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Date : 20191128


Dossier : IMM-2181-19

Référence : 2019 CF 1527

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 28 novembre 2019

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

AHMED ZAKI ABED MASRI (ALIAS AHMED MASRI), SAMAR MOUSA DARWEESH ABU NASSAR (ALIAS SAMAR ABU NASSAR), BADER AHMED ZAKI MASRI (ALIAS BADER MASRI) (MINEUR), YARA AHMED ZAKI MASRI (ALIAS YARA MASRI) (MINEURE) ET

YOUSEF AHMED ZAKI MASRI (ALIAS YOUSEF MASRI) (MINEUR)

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Ahmed Zaki Abed Masri, Samar Mousa Darweesh Abu Nassar, Bader Ahmed Zaki Masri, Yara Ahmed Zaki Masri et Yousef Ahmed Zaki Masri (les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés (la SAR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Dans cette décision, la SAR a rejeté leur appel d’une décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté leur demande d’asile à titre de réfugiés ou de personnes à protéger au sens de l’article 96 et du paragraphe 97(1), respectivement, de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).

[2]  Les demandeurs sont d’origine ethnique palestinienne et sont nés au Koweït. Ils sont titulaires de passeports jordaniens et affirment craindre d’être persécutés, car leur citoyenneté risque d’être révoquée en Jordanie.

[3]  La SPR a jugé que les demandeurs n’avaient pas établi l’existence d’un risque que leur citoyenneté soit révoquée en Jordanie ou qu’ils soient persécutés pour des motifs religieux. Elle a tiré des conclusions défavorables quant à la crédibilité des demandeurs.

[4]  La SAR a rejeté l’appel des demandeurs et a déterminé que les conclusions de la SPR étaient correctes.

[5]  La première question à trancher concerne la norme de contrôle applicable à la décision de la SAR.

[6]  Toutes les questions relatives à l’équité procédurale et toutes les questions de droit sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte; voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339.

[7]  Le bien-fondé de la décision de la SAR est quant à lui susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable; voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, [2016] 4 R.C.F. 157 (CAF).

[8]  Selon l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, la norme de la décision raisonnable exige que la décision soit justifiable, transparente et intelligible, et qu’elle appartienne aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[9]  Après avoir examiné les documents déposés et tenu compte des arguments présentés, je suis convaincue que la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie.

[10]  À mon avis, la SAR n’a pas appliqué le bon critère juridique à son contrôle de la décision de la SPR lorsqu’elle a énoncé ce qui suit :

[12] La SAR doit examiner les conclusions de droit, les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit tirées par la SPR qui ne soulèvent pas la question de la crédibilité des témoignages de vive voix en appliquant la norme de la décision correcte […].

[13]  Lorsqu’elle évalue la crédibilité des témoignages de vive voix, la SPR peut avoir un avantage certain étant donné qu’elle voit et observe directement les témoins et choisit les questions à leur poser, entre autres. La Cour a expressément souligné que « les conclusions d’un tribunal […] appellent la plus grande retenue […] », reconnaissant « que le rôle de la Cour est très limité, étant donné que le tribunal a eu l’occasion d’entendre les témoins, d’observer leur comportement et de relever toutes les nuances et contradictions factuelles contenues dans la preuve […] ».

[Caractères italiques dans l’original; renvois omis.]

[11]  La SAR a commis une erreur dans la manière dont elle a énoncé et appliqué  la norme de contrôle à employer. Il s’agit d’une erreur qui justifie l’intervention de la Cour.

[12]  À mon avis, la SAR a bien exposé le rôle qu’elle avait à jouer dans l’évaluation des faits, mais elle a commis une erreur lorsqu’elle a caractérisé son rôle dans l’examen des conclusions relatives à la crédibilité. Or, il semble que la question de la crédibilité ait été soulevée devant la SPR; l’erreur de la SAR pourrait donc avoir compromis le droit des demandeurs à une audience équitable devant elle.

[13]  En outre, il est difficile de savoir si la SAR a effectué une évaluation « indépendante » de la décision de la SPR par rapport à la preuve contenue dans le dossier certifié du tribunal et aux motifs d’appel qui ont été présentés par les demandeurs.

[14]  À mon avis, ce manque de clarté est une question qui est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. Si la décision de la SAR n’est pas manifestement indépendante, elle ne satisfait pas au critère de la décision raisonnable selon l’arrêt Dunsmuir, précité.

[15]  Il n’est pas nécessaire d’examiner les autres arguments des demandeurs.

En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la SAR est annulée, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SAR pour qu’il rende une nouvelle décision. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2181-19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section d’appel des réfugiés est annulée, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 3e jour de décembre 2019.

Julie-Marie Bissonnette, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2181-19

 

INTITULÉ :

AHMED ZAKI ABED MASRI (ALIAS AHMED MASRI), SAMAR MOUSA DARWEESH ABU NASSAR (ALIAS SAMAR ABU NASSAR), BADER AHMED ZAKI MASRI (ALIAS BADER MASRI) (MINEUR), YARA AHMED ZAKI MASRI (ALIAS YARA MASRI (MINEURE) ET YOUSEF AHMED ZAKI MASRI (ALIAS YOUSEF MASRI) (MINEUR) c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 28 NOVEMBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

LE 28 NOVEMBRE 2019

 

COMPARUTIONS :

Ameena Sultan

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Nicholas Dodokin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sultan Law

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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