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Date : 20051209

 

Dossier : IMM-3153-05

 

Référence : 2005 CF 1679

 

Ottawa (Ontario), le 9 décembre 2005

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON

 

ENTRE :

YOUSSEF ALI ISMAIL

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Youssef Ali Ismail est né en Cisjordanie en 1958. A l’époque, ce territoire était contrôlé par la Jordanie. Plusieurs années après, Israël en a pris le contrôle. Il est au Canada depuis 1991. Sa demande d’asile et sa demande de résidence permanente ont toutes deux été rejetées. M. Ismail a obtenu l’autorisation de contrôle judiciaire de l’ordonnance de détention le concernant. Cependant, avant l’audition de la demande de contrôle judiciaire, il a été mis en liberté. J’ai donc rejeté cette demande vu son caractère théorique.

 

[2]               Apparemment, il est heureux de rentrer en Palestine. De deux choses l’une : soit il ne veut pas avoir de documents de voyage israéliens, soit Israël ne veut pas lui en remettre. Il veut des documents jordaniens, mais la bureaucratie a été particulièrement lente, ici et là-bas.

 

[3]               Il a été placé en détention préventive à partir de septembre 2004 en vertu de l’article 58 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR), selon lequel la Section de l’immigration de la Commission peut ordonner la mise en détention de la personne si elle estime, selon certains critères prescrits par la loi, qu’elle constitue un danger pour la sécurité publique ou qu'elle se soustraira à son renvoi du Canada. On considérait qu’il constituait un danger pour la société canadienne et qu’il risquait de fuir. Sa détention devait faire l’objet d’examens mensuels obligatoires. Le 5 mai 2005, le commissaire a pris la décision suivante : « Je vais donc maintenir votre détention pour les trente prochains jours pour les raisons que je viens juste d’expliquer […] ».  M. Ismail a obtenu l’autorisation de demander le contrôle judiciaire de cette ordonnance.

 

[4]               Le 29 juin 2005, il a été mis en liberté, sous certaines conditions ; on lui a imposé de verser une caution et de se présenter régulièrement aux autorités. La position du Ministre est que la décision du 5 mai 2005 a maintenant un caractère théorique. M. Ismail a soutenu que cette décision n’a rien de théorique puisqu’il n’a pas été mis en liberté sans conditions; il y a donc une décision toujours en vigueur, selon laquelle il risque de fuir et il constitue un danger pour la société canadienne, mais évidemment beaucoup moins grave qu’auparavant. Subsidiairement, même si l’affaire a un caractère théorique, le demandeur m’invite à exercer ma discrétion judiciaire et à l’entendre.

 

ANALYSE

[5]               En ce qui concerne la question du caractère théorique de l’affaire, le point de départ est constitué par les arrêts de la Cour suprême Borowski c. Canada (Attorney General) [1989] 1 R.C.S. 342 et Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation) 2003 CSC 62, [2003] 3 R.C.S. 3, dans lequel les juges Iacobucci et Arbour ont déclaré au paragraphe 17 :

 17       La règle du caractère théorique procède du principe voulant que les tribunaux n'instruisent que des affaires présentant un litige actuel à résoudre, où leur décision aura ou pourra avoir des conséquences sur les droits des parties, sauf s'ils décident, dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire, qu'il est néanmoins dans l'intérêt de la justice d'entendre un appel (voir Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, p. 353). Nous sommes d'avis que le présent pourvoi est devenu théorique. Les parties ont comparu à plusieurs auditions de comptes rendus, fourni des éléments de preuve et permis le contre-interrogatoire des auteurs des affidavits.  L'effet recherché a été obtenu : les écoles demandées ont été construites. Le rétablissement de la validité de l'ordonnance du juge de première instance n'entraînerait en l'espèce aucun effet pratique pour les parties, et aucune autre audition de comptes rendus ne s'impose.

 

[6]               Dans ces arrêts, la Cour a exposé les trois critères principaux dont doivent tenir compte les tribunaux lorsqu’ils sont appelés à décider s’ils doivent exercer leur pouvoir discrétionnaire et entendre une affaire devenue théorique. Les voici :

« 1.      L'existence d'un débat contradictoire;

   2.      Le souci d'économie des ressources judiciaires;

               3.      La nécessité pour les tribunaux d'être conscients de leur fonction juridictionnelle dans notre structure politique. »

 

[7]               Je conclus que l’affaire est théorique. M. Ismael a demandé à la Cour d’émettre un bref de certiorari annulant la décision du 5 mai 2005 concernant son maintien en détention et d’ordonner sa mise en liberté. Cette question n’a plus d’actualité, et M. Ismail a été mis en liberté. S’il n’aimait pas les conditions assortissant sa mise en liberté, son recours était de demander l’autorisation d’ouvrir une instance en contrôle judiciaire à l’endroit de cette décision.

 

[8]               En fait, M. Ismail conteste les remarques le visant; non pas vraiment celles qui figurent dans la décision du 5 mai 2005, mais plutôt celles des décisions antérieures, et qui constituent le motif de sa mise en détention lorsqu’il est arrivé au Canada en 1991.

 

[9]               Il conteste l’observation suivante figurant dans les motifs de la décision du 5 mai 2005 :

« En ce qui concerne le risque de fuite, votre coopération dans le but d’obtenir des documents de voyage au cours des années précédentes n’est pas exemplaire.  Je ne retiens qu’une seule chose, c’est que lorsque vous avez demandé aux autorités israéliennes, vous avez dit que vous étiez un terroriste. »

 

[10]           En réalité, les doléances de M. Ismail visent les services secrets israéliens, qui ne sont pas du ressort de la Cour.

 

[11]           Si la Cour devait se pencher sur le fond de la présente demande, et accueillir la demande de contrôle judiciaire, l’affaire serait renvoyée à la Commission pour réexamen, qui devrait décider si M. Ismail devrait être maintenu en détention, ce qui serait inutile puisqu’il a été mis en liberté. Il ne revient pas à la Cour d’ordonner à la Commission d’effectuer une enquête sur la question de savoir si sa réputation a été entachée par les services secrets israéliens qui auraient fait, selon lui,  [TRADUCTION] « de vagues allégations au sujet de mes liens avec des personnes qui se livrent à des actes de violence ».

 

[12]           Je suis d’avis que la Cour ne doit pas entendre cette affaire théorique. Si M. Ismail estime qu’il a été victime d’atteintes à la Charte, et que sa réputation a été salie, il dispose peut-être d’autres recours. Accueillir sa demande de contrôle judiciaire ne servirait en rien sa cause, et serait totalement contraire au principe d'économie des ressources judiciaires.

 

[13]           Je dois cependant préciser que si M. Ismail avait toujours été en détention au moment de l’audition de sa demande de contrôle judiciaire, l’affaire n’aurait pas été théorique, même si l’ordonnance du 5 mai 2005 avait été remplacée par une autre. La Commission de l’immigration ne peut se soustraire à la surveillance des tribunaux judiciaires en se servant d’ordonnances successives de 30 jours.

 

[14]           Il n’y a pas de questions de portée générale à certifier.

 


ORDONNANCE

 

La demande de contrôle judiciaire de la décision du 5 mai 2005 est rejetée.

 

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3153-05

 

INTITULÉ :                                       Youssef Ali Ismail

c.

                                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               LE 7 DÉCEMBRE 2005

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 ET ORDONNANCE :                      LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 9 DÉCEMBRE 2005

 

COMPARUTIONS :

 

Yavar Hameed

POUR LE DEMANDEUR

 

 

Alexander Gay

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Yavar Hameed

Avocat

POUR LE DEMANDEUR

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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