vin avait été versé, cela ne résoudrait pas la question du contrôle supplémentaire effectué par la compagnie aérienne à la porte d’embarquement, ni celle de la façon dont les appelants ont pu éviter le système dissimulé de reconnaissance faciale. » [Caractères gras ajoutés.]

[32]  Au paragraphe 28 de sa décision, la SPR a toutefois indiqué que [traduction] « les demandeurs d’asile ont affirmé que la tête de serpent [le passeur] avait pris toutes les dispositions nécessaires et avait, notamment, soudoyé un agent à l’aéroport pour faciliter leur départ de la Chine ». S’il est vrai qu’aucun élément de preuve n’attestait le fait que le passeur des demandeurs avait effectivement versé des pots‑de‑vin, il est difficile d’imaginer dans quelles circonstances un passeur serait prêt à confirmer qu’il a soudoyé les autorités à l’aéroport, ou quelles autres preuves corroborantes il pourrait y avoir à cet égard. Rien n’a été dit à ce sujet par la SAR.

[33]  En outre, l’affirmation selon laquelle rien n’expliquait comment les demandeurs avaient réussi à éviter le système dissimulé de reconnaissance faciale était déraisonnable, à la lumière du cartable national de documentation (CND) sur la Chine, daté du 20 juillet 2017, qui figurait au dossier de la SPR. Aux pages 535 et 536 du dossier certifié du tribunal (DCT), un représentant de l’ambassade canadienne est cité comme suit en ce qui a trait à la technologie de reconnaissance faciale en place à l’aéroport international de Guangzhou (d’où les demandeurs ont quitté la Chine) :

[traduction]

« [l]orsque les passagers [se présentent] au comptoir du service de l’immigration, ils [sont] photographiés par une minicaméra, qui enregistre le visage de chaque passager. La technologie de reconnaissance faciale est appliquée à ces images; toutefois, on ne sait pas quelle est l’étendue de la base de données servant à l’analyse des images. »

[34]  Cependant, ce même représentant explique ce qui suit à la page 536 du DCT :

[traduction]

« [l]es agents frontaliers de la Chine ne prennent pas de photos des voyageurs qui partent pour l’étranger à chaque aéroport de la Chine. À Beijing, on prenait autrefois des photos des voyageurs, mais ce n’est plus le cas. Dans les aéroports où on prend des photos (par exemple, à Guangzhou), elles sont prises aux comptoirs des départs du service de l’immigration. La technologie de reconnaissance faciale n’est utilisée que pour comparer la photo sur le titre de voyage et le visage du passager. » [Caractères gras ajoutés.]

[35]  Les informations ci‑dessus, tirées du CND, n’étayent pas l’inférence voulant que toute éventuelle photographie prise des demandeurs à leur insu à l’aéroport de Guangzhou eût été transférée dans les bases de données du Bouclier d’or ou du BSP, et que les demandeurs eussent été, en conséquence, repérés avant d’être autorisés à quitter la Chine. Le DCT présente également, à la page 555, le récit d’un dissident qui a été autorisé à quitter la Chine [traduction] « probablement en raison d’une erreur administrative ». Autrement dit, il n’est pas invraisemblable que les demandeurs aient pu figurer dans le système du BSP et réussir malgré tout à quitter la Chine avec leur propre passeport.

[36]  Ayant conclu que l’évaluation de la SAR quant à la vraisemblance était erronée, la Cour doit maintenant déterminer si la décision de la SAR, prise dans son ensemble, est justifiable. Le ministre soutient que les demandeurs n’ont pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour étayer leur demande d’asile, et que le résultat est néanmoins justifié : Dunsmuir, précité, aux par. 47 et 48; NL Nurses, précité, au par. 12. Comme il a été mentionné précédemment, la norme de la décision raisonnable ne confère toutefois pas à la Cour le [traduction] « pouvoir absolu de reformuler la décision en substituant à l’analyse qu’elle juge déraisonnable sa propre justification du résultat » : Petro‑Canada, précité, aux par. 53 et 56, repris dans Alberta, précité, au par. 54, et dans Delta, précité, au par. 24.

[37]  La SAR a expressément écrit, dans ses motifs, qu’elle avait cherché à obtenir des éléments de preuve corroborants parce que les demandeurs avaient été jugés non crédibles :

[traduction]

[25] [...] L’absence de documents à l’appui confirmant qu’ils sont recherchés par le BSP, alors que de tels documents auraient raisonnablement pu être obtenus, amène la SAR à tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité.

[26] La SAR a tenu compte de l’absence de documents à l’appui alors que ceux‑ci auraient raisonnablement pu être obtenus, ainsi que de la capacité des appelants à quitter la Chine en utilisant leur propre passeport alors qu’ils étaient prétendument recherchés par les autorités. La SAR attire l’attention sur le fait que la Cour fédérale a déclaré que lorsqu’un tribunal a des motifs valables de douter de la crédibilité d’un demandeur, le fait que celui‑ci n’ait pas transmis de documents corroborants est un facteur dont il peut à bon droit tenir compte. En l’espèce, la SAR a pris en compte le fait qu’elle a jugé les appelants non crédibles relativement aux prétentions suivantes : ils étaient recherchés par les autorités au moment où ils ont quitté la Chine; ils ont dit avoir été informés des visites du BSP en s’entretenant avec les membres de leur famille par vidéoclavardage; ils n’ont pas fourni de documents liés à ces conversations, même s’ils ont pu produire la page WeChat de la petite amie de l’appelant principal, ce qui démontre qu’ils sont capables d’obtenir ce type de renseignements. [Caractères gras ajoutés.]

[38]  La SAR a indiqué avoir eu besoin de documents à l’appui parce qu’elle avait jugé les demandeurs non crédibles. Elle en est venue à cette conclusion parce qu’ils avaient omis de fournir des preuves corroborantes — une analyse erronée en soi qui, dans les circonstances, s’appuie sur un raisonnement circulaire : Wei c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 230, au par. 14; Magyar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 750, au par. 42 — et que leur témoignage était invraisemblable (d’après une analyse erronée). On ne saurait faire abstraction de cette série d’analyses déraisonnables, qui s’ajoute à une interprétation manifestement erronée de la preuve documentaire, et s’en remettre à un argument mal formulé reposant sur l’insuffisance des éléments de preuve. Comme l’a déclaré le juge Hughes, « [l]e fait est que si la SAR décide de se plonger dans le dossier afin de tirer d’autres conclusions de fond, elle devrait prévenir les parties et leur donner la possibilité de formuler des observations » : Husian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 684, au par. 10.

[39]  Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que la décision de la SAR de confirmer les conclusions défavorables de la SPR quant à la crédibilité ne respecte pas les principes de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité. Étant donné que cette décision a profondément influencé le reste de l’examen de la demande d’asile effectué par la SAR, il s’agit là d’une erreur déterminante. Dans les circonstances, il me paraît inutile d’examiner les deux autres questions soulevées par les demandeurs.

VII.  Conclusion

[40]  Pour pouvoir justifier une conclusion d’invraisemblance, le décideur administratif doit d’abord avoir exclu toute autre inférence raisonnable susceptible d’être tirée de la preuve. En l’occurrence, cela n’a pas été fait. La SAR s’est appuyée sur sa conclusion erronée d’invraisemblance pour mettre en doute la crédibilité générale des demandeurs, ce qui a empêché ces derniers d’utiliser leur propre témoignage pour étayer leur demande d’asile. Autrement dit, la SAR s’est fondée sur la conclusion générale défavorable quant à la crédibilité pour justifier son rejet du témoignage des demandeurs relativement à leur pratique du Falun Gong, mais aussi le fait qu’elle n’a pas évalué leur demande d’asile sur place. La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie; l’affaire doit être renvoyée à un tribunal de la SAR différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision.

[41]  Aucune des parties n’a proposé de question grave de portée générale à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑1489‑19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie;

  2. L’affaire est renvoyée à un tribunal de la SAR différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision;

  3. Il n’y a aucune question à certifier;

  4. Le nom du demandeur principal dans l’intitulé de la cause est corrigé afin de se lire « Jiabin Ruan ».

« Janet M. Fuhrer »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 16e jour de décembre 2019.

Julie-Marie Bissonnette, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑1489‑19

 

INTITULÉ :

JIABIN RUAN ET AL c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 NOVEMBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE FUHRER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 28 NOVEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Adam Wawrzkiewicz

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Neeta Logsetty

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis and Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 


Annexe A : Dispositions pertinentes

[1]  La partie 2 de la LIPR encadre le régime canadien des réfugiés. Le Canada confère l’asile aux personnes qui ont qualité de réfugié au sens de la Convention ou qualité de personne à protéger : LIPR, art. 95 à 97.

95 (1) L’asile est la protection conférée à toute personne dès lors que, selon le cas :

95 (1) Refugee protection is conferred on a person when

a) sur constat qu’elle est, à la suite d’une demande de visa, un réfugié au sens de la Convention ou une personne en situation semblable, elle devient soit un résident permanent au titre du visa, soit un résident temporaire au titre d’un permis de séjour délivré en vue de sa protection;

(a) the person has been determined to be a Convention refugee or a person in similar circumstances under a visa application and becomes a permanent resident under the visa or a temporary resident under a temporary resident permit for protection reasons;

b) la Commission lui reconnaît la qualité de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger;

(b) the Board determines the person to be a Convention refugee or a person in need of protection; or

c) le ministre accorde la demande de protection, sauf si la personne est visée au paragraphe 112(3).

(c) except in the case of a person described in subsection 112(3), the Minister allows an application for protection.

(2) Est appelée personne protégée la personne à qui l’asile est conféré et dont la demande n’est pas ensuite réputée rejetée au titre des paragraphes 108(3), 109(3) ou 114(4).

(2) A protected person is a person on whom refugee protection is conferred under subsection (1), and whose claim or application has not subsequently been deemed to be rejected under subsection 108(3), 109(3) or 114(4).

96 A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

96 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

97 (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

97 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

La SPR est le décideur habilité à se prononcer sur les demandes d’asile : LIPR, par. 107(1).

107 (1) La Section de la protection des réfugiés accepte ou rejette la demande d’asile selon que le demandeur a ou non la qualité de réfugié ou de personne à protéger.

107 (1) The Refugee Protection Division shall accept a claim for refugee protection if it determines that the claimant is a Convention refugee or person in need of protection, and shall otherwise reject the claim.

 

[2]  Les demandeurs qui ne sont pas autrement privés de ce droit peuvent interjeter appel devant la SAR des décisions défavorables de la SPR à leur endroit : LIPR, par. 110(1).

110 (1) Sous réserve des paragraphes (1.1) et (2), la personne en cause et le ministre peuvent, conformément aux règles de la Commission, porter en appel — relativement à une question de droit, de fait ou mixte — auprès de la Section d’appel des réfugiés la décision de la Section de la protection des réfugiés accordant ou rejetant la demande d’asile.

110 (1) Subject to subsections (1.1) and (2), a person or the Minister may appeal, in accordance with the rules of the Board, on a question of law, of fact or of mixed law and fact, to the Refugee Appeal Division against a decision of the Refugee Protection Division to allow or reject the person’s claim for refugee protection.

[3]  Dans le cadre d’un appel devant la SAR, les demandeurs ne peuvent présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de leur demande d’asile ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’ils n’auraient pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet : LIPR, par. 110(4).

110 (4) Dans le cadre de l’appel, la personne en cause ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet de sa demande ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’elle n’aurait pas normalement présentés, dans les circonstances, au moment du rejet.

110 (4) On appeal, the person who is the subject of the appeal may present only evidence that arose after the rejection of their claim or that was not reasonably available, or that the person could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection.

[4]  La SAR peut confirmer la décision de la SPR, y substituer une autre décision ou renvoyer l’affaire en vue d’un nouvel examen : LIPR, par. 111(1).

111 (1) La Section d’appel des réfugiés confirme la décision attaquée, casse la décision et y substitue la décision qui aurait dû être rendue ou renvoie, conformément à ses instructions, l’affaire à la Section de la protection des réfugiés.

111 (1) After considering the appeal, the Refugee Appeal Division shall make one of the following decisions:

[EN BLANC/BLANK]

(a) confirm the determination of the Refugee Protection Division;

 

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