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Date : 20040226

Dossier : IMM-2330-03

Référence : 2004 CF 281

Ottawa (Ontario), le 26 février 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JAMES RUSSELL                         

ENTRE :

               ALEJANDRA MYRIA LOPEZ ET MARIA ALEJANDRA RODRIGUEZ-ROGE

                                                                                                                                     demanderesses

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision, rendue en date du 20 mars 2003 (la décision) par M. Gordon McKenzie de la Section de la protection des réfugiés (le tribunal), par laquelle le tribunal a conclu qu'Alejandra Myria Lopez et Maria Alejandra Rodriguez-Roge (nommées ensemble les demanderesses) ntaient pas des réfugiées au sens de la Convention ou des personnes à protéger. Alejandra Myria Lopez (la demanderesse principale) est une citoyenne d'Argentine âgée de 41 ans et Maria Alejandra Rodriguez-Roge (la demanderesse mineure) est sa fille âgée de 14 ans.                                                                           


LES FAITS

[2]                 La demanderesse principale prétend être une personne qui craint avec raison d'être persécutée par la police fédérale d'Argentine et par la police de Buenos Aires (notamment par l'agent Juan Carlos Bogolieu de la police de Buenos Aires) du fait de ses opinions politiques (en tant que membre du parti politique Action pour la République) et également du fait de ses activités en tant qu'avocate. La demanderesse mineure fonde sa demande sur celle de sa mère en déclarant qu'elle est une personne qui craint avec raison d'être persécutée par les mêmes groupes du fait, dans son cas, de son appartenance à un groupe social, soit sa famille. Les demanderesses prétendent en outre qu'elles sont des personnes à protéger parce que, selon ce qu'elles affirment, elles seraient personnellement exposées à une menace à leur vie ou à des traitements ou peines cruels et inusités ou au risque d'être soumises à la torture en Argentine.

[3]                La demanderesse principale prétend que ses problèmes en Argentine ont commencé après qu'elle eut été engagée en tant qu'avocate pour enquêter sur le meurtre d'une fille de 19 ans, Edith (ou Edit) Acevedo. La demanderesse principale affirme que son enquête à l'égard du meurtre de cette fille a révélé des irrégularités dans les activités de la police de Buenos Aires et a montré que le sergent de police Juan Carlos Bogolieu et deux autres agents de police étaient les responsables du meurtre de Mme Acevedo. Elle prétend que son enquête a révélé que Mme Acevedo avait été tuée par erreur et que la véritable personne visée par les policiers était une jeune fille qui avait des liens avec un réseau de prostitution exploité par des agents de police de haut rang, dont le sergent Bogolieu.

[4]                La demanderesse principale prétend que les policiers ont commencé à s'intéresser à elle en raison de son enquête à l'égard du meurtre de Mme Acevedo. Premièrement, elle affirme que le 19 décembre 2001 des policiers l'ont interpellée, l'ont injuriée, ont vérifié sa voiture et y ont fait du vandalisme, puis ont confisqué certains dossiers et l'ont bousculée. Elle affirme que le 20 décembre 2001 elle a participé à une gigantesque manifestation et que des policiers l'ont sortie de la foule, lui ont bandé les yeux et l'ont conduite dans un lieu hors de la ville. Elle prétend qu'au cours de sa détention de trois jours dans une petite cellule, on l'a interrogée à l'égard de ses activités politiques, on l'a menacée et on l'a maltraitée physiquement.

[5]                La demanderesse principale a été relâchée le 23 décembre 2001 et on l'a prévenue de cesser de s'occuper de l'affaire Acevedo. Puis, elle affirme que le 27 décembre 2001 trois policiers en civil sont entrés de force dans son bureau, l'ont bousculée et l'ont frappée, ont cherché des renseignements et se sont emparés d'un grand nombre de ses documents. Une fois de plus, on l'a prévenue de cesser de s'occuper de l'affaire Acevedo, sans quoi elle et sa fille seraient tuées. Elle prétend qu'on l'a conduite au poste de police pour une nuit, qu'on l'a interrogée à l'égard de l'affaire Acevedo et qu'on l'a menacée. La demanderesse principale dit qu'après cet incident elle a cessé de s'occuper de l'affaire.

[6]                La demanderesse principale prétend que le 14 février 2002 deux hommes qui disaient être des policiers l'ont suivie. Ces hommes l'ont menacée et lui ont dit d'oublier l'affaire Acevedo si elle voulait avoir la vie sauve. Par la suite, les mêmes hommes ont volé sa voiture. Elle prétend que le 15 avril 2002 deux policiers ont pénétré dans son appartement et qu'ils y ont laissé un article de journal qui traitait de l'enlèvement d'une jeune fille. Une note manuscrite sur l'article laissait entendre que la demanderesse mineure serait la prochaine victime. C'est à la suite de cet incident que les demanderesses ont décidé de venir au Canada.


LA DÉCISION FAISANT L'OBJET DU CONTRÔLE

[7]                Le tribunal a accepté l'identité de la demanderesse en tant que ressortissante argentine et il a accepté le fait qu'elle ait pratiqué le droit en cabinet privé à Buenos Aires de septembre 1994 à mai 2002 et qu'elle ait été membre du parti politique de l'Action pour la République en Argentine. Cependant, le tribunal a conclu que les demanderesses n'étaient pas des personnes qui craignaient avec raison d'être persécutées en Argentine pour un motif prévu à la Convention. Le tribunal a conclu que la demanderesse principale n'était pas un témoin digne de foi en raison de nombreuses incohérences et divergences entre son témoignage et la preuve documentaire. En outre, il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve dignes de foi au soutien de sa demande. À cet égard, le défendeur résume les conclusions du tribunal de la façon suivante :

[TRADUCTION]

De nombreuses publications argentines et internationales ont largement diffusé le décès d'Edit Acevedo qui avait été abattue par balle. Ces publications mentionnaient que la victime était essentiellement au mauvais endroit au mauvais moment. Ces publications affirmaient que le policier qui avait tiré sur la victime avait fait l'objet d'une enquête, avait été détenu de façon préventive, avait été privé de la moitiéde son salaire, devait subir un procès et était exposé à 25 ans de prison.

La preuve documentaire mentionnait que l'avocat qui représentait la famille Acevedo était Robert Damboriana.

Bien que dans l'exposé narratif de son Formulaire sur les renseignements personnels (FRP), la demanderesse ait nommé le sergent Juan Carlos Bogolieu et les agents Juan Caceres et Cesar Sanguinetti comme les agents de police qui avaient participé à l'incident, la preuve documentaire nommait des agents de police différents. En outre, la Direction des recherches du tribunal n'avait pu trouver aucune mention des noms des agents de police qui avaient été mentionnés par la demanderesse principale.

La demanderesse principale a été interrogée à lgard de la preuve documentaire. Toutefois, le tribunal a préféré la preuve documentaire à celle fournie par la demanderesse principale parce que la preuve documentaire provenait de sources indépendantes qui n'avaient pas d'intérêt dans l'issue de la demande.

Si les agents de police nommés par la demanderesse dans l'exposé narratif de son FRP avaient été impliqués dans de la corruption ayant conduit au décès de la victime dans cette affaire, il était peu vraisemblable que les sources indépendantes et dignes de foi (qui pouvaient publier librement et vigoureusement) n'aient pas parlé de ces agents. Il était également peu vraisemblable qu'il n'y ait pas eu de rapports par les médias à lgard de l'enquête soi-disant menée par la demanderesse principale sur le meurtre commis par les policiers, en particulier si cette dernière avait menéla vaste enquête qu'elle prétendait avoir menée.


La demanderesse a été interrogée à lgard de ses vacances au Canada en janvier et février 2002 et des raisons pour lesquelles elle n'avait pas demandé l'asile à ce moment. Le tribunal a estimé que son explication était déraisonnable et il a conclu que l'omission des demanderesses d'avoir demandél'asile au Canada plus tôt et le fait qu'elles aient réclamé de nouveau la protection de ltat en Argentine minaient sérieusement la crédibilité de la demanderesse principale à lgard des mauvais traitements que lui auraient fait subir les policiers dans le passé. Le tribunal a conclu que ces éléments étaient incompatibles avec une crainte subjective dtre persécutées par les policiers.

Il n'a été accordéaucune importance aux deux documents déposés par la demanderesse principale lors de l'audience àtitre de preuve corroborant la prétention selon laquelle sa voiture avait été confisquée le 14 février 2002 par deux agents de police corrompus en raison des conclusions défavorables quant à la crédibilité et du fait que ces documents ne mentionnaient pas l'identité des personnes qui avaient soi-disant saisi et volé sa voiture (même si elle affirme qu'elle savait qui étaient ces hommes).

Le tribunal a estimé que le fait que la demanderesse principale ait continué à pratiquer le droit jusqu'en mai 2002 et le fait qu'elle ait par la suite attendu avant de quitter l'Argentine étaient incompatibles avec une crainte subjective dtre persécutée par les policiers.

Compte tenu des conclusions défavorables quant à la crédibilité, le tribunal n'a pas cru que la demanderesse principale avait mené en novembre et décembre 2001 une enquête sur le meurtre d'Edit Acevedo par les policiers. Le tribunal a conclu que la demanderesse avait tenté d'embellir sa demande d'asile en prétendant qu'elle avait mené cette enquête.

Il ntait pas vraisemblable que la police fédérale ait menacé la demanderesse principale et sa fille de les tuer le 19 décembre 2001et que les policiers l'aient arrêtée le 20 décembre 2001et qu'ils l'aient détenue et physiquement maltraitée pendant trois jours. De plus, compte tenu de l'omission de la demanderesse d'avoir demandé l'asile alors qu'elle était au Canada en janvier et février 2002 et du fait qu'elle stait par la suite réclamée de la protection de ltat en Argentine, ses prétentions selon lesquelles elle avait reçu des menaces des policiers en février et avril 2002 ntaient pas dignes de foi.

La crédibilité de la demanderesse principale était si sérieusement minée que le tribunal a tiré une conclusion de manque de crédibilité en général à lgard de certains éléments principaux de sa demande.

LA QUESTION EN LITIGE

[8]                La question soulevée par les demanderesses est la suivante :

Le tribunal a-t-il fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans avoir tenu compte de la preuve, en particulier à l'égard de sa conclusion selon laquelle la demanderesse principale n'était pas digne de foi?


ANALYSE

Quelle est la norme de contrôle appropriée qui doit être appliquée à la décision du tribunal?

[9]                 Dans l'arrêt Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 732, la Cour d'appel fédérale a traité de la norme de contrôle applicable aux décisions de la Section du statut de réfugié de la façon suivante :

4. Il ne fait pas de doute que le tribunal spécialisé qu'est la section du statut de réfugié a pleine compétence pour apprécier la plausibilité d'un témoignage. Qui, en effet, mieux que lui, est en mesure de jauger la crédibilité d'un récit et de tirer les inférences qui s'imposent? Dans la mesure où les inférences que le tribunal tire ne sont pas déraisonnables au point d'attirer notre intervention, ses conclusions sont à l'abri d'un contrôle judiciaire. [...]

[10]            La Cour ne devrait pas tenter d'apprécier à nouveau la preuve dont le tribunal disposait simplement parce qu'elle aurait tiré une conclusion différente. Dans la mesure où il existe des éléments de preuve au soutien de la conclusion quant à la crédibilité tirée par le tribunal et où aucune erreur manifeste n'a été commise, la décision devrait être maintenue.

Le tribunal a-t-il fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans avoir tenu compte de la preuve, en particulier à l'égard de sa conclusion selon laquelle la demanderesse principale n'était pas digne de foi?

[11]            C'est une conclusion défavorable quant à la crédibilité tirée par le tribunal qui est au coeur de la décision. Le tribunal conclut que la crédibilité de la demanderesse [TRADUCTION] « a été si sérieusement minée qu'elle a amené [le tribunal] à tirer une conclusion de manque de crédibilité en général à l'égard des éléments principaux de la demande d'asile de [la demanderesse principale] » .

[12]            Les éléments principaux de la demande présentée par la demanderesse principale étaient le fait qu'elle avait été engagée par la tante d'Edith Acevedo pour enquêter sur la mort d'Edith et que l'enquête qu'elle avait menée avait révélé des irrégularités dans les activités de la police qui avaient entraîné le meurtre d'Edith par le sergent Bogolieu et deux autres agents de police.

[13]            La demanderesse principale prétendait que son enquête avait révélé qu'Edith avait été tuée par erreur; les policiers avaient tenté de tuer une autre fille qui avait des liens avec un réseau de prostitution exploité par le sergent Bogolieu et d'autres membres du service de police de Buenos Aires.

[14]            En raison de ce que la demanderesse principale avait découvert au cours de son enquête, les demanderesses, dans une série d'incidents, avaient reçu des menaces variées, y compris des menaces de mort.

[15]            Le tribunal n'a pas cru ces éléments principaux de la demande pour les raisons suivantes :

1.          La mort d'Edith Acevedo a été rapportée dans des publications d'Argentine et dans des publications internationales qui ne mentionnaient aucunement la participation de la demanderesse principale à ce dossier ou le nom des policiers nommés par la demanderesse principale. Dans ces publications, d'autres policiers étaient nommés comme les responsables et comme faisant l'objet d'une enquête. Un article, dans le journal Clarin, nommait Roberto Damboriana à titre d'avocat représentant la famille Acevedo;

2.          La Direction des recherches du tribunal n'a pas réussi à trouver les noms des policiers que la demanderesse principale avait mentionnés;

3.          Les publications ne mentionnaient pas que la mort d'Edith Acevedo avait un lien avec de la corruption policière et avec un réseau de prostitution;


4.          Les demanderesses n'avaient pas demandé l'asile au Canada en janvier et février 2002 lorsqu'elles y étaient venues en vacances, même si elles prétendaient que des policiers leur avaient fait des menaces à quatre différentes reprises en décembre 2001, et elles étaient retournées en Argentine;

5.          Le fait que la demanderesse principale ait continué à pratiquer le droit en Argentine jusqu'en mai 2002 est incompatible avec une crainte subjective d'être persécutée par les policiers.

[16]            Lorsqu'on a signalé à la demanderesse principale les divergences précédemment mentionnées, elle a donné les explications suivantes :

1.          Les citoyens en Argentine sont souvent exposés à de la corruption policière et ce qui est rapporté dans les médias est différent de ce qui se passe véritablement;

2.          Elle est retournée en Argentine en février 2002 après ses vacances au Canada parce qu'elle avait cessé d'enquêter sur la mort d'Edith Acevedo et qu'elle pensait donc qu'elle serait en sécurité;

3.          C'est le 15 avril 2002 que deux policiers ont pénétré chez elle en Argentine et l'ont menacée d'enlever sa fille, ce qui l'a finalement décidée à quitter l'Argentine.

[17]            Dans sa décision, le tribunal traite de ces explications données par la demanderesse principale et conclut qu'il ne peut toujours pas accepter les éléments principaux de sa demande pour les raisons suivantes :

1.          Il préférait la preuve documentaire parce qu'elle provenait de sources indépendantes qui n'avaient pas un intérêt dans l'issue de la demande d'asile présentée par la demanderesse;


2.          Les policiers qui avaient participé au meurtre d'Edith Acevedo étaient nommés dans les sources documentaires et ces policiers n'étaient pas les mêmes que ceux mentionnés par la demanderesse principale;

3.          La Direction des recherches n'a trouvé aucune mention des policiers qui avaient été nommés par la demanderesse principale dans son FRP;

4.          La Constitution d'Argentine prévoit la liberté d'expression et de la presse et, même si les autorités publiques peuvent harceler la presse, les médias en cause étaient détenus par des groupes privés et publiaient des articles librement et vigoureusement;

5.          Compte tenu de la liberté et de la vigueur de la presse en Argentine, il est peu vraisemblable que les médias n'aient pas signalé la soi-disant enquête menée par la demanderesse principale;

6.          L'explication de la demanderesse principale quant aux raisons pour lesquelles elle n'avait pas demandé l'asile en janvier et février 2002 et elle était retournée en Argentine était déraisonnable étant donné qu'elle a déclaré que, avant son départ d'Argentine en janvier 2002, des policiers l'avaient menacée de les tuer elle et sa fille.

[18]            Les demanderesses soulèvent plusieurs objections importantes à l'égard de la décision.

Les divergences dans les rapports

[19]            En premier lieu, la demanderesse affirme qu'il y avait des contradictions et des divergences dans les publications sur lesquelles le tribunal se fondait et qui traitaient du décès d'Edith Acevedo. Le tribunal aurait dû prendre en compte et interpréter les renseignements contradictoires.

[20]            Mon examen de cette question m'amène à conclure que le tribunal était conscient de certaines différences qui existaient dans les rapports faits à l'égard de la mort d'Edith Acevedo. La position du tribunal était que le décès d'Edith Acevedo avait été largement couvert, mais qu'aucune mention n'était faite à l'égard de la participation de la demanderesse principale à l'enquête ou, de façon encore plus importante, à l'égard des policiers nommés par la demanderesse principale à titre de responsables du décès d'Edith. En fait, d'autres policiers étaient nommés à titre de responsables. Les divergences dans les rapports à l'égard des détails précis sur la façon selon laquelle Edith est décédée ne chassaient pas les principales préoccupations énumérées par le tribunal. En fait, le tribunal avait demandé à sa Direction des recherches de chercher les noms des policiers nommés par la demanderesse principale, mais elle n'a trouvé aucune mention de ces noms.

La dissimulation policière et la stratégie médiatique

[21]            La demanderesse principale a témoigné que la raison pour laquelle les publications faisaient un récit différent du décès d'Edith Acevedo était que la mort résultait de la corruption policière et politique et que l'affaire était dissimulée. Les policiers nommés endossaient simplement [TRADUCTION] « la responsabilité » . Les demanderesses affirment que c'est une explication vraisemblable et raisonnable quant aux raisons pour lesquelles le récit a été changé dans les médias.

[22]            Une fois de plus, mon examen de la décision révèle que le tribunal a été attentif à cette question. Le tribunal a clairement examiné la liberté et la vigueur de la presse et des autres médias en Argentine et il a conclu qu'ils sont des sources d'information indépendantes et dignes de foi. Évidemment, il est possible de ne pas partager cette opinion, mais le tribunal a traité de la question et la Cour ne devrait pas intervenir quant aux conclusions du tribunal à cet égard à moins qu'il y ait une erreur susceptible de contrôle.


La conclusion quant à l'invraisemblance

[23]            Les demanderesses prétendent que le tribunal a commis une erreur lorsqu'il a contesté la crédibilité de la demanderesse principale en se fondant sur des conclusions quant à l'invraisemblance, notamment à l'égard de la question de la corruption policière. Les demanderesses renvoient la Cour aux mises en garde à l'égard de l'invraisemblance faites dans les décisions Garcia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 387 , 2003 CFPI 279, et Shenoda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 273, 2003 CFPI 207.

[24]            La critique faite par les demanderesses à cet égard doit être examinée en prenant en compte l'ensemble de la décision. Le coeur de la décision est la contradiction entre le récit fait par la demanderesse principale à l'égard du rôle qu'elle avait joué dans l'affaire Edith Acevedo et les récits de cette affaire contenus dans plusieurs publications mentionnées par le tribunal. Compte tenu de ce que les publications avaient rapporté à l'égard de facteurs très importants, le récit de la demanderesse principale manquait de crédibilité. Ce fait et les autres préoccupations (l'omission d'avoir demandé l'asile plus tôt, le retour en Argentine après avoir subi des menaces et le fait d'avoir continué à pratiquer le droit jusqu'en mai 2002) ont amené le tribunal à conclure que la crédibilité dans son ensemble était la préoccupation principale et ont entraîné la conclusion selon laquelle les explications et les affirmations de la demanderesse à l'égard du rôle de la corruption policière et politique dans l'affaire étaient invraisemblables.

[25]            Je ne vois aucune erreur susceptible de contrôle à cet égard.


Conclusions

[26]            Je suis d'avis que les questions précédemment traitées sont au coeur de la présente demande. La décision dépend de la façon selon laquelle le tribunal a traité de ces questions. Il est possible de ne pas partager l'opinion du tribunal à l'égard de certaines de ses conclusions, mais le tribunal a énoncé suffisamment de motifs et a renvoyé à suffisamment d'éléments de preuve au soutien de sa conclusion principale selon laquelle il ne pouvait pas croire les éléments principaux du récit de la demanderesse. En fin de compte, la demanderesse demande simplement à la Cour d'apprécier à nouveau la preuve et de tirer une conclusion différente de celle tirée par le tribunal. Ce n'est toutefois pas l'objet d'une demande de contrôle judiciaire et la Cour refuse d'intervenir à l'égard de la décision.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.          Il n'y a pas de questions aux fins de la certification.

« James Russell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                       IMM-2330-03

INTITULÉ :                                      ALEJANDRA MYRIA LOPEZ ET AL

     c.

     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

     DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :               CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 28 JANVIER 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                     LE JUGE RUSSELL

DATE DES MOTIFS :                    LE 26 FÉVRIER 2004

COMPARUTIONS :

Lori A. O'Reilly                                                                        POUR LES DEMANDERESSES

Robert Drummond                                                                    POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

O'Reilly Law OfficePOUR LES DEMANDERESSES

Calgary (Alberta)

Morris RosenbergPOUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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